Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Dossiers : 2006-2969(IT)G

2007-1950(IT)G

ENTRE :

 

SARA DORIS SKINNER, EN SA QUALITÉ D’EXÉCUTRICE TESTAMENTAIRE DE FEU RONALD SKINNER,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requêtes de l’intimée entendues conjointement sur exposé conjoint des faits avec les requêtes de

Sara Doris Skinner, (2006-2972(IT)G et 2007-1949(IT)G),

le 4 septembre 2008, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Kurt G. Wintermute

Avocate de l’intimée :

Me Karen Janke

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

 

Vu la requête présentée par l’intimée en vertu des articles 58 et 65 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles ») en vue d’obtenir les ordonnances suivantes :

 

1.         Une ordonnance rejetant les appels concernant l’année d’imposition 2001 (2006‑2972(IT)G et 2006‑2969(IT)G) conformément à l’alinéa 58(3)a) des Règles;

 

2.         Une ordonnance tranchant les questions de droit suivantes à l’égard des appels concernant l’année d’imposition 2002 (2007‑1949(IT)G et 2007‑1950(IT)G) conformément à l’alinéa 58(1)a) des Règles :

 

a.         En vue d’obtenir la déduction d’un montant donné en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans le calcul du revenu pour une année d’imposition, doit‑il y avoir inclusion dans le revenu d’un montant en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans la détermination finale de la dette fiscale par le ministre du Revenu national au cours d’une année d’imposition antérieure?

 

b.         Dans l’affirmative, les appels concernant l’année d’imposition 2002 doivent‑ils être rejetés?

 

Vu les observations des avocats et les documents déposés;

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.       Les appels concernant l’année d’imposition 2001 (2006-2972(IT)G et 2006-2969(IT)G) sont rejetés;

 

2.       Quant aux appels concernant l’année d’imposition 2002 (2007‑1949(IT)G et 2007‑1950(IT)G) :

 

a)       il est répondu par l’affirmative à la question de savoir si, en vue d’obtenir la déduction d’un montant donné en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans le calcul du revenu pour une année d’imposition, il doit y avoir inclusion dans le revenu d’un montant en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans la détermination finale de la dette fiscale par le ministre du Revenu national au cours d’une année d’imposition antérieure;

 

b)      compte tenu de cette détermination, les appels concernant l’année d’imposition 2002 (2007-1949(IT)G et 2007‑1950(IT)G) sont rejetés.

 

      


Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juillet 2009.

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de décembre 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

Dossiers : 2006-2972(IT)G

2007-1949(IT)G

ENTRE :

 

SARA DORIS SKINNER,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requêtes de l’intimée entendues conjointement sur exposé conjoint des faits avec les requêtes de

Sara Doris Skinner, en sa qualité d’exécutrice testamentaire de

feu Ronald Skinner,

(2006-2969(IT)G et 2007-1950(IT)G),

le 4 septembre 2008, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Kurt G. Wintermute

Avocate de l’intimée :

Me Karen Janke

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

 

Vu la requête présentée par l’intimée en vertu des articles 58 et 65 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles ») en vue d’obtenir les ordonnances suivantes :

 

1.         Une ordonnance rejetant les appels concernant l’année d’imposition 2001 (2006‑2972(IT)G et 2006‑2969(IT)G) conformément à l’alinéa 58(3)a) des Règles;

 

2.         Une ordonnance tranchant les questions de droit suivantes à l’égard des appels concernant l’année d’imposition 2002 (2007‑1949(IT)G et 2007‑1950(IT)G) conformément à l’alinéa 58(1)a) des Règles :

 

a.         En vue d’obtenir la déduction d’un montant donné en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans le calcul du revenu pour une année d’imposition, doit‑il y avoir inclusion dans le revenu d’un montant en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans la détermination finale de la dette fiscale par le ministre du Revenu national au cours d’une année d’imposition antérieure?

 

b.         Dans l’affirmative, les appels concernant l’année d’imposition 2002 doivent‑ils être rejetés?

 

Vu les observations des avocats et les documents déposés;

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.       Les appels concernant l’année d’imposition 2001 (2006-2972(IT)G et 2006-2969(IT)G) sont rejetés;

 

2.       Quant aux appels concernant l’année d’imposition 2002 (2007‑1949(IT)G et 2007‑1950(IT)G) :

 

a)       il est répondu par l’affirmative à la question de savoir si, en vue d’obtenir la déduction d’un montant donné en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans le calcul du revenu pour une année d’imposition, il doit y avoir inclusion dans le revenu d’un montant en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans la détermination finale de la dette fiscale par le ministre du Revenu national au cours d’une année d’imposition antérieure;

 

b)      compte tenu de cette détermination, les appels concernant l’année d’imposition 2002 (2007-1949(IT)G et 2007‑1950(IT)G) sont rejetés.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juillet 2009.

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de décembre 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 269

Date : 20090703

Dossiers : 2006-2969(IT)G

2007-1950(IT)G

ENTRE :

 

SARA DORIS SKINNER, EN SA QUALITÉ D’EXÉCUTRICE TESTAMENTAIRE DE FEU RONALD SKINNER,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET ENTRE :

2006-2972(IT)G

2007-1949(IT)G

SARA DORIS SKINNER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

La juge Sheridan

 

 

Introduction

 

[1]     La requête présentée par l’intimée découle d’appels que les appelants ont interjetés de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour les années d’imposition 2001 et 2002. En résumé, dans les appels concernant l’année 2001, les appelants contestent la décision du ministre d’exclure de leur revenu des prêts à un actionnaire de 1,1 million de dollars qu’ils avaient déclarés conformément au paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») ainsi que le refus d’accorder des crédits pour impôt étranger à l’égard de ce revenu. En ce qui concerne l’année 2002, les appelants interjettent appel du refus du ministre d’accorder la déduction qu’ils avaient demandée pour le remboursement d’un prêt à un actionnaire en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi.

 

[2]     Immédiatement avant l’audition des appels, l’intimée a présenté une requête en vue d’obtenir :

 

1.         Une ordonnance rejetant les appels concernant l’année d’imposition 2001 (2006‑2972(IT)G et 2006‑2969(IT)G) conformément à l’alinéa 58(3)a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt ( procédure générale) (les « Règles »);

 

2.         Une ordonnance tranchant les questions de droit suivantes à l’égard des appels concernant l’année d’imposition 2002 (2007‑1949(IT)G et 2007‑1950(IT)G) conformément à l’alinéa 58(1)a) des Règles :

a.         En vue d’obtenir la déduction d’un montant donné en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans le calcul du revenu pour une année d’imposition, doit‑il y avoir inclusion dans le revenu d’un montant en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans la détermination finale de la dette fiscale par le ministre du Revenu national au cours d’une année d’imposition antérieure?

 

b.         Dans l’affirmative, les appels concernant l’année d’imposition 2002 doivent‑ils être rejetés?

 

 

[3]     L’audition de la requête s’est déroulée sur la base d’un exposé conjoint des faits et notamment des documents qui y sont mentionnés et qui sont joints à titre de pièces, ainsi que sur la base des actes de procédure et des procédures en cause dans les appels.

 

[4]     Le texte de l’exposé conjoint des faits est reproduit ci‑dessous :

 

[traduction]

 

1.    En 1987, les appelants ont acheté un condominium (le « condo ») situé au 4000, Wailea Alanui, no 1401, à Kihei, Hawaii, lequel a coûté 846 058 $US;

 

2.    Le 17 janvier 2001, les appelants ont disposé du condo pour un montant de 4 200 000 $US et chacun a payé la taxe américaine et la taxe de l’État d’Hawaii, de 321 947 $US (498 502 $CAN) sur le gain en capital;

 

3.    En produisant leurs déclarations de revenu personnelles T1 initiales pour l’année 2001, les appelants n’ont pas indiqué de revenu étranger non tiré d’une entreprise, si ce n’est le gain en capital net réalisé par suite de la vente du condo;

 

4.    Le 6 décembre 2001 ou vers cette date, les appelants et leur fille, Kimberley Dawn South, ont organisé et fait enregistrer Rondor Investments (USA), LLC (« Rondor »), en Californie, les appelants et leur fille étant inscrits à titre de membres de la société à responsabilité limitée;

 

5.    L’exercice de Rondor prenait fin le dernier vendredi du mois de décembre de chaque année civile; son premier exercice a pris fin le 28 décembre 2001 et son deuxième exercice a pris fin le 27 décembre 2002;

 

6.    Le 29 novembre 2001 ou vers cette date, les appelants ont chacun emprunté un montant de 1 100 000 $CAN de la caisse de crédit Yorkton, à Yorkton (Saskatchewan);

 

7.    Le 18 décembre 2001, les appelants ont chacun effectué un apport en capital de 1 089 000 $CAN en faveur de Rondor et ils ont prêté un montant de 11 000 $CAN à leur fille, qui a effectué un apport en capital de 22 000 $CAN en faveur de Rondor;

 

8.    Le 19 décembre 2001, chacun des appelants a emprunté un montant de 1 100 000 $CAN de Rondor et a remis un billet à Rondor;

 

9.    Le 27 décembre 2002, les prêts consentis aux appelants n’étaient toujours pas remboursés;

 

10.  Le 30 décembre 2002, Rondor a émis des billets au montant de 1 089 000 $CAN en faveur de chacun des appelants à titre de remboursement de leurs apports en capital;

 

11.  Le 31 décembre 2002, Rondor a accepté les billets de chacun des appelants ainsi qu’un paiement en espèces de 11 000 $CAN à titre de remboursement intégral des prêts;

 

Historique des productions et cotisations

 

Année d’imposition 2001 – Ronald Skinner

 

12.  Le 26 avril 2002 ou vers cette date, Ronald Skinner a produit sa déclaration de revenu personnelle pour l’année 2001 au Canada et a présenté un formulaire T2091, désignant le condo à titre de résidence principale, en divulguant un gain en capital de 2 342 901 $CAN et en demandant une exemption de 2 342 901 $CAN pour résidence principale. (Une copie de la déclaration de revenu de Ronald Skinner pour l’année 2002 est jointe sous la cote A);

 

13.  Le 10 juin 2002, cette déclaration de revenu personnelle concernant l’année 2001 a fait l’objet d’une cotisation telle qu’elle avait été produite. (Une copie de l’avis de cotisation est jointe sous la cote B);

 

14.  Le 4 mars 2003 ou vers cette date, la succession de Ronald Skinner (la « succession ») a présenté une demande auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») pour le compte de Ronald Skinner en vue de faire modifier la déclaration de revenu personnelle concernant l’année 2001 de Ronald Skinner de façon à inclure un montant de 1 100 000 $ conformément au paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard d’un prêt à un actionnaire non remboursé. La succession a demandé que ce revenu soit inclus à titre de revenu étranger non tiré d’une entreprise et a demandé des crédits pour impôt étranger aux montants de 310 554,75 $ (fédéral) et de 172 875,58 $ (provincial). (Une copie de la déclaration de revenu modifiée pour l’année 2001 est jointe sous la cote C);

 

15.  La déclaration modifiée de Ronald Skinner a initialement fait l’objet d’une cotisation telle qu’elle avait été produite et la dette fiscale a été établie à 13 205,23 $. (Des copies des avis de nouvelle cotisation en date du 29 avril 2003 et du 15 mai 2003 sont jointes sous les cotes D et E. Dans l’avis de nouvelle cotisation daté du 29 avril 2003, il y avait une erreur en ce qui concerne la cotisation de l’impôt provincial de la Saskatchewan, laquelle a été corrigée dans l’avis de nouvelle cotisation du 15 mai 2003);

 

16.  Par un avis de nouvelle cotisation daté du 9 juin 2005, l’ARC a annulé l’inclusion du montant de 1 100 000 $ dans le revenu, a refusé la demande de crédits pour impôt étranger et a ramené l’impôt fédéral net exigible à 4 167,14 $. (Une copie de l’avis de nouvelle cotisation et le formulaire T7W‑C sont joints sous la cote F);

 

17.  Cet avis de nouvelle cotisation a été ratifié par un avis de ratification daté du 23 juin 2006 délivré par le ministre pour le motif que les opérations ayant donné lieu à un revenu en vertu du paragraphe 15(2) et à des crédits pour impôt étranger en 2001 constituaient un trompe-l’œil, ou subsidiairement, des opérations d’évitement. (Une copie de l’avis de ratification est jointe sous la cote G);

 

Année d’imposition 2001 – Sara Doris Skinner

 

18.  Le 26 avril 2002 ou vers cette date, Sara Doris Skinner a produit sa déclaration de revenu personnelle pour l’année 2001 au Canada et a présenté un formulaire T2091, désignant le condo à titre de résidence principale, en divulguant un gain en capital de 2 342 901 $CAN et en demandant une exemption de 2 342 901 $CAN pour résidence principale. (Une copie de la déclaration de revenu de Sara Doris Skinner pour l’année 2002 est jointe sous la cote H);

 

19.  Le 6 juin 2002, cette déclaration de revenu personnelle concernant l’année 2001 a fait l’objet d’une cotisation telle qu’elle avait été produite;

 

20.  Le 4 mars 2003 ou vers cette date, Sara Doris Skinner a présenté une demande auprès de l’ARC en vue de faire modifier sa déclaration de revenu personnelle concernant l’année 2001 de façon à inclure un montant de 1 100 000 $ conformément au paragraphe 15(2) de la Loi à l’égard d’un prêt à un actionnaire non remboursé. Sara Doris Skinner a demandé que ce revenu soit inclus à titre de revenu étranger non tiré d’une entreprise et a demandé des crédits pour impôt étranger aux montants de 310 499 $ (fédéral) et de 172 856 $ (provincial). (Une copie de la déclaration de revenu modifiée pour l’année 2001 est jointe sous la cote I);

 

21.  La déclaration modifiée de Sara Doris Skinner a initialement fait l’objet d’une cotisation telle qu’elle avait été produite et l’impôt exigible a été établi à 8 091,33 $. (Une copie de l’avis de nouvelle cotisation en date du 27 mars 2003 est jointe sous la cote J);

 

22.  Par un avis de nouvelle cotisation daté du 3 juin 2005, l’ARC a annulé l’inclusion du montant de 1 100 000 $ dans le revenu, a refusé la demande de crédits pour impôt étranger et a ramené l’impôt fédéral net exigible à 2 359,73 $. (Une copie de l’avis de nouvelle cotisation et le formulaire T7W‑C sont joints sous la cote K);

 

23.  Cet avis de nouvelle cotisation a été ratifié par un avis de ratification daté du 23 juin 2006 délivré par le ministre pour le motif que les opérations ayant donné lieu à un revenu en vertu du paragraphe 15(2) et à des crédits pour impôt étranger en 2001 constituaient un trompe-l’œil, ou subsidiairement, des opérations d’évitement. (Une copie de l’avis de ratification est jointe sous la cote L);

 

Année d’imposition 2002 – Ronald Skinner

 

24.  En produisant la déclaration de revenu personnelle de 2002 pour le compte de Ronald Skinner, la succession a demandé une déduction de 1 100 000 $ conformément à l’alinéa 20(1)j) de la Loi en ce qui concerne le remboursement d’un prêt à un actionnaire et elle a déclaré une perte autre qu’en capital de 1 063 111,11 $, à l’égard de laquelle elle a demandé qu’un montant de 228 982 $ soit reporté à son année d’imposition 1999 et qu’un montant de 288 621 $ soit reporté à son année d’imposition 2000, de sorte qu’il restait un solde de 545 508,11 $ au titre d’une perte autre qu’en capital à reporter prospectivement. (Une copie de la déclaration de revenu personnelle concernant l’année 2002 est jointe sous la cote M);

 

25.  Le 29 septembre 2003, l’ARC a délivré un avis de cotisation par lequel elle refusait la déduction d’un montant de 1 089 000 $ pour le motif que l’émission d’un billet ne constituait pas un remboursement. La cotisation a entraîné une dette fiscale nulle. (Une copie de l’avis de cotisation est jointe sous la cote N);

 

26.  À la demande de la succession, l’ARC a délivré un avis de détermination d’une perte en date du 29 septembre 2006, le montant de la perte autre qu’en capital pour l’année 2002 étant nul. (Une copie de l’avis de détermination est jointe sous la cote O);

 

27.  Cet avis de détermination a été ratifié par un avis de ratification en date du 23 janvier 2007 pour le motif que les opérations ayant donné lieu au crédit pour impôt étranger et au revenu visé au paragraphe 15(2) en 2001 et la déduction visée à l’alinéa 20(1)j) en 2002 constituaient un trompe-l’œil; subsidiairement, les prêts à un actionnaire qui ont entraîné l’inclusion de certains montants dans le revenu en vertu du paragraphe 15(2) constituent un revenu d’une source canadienne; ou, subsidiairement encore, ces opérations étaient des opérations d’évitement. (Une copie de l’avis de ratification est jointe sous la cote P);

 

Année d’imposition 2002 – Sara Doris Skinner

 

28.  En produisant sa déclaration de revenu personnelle de 2002, Sara Doris Skinner a demandé une déduction de 1 100 000 $ conformément à l’alinéa 20(1)j) de la Loi en ce qui concerne le remboursement d’un prêt à un actionnaire et elle a déclaré une perte autre qu’en capital de 1 074 322,44 $, à l’égard de laquelle elle a demandé qu’un montant de 99 337 $ soit reporté à son année d’imposition 1999 et qu’un montant de 117 134 $ soit reporté à son année d’imposition 2000, de sorte qu’il restait un solde de 857 851,44 $ au titre d’une perte autre qu’en capital à reporter prospectivement. (Une copie de la déclaration de revenu personnelle concernant l’année 2002 est jointe sous la cote Q);

 

29.  Le 5 septembre 2003, l’ARC a délivré un avis de nouvelle cotisation par lequel la déduction a été admise telle qu’elle avait été demandée. (Une copie de l’avis de nouvelle cotisation est jointe sous la cote R);

 

30.  Le 29 septembre 2003, l’ARC a délivré un avis de nouvelle cotisation par lequel elle refusait la déduction d’un montant de 1 089 000 $ pour le motif que l’émission d’un billet ne constituait pas un remboursement. La nouvelle cotisation a entraîné une dette fiscale nulle. (Une copie de l’avis de nouvelle cotisation est jointe sous la cote S);

 

31.  À la demande de Sara Doris Skinner, l’ARC a délivré un avis de détermination d’une perte en date du 29 septembre 2006, le montant de la perte autre qu’en capital pour l’année 2002 étant nul. (Une copie de l’avis de détermination est jointe sous la cote T);

 

32.  Cet avis de détermination a été ratifié par un avis de ratification en date du 23 janvier 2007 pour le motif que l’opération ayant donné lieu au crédit pour impôt étranger et au revenu visé au paragraphe 15(2) en 2001 et la déduction visée à l’alinéa 20(1)j) en 2002 constituaient un trompe-l’œil; subsidiairement, les prêts à un actionnaire qui ont entraîné l’inclusion de certains montants dans le revenu en vertu du paragraphe 15(2) constituent un revenu d’une source canadienne; ou, subsidiairement encore, ces opérations étaient des opérations d’évitement. (Une copie de l’avis de ratification est jointe sous la cote U);

 

 

Les appels interjetés devant la Cour canadienne de l’impôt

 

33.  Les appels que la succession a interjetés devant la Cour canadienne de l’impôt résultent de l’avis de nouvelle cotisation daté du 9 juin 2005 (lequel a par la suite été ratifié par un avis de ratification daté du 23 juin 2006) pour l’année d’imposition 2001 et de l’avis de détermination d’une perte daté du 29 septembre 2006 (par la suite ratifié par un avis de ratification daté du 23 janvier 2007) pour l’année d’imposition 2002;

 

34.  Les appels que Sara Doris Skinner a interjetés devant la Cour canadienne de l’impôt résultent de l’avis de nouvelle cotisation daté du 3 juin 2005 (lequel a par la suite été ratifié par un avis de ratification daté du 23 juin 2006) pour l’année d’imposition 2001 et de l’avis de détermination daté du 29 septembre 2006 (par la suite ratifié par un avis de ratification daté du 23 janvier 2007) pour l’année d’imposition 2002;

 

35.  Pour l’année d’imposition 2001, les appelants sollicitent chacun l’annulation des avis de nouvelle cotisation;

 

36. Pour l’année d’imposition 2002, les appelants demandent des déductions conformément à l’alinéa 20(1)j) de la Loi. Ces déductions donnent lieu à des pertes autres qu’en capital, que les appelants cherchent à imputer à d’autres années d’imposition. Aucune autre question n’est en litige dans les appels concernant les années d’imposition 2002.

 

[5]     Pour plus de commodité, dans les présents motifs, les cotisations individuelles dont les appelants interjettent appel, c’est‑à‑dire les avis de nouvelle cotisation concernant l’année 2001[1] et les avis de détermination/nouvelle détermination de la perte concernant l’année 2002[2], sont appelées collectivement « nouvelle cotisation de 2001 » et la « détermination de la perte de 2002 » respectivement. Les montants individuels déclarés par les appelants à titre de prêts à des actionnaires sont appelés, dans les présents motifs, « le prêt à un actionnaire ».

 

 

La nouvelle cotisation de 2001

 

[6]     En ce qui concerne les appels de la nouvelle cotisation de 2001, l’intimée sollicite une ordonnance rejetant les appels en vertu de l’alinéa 58(3)a) des Règles pour le motif que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence pour rendre une ordonnance entraînant une augmentation de l’impôt établi. Les parties conviennent que les appelants cherchent à faire annuler la nouvelle cotisation de 2001, de façon que soit rétablie la cotisation antérieure par laquelle le ministre avait inclus le prêt à un actionnaire dans leur revenu de 2001. La chose entraînerait sans aucun doute une augmentation de leur dette fiscale pour cette année‑là.

 

[7]     L’avocate de l’intimée a fait valoir que la jurisprudence est claire et qu’elle lie la présente cour : la Cour n’est pas autorisée à ordonner une augmentation de l’impôt établi étant donné que cela « équivaut à permettre au ministre d’interjeter appel de sa propre nouvelle cotisation »[3], soit un pouvoir que la Couronne ne possède pas en vertu de la législation. À l’appui de cette prétention, l’intimée a en particulier invoqué la décision Harris v. Canada, (Minister of National Revenue – M.N.R.)[4], de la Cour de l’Échiquier du Canada, ainsi que quatre décisions plus récentes de la Cour d’appel fédérale, Abed Estate v. Canada[5]; Pedwell v. Canada[6]; Petro-Canada v. Canada[7] et Bruner c. Canada[8].

 

[8]     L’intimée a également pris la position selon laquelle, de toute façon, rien ne permet d’annuler la nouvelle cotisation de 2001 : cette nouvelle cotisation a été établie au cours de la période normale de nouvelle cotisation et, cela étant, il s’agit d’une cotisation valide par laquelle a été annulée et remplacée la cotisation antérieure, selon laquelle le prêt à un actionnaire avait été inclus dans le revenu[9]. Il s’ensuit que la cotisation antérieure n’existe plus[10] et ne peut pas être rétablie par une ordonnance annulant la nouvelle cotisation de 2001. Enfin, l’intimée a soutenu que le droit d’appel résulte du calcul effectué par le ministre, et non des calculs eux‑mêmes[11].

 

[9]     Les appelants ont soutenu que, même si le redressement recherché entraîne une augmentation de leur dette fiscale, la Cour a de fait compétence pour entendre leurs appels. Cette position est fondée sur les arguments suivants :

 

[traduction]

 

a)         le principe invoqué par l’intimée, à savoir que la Cour n’a pas compétence pour entendre un appel visant à faire augmenter le montant d’une cotisation, ne s’applique pas aux faits et circonstances ici en cause;

 

b)         dans la mesure où la jurisprudence a établi un principe général selon lequel la Cour n’a pas compétence pour entendre un appel portant sur une augmentation du montant de la cotisation, ce principe est dénué de fondement compte tenu de la législation habilitante qui confère à la Cour sa compétence;

 

c)         selon la position prise par les appelants, le principe initial voulant que le ministre ne puisse pas interjeter appel de sa propre cotisation a été appliqué et interprété d’une façon erronée dans la jurisprudence et sa portée a été élargie bien au‑delà du sens et de l’objet prévus.[12]

 

[10]    À l’appui, l’avocat des appelants a effectué un examen approfondi de la jurisprudence immédiatement avant la décision Harris et immédiatement après cette décision. Étant donné le rôle crucial qu’elle a dans l’évolution de la jurisprudence, il est utile d’examiner la décision Harris en détail.

 

[11]    En 1960, M. Harris avait demandé une déduction pour amortissement de 30 425,80 $ à l’égard d’un bâtiment qu’il louait. En établissant la nouvelle cotisation, le ministre a refusé la déduction pour amortissement au complet, mais il a admis une déduction de 775,02 $ pour les frais de location (que M. Harris n’avait jamais déduits)[13]. M. Harris a interjeté appel du refus d’accorder la déduction pour amortissement; la Commission d’appel de l’impôt a confirmé la nouvelle cotisation.

 

[12]    M. Harris a interjeté appel devant la Cour de l’Échiquier. L’argument subsidiaire que la Couronne a invoqué devant le juge Thurlow était que, si l’article 18 de la Loi s’appliquait au cas de M. Harris, une déduction pour amortissement de 525 $ aurait dû être admise, les frais de location ne pouvant toutefois pas être déduits. La Couronne a soutenu que, si cette prétention était retenue, le redressement à accorder consisterait à accueillir l’appel et à renvoyer l’affaire au ministre pour nouvelle cotisation sur cette base[14]. Toutefois, étant donné que, dans sa réponse, la Couronne n’avait pas soulevé la question des frais de location, elle a d’abord demandé l’autorisation de modifier ses actes de procédure en conséquence. La Cour a rejeté la demande de la Couronne pour le motif suivant :

 

[traduction]

 

17       [...] je ne crois pas qu’il s’agisse de la bonne façon de régler la question. Lorsqu’un contribuable interjette appel devant la Cour, la question fondamentale à trancher est de savoir si la cotisation est trop élevée. Cela peut dépendre des montants qui peuvent être déduits dans le calcul du revenu et de ceux qui ne le peuvent pas, mais, à mon avis, on statue sur ces questions seulement dans le but de tirer une conclusion relativement à la question fondamentale. La loi ne permet pas au ministre d’appeler de la cotisation devant la Cour, et comme dans les circonstances en l’espèce le refus de la déduction du montant de 775,02 $ et l’autorisation de la déduction du montant de 525 $ entraîneraient une augmentation de la cotisation, le renvoi de l’affaire au ministre à cette fin aurait pour effet d’augmenter la cotisation et donc essentiellement d’accueillir un appel interjeté devant la Cour par le ministre. La demande d’autorisation de modifier la réponse est donc refusée.[15]

                                                                                         [Non souligné dans l’original.]

 

[13]    La Cour a finalement conclu que M. Harris avait droit à une déduction pour amortissement de 525 $, mais elle a néanmoins rejeté l’appel pour le motif suivant :

 

[traduction]

[…] étant donné qu’il n’est pas démontré que la déduction à laquelle [M. Harris] a droit en vertu de l’article 18 excède le montant de 775,02 $ que le ministre, à mon avis, a refusé à tort au titre du loyer, le montant de l’impôt établi contre l’appelant n’excède donc pas son obligation, de sorte qu’il ne saurait se plaindre du rejet de l’appel.[16]

 

[14]    Comme il en a ci‑dessus été fait mention, l’avocat des appelants a examiné les décisions qui étaient expressément ou implicitement fondées sur la décision Harris, notamment certaines décisions rendues en appel. Toutefois, avant de traiter des arguments invoqués sur ce point, il est utile de s’arrêter aux décisions plus récentes de la Cour d’appel fédérale que l’avocat des appelants a examinées et que l’intimée a invoquées, la plus ancienne étant Abed Estate v. Canada[17]. Le passage pertinent est celui dans lequel la Cour tire la conclusion suivante :

 

En outre, la Cour ne pouvait pas à mon avis rendre un jugement qui pouvait entraîner, pour certaines des années en cause, une cotisation plus élevée que la cotisation contestée en l’espèce. Par conséquent, la Division de première instance n’aurait pas dû réserver à M. Abed le droit de consentir à l’application des dispositions de l’article 85B relatives à la réserve.[18]

 

[15]    Dans l’arrêt Pedwell v. Canada, la Cour d’appel fédérale est arrivée à une conclusion similaire au sujet des limitations des pouvoirs conférés à la Cour au paragraphe 171(1). Dans cette affaire, le contribuable avait contesté l’inclusion dans son revenu personnel d’un montant d’environ 180 000 $, soit un montant, selon le motif pour lequel le ministre avait établi la cotisation, que le contribuable s’était attribué et qui constituait le produit de la vente de certains fonds appartenant à la société de celui‑ci. À l’instruction, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que le contribuable ne s’était pas attribué le montant en question et il a accueilli l’appel; toutefois, la Cour a ensuite renvoyé la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que celui‑ci avait conclu que le contribuable s’était attribué le produit de la vente de certains autres biens appartenant à la société.

 

[16]    Le contribuable avait interjeté appel devant la Cour d’appel fédérale en vue de faire annuler la décision de la Cour canadienne de l’impôt pour le motif que les opérations concernant les autres biens ne constituaient pas le fondement de la cotisation visée par l’appel et ne pouvaient donc pas sous‑tendre la décision de la Cour. Le juge Rothstein (tel était alors son titre) était d’accord; il a accueilli l’appel pour le motif suivant :

 

Dans sa décision et après la présentation de la preuve et des arguments relatifs aux motifs de cotisation du ministre en l’espèce, le juge de la Cour de l’impôt a pris l’initiative de modifier le fondement de cette cotisation sans que l’appelant ait la possibilité de se faire entendre quant à cette modification. Cela ressort du fait que le jugement de la Cour de l’impôt a accueilli l’appel interjeté par l’appelant, c’est-à-dire, qu’il a conclu qu’il n’y avait pas appropriation d’un bien-fonds, ce qui constituait le fondement de la cotisation du ministre, tout en renvoyant l’affaire au ministre pour qu’il établisse une nouvelle cotisation fondée sur l’appropriation [des autres biens non visés par l’appel]. Ce qui s’est produit équivaut à permettre au ministre d’interjeter appel de sa propre nouvelle cotisation.[19]

[Non souligné dans l’original.]

 

[17]    Cette idée est réitérée dans l’arrêt Petro-Canada v. Canada, où la question portée en appel se rapportait au refus du ministre d’admettre en partie certains frais de données sismiques dont le contribuable avait demandé la déduction. Cette déduction était fondée sur la juste valeur marchande des données sismiques, d’environ 46 millions de dollars; en établissant la nouvelle cotisation, le ministre a réduit ce montant à environ 8,9 millions de dollars. À l’instruction, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que la juste valeur marchande des données sismiques ne s’élevait qu’à 4,7 millions de dollars, soit environ la moitié du montant que le ministre avait en fait admis. Toutefois, compte tenu de la décision Harris, le ministre « ne pouvait pas soutenir, et n’a pas soutenu » que la déduction des frais de données sismiques admise par le ministre dans la cotisation visée par l’appel devait être réduite de façon à être conforme aux conclusions tirées par la Cour.

 

[18]    Toutefois, la Cour avait également à sa disposition un jugement sur consentement selon lequel le ministre avait convenu d’accorder au contribuable une déduction supplémentaire de 700 000 $ à l’égard des frais de recherche scientifique et de développement expérimental.

 

[19]    En statuant sur l’affaire, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel quant à la question des données sismiques, mais il a également refusé de donner effet au jugement rendu sur consentement à l’égard des frais de recherche scientifique et de développement expérimental pour le motif que le contribuable avait déjà obtenu une déduction au titre des frais de données sismiques, laquelle « [...] dépassait de bien plus de 700 000 $ [son] droit […] à une déduction, et [que] la question ultime qui [...] était posée [à la Cour] concernait la justesse de la cotisation visée par l’appel [...] »[20].

 

[20]    Le contribuable a porté l’affaire en appel. La Cour d’appel fédérale a retenu la conclusion tirée par le juge de première instance, selon laquelle la juste valeur marchande était inférieure au montant admis dans la cotisation et, en citant la décision Harris, elle a confirmé le rejet de l’appel sur ce point. Toutefois, la Cour a annulé le refus de donner effet au jugement rendu sur consentement, et ce, pour le motif suivant :

 

[...] Refuser les justes prétentions de Petro‑Canada à la déduction au titre des frais de recherche scientifique et de développement expérimental avait le même effet qu’une ordonnance faisant droit à telles prétentions mais réduisant de la même somme la déduction de Petro‑Canada pour frais de données sismiques. C’est comme si le juge avait fait droit en partie à l’appel de la Couronne contre la déduction pour frais de données sismiques. Le juge faisait indirectement ce qu’il n’aurait pu faire directement. À mon avis, il a commis une erreur en refusant de donner effet au jugement convenu.[21]

[Non souligné dans l’original.]

 

[21]    Dans la dernière affaire susmentionnée, Bruner c. Canada, la Couronne avait interjeté appel du rejet par la Cour canadienne de l’impôt de la requête qu’elle avait présentée en vue de faire rejeter l’appel interjeté par le contribuable pour le motif que cet appel portait sur une cotisation prescrivant qu’aucun impôt n’était payable. La question stricte dont la Cour d’appel fédérale était saisie était de savoir si le principe voulant qu’une « cotisation néant » ne puisse pas être portée en appel en vertu de la Loi s’applique également à un appel interjeté en vertu de la Loi sur la taxe d’accise. Les faits quelque peu inhabituels de l’affaire sont résumés dans les motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt :

 

[3]        M. Bruner a constitué la société le 4 juillet 1994. Il en est depuis le début l’unique actionnaire, dirigeant et administrateur, en même temps que l’âme dirigeante. La société et M. Bruner sont devenus des inscrits en vertu des dispositions de la partie IX de la Loi le 7 juillet 1994. La première période de déclaration pour chacun d’eux s’est terminée le 31 juillet 1994. Le 5 juillet 1994, M. Bruner a enregistré l’appellation commerciale « More Black Ink » en vertu de la Loi sur les noms commerciaux de l’Ontario, ce qui lui a coûté 60 $. Le 29 juillet 1994, il a vendu cette appellation commerciale à la société, qui lui a remis en échange un billet à ordre ne portant pas intérêt d’une valeur nominale d’un billion de dollars (1 000 000 000 000 $) arrivant à échéance 499 ans plus tard, soit le 29 juillet 2493. Monsieur Bruner prétend qu’il s’agit d’une opération commerciale se rapportant à une entreprise que la société entendait exploiter et au sujet de laquelle il ne m’est pas nécessaire de fournir des précisions aux fins des présentes requêtes. Au même moment, la société a remis un second billet à ordre à M. Bruner (le billet relatif à la TPS) pour s’acquitter prétendument de l’obligation qui lui incombait en vertu de l’article 165 de la Loi de payer la taxe sur les produits et services (TPS) et pour satisfaire à l’obligation de M. Bruner de percevoir cette taxe. C’était aussi un billet à ordre ne portant pas intérêt, mais il était payable au porteur, sur demande, et avait une valeur de 70 milliards de dollars (70 000 000 000 $), ce qui représente, bien entendu, 7 p. 100 d’un billion de dollars. En vertu des modalités de ce billet, la société avait le droit de porter en déduction du montant nominal qu’elle était tenue de payer au porteur toute somme qui lui est due par ce dernier. Le 31 juillet, ou aux environs de cette date, M. Bruner a produit une déclaration de TPS pour le compte de la société pour la période de déclaration se terminant le 31 juillet 1994. Le 30 août, il a produit une déclaration pour son propre compte pour la même période; il a également présenté le billet relatif à la TPS, prétendument pour s’acquitter de son obligation de remettre la TPS perçue relativement à la vente. Si l’on exclut, aux fins des présentes, une ou deux autres opérations de peu d’importance conclues par la société, les déclarations en cause auraient eu les conséquences suivantes. Monsieur Bruner a fait état de ventes totalisant un billion de dollars et d’une obligation de remettre la TPS perçue, au taux de 7 p. 100, de 70 milliards de dollars. Il a soutenu qu’il avait satisfait à cette obligation en présentant le billet relatif à la TPS. La société a demandé un crédit de taxe sur les intrants de 70 milliards de dollars et un remboursement d’impôt net égal à ce montant. [...]

 

[...]

 

[4]        Les deux avis d’appel [M. Bruner et sa société en avaient tous deux appelé de leurs cotisations respectives] renvoient ensuite de façon détaillée à des éléments de preuve au sujet de négociations entre M. Bruner et Revenu Canada qui ont duré un certain nombre d’années, au cours desquelles M. Bruner, agissant pour le compte de la société, a revendiqué le droit de recevoir des intérêts sur le remboursement de taxe nette de 70 milliards de dollars en application du paragraphe 229(3) de la Loi. Le montant de l’intérêt réclamé pour le compte de la société à dénomination numérique n’est pas précisé dans les avis d’appel. L’avocat de l’intimée a affirmé, dans le cadre de sa plaidoirie, que le montant d’intérêt en litige est d’environ 300 millions de dollars. J’ai effectué quelques calculs rudimentaires pour établir que ce montant semble exact. C’est la fortune que M. Bruner espère récolter à l’issue des appels. [22]

 

[22]    Le juge de la Cour canadienne de l’impôt avait en partie fondé son refus d’accueillir la requête de la Couronne sur les conséquences fiscales différentes découlant d’un solde « nul » dans une cotisation relative à la TPS et d’une cotisation « prescrivant qu’aucune taxe n’était payable » établie en vertu de la Loi. En annulant la décision, la Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit :

 

[…] Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu relatives aux cotisations et aux appels trouvent leur pendant dans la Loi sur la taxe d’accise et il n’existe à notre avis aucune raison pour laquelle les principes régissant les appels interjetés de cotisations néant établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu ne devraient pas s’appliquer également aux appels interjetés en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, à condition que ces principes vaillent tant pour les crédits de taxe sur les intrants et les remboursements que pour l’impôt à payer.  [...][23]

 [Non souligné dans l’original.]

 

[23]    La Cour a ensuite fait la remarque suivante, l’intimée se fondant en l’espèce sur les passages soulignés à l’appui de l’argument selon lequel les appels concernant l’année 2001 doivent être rejetés :

 

[...] En conséquence, un contribuable n’a pas le droit de contester une cotisation lorsque le fait pour lui d’obtenir gain de cause en appel soit ne changerait rien à l’impôt qu’il doit payer ou à son droit à un crédit de taxe sur les intrants ou à un remboursement, soit augmenterait le montant d’impôt qu’il doit payer. Lorsque le [contribuable] a soutenu qu’aucun montant n’était contesté, le juge de la Cour de l’impôt aurait dû appliquer la jurisprudence relative aux cotisations néant et annuler l’avis d’appel.[24]

[Non souligné dans l’original.]

 

[24]    L’avocat des appelants a pris la position selon laquelle il est possible de faire une distinction entre les décisions des tribunaux d’instance inférieure et des cours d’appel sur lesquelles l’intimée se fonde et la présente espèce; plus précisément, en ce qui concerne la décision Bruner, l’avocat a soutenu que, contrairement au contribuable dans cette affaire‑là, les appelants ici en cause n’interjettent pas appel d’une cotisation prescrivant qu’aucune taxe n’était payable et que leurs appels n’ont pas été interjetés en vertu de la Loi sur la taxe d’accise.

 

[25]    L’avocat a également soutenu qu’aucune disposition d’appel de la Loi ne limite expressément le droit d’appel d’un contribuable à l’égard d’une réduction d’impôt. La restriction des pouvoirs du ministre a son origine dans la législation elle‑même, c’est‑à‑dire que le droit d’appel est conféré exclusivement au contribuable et que le recours du ministre contre sa propre cotisation découle de son droit, sous réserve de certaines restrictions, d’établir une nouvelle cotisation « at any time » comme le prévoit la version anglaise de la Loi[25]. Après avoir examiné la jurisprudence, l’avocat a soutenu que, bien que la jurisprudence établisse clairement que le rôle de la Cour consiste à décider si la cotisation établie par le ministre est « fondée en droit et en fait »[26], la brève description figurant dans la décision Harris ([traduction] « la question à trancher est essentiellement de savoir si la cotisation établie est trop élevée »[27]) a été appliquée d’une façon inappropriée en vue d’empêcher un contribuable de demander une augmentation de l’impôt établi. Selon l’avocat, ce résultat a été obtenu sans qu’il soit tenu compte du libellé des paragraphes 169(1) et 171(1) et indépendamment de la question de savoir si c’était le ministre ou le contribuable qui demandait l’augmentation, ou s’ils demandaient tous deux l’augmentation, d’un commun accord[28]. J’ai minutieusement lu les décisions citées et je suis d’accord avec l’avocat pour dire que le principe établi dans la décision Harris semble avoir évolué sans qu’une analyse directe soit faite des dispositions législatives sous‑jacentes et compte tenu de l’hypothèse selon laquelle l’interdiction imposée au ministre de demander une augmentation de sa cotisation s’applique également au contribuable. Cela est peut‑être compréhensible étant donné que peu nombreux sont les contribuables qui demandent à la Cour de leur accorder une augmentation d’impôt. Toutefois, comme les circonstances ici en cause le montrent, et compte tenu des problèmes complexes que pose l’application de la Loi, il n’est pas inconcevable qu’un contribuable veuille contester le bien‑fondé d’une cotisation en se fondant sur le fait que l’impôt qui a été établi n’était pas assez élevé.

 

[26]    Je comprends bien l’argument invoqué par l’avocat, mais la jurisprudence m’oblige à le rejeter. Dans la décision Bruner[29], le juge de la Cour canadienne de l’impôt a noté l’absence de restriction expresse du droit du contribuable d’en appeler d’une réduction d’impôt en vertu des dispositions équivalentes de la Loi sur la taxe d’accise; la Cour d’appel n’a pas expressément fait de remarques défavorables sur ce point, mais cette analyse n’a pas empêché l’annulation de la décision. À mon avis, l’effet combiné des conclusions tirées par la Cour d’appel dans l’arrêt Bruner, à savoir que « les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu relatives aux cotisations et aux appels trouvent leur pendant dans la Loi sur la taxe d’accise [...] »[30] et [qu’] un contribuable « [...] n’a pas le droit de contester une cotisation lorsque le fait pour lui d’obtenir gain de cause en appel [...] augmenterait le montant d’impôt qu’il doit payer »[31] empêche la présente cour de tirer une conclusion favorable aux appelants sur ce point.

 

[27]    L’avocat des appelants a également cherché à faire une distinction à l’égard de la présente affaire pour le motif que, dans les décisions faisant autorité citées par l’intimée, ce n’était pas le contribuable qui avait sollicité une augmentation de l’impôt établi. L’avocat a également demandé avec insistance à la Cour de tenir compte du fait, même s’ils sollicitent une ordonnance qui entraînerait une cotisation plus élevée pour l’année 2001, que l’objectif ultime des appelants en interjetant appel des années d’imposition 2001 et 2002 est d’obtenir une réduction de leur dette fiscale. À l’appui de cette prétention, l’avocat a souligné qu’en établissant des nouvelles cotisations à l’égard des années d’imposition 2001 et 2002, le ministre les a lui‑même considérées comme [traduction] « ne formant qu’un tout »[32] : les fondements de la nouvelle cotisation de 2001 et de la détermination de la perte de 2002 sont identiques; les mêmes opérations s’échelonnant sur les années 2001 et 2002 ont été prises en considération à l’égard de chaque année d’imposition et les dispositions législatives correspondantes invoquées par le ministre sont fondées sur le fait que certains événements se produisent sur un certain nombre d’années.

 

[28]    Premièrement, malgré l’interdépendance entre la nouvelle cotisation de 2001 et la détermination de la perte de 2002, il reste que le droit d’appel d’un contribuable, en vertu du paragraphe 169(1), découle de la cotisation relative à chaque année d’imposition individuelle. Quant à l’autre prétention des appelants, la Cour canadienne de l’impôt a pris en considération et rejeté l’argument selon lequel un contribuable (par opposition au ministre) peut solliciter une augmentation de l’impôt qui a été établi. Dans l’affaire Cohen v. M.N.R.[33], entendue sous le régime de la procédure générale, le contribuable avait contesté le refus du ministre d’inclure des intérêts dans le revenu au cours de l’année visée par l’appel dans le cadre d’une stratégie plus générale visant à forcer le ministre à établir une nouvelle cotisation à l’égard d’années antérieures en vue de réduire certains montants déjà inclus au titre des intérêts dans le revenu de ces années‑là. Le juge Rip (tel était alors son titre) a accueilli l’appel pour un autre motif, mais il a dit ce qui suit au sujet du redressement initialement sollicité par le contribuable :

 

[…] La Cour ne peut examiner l’appel interjeté d’une cotisation d’impôt que lorsque l’appelant demande un redressement qui prend la forme d’une réduction dans le montant de l’impôt dû pour l’année en cause : voir : No 526 v. M.N.R., 58 DTC 497, Neil L. Boyko et al. c. M.R.N., 84 DTC 1233 à la p. 1237 et Steven Copper c. M.R.N., 87 DTC 194 à la p. 205. La Cour n’a pas compétence pour accroître le montant dû dans une année d’imposition soumise à son examen, même si pareille décision devait entraîner une baisse des impôts dus au titre d’autres années d’imposition.[34]

 

[29]    Enfin, l’avocat des appelants a soutenu que la nature du redressement sollicité par les appelants crée une distinction entre leur situation et celle qui existait dans les décisions faisant autorité susmentionnées. En sollicitant une ordonnance en vue de faire annuler la nouvelle cotisation de 2001, les appelants demandent uniquement que soit rétablie la cotisation antérieure par laquelle le ministre avait inclus le prêt à un actionnaire à titre de revenu en vertu du paragraphe 15(2). Selon l’avocat, ce redressement évite d’avoir à rendre une ordonnance renvoyant l’affaire au ministre pour qu’une nouvelle cotisation soit à nouveau établie et cela évite en outre de permettre au ministre d’en appeler de sa propre cotisation. Par conséquent, eu égard aux circonstances des appels de la nouvelle cotisation de 2001 dans leur ensemble, la Cour a compétence pour entendre ces appels, et ce, bien qu’un résultat favorable entraîne l’augmentation de la dette fiscale des appelants.

 

[30]    Toutefois, selon mon interprétation de la jurisprudence, le facteur déterminant lorsqu’il s’agit de décider de la compétence de la Cour, ne consiste pas à savoir qui sollicite l’ordonnance ou quelle est la nature du redressement demandé, mais il s’agit plutôt de savoir si le résultat ultime entraînera une augmentation du montant établi dans la cotisation visée par l’appel. Si la réponse à cette question est affirmative, l’« effet » est, par définition, de permettre au ministre d’interjeter appel de sa propre cotisation; or, la Cour n’est pas autorisée à rendre une telle ordonnance. Comme le montrent les décisions Pedwell et Petro‑Canada, la Cour n’est pas mieux placée que le ministre lorsque l’ordonnance qui est accordée entraîne une augmentation de la cotisation du contribuable. Une ordonnance annulant cette cotisation a néanmoins pour effet d’augmenter l’impôt établi au cours de cette année‑là, soit un résultat que la Cour n’a pas le pouvoir d’imposer. Par conséquent, que la demande provienne du contribuable ou du ministre et que l’ordonnance entraîne la modification ou l’annulation de la cotisation, l’effet est le même lorsqu’un tel redressement est ordonné.

 

[31]    Étant donné que, si les appelants avaient gain de cause dans leurs appels de la nouvelle cotisation de 2001, le résultat entraînerait indubitablement une augmentation du montant de leur dette fiscale pour cette année‑là, la jurisprudence m’oblige à conclure que la Cour n’a pas compétence pour entendre leurs appels. La requête que l’intimée a présentée en vue de faire rejeter les appels de la nouvelle cotisation de 2001 est donc accueillie.

 

 

La détermination de la perte de 2002

 

[32]    L’intimée sollicite l’ordonnance suivante à l’égard des appels concernant l’année 2002 :

 

Une ordonnance tranchant les questions de droit suivantes à l’égard des appels concernant l’année d’imposition 2002 (2007‑1949(IT)G et 2007‑1950(IT)G) conformément à l’alinéa 58(1)a) des Règles :

 

a.         En vue d’obtenir la déduction d’un montant donné en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans le calcul du revenu pour une année d’imposition, doit‑il y avoir inclusion dans le revenu d’un montant en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans la détermination finale de la dette fiscale par le ministre du Revenu national au cours d’une année d’imposition antérieure?

 

b.         Dans l’affirmative, les appels concernant l’année d’imposition 2002 doivent‑ils être rejetés?

 

[33]    L’alinéa 58(1)a) des Règles prévoit ce qui suit :

 

58.       (1) Une partie peut demander à la Cour,

            a) soit de se prononcer, avant l’audience, sur une question de droit, une question de fait ou une question de droit et de fait soulevée dans une instance si la décision pourrait régler l’instance en totalité ou en partie, abréger substantiellement l’audience ou résulter en une économie substantielle des frais;

 

            […]

 

[34]    Les moyens invoqués par l’intimée dans la requête qu’elle a présentée en vertu de l’alinéa 58(1)a) sont les suivants :

 

[traduction]

 

6.         Les questions à trancher constituent une question de droit et de fait;

 

7.         La détermination des questions peut régler en partie l’instance, abréger substantiellement l’audience ou se solder par une économie de frais;

 

8.         L’unique question soulevée dans les avis d’appel à l’égard de l’année d’imposition 2002 [...] est de savoir si les appelants ont droit à une déduction en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi au titre du remboursement d’un prêt à un actionnaire, qui entraîne des pertes autres qu’en capital;

 

9.         Dans la détermination finale que le ministre a faite de la dette fiscale pour l’année d’imposition 2001, aucun montant n’est inclus pour un prêt à un actionnaire non remboursé en vertu du paragraphe 15(2) dans le calcul du revenu des appelants, comme l’exige l’alinéa 20(1)j) de la Loi et, par conséquent, la Cour canadienne de l’impôt ne peut pas accorder le redressement sollicité par les appelants au cours de l’année d’imposition 2002.

 

[35]    Avant de chercher à répondre à une question soulevée en vertu de l’alinéa 58(1)a), la Cour doit décider s’il convient de le faire[35]. Dans la décision Carma Developers Ltd. v. Canada[36], que la Cour d’appel fédérale a citée en l’approuvant dans l’arrêt Jurchison c. Canada[37], le juge en chef adjoint Christie a fait la mise en garde suivante :

 

[…] l’alinéa 58(1)a) des Règles n’est pas destiné à servir de solution de rechange à laquelle il est facilement possible de recourir à la place d’un procès aux fins de régler des points litigieux complexes se rapportant aux droits et obligations des parties au litige. Cette disposition doit être invoquée lorsqu’il est clair qu’il serait essentiellement superflu de faire régler le litige en totalité ou en partie par voie de procès.[38]

 

[36]    L’avocat n’a été mis au courant des questions soulevées dans la requête de l’intimée que peu de temps avant que la date de l’instruction soit fixée. Les appelants ont convenu que la requête de l’intimée soulevait des questions qu’ils préféraient voir tranchées avant l’audition des appels et ils étaient également prêts à faire entendre la requête au moyen d’un exposé conjoint des faits[39]. Dans ces conditions, ce qui est normalement un processus en deux étapes en vertu de l’alinéa 58(1)a) a été ramené à une seule audience. Je suis convaincue qu’il convient d’entendre la requête de l’intimée : les parties conviennent que l’unique question qui se pose dans les appels concernant l’année 2002 est de savoir si les appelants ont droit à une déduction en vertu de l’alinéa 20(1)j). Les appelants ont déposé un exposé conjoint des faits dans lequel il est également convenu, aux paragraphes 16 et 20, que le prêt à un actionnaire n’était pas inclus dans la nouvelle cotisation de 2001, soit un fait compatible avec les allégations figurant aux paragraphes 33 à 35 de l’avis d’appel et avec l’aveu figurant au paragraphe 2 de la réponse. Dans ces conditions, une réponse affirmative aux questions énoncées dans la requête de l’intimée aura effectivement pour effet de régler les appels concernant l’année 2002, ce qui constituera une économie de temps et d’argent et rendra superflue l’audition des appels.

 

[37]    Par conséquent, en ce qui concerne la requête présentée par l’intimée, il s’agit en premier lieu de savoir si, afin d’obtenir une déduction en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi, il faut qu’une somme donnée ait été incluse dans le revenu en vertu du paragraphe 15(2) dans la détermination finale que le ministre a faite d’une dette fiscale au cours d’une année d’imposition antérieure.

 

[38]    Les passages pertinents du paragraphe 15(2) et de l’alinéa 20(1)j) de la Loi sont libellés comme suit :

 

15(2) Dette d’un actionnaire. La personne [...] – actionnaire d’une société donnée,  […] – qui, au cours d’une année d’imposition, obtient un prêt ou contracte une dette auprès de la société donnée, [...] est tenue d’inclure le montant du prêt ou de la dette dans le calcul de son revenu pour l’année. […]

 

20(1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

[…]

 

(j) Remboursement d’un emprunt par un actionnaire –– la partie remboursée, au cours de l’année, par le contribuable, de quelque emprunt ou dette et incluse, en vertu du paragraphe 15(2), dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure [...] s’il est établi par des événements postérieurs ou d’une autre façon que le remboursement n’a pas été effectué comme partie d’une série d’emprunts ou d’autres opérations et de remboursements;

[Non souligné dans l’original.]

 

[39]    L’avocate de l’intimée a soutenu que l’alinéa 20(1)j) a été interprété comme voulant dire que la question de savoir si une somme a été « incluse » dans le revenu d’un contribuable au cours d’une année antérieure est une question de fait : Quigley v. Canada[40] et Hevey v. R.[41]. Étant donné qu’en l’espèce, il est convenu que le prêt à l’actionnaire n’a pas été inclus dans la nouvelle cotisation de 2001 en vertu du paragraphe 15(2), et à supposer que la Cour canadienne de l’impôt n’ait pas compétence pour entendre un appel de cette cotisation, l’avocate a soutenu qu’aucune somme [traduction] « n’avait été incluse en vertu du paragraphe 15(2) » dans la détermination finale que le ministre avait faite de leur dette fiscale pour cette année‑là. Par conséquent, la position prise par l’intimée est que les appelants ne seront pas en mesure de satisfaire aux exigences de l’alinéa 20(1)j) et que les appels concernant l’année 2002 doivent être rejetés.

 

[40]    Les appelants ont également invoqué la décision Quigley à l’appui de la thèse selon laquelle la question de savoir si une somme a été « incluse » est une question de fait, mais ils ont rejeté pour divers motifs l’interprétation donnée par l’intimée de l’alinéa 20(1)j) : premièrement, il faut incorporer dans la disposition les mots [traduction] « dans une cotisation établie par le ministre » ou [traduction] « comme l’a établi le ministre » après le membre de phrase « incluse, en vertu du paragraphe 15(2), dans le calcul de son revenu ». Étant donné que l’alinéa 20(1)j) n’indique pas expressément qui doit avoir inclus un montant donné, les appelants ont soutenu que l’effet combiné de la déclaration du prêt à un actionnaire au titre d’un revenu visé au paragraphe 15(2), dans leurs déclarations modifiées de 2001, et de l’inclusion par le ministre du montant en question dans le revenu, dans la cotisation initiale établie à l’égard des déclarations modifiées, est suffisant pour satisfaire aux critères prévus à l’alinéa 20(1)j).

 

[41]    L’avocat des appelants a en outre soutenu que, si l’interprétation de l’intimée était exacte, cela aurait pour effet de permettre au ministre de faire obstacle au droit du contribuable d’en appeler du refus d’accorder une déduction au cours d’une année d’imposition donnée simplement en refusant l’inclusion correspondante au cours d’une autre année; une telle interprétation de l’alinéa 20(1)j) aurait des répercussions sur d’autres dispositions de la Loi qui s’appliquent également conjointement, par exemple les dispositions relatives à la déduction de créances irrécouvrables ou aux provisions pour créances douteuses. Cela serait également incompatible avec la jurisprudence, qui autorise les contribuables à interjeter appel d’inclusions de certains montants dans le revenu en vertu du paragraphe 15(2) et du refus du ministre d’admettre des déductions en vertu de l’alinéa 20(1)j); à l’appui de cette prétention, l’avocat des appelants a cité la décision Hill v. Canada[42]. Il a soutenu qu’on ne saurait penser que le législateur voulait imposer un tel résultat inéquitable ou qu’il voulait priver les contribuables du droit d’appel qui leur est reconnu par la loi.

 

[42]    Enfin, l’avocat des appelants a contesté l’argument de l’intimée quant à l’effet de l’absence de compétence de la Cour d’entendre les appels concernant l’année 2001; selon lui, cela n’empêchait pas la Cour de tirer des conclusions de fait et de droit à l’égard de cette année‑là lorsqu’il s’agissait de statuer sur l’appel concernant l’année 2002.

 

Analyse

 

[43]    À mon avis, l’interprétation que l’intimée donne de l’alinéa 20(1)j) est la bonne. Dans la décision Quigley, la question en litige se rapportait à l’interprétation du mot « inclus » figurant à l’alinéa 80.4(3)b) de la Loi. Les faits de l’affaire sont énoncés dans le sommaire :

 

[traduction]

 

De 1986 à 1990, il y avait un compte de prêt entre l’appelant et sa société. Au cours des premières années, l’appelant avait avancé de l’argent à la société et, par la suite, la société avait prêté de l’argent à l’appelant au moyen d’avances ou à l’égard d’un prêt concernant le logement. Au cours de ces années, des avances supplémentaires avaient été consenties et des remboursements avaient également été effectués. Le 31 décembre 1987, l’appelant devait 187 632 $ à la société, dont l’exercice prenait fin le 30 avril. Le ministre n’a inclus aucun montant dans le revenu pour l’année 1987 en vertu du paragraphe 15(2). L’année d’imposition 1987 est maintenant prescrite. En établissant une cotisation à l’égard de l’année 1988, le ministre a inclus un montant de 21 703 $ en vertu du paragraphe 15(2) et un montant de 17 967 $ à titre d’avantage afférent aux intérêts en vertu du paragraphe 80.4(2). Pour l’année 1989, le ministre a admis une déduction de 21 703 $ en vertu de l’alinéa 20(1)j). De plus, le ministre a inclus un avantage net de 6 376 $ au titre des intérêts en vertu du paragraphe 80.4(2). L’appelant a interjeté appel des cotisations pour ses années d’imposition 1988 et 1989[43]. En somme, l’appelant affirmait que le ministre aurait dû inclure le montant de 187 632 $ dans son revenu pour l’année 1987 en vertu du paragraphe 15(2). Selon l’appelant, il importait peu que le ministre eût omis d’inclure ce montant et que l’année soit prescrite puisque l’alinéa 80.4(3)b) exclut de l’application des paragraphes 80.4(1) et (2) [...] un prêt ou une dette qui « a été inclus » dans le calcul du revenu d’une personne. L’appelant interprète l’expression « a été inclus » figurant à l’alinéa 80.4(3)b) comme signifiant « aurait dû être inclus ». [Note de bas de page ajoutée.]

 

[44]    La Cour a rejeté l’interprétation susmentionnée des mots « a été inclus » et elle a rejeté les appels interjetés par le contribuable pour le motif suivant :

 

[...], je ne pense pas que la proposition juridique avancée par l’appelant puisse être retenue. Le simple fait que le paragraphe 15(2) prévoit qu’un montant "doit être inclus" [la disposition dit maintenant « est tenue d’inclure »] dans le calcul du revenu ne signifie pas que le montant a été inclus. La question de savoir si quelque chose a été inclus ou pas est purement une question de fait.[44]

 

[45]    Le juge Bowman (tel était alors son titre) a renvoyé à l’alinéa 20(1)j) en vue d’illustrer la différence de sens attribuée par la Loi aux mots « devrait être incluse » ou « doit être incluse » et « incluse » :

 

[…] Quant à savoir si une somme « devrait être incluse » ou « doit être incluse » – des termes employés aux paragraphes 104(12) et 144(7), par exemple – c’est une question de droit. La distinction entre les deux est reconnue tout au long de la Loi. On en trouve un bon exemple à l’alinéa 20(1)j), qui permet une déduction lorsqu’est remboursé un emprunt qu’un actionnaire avait antérieurement inclus dans son revenu en vertu du paragraphe 15(2). Depuis 1983, cet alinéa se lit en partie comme suit :

 

la partie remboursée, dans l’année, par le contribuable, de tout emprunt ou de toute dette et incluse, en vertu du paragraphe 15(2), dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure [...].

 

Avant 1983, le passage pertinent se lisait comme suit : « la partie remboursée par le contribuable [...], de tout emprunt dont, en vertu du paragraphe 15(2), l’inclusion [...] est requise [...] ».

 

La raison de ce changement est évidente, car on pouvait soutenir qu’un remboursement donnait lieu à une déduction même si aucun montant n’avait antérieurement été inclus. Accepter l’interprétation de l’appelant quant au libellé de l’alinéa 80.4(3)b) signifierait qu’une interprétation semblable devrait être donnée du libellé presque identique de l’alinéa 20(1)j). Une telle interprétation irait à l’encontre de l’objet de la modification législative. [45]

 

 

[46]    À mon avis, l’interprétation que les appelants donnent de l’alinéa 20(1)j) est incompatible avec l’économie de la Loi et avec la jurisprudence, qui dans les deux cas établissent une distinction claire entre les rôles respectifs du contribuable et du ministre : en vertu de la législation, une déclaration de revenu doit être produite pour chaque année d’imposition d’un contribuable[46] et une personne qui est tenue de produire une déclaration doit estimer l’impôt payable[47]; toutefois, le pouvoir d’établir une cotisation à l’égard de l’impôt payable pour l’année relève exclusivement du ministre[48]. Ce n’est qu’après que le ministre a établi cette cotisation d’impôt que le droit du contribuable de faire opposition[49] et d’interjeter appel[50] prend naissance. Dans l’arrêt Anchor Pointe Energy Ltd. c. Canada[51], la Cour d’appel fédérale a résumé le processus comme suit :

 

Pour reprendre les mots du juge Hugessen[52], [note de bas de page ajoutée], il [l’appel] vise le produit de cette évaluation : voir aussi la décision Parsons[53] [note de bas de page ajoutée], [...], où le juge Cattanach a affirmé que la « cotisation établie par le ministre, qui fixe le montant et détermine l’assujettissement à l’impôt, est ce qui fait l’objet de l’appel ». Ce produit renvoie au montant de la dette fiscale initialement établi ou déterminé et ensuite ratifié. De la perspective du processus en soi, l’établissement de la cotisation conformément aux articles 152 à 165 n’est pas terminé tant que le ministre n’a pas déterminé de façon définitive, dans le délai prescrit par la Loi, le montant de la dette fiscale, que ce soit au moyen de l’établissement d’une nouvelle cotisation, modification, suppression ou ratification de la cotisation initiale : [...][54]

 

 

[47]    Par conséquent, la simple déclaration d’une somme dans le revenu visée au paragraphe 15(2) ou l’inclusion initiale de cette somme par le ministre importe peu lorsque la somme en question est exclue du revenu par une nouvelle cotisation subséquente (nouvelle cotisation qui, en l’espèce, est inattaquable). La Loi prévoit implicitement que l’inclusion du revenu visé au paragraphe 15(2) qui est prévue à l’alinéa 20(1)j) a lieu lorsque l’établissement de la cotisation pour l’année antérieure est terminé, et ce, peu importe la façon dont la chose peut se produire : que le ministre accepte le revenu tel qu’il a été déclaré par le contribuable ou, s’il ne l’a pas accepté, que le ministre établisse une nouvelle cotisation en vue d’inclure ce revenu (sans aucune contestation de la part du contribuable ou à la suite du rejet de l’opposition faite par le contribuable ou d’un appel interjeté par suite de l’inclusion de ce revenu), l’effet est le même. Lorsqu’aucun montant n’a été inclus après que le ministre a établi la cotisation en temps opportun à l’égard de l’année antérieure, il ne peut pas être satisfait aux critères énoncés à l’alinéa 20(1)j) à l’égard des déductions.

 

[48]    Quant à l’argument des appelants selon lequel le législateur ne peut pas avoir voulu autoriser le ministre à empêcher un contribuable d’en appeler du refus d’accorder une déduction en vertu de l’alinéa 20(1)j) simplement en refusant l’inclusion du montant dont la déduction dépend, il doit en premier lieu être présumé que le ministre agit de bonne foi en exerçant ses fonctions en vue d’établir une cotisation conformément aux dispositions législatives. De toute façon, l’omission du ministre de respecter cette norme ne relève pas de la présente cour. En outre, la législation et la jurisprudence prévoient toutes deux que, dans certains cas, il se peut que le contribuable ne soit pas capable d’en appeler d’une cotisation, par exemple lorsque le délai de prescription est expiré, lorsqu’une cotisation prescrivant qu’aucun impôt n’est payable est établie ou encore lorsque le redressement sollicité consiste à accroître le montant de l’impôt payable.

 

[49]    Le paragraphe 15(2) et l’alinéa 20(1)j) n’ont pas pour objet de faire obstacle au droit d’appel d’un contribuable, mais ils visent plutôt à énoncer les circonstances dans lesquelles certains montants doivent être inclus dans le revenu ainsi que les critères applicables à la déduction subséquente de pareil revenu. Malheureusement pour les appelants, la cotisation dont dépend leur droit à une déduction en vertu de l’alinéa 20(1)j) ne peut pas, eu égard aux circonstances de l’affaire, être contestée en justice.

 

[50]    Dans ses observations, l’avocate de l’intimée a souligné que, normalement, l’application des dispositions inclusion‑déduction entraînera l’élimination des montants en cause et elle a mentionné la décision Hill v. Canada[55], également citée par l’avocat des appelants. Cette décision (appelée en l’espèce la « décision Hill (1985) ») a été rendue à la suite d’un appel interjeté d’une nouvelle cotisation corrélative concernant l’année d’imposition 1985 du contribuable. En 1987, le ministre avait établi une nouvelle cotisation à l’égard des années d’imposition 1983, 1984 et 1985 du contribuable en vue d’inclure des prêts à un actionnaire dans le revenu de 1983 et de 1984 en vertu du paragraphe 15(2) et d’admettre une déduction correspondante en 1985 en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi. Le contribuable avait interjeté appel[56] des nouvelles cotisations de 1983 et de 1984 par lesquelles le montant en question était inclus dans le revenu. La Cour a accueilli les appels et elle a renvoyé l’affaire au ministre « [...] pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu que les montants inclus dans le revenu de M. Hill pour [1983 et 1984] conformément au paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu doivent être retranchés [...] »[57].

 

[51]    Une fois la nouvelle cotisation ordonnée par la Cour pour les années 1983 et 1984 établie, le ministre avait établi une nouvelle cotisation corrélative en vertu du paragraphe 152(4.3) en vue de rejeter la déduction prévue à l’alinéa 20(1)j) qui avait initialement été admise pour l’année 1985. Pour plus de commodité, le paragraphe 152(4.3) est reproduit ci‑dessous :

 

Cotisation corrélative. Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), lorsqu’une cotisation ou une décision d’appel a pour effet de modifier un solde donné applicable à un contribuable pour une année d’imposition donnée, le ministre peut ou, si le contribuable en fait la demande par écrit, doit, avant le dernier en date du jour d’expiration de la période normale de nouvelle cotisation pour une année d’imposition subséquente et de la fin du jour qui tombe un an après l’extinction ou la détermination de tous les droits d’opposition ou d’appel relatifs à l’année donnée, établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’impôt, des intérêts ou des pénalités payables, ou déterminer de nouveau un montant réputé avoir été payé, ou payé en trop, en vertu de la présente partie par le contribuable pour l’année subséquente, mais seulement dans la mesure où il est raisonnable de considérer que la nouvelle cotisation ou la détermination se rapporte à la modification du solde donné applicable au contribuable pour l’année donnée.

 

[52]    Les parties ici en cause se fondent sur l’appel interjeté par le contribuable de la nouvelle cotisation corrélative de 1985. Dans la décision Hill (1985), l’accent était mis sur l’interprétation du paragraphe 152(4.3), mais le passage suivant illustre l’interaction entre le paragraphe 15(2) et l’alinéa 20(1)j) ainsi que les rôles respectifs de la Cour et du ministre :

 

Selon le libellé clair du paragraphe 152(4.3) tel qu’il existait le 23 septembre 1993, a) la décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt avait pour effet de modifier le solde applicable à l’appelant pour les années 1983 et 1984, et b) la nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition 1985 de l’appelant peut raisonnablement être considérée comme se rapportant à la modification apportée au solde particulier des années d’imposition 1983 et 1984 de l’appelant. Par la suite, le ministre est la personne qui peut ou qui doit déterminer de nouveau l’impôt et les intérêts dus par l’appelant pour l’année d’imposition subséquente. [...][58]

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[53]    L’avocate de l’intimée a soutenu que la décision Hill (1985) est tout à fait pertinente : puisqu’il a été admis que le ministre avait supprimé, dans sa détermination finale de la dette fiscale, l’inclusion du montant en question dans le revenu prévue par la cotisation initiale pour les années 1983 et 1984, par suite de la décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt, le contribuable ne pouvait pas satisfaire aux exigences de l’alinéa 20(1)j), et la nouvelle cotisation par laquelle le ministre refusait la déduction a été confirmée. En l’espèce, étant donné qu’il est admis que, dans la nouvelle cotisation de 2001, le ministre n’a pas inclus le prêt à un actionnaire dans le revenu en vertu du paragraphe 15(2) et puisque cette nouvelle cotisation ne peut pas faire l’objet d’une contestation judiciaire, les appelants n’ont pas droit à une déduction en vertu de l’alinéa 20(1)j) et, par conséquent, leurs appels de l’année d’imposition 2002 doivent être rejetés.

 

[54]    Les appelants ont soutenu que la décision Hill (1985) étaye leur position, à savoir que, même si la Cour n’a pas compétence pour entendre les appels concernant l’année 2001, elle peut néanmoins tirer des conclusions de fait et de droit à l’égard de cette année‑là en vue de statuer sur les appels concernant l’année 2002 : [traduction] « Le prêt à un actionnaire a‑t‑il été inclus en 2001? Devait‑il être inclus en 2001? Il s’agit de conclusions de fait et de droit qui pourraient encore être tirées dans le contexte de l’appel concernant l’année 2002 »[59]. Toutefois, à mon avis, les appelants sont dans la même situation que le contribuable dans l’affaire Quigley : dans cette affaire‑là, l’année antérieure au cours de laquelle le prêt aurait dû être inclus, selon le contribuable, était prescrite. Par conséquent, aucun montant n’a été inclus dans la détermination finale que le ministre a faite de l’impôt pour cette année‑là. L’emploi du mot « incluse » à l’alinéa 20(1)j), plutôt que des mots « devait être incluse », soit les mots qui figuraient initialement dans cette disposition, a pour effet de rendre non pertinente l’analyse proposée par les appelants. Si j’ai raison de conclure que la Cour n’a pas compétence pour entendre les appels concernant l’année 2001, même si le juge de première instance devait être convaincu que le ministre aurait dû inclure le prêt à un actionnaire dans le revenu de 2001 des appelants, il reste qu’en fin de compte, aucune somme n’a été « incluse » en vertu du paragraphe 15(2) dans la nouvelle cotisation de 2001. Dans la décision Quigley, le juge Bowman estimait que le prêt obtenu par le contribuable « aurait dû être imposé » [60] au cours de l’année antérieure, mais cela ne l’a pas empêché de conclure qu’aucune somme n’avait été « incluse » conformément aux exigences de la législation.

 

[55]    L’avocat des appelants a également cherché à caractériser les faits de l’affaire Hill (1985) comme étant [traduction] « l’opposé » de la situation à laquelle les appelants font face :

 

[traduction]

[…] en ce sens que le ministre a inclus un prêt à un actionnaire en 1983 et en 1984, mais qu’il a admis une déduction en 1985 [...] Par conséquent, la Cour a conclu, dans cette affaire‑là, qu’il ne pouvait pas y avoir remboursement du prêt en 1985 si le prêt n’avait pas été inclus conformément au paragraphe 15(2) au cours des années antérieures. Cependant, il est intéressant de noter que, dans ce cas‑ci, ce n’est qu’après que la Cour eut tranché la question de savoir si le prêt avait été à juste titre inclus dans le revenu en 1983 et en 1984 que la question se rapportant à l’année 1985 pouvait être tranchée; cependant, le contribuable s’est néanmoins vu conférer le droit de contester l’inclusion du montant en question dans le revenu. [...] Il serait tout à fait contraire aux principes énoncés dans la Loi qu’un contribuable puisse contester l’inclusion d’un montant dans le revenu et la déduction subséquente, selon les faits de l’affaire Hill, et qu’il demande à la Cour de statuer sur la question; pourtant, eu égard aux faits [ici en cause] [...] le contribuable ne pourrait pas contester l’inclusion du montant en question dans le revenu et le droit à une déduction si c’était le cas contraire qui se produisait.[61]

[Non souligné dans l’original.]

 

[56]    Avec égards, l’argument des appelants est défectueux en ce sens qu’il n’est pas tenu compte des différences fondamentales importantes existant entre leurs appels et ce qui s’est produit dans l’affaire Hill (1985). Contrairement aux appelants, le contribuable dans l’affaire Hill (1985) ne faisait pas face à des obstacles de fond lorsqu’il s’agissait d’en appeler de l’inclusion d’un montant donné dans le revenu au cours des années antérieures ou du refus subséquent d’accorder une déduction en 1985. L’argument invoqué par l’avocat donne en outre l’impression que l’appel concernant l’année 1985 dépendait de ce que la Cour avait examiné à nouveau le bien‑fondé de l’exclusion des prêts à un actionnaire du revenu de 1983 et de 1984 de M. Hill. De fait, la Cour s’est fondée sur un fait admis, à savoir qu’aucun montant n’avait été inclus en vertu du paragraphe 15(2) dans la nouvelle cotisation corrélative que le ministre avait établie pour ces années‑là par suite de la décision rendue par la Cour à l’égard des années en cause.

 

[57]    Dans les affaires Hill (1985) et Quigley, le droit du contribuable à une déduction en vertu de l’alinéa 20(1)j) dépendait de la question de savoir si, en fait, un montant était inclus dans le revenu par suite de ce qui, eu égard aux circonstances particulières de chaque affaire, s’est avéré être la détermination finale que le ministre a faite de la dette du contribuable pour les années antérieures. Je ne puis constater aucune justification me permettant de m’éloigner de cette interprétation de l’alinéa 20(1)j).

 

[58]    Pour les motifs susmentionnés, il faut répondre à la question suivante par l’affirmative :

 

a.         En vue d’obtenir la déduction d’un montant donné en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans le calcul du revenu pour une année d’imposition, il doit y avoir inclusion dans le revenu d’un montant en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans la détermination finale de la dette fiscale par le ministre du Revenu national au cours d’une année d’imposition antérieure;

[…]

 

[59] Étant donné cette décision et compte tenu des faits admis et des circonstances afférentes aux appels concernant l’année 2002, je suis convaincue qu’il faut également répondre par l’affirmative à la seconde question à trancher dans la requête que l’intimée a présentée en vertu de l’alinéa 58(1)a), à savoir si les appels concernant les années d’imposition 2002 doivent être rejetés.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juillet 2009.

 

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de décembre 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 269

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-2969(IT)G; 2007-1950(IT)G;

                                                          2006-2972(IT)G; 2007-1949(IT)G

 

INTITULÉ :                                       SARA DORIS SKINNER, EN SA QUALITÉ D’EXÉCUTRICE TESTAMENTAIRE DE FEU RONALD SKINNER

                                                          c.

                                                          LA REINE

                                                          et

                                                          SARA DORIS SKINNER

                                                          c.

                                                          LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 4 septembre 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :     L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DE L’ORDONNANCE :          Le 3 juillet 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Kurt G. Wintermute

 

Avocate de l’intimée :

 

Me Karen Janke

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

                   Nom :                             Kurt G. Wintermute

                   Cabinet :                         MacPherson Leslie & Tyerman, LLP

                                                          Saskatoon (Saskatchewan)

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Pour l’appelante Doris Skinner, avis de nouvelle cotisation concernant l’année 2001 en date du 3 juin 2005; pour la succession de feu Ronald Skinner, avis de nouvelle cotisation concernant l’année 2001 en date du 9 juin 2005.

 

[2] Pour l’appelante Doris Skinner, avis de détermination/nouvelle détermination d’une perte concernant l’année 2002 en date du 29 septembre 2006; pour la succession de feu Ronald Skinner, avis de détermination/nouvelle détermination d’une perte concernant l’année 2002 en date du 29 septembre 2006.

 

[3] Pedwell v. Canada, [2000] 3 C.T.C. 246, paragraphe 18 (C.A.F.)

 

[4] [1964] C.T.C 562 (C. de l’É.), confirmé pour d’autres motifs, [1966] C.T.C. 226 (C.S.C.).

 

[5] [1982] C.T.C 115.

 

[6] Précité.

 

[7] [2004] 3 C.T.C. 156.

 

[8] [2003] A.C.F. no 144.

 

[9] Abrahams v. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.) (No. 2), [1966] C.T.C 690 (C. de l’É.).

 

[10] Lornport Investments Ltd. v. Canada, [1992] 1 C.T.C. 351 (C.A.F.); Merswolke v. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2524 (C.C.I.).

 

[11] Bowater Mersey Paper Co. v. Canada, [1987] 2 C.T.C 159 (C.A.F.).

 

[12] Exposé du droit des appelants, paragraphe 7.

 

[13] Harris, précité, paragraphe 2.

 

[14] Précité, paragraphe 5.

 

[15] Précité, paragraphe 17.

 

[16] Précité, paragraphe 15.

 

[17] Précité.

 

[18] Précité, paragraphe 21.

 

[19] Pedwell, précité, paragraphe 18.

[20] Précité, paragraphe 65.

 

[21] Précité, paragraphe 69.

[22] Bruner v. Canada, [2002] 4 C.T.C. 2168, paragraphes 3 et 4 (C.C.I.).

 

[23] Bruner (C.A.F.), précité, paragraphe 3.

 

[24] Précité.

 

[25] Paragraphe 152(4).

 

[26] Addison & Leyen Ltd. v. Canada, [2006] 3 C.T.C. 95, paragraphe 43 (C.A.F.); Nicholson Ltd. v. Minister of National Revenue, [1945] C.T.C 263 (C. de l’É.); voir également : Perley v. R., [1997] 3 C.T.C. 3087 (C.C.I.); Burrows v. R., 2006 DTC 2172 (C.C.I.).

 

[27] Harris, précité, paragraphe 17.

 

[28] Voir : Vineland Quarries & Crushed Stone Ltd. v. Minister of National Revenue, [1970] C.T.C. 12 (C. de l’É.); Schiewitz v. Minister of National Revenue, [1979] C.T.C. 2291 (C.R.I.); Boyko v. Minister of National Revenue, [1984] C.T.C. 2233 (C.C.I.); Cooper v. Minister of National Revenue, [1987] 1 C.T.C. 2287 (C.C.I.).

 

[29] Bruner v. Canada, [2002] 4 C.T.C. 2168, paragraphes 13 à 15 (C.C.I.).

 

[30] Bruner c. Canada , (C.A.F.), précité, paragraphe 3.

 

[31] Précité.

 

[32] Observations de l’avocate de l’intimée, transcription, page 56, lignes 1 à 21 inclusivement.

 

[33] [1988] 2 C.T.C. 2021 (C.C.I.). Voir également : Les Soudures Chagnon Ltée v. Minister of National Revenue, [1990] 1 C.T.C. 2365; Valdis v. R., [2001] 1 C.T.C. 2827; Schnurr v. R., 2004 DTC 3531; Yates v. R., [2005] 4 C.T.C. 2364.

 

[34] Précité, page 2023.

 

[35] Webster c. Canada, 2002 CAF 205 (C.A.F.); Perera c. Canada, [1998] 3 C.F. 381, paragraphes 13 à 15 (C.A.F.).

 

[36] [1995] 96 DTC 1803 (C.C.I.).

 

[37] 2001 A.C.F. no 654, paragraphe 8.

 

[38] Carma Development, précité, paragraphe 11.

 

[39] Transcription de la téléconférence tenue par la juge Sheridan le 27 août 2008, page 4, lignes 16 à 20.

 

[40] [1996] 1 C.T.C 2378 (C.C.I.).

 

[41] [2005] 1 C.T.C 2848 (C.C.I.).

[42] [1996] 1 C.T.C 2893 (C.C.I.).

 

[43] Il est intéressant de noter, en ce qui concerne les appels de la nouvelle cotisation de 2001, qu’après avoir analysé les prêts et remboursements en 1987, 1988 et 1989, au paragraphe 17 de la décision Quigley, le juge Bowman a fait remarquer, en ce qui concerne l’appel de l’année 1989, que le montant inclus dans le revenu en 1988 aurait « probablement » dû être plus élevé, mais (conformément à la décision Harris), il a dit que cela n’était pas son « [...] problème, la seule question étant de savoir si la cotisation était trop élevée ».

 

[44] Précité, page 2383.

 

[45] Précité, pages 2383 et 2384 inclusivement.

 

[46] Paragraphe 150(1).

 

[47] Article 151.

 

[48] Paragraphe 152(1).

 

[49] Paragraphe 165(1).

 

[50] Paragraphe 169(1).

 

[51] [2007] A.C.F. no 687, paragraphe 33.

 

[52] Consumers’ Gas Co. v. R., 1986 CarswellNet 496, paragraphe 13 (C.A.F.).

 

[53] [1984] 1 C.F. 804, page 814.

 

[54] [2007] A.C.F. no 687, paragraphe 33.

 

[55] [1996] 1 C.T.C 2893 (C.C.I.).

 

[56] Nigil T. Hill and Uphill Holdings Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), [1993] 1 C.T.C 2021 (C.C.I.).

 

[57] Précité, paragraphe 37.

 

[58] Hill, précité, paragraphe 11.

 

[59] Transcription, page 142, lignes 16 à 20.

 

[60] Quigley, précité, page 2383.

 

[61] Transcription, page 145, lignes 5 à 7 ainsi que 24 et 25 à la page 146, lignes 1 à 20 inclusivement.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.