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Dossier : 2008-3138(IT)I

ENTRE :

FRANKLIN J. McLAREN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 octobre 2009, à London (Ontario).

 

 Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

 Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Julian Malone

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2006 est accueilli, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelant a droit à une déduction supplémentaire de 1 672 $ à l’égard de versements de pension alimentaire.

 

          Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

          La Cour ordonne au greffe de rembourser à l’appelant le droit de dépôt qu’il a versé.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d’octobre 2009.

 

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de novembre 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 514

Date : 20091014

Dossier : 2008-3138(IT)I

ENTRE :

FRANKLIN J. McLAREN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]     Franklin McLaren a interjeté le présent appel à l’égard d’une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2006.

 

[2]     En l’espèce, deux questions sont en litiges, soit de savoir (1) si des frais juridiques s’élevant à 14 670 $ sont déductibles et (2) si des versements de pension alimentaire totalisant 1 672 $ sont déductibles.

 

Contexte factuel

 

[3]     Bon nombre de faits pertinents ne sont pas en litige.

 

[4]     En 2004, un juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu une ordonnance imposant à l’appelant le versement de 1 200 $ par mois à son épouse d’alors, Elaine McLaren, à titre de pension alimentaire provisoire pour conjoint (l’« ordonnance provisoire »). Dans ses motifs, le juge a noté que l’appelant avait fourni des renseignements financiers [TRADUCTION] « très insatisfaisants », et il a rendu une ordonnance exigeant que l’appelant fournisse des renseignements plus détaillés.

 

[5]     Conformément à une entente conclue par l’appelant et son épouse, une ordonnance de divorce définitive a été rendue le 27 juin 2006 (l’« ordonnance définitive »). En plus de prononcer le divorce, le juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a modifié les modalités de la pension alimentaire. Les passages pertinents de cette ordonnance sont rédigés de la sorte :

 

          [traduction]

 

2. La Cour ordonne que l’arriéré de pension alimentaire pour conjoint est fixé à 11 781 $, et que le reste de l’arriéré de pension alimentaire est annulé entièrement.

 

3. La Cour ordonne aussi que l’arriéré de pension alimentaire pour conjoint fixé au paragraphe 1 [sic] ci‑dessus sera versé par l’intimé à la demanderesse à raison de 400 $ par mois le 1er jour de chaque mois, à compter du 1er octobre 2006 et jusqu’à ce que l’arriéré ait été payé entièrement.

 

[…]

 

8. La Cour ordonne aussi que l’obligation qu’avait l’intimé de verser une pension alimentaire pour conjoint est annulée.

 

[6]     Lorsque l’ordonnance définitive a été rendue, l’arriéré de pension alimentaire pour conjoint dû par l’appelant en application de l’ordonnance provisoire s’élevait à quelque 19 000 $ ou 20 000 $ (voir pièce A‑2). L’ordonnance définitive a modifié l’ordonnance provisoire de trois façons : (1) elle a réduit l’arriéré de pension alimentaire pour conjoint à 11 781 $, (2) elle a modifié les modalités de paiement de l’arriéré de façon à ce que les versements mensuels soient ramenés à 400 $ et à ce qu’ils doivent être faits à compter du 1er octobre 2006, et (3) elle a annulé, en date de l’ordonnance définitive, l’obligation qu’avait l’appelant de verser une pension alimentaire pour conjoint.

 

[7]     L’appelant a fait plusieurs versements de pension alimentaire entre le moment où l’ordonnance définitive a été rendue et la fin de 2006. Les montants versés avant le 1er octobre 2006 étaient irréguliers, alors que ceux qui ont été versés à compter de cette date‑là s’élevaient tous à 400 $, conformément à l’ordonnance définitive.

 

[8]     À l’audience, les parties ont convenu que les versements faits à Elaine McLaren après que l’ordonnance définitive a été rendue en 2006 totalisaient 1 672 $. La preuve présentée ne m’a pas permis d’arriver à ce montant‑là, mais, comme les parties étaient d’accord, je vais l’admettre.

 

[9]     En 2006, l’appelant a payé des frais juridiques totalisant 14 670 $ pour des services juridiques relatifs à l’ordonnance définitive.

 

Déductibilité des frais juridiques

 

[10]    L’appelant a demandé la déduction des frais juridiques payés à son avocat en 2006.

 

[11]    L’avocat de l’intimée a soutenu que la déduction de ces frais ne doit pas être accordée parce qu’ils n’ont pas été engagés en vue de tirer un revenu et qu’ils constituent des frais personnels. Les dispositions pertinentes sont les alinéas 18(1)a) et h) de la Loi.

 

[12]    La position de l’intimée correspond aux principes établis par la jurisprudence, et j’y adhère.

 

[13]    Pour que des frais juridiques soient déductibles, il faut démontrer qu’ils ont été engagés en vue de tirer un revenu. En l’espèce, les frais juridiques dont l’appelant a demandé la déduction n’ont aucun lien avec les revenus de celui‑ci, et je dois donc refuser leur déduction.

 

[14]    À l’audience, l’appelant a affirmé que son comptable lui avait dit qu’il pouvait déduire les frais juridiques en cause.

 

[15]    Il est normal que la question de la déductibilité des frais juridiques relatifs aux pensions alimentaires créé une certaine confusion. L’ancien juge en chef Bowman s’est penché sur le problème dans Loewig c. La Reine, 2006 CCI 476. Il a souligné que le traitement fiscal des frais juridiques relatifs aux pensions alimentaires n’est pas le même pour les payeurs et les bénéficiaires. Les personnes qui reçoivent des versements de pension alimentaire peuvent déduire leurs frais juridiques, car ils ont été engagés en vue de tirer un revenu d’un bien (le droit à une pension alimentaire), alors que les payeurs de pension alimentaire ne peuvent pas déduire leurs frais juridiques, qui n’ont pas été engagés en vue de tirer un revenu. L’ancien juge en chef Bowman a aussi dit que cette règle semblait être contraire à l’équité et au bon sens, mais que c’était là l’état du droit.

 

[16]    Par conséquent, la partie de l’appel portant sur la déductibilité des frais juridiques est rejetée.

 

Déductibilité des versements de pension alimentaire

 

[17]    L’appelant a aussi demandé une déduction au titre des versements de pension alimentaire qu’il a faits en 2006 après que l’ordonnance définitive a été rendue.

 

[18]    L’avocat de l’intimée a soutenu que ces versements ne sont pas déductibles parce qu’ils ne constituaient pas des montants à recevoir à titre d’allocation. Il a dit que les versements auraient seulement été déductibles si l’ordonnance définitive avait exigé que l’appelant paie la totalité de l’arriéré de pension alimentaire. Selon l’avocat de l’intimée, comme une partie de l’arriéré a été annulé par l’ordonnance définitive, les versements de pension alimentaire n’ont pas été payés à titre d’allocation.

 

[19]    L’avocat a invoqué un certain nombre de décisions, mais aucune d’entre elles ne portait précisément sur la question. (MNR v. Armstrong, 56 DTC 1044 (CSC), The Queen v. McKimmon, 90 DTC 6088 (CAF), The Queen v. Sills, 85 DTC 5096 (CAF) et Soldera v. The Queen, 91 DTC 987(CCI). 

 

[20]    La disposition législative pertinente est la définition de « pension alimentaire » se trouvant au paragraphe 56.1(4) de la Loi :

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui‑ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a) le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

 

b) le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

[21]    À mon avis, les versements en cause constituaient une pension alimentaire au sens donné à ce terme dans la définition précitée, et ils sont donc déductibles.

 

[22]    Au départ, les versements étaient payables en application de l’ordonnance provisoire, et ils constituaient alors clairement une pension alimentaire.

 

[23]    Quand l’ordonnance définitive a été rendue, l’arriéré de pension alimentaire était considérable. Le paiement d’un arriéré de pension alimentaire, que ce soit de façon forfaitaire ou périodique, reste déductible (voir The Queen v. Sills, 85 DTC 5096 (CAF)).

 

[24]    Le résultat aurait été différent si les versements en cause n’avaient pas simplement été faits pour payer un arriéré de pension alimentaire. La décision de la juge Campbell dans Gill c. La Reine, 2008 CCI 473, en est un exemple récent. Dans cette affaire, le contribuable avait accepté de faire un paiement forfaitaire de 100 000 $ alors que l’arriéré de pension alimentaire pour enfants totalisait 370 000 $. La juge Campbell a conclu que le contribuable avait fait le paiement forfaitaire pour être libéré de son obligation de payer l’arriéré de pension alimentaire, ce qui avait modifié la nature du paiement (voir paragraphe 18 de Gill).

 

[25]    La question de savoir si un paiement conserve la nature d’un règlement d’arriéré ou s’il change de nature est essentiellement une question de fait, et la réponse dépend des circonstances propres à chaque affaire.

 

[26]    En l’espèce, lorsque le ministre du Revenu national a établi la cotisation en cause, il ne s’est fondé sur aucune hypothèse de fait portant sur la nature des versements. Par conséquent, c’est lui qui a le fardeau d’établir que la nature des versements a changé quand l’ordonnance définitive a été rendue.

 

[27]    Le ministre n’a pas su se décharger de ce fardeau. L’ensemble de la preuve qui m’a été présentée est conforme à la position voulant que les versements, qui totalisaient 1 672 $, ont conservé leur nature de paiement d’un arriéré de pension alimentaire. Cette conclusion concorde avec la formulation de l’ordonnance définitive et avec les explications fournies par l’appelant quant à la négociation de l’entente conclue avec son ex‑épouse.

 

[28]    Je conclus donc que la somme de 1 672 $ est déductible. L’appel est accueilli dans cette mesure.

 

[29]    Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d’octobre 2009.

 

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de novembre 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2009 CCI 514

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-3138(IT)I

 

INTITULÉ :

Franklin J. McLaren et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 14 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Julian Malone

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

s.o.

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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