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Dossier : 2007-214(GST)I

ENTRE :

9110-1568 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu les 3, 4 et 5 octobre 2007 et les 5, 6 et 7 mai 2009,

à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jean-François Poulin

Avocat de l'intimée :

Me Benoît Denis

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie le 7 décembre 2005 dont l’avis porte le numéro 66 201 267 est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation de façon à augmenter la taxe sur les produits et services déclarée de 11 947,21 $ plutôt que de 25 256,32 $ et réduire le crédit de taxe sur les intrants de 877,37 $ plutôt que de 4 096,08 $, ce qui représente un ajustement de la taxe nette de 12 824,58 $ plutôt que de 29 352,40 $, avec rajustement corrélatif des pénalités et des intérêts, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’octobre 2009.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 554

Date : 20091028

Dossier : 2007-214(GST)I

ENTRE :

9110-1568 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]              Il s’agit d’un appel d’une cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») pour la période du 1er décembre 2001 au 30 novembre 2001 (la « période visée »).

 

[2]              Par cette cotisation, la taxe sur les produits et services (« TPS ») déclarée par l’appelante a été augmentée d’un montant de 25 256,32 $ et le crédit de taxe sur les intrants (« CTI ») a été diminué de 4 096,08 $, ce qui représente un rajustement de 29 352,40 $ apporté à la taxe nette. La cotisation comprend également une pénalité de 3 520,36 $ et des intérêts de 1 432,74 $ pour un total de 34 305,50 $.

 

[3]              Je souligne immédiatement que l’intimée a, lors de la reprise de l’audience le 4 mai 2009, accepté de réduire de 5 340,94 $ le montant de TPS cotisé.

 

[4]              L’appelante exploite un restaurant sur la rue St-Denis à Montréal sous le nom de « La Sila ». Monsieur Franco Iaconetti est le dirigeant de l’appelante.

 

[5]              L’appelante a acquis le restaurant « La Sila » en 2001. Son exercice financier s’échelonne du 1er décembre au 30 novembre.

 

[6]              La vérification de l’entreprise de l’appelante a été effectuée par monsieur Denis Duval et par madame Sylvie Dagenais. La vérification a débuté en 2005.

 

[7]              Dès le début de la vérification, madame Dagenais a constaté que l’appelante n’avait aucun système informatique pour des fins de comptabilité, que l’appelante utilisait des notes de repas rédigées à la main, non numérotées et non datées (à raison de 70 %), que l’appelante utilisait une comptabilité de caisse et que les données recueillies étaient comptabilisées et traitées à la main. Madame Dagenais a aussi constaté que l’appelante n’avait pas de grand‑livre général, de grand‑livre des fournisseurs, de journal général, de journal des achats et des ventes, ni de rapport de contrôle d’inventaire. Enfin, madame Dagenais a constaté que l’appelante ne tenait pas de registres faisant état des primes qui auraient été consenties aux clients et aux concierges de certains hôtels.

 

[8]              L’inventaire était pris uniquement à la fin de chaque exercice financier. Les documents à l’appui de ces prises d’inventaire n’étaient pas conservés. Les informations liées à ces prises d’inventaire étaient transmises verbalement au comptable de l’appelante. Il convient immédiatement de souligner que les états financiers de l’appelante au 30 novembre 2002 (pièce I-12) démontrent que l’inventaire au début de cet exercice financier était à zéro. Pourtant, l’appelante a fait parvenir au ministre un rapport d’inventaire daté du 1er décembre 2001 démontrant que la valeur de l’inventaire du début de cet exercice était de plusieurs milliers de dollars. Madame Dagenais a aussi expliqué que le comptable de l’appelante lui avait fait parvenir une lettre (pièce I‑18) qui explique comment le chiffre des ventes qui apparaît aux états financiers de l’appelante au 30 novembre 2002 avait été établi. Le comptable de l’appelante explique dans cette lettre que, du total des sommes déposées par l’appelante dans son compte en banque, il avait déduit la TPS et la TVQ, les pourboires établis à 8 %, et les avances consenties à l’appelante par monsieur Iaconetti. Cette lettre indique notamment les informations suivantes à cet égard :

 

Total deposits

824 173,41 $

Net sales

542 589,19 $

GST

 37 985,08 $

QST

 43 542,77 $

Tips

 49 929,36 $

Loan Director

150 127,00 $

 

 

Je note immédiatement que les états financiers de l’appelante au 30 novembre 2002 indiquent que les prêts à rembourser aux administrateurs étaient de 59 130 $ et non pas de 150 127 $.

 

[9]              Étant donné que les livres et registres comptables de l’appelante étaient pour le moins incomplets et afin de vérifier l’exactitude des déclarations des fournitures taxables, le ministre a estimé, au moyen d’une méthode de rechange, les fournitures taxables effectuées par l’appelante dans la période visée à partir des achats d’alcool de cette dernière pour la même période.

 

[10]         Plus précisément, le ministre a reconstitué le montant total des fournitures taxables effectuées par l’appelante pendant la période visée de la façon ci‑après explicitée :

 

i)                   pour chacun des exercices financiers de l’appelante pendant la période visée, le ministre a vérifié toutes les factures d’achat d’alcool et a déterminé le nombre total de litres d’alcool achetés chaque année. Ainsi, le ministre a établi que l’appelante avait acheté 5 564,522 litres d’alcool (voir la pièce I‑2), 5 371,712 litres d’alcool (voir la pièce I‑3) et 6 233,33 litres d’alcool (voir la pièce I-4) pendant la période allant du 1er décembre 2001 au 30 novembre 2002 (« l’année 1 »), pendant la période allant du 1er décembre 2002 au 30 novembre 2003 (« l’année 2 ») et pendant la période allant du 1er décembre 2003 au 30 novembre 2004 (« l’année 3 »), respectivement. Ensuite le nombre de litres d’alcool achetés par l’appelante a été réduit des allocations suivantes accordées par le ministre pour pertes, bris, primes, gratifications, promotion et utilisation pour la cuisine (voir la pièce I‑9) :

 

 

Le résultat de cet exercice fut le suivant :

 

 

Litres d’alcool

achetés

Allocation accordée

par le ministre

Litres d’alcool

réputés vendus

 

1re année

5 564,522

1 165,33

4 399,45

2e année

5 371,712

1 223,62

4 128,08

3e année

6 233,33

1 487,03

4 746,30

 

Somme toute, le ministre a présumé que tous les litres d’alcool achetés (moins les allocations accordées) avaient été vendus étant donné que les CTI avaient été demandés pour tous les achats et qu’il n’y avait aucun inventaire d’alcool au début de chacune des années en question.

 

ii)                 Par la suite, le ministre a examiné les factures de vente. Pour estimer les ventes réelles et les comparer aux ventes déclarées, le ministre a procédé par échantillonnage. En fait, un échantillonnage statistique des notes de repas fut constitué. Le ministre a ainsi comptabilisé les ventes de l’appelante (desquelles il a déduit les rabais ainsi que la TPS et la TVQ facturées aux clients) et les litres d’alcool vendus pendant 55 jours (choisis au hasard par un logiciel) de l’année 1, pendant 47 jours (choisis au hasard par un logiciel) de l’année 2 et pendant 43 jours (choisis au hasard par un logiciel) de l’année 3. Par la suite, le ministre a établi un ratio des ventes pendant les périodes échantillonnées, divisant le total des ventes par le nombre total des litres d’alcool vendus. Le résultat de cet exercice fut le suivant :

 

 

Ventes nettes

Litres d’alcool

vendus

Ratio

année 1 (55 jours)

80 471,65

559,048

143,9440 $

année 2 (47 jours)

70 868,52

458,493

154,5682 $

année 3 (43 jours)

71 316,91

451,524

157,9470 $

 

En d’autres mots, selon cette méthode, chaque litre d’alcool vendu aurait généré des ventes nettes de 143,9440 $, de 154,5682 $ et de 157,9470 $ dans l’année 1, l’année 2 et l’année 3, respectivement. Madame Dagenais a expliqué que les ratios en question représentaient des valeurs de référence utilisées pour estimer le total des ventes des années concernées. Étant donné que les factures d’achat indiquaient que 4 399,45 litres d’alcool (après avoir soustrait l’allocation) avaient été achetés dans l’année 1, le ministre a calculé, en multipliant le nombre de litres ainsi achetés par 143,9440 $ (ratio de l’année 1), que l’appelante avait effectué des fournitures taxables de 633 237,82 $ dans cette année. Je souligne que l’appelante avait déclaré des fournitures taxables de 542 588,00 $ dans l’année 1. Il en résulte que l’appelante aurait effectué, selon le ministre, des fournitures taxables non déclarées de 90 649,82 $ (ce qui représente un écart de 16,71 %). Étant donné que les factures d’achat indiquaient que 4 128,086 litres d’alcool (après avoir soustrait l’allocation) avaient été achetés dans l’année 2, le ministre a calculé, en multipliant le nombre de litres ainsi achetés par 154,5682 $ (ratio de l’année 2), que l’appelante avait effectué des fournitures taxables de 638 070,92 $ dans cette année. Je souligne que l’appelante avait déclaré des fournitures taxables de 506 335,00 $ dans l’année 2. Il en résulte que l’appelante aurait effectué, selon le ministre, des fournitures taxables non déclarées de 131 735,92 $ dans l’année 2 (ce qui représente un écart de 26,02 %). Étant donné que les factures d’achat indiquaient que 4 746,30 litres d’alcool (après avoir soustrait l’allocation) avaient été achetés dans l’année 3, le ministre a calculé, en multipliant le nombre de litres ainsi achetés par 157,9470 $ (ratio de l’année 3), que l’appelante avait effectué des fournitures taxables de 749 634,41 $ dans cette année. Je souligne que l’appelante avait déclaré avoir effectué des fournitures taxables de 610 881 $ dans l’année 3. Il en résulte que l’appelante aurait effectué, selon le ministre, des fournitures taxables non déclarées de 138 753,41 $ dans l’année 3 (ce qui représente un écart de 22,71 %).

 

[11]         Lors de l’audience en octobre 2007, l’appelante a démontré certaines erreurs du ministre à l’égard des litres d’alcool vendus pendant les jours échantillonnés. L’audience fut alors ajournée pour permettre aux parties de faire le point sur toutes les erreurs que le ministre aurait pu commettre à cet égard. Lors de la reprise de l’audience en mai 2009, le ministre a admis avoir commis certaines erreurs lors de la vérification initiale. Après à sa deuxième vérification, le ministre a établi que, dans la période échantillonnée de l’année 1 (55 jours), l’appelante avait effectué des ventes nettes (c’est‑à‑dire après avoir déduit les rabais ainsi que la TPS et la TVQ facturées aux clients) de 80 277,39 $ et qu’elle avait vendu 571,90 litres d’alcool pendant cette même période. Le ministre a établi le nouveau ratio des ventes pendant cette période échantillonnée à 140,3695 $ (ce qui représente un écart de 3,75 % par rapport au ratio des ventes initialement établi par le ministre) et qu’ainsi l’appelante avait effectué des fournitures taxables de 617 486,19 $ pendant l’année 1. Après cette deuxième vérification, le ministre a établi que, dans la période échantillonnée de l’année 2 (47 jours), l’appelante avait effectué des ventes nettes de 69 702,00 $ et qu’elle avait vendu 475,265 litres d’alcool pendant cette même période. Le ministre a établi le nouveau ratio des ventes pendant cette période à 146,659 $ (ce qui représente un écart de 7,91 % par rapport au ratio des ventes initialement établi par le ministre) et qu’ainsi l’appelante avait effectué des fournitures taxables de 605 409,05 $ pendant l’année 2. À l’égard de l’année 3, le ministre n’a pas fait une nouvelle vérification des ventes nettes effectuées par l’appelante et des litres d’alcool vendus par cette dernière pendant la période échantillonnée (45 jours) de l’année 3. Par ailleurs, il a déterminé le nouveau ratio des ventes pour l’année 3 à 152,04 $. Le ministre a déterminé ce nouveau ratio en faisant le calcul suivant :

 

(Z) – ( (X + Y) ) x (Z) ) = 152,04 $

                2

 

Z étant le ratio des ventes initialement établi, pour l’année 3, en l’espèce 157,95 $;

 

X étant l’écart en pourcentage entre le ratio des ventes initialement établi par le ministre (143,94 $) et le ratio des ventes subséquemment établi par le ministre (140,37 $) pour l’année 1, en l’espèce un écart de 2,48 %;

 

Y étant l’écart en pourcentage entre le ratio des ventes initialement établi par le ministre (154,57 $) et le ratio des ventes subséquemment établi par ce dernier (146,66 $) pour l’année 2, en l’espèce un écart de 5 %.

 

Le ministre a établi à partir de ce nouveau ratio des ventes que l’appelante avait effectué des fournitures taxables non déclarées de 110 957 $ dans l’année 3.

 

[12]         En résumé, après la deuxième vérification, le ministre a établi à 140,3697 $, à 146,6592 $ et à 152,04 $ le ratio des ventes de l’année 1, de l’année 2 et de l’année 3, respectivement. Je rappelle qu’à la suite de la première vérification, le ministre avait établi à 143,9440 $, à 154,5682 $ et à 157,9470 $ le ratio des ventes pour l’année 1, l’année 2 et l’année 3, respectivement. Conséquemment, le ministre a établi à la suite de la deuxième vérification que l’appelante avait effectué des ventes non déclarées de 74 898,19 $, de 99 074,059 $ et de 110 957 $ dans l’année 1, l’année 2 et l’année 3, respectivement. Je rappelle que le ministre a établi après la première vérification que l’appelante avait effectué des ventes non déclarées de 90 649,82 $, de 131 735,92 $ et de 138 753,41 $ dans l’année 1, l’année 2 et l’année 3, respectivement. Par conséquent, les ventes prétendument non déclarées de l’appelante auraient diminué de 76 209,28 $ après la deuxième vérification, ce qui explique que le ministre a, lors de la reprise de l’audience en mai 2009, accepté de réduire de 5 340,94 $ le montant de TPS initialement cotisé.

 

Position de l’appelante

 

[13]         L’appelante soutient que :

 

i)                   le ministre n’était pas justifié d’employer une méthode de vérification indirecte en regard de ses affaires;

 

ii)                 la méthode de vérification indirecte utilisée par le ministre est une méthode purement arbitraire et estimative qui ne présente pas le degré de fiabilité requis, notamment en ce que :

 

a)                 les erreurs du ministre liées au nombre de litres d’alcool vendus pendant les jours échantillonnés étaient substantielles;

 

b)                la quantité de litres d’alcool achetés ou vendus par l’appelante n’a tout simplement aucun lien direct avec le nombre de repas vendus ou de la valeur de ceux-ci;

 

c)                 l’échantillonnage du ministre n’est tout simplement pas représentatif de sa réalité commerciale;

 

iii)               l’allocation pour pertes, bris, primes, gratifications, promotion et utilisation pour la cuisine accordée par le ministre ne reflète pas la réalité;

 

iv)               le ministre n’était pas en droit de diminuer de 4 096,08 $ le CTI.

 

Analyse et conclusion

 

Méthode de vérification indirecte

 

[14]         À l’égard de la position de l’appelante selon laquelle le ministre n’était pas justifié d’employer une méthode de vérification indirecte, mes commentaires seront très brefs. Lorsque les états financiers ne sont pas fiables et lorsque les livres et registres sont tout à fait inadéquats ou encore inexistants, le contribuable s’expose à une vérification qui peut amener le ministre à utiliser des méthodes plus imprécises pour établir le montant des fournitures taxables sous-estimées. Le ministre était justifié ici, compte tenu de la preuve qu’il a faite devant moi, d’utiliser une méthode indirecte.

 

Erreurs du ministre à l’égard du nombre de litres d’alcool vendus pendant les jours échantillonnés

 

[15]         Le procureur de l’appelante reconnaît que sa cliente avait le fardeau de prouver que la méthode estimative utilisée par le ministre pour établir les ventes de l’appelante était peu fiable. Toutefois, il soutient qu’en démontrant les erreurs importantes commises par le ministre à l’égard des litres d’alcool vendus pendant les jours échantillonnés, sa cliente avait en quelque sorte fait la preuve prima facie que cette méthode était peu fiable. Il a ajouté qu’à partir du moment où cette preuve prima facie avait été faite par sa cliente, il appartenait au ministre de faire la preuve que sa méthode estimative était fiable. La réalité est la suivante : lors de l’audience en octobre 2007, l’appelante a soutenu que, après avoir soulevé certaines erreurs du ministre à cet égard, la méthode estimative utilisée par ce dernier était peu fiable et, en quelque sorte, que le fardeau de la preuve était renversé. J’ai alors demandé au procureur de l’appelante si cette dernière était alors en mesure de faire la preuve que ces erreurs étaient importantes. De toute évidence, l’appelante n’était pas alors en mesure de ce faire. Dans un geste de pure générosité, j’ai alors ajourné l’audience, notamment pour permettre à l’appelante de mieux se préparer, de noter toutes les erreurs que le ministre aurait pu commettre et, finalement, d’en faire part au ministre, le cas échéant, avant la reprise d’audience. L’appelante a finalement fait son travail qui, à mon avis, aurait dû être fait à l’étape des oppositions. Une fois le ministre informé de ses erreurs, il les a reconnues, à l’exception d’une erreur peu importante liée à la consommation de 20 verres de kir qui avaient été vendus en 2004 et qui représenterait une erreur de 1,7 litre d’alcool. Je souligne que le ministre n’a pas voulu corriger cette erreur au motif qu’il avait été suffisamment généreux en reconnaissant (après l’ajournement de l’audience en octobre 2007) les erreurs dont il avait été informé, étant donné qu’après avoir obtenu (après l’ajournement) de la SAAQ tous les relevés d’achat d’alcool de l’appelante dans la période visée, il avait réalisé que des quantités substantielles d’alcool achetées par l’appelante pendant cette même période n’avaient pas été comptabilisées dans l’établissement de la cotisation, étant donné que l’appelante n’avait pas remis au ministre à l’étape de la vérification toutes les factures d’achat d’alcool. À mon avis, l’appelante défend ici l’indéfendable. C’est faire preuve ici de tactiques procédurales injustifiées que d’attaquer une cotisation en argumentant ici un prétendu renversement de la preuve. À mon avis, cet argument doit être rejeté.

 

Échantillonnage non représentatif de la réalité commerciale de l’appelante

 

[16]         Le procureur de l’appelante soutient que sa cliente avait fait une preuve prima facie que la méthode utilisée par le ministre n’était pas fiable en ce que son échantillonnage n’était pas représentatif de sa réalité commerciale et qu’ainsi que le fardeau de la preuve avait été renversé. Puisque le procureur de l’appelante a pratiquement lu lors de sa plaidoirie son plan de plaidoirie à cet égard, je me permets de le reproduire pour la partie pertinente de façon à ne pas trahir son raisonnement :

 

 

 

 

 

 

 

[17]         Le procureur de l’appelante prétend essentiellement que sa cliente a présenté à la Cour une preuve prima facie démolissant les présomptions qu’a faites le ministre lors de la reconstitution des ventes de l’appelante. Il soutient que le manquement à l’obligation de tenir des registres exacts et une comptabilité fiable ne donne pas pour autant carte blanche au ministre pour s’appuyer sur des présomptions arbitraires lors de l’établissement d’une cotisation. En d’autres termes, il soutient, en s’appuyant principalement sur la décision rendue par le juge Dussault dans l’affaire Brasserie Futuriste de Laval Inc. c. La Reine, 2006 CCI 503, que ce n’est pas parce que l’appelante a manqué à ses obligations de tenir des registres exacts, parce qu’elle a une comptabilité déficiente ou parce qu’elle n’a pas les documents appropriés ou qu’elle les a détruits, que le ministre peut supposer n’importe quoi et prétendre que ces suppositions sont valides en toutes circonstances. Le procureur de l’appelante soutient qu’un appelant peut, à l’aide d’une preuve prima facie, démolir les présomptions sur lesquelles s’appuie l’intimée, comme l’a écrit la juge L’Heureux‑Dubé dans Hickman Motors, [1997] 2 R.C.S. 336, aux paragraphes 92 et 93 :

 

[…] En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions […] et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable […] Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus […]

 

L’appelant s’acquitte de cette charge initiale de « démolir » l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie […]

 

[18]         Dans le cas présent, l’appelante prétend avoir fait la preuve prima facie que l’échantillonnage n’était pas représentatif de la réalité commerciale du restaurant La Sila, en ce qu’elle avait démontré que la consommation d’alcool à son restaurant avait été beaucoup plus élevée les jours où des spectacles avaient été tenus au Théâtre St-Denis (les jours de spectacles) que les jours où des spectacles n’avaient pas été tenus au Théâtre St-Denis (les « jours sans spectacles ») et en ce que les jours de spectacles étaient nettement sous‑pondérés dans l’échantillonnage du ministre, et ce, dans chacune des années de la période visée.

 

[19]         Que la consommation d’alcool ait été nettement plus élevée les jours de spectacles ne démontre nullement, à mon avis, que l’échantillonnage du ministre ne tenait pas compte de la réalité commerciale de l’appelante. En effet, se pourrait‑il que la consommation d’alcool ait été plus élevée lors des jours de spectacles que lors des jours sans spectacles tout simplement parce que l’achalandage du restaurant de l’appelante avait été plus élevée lors des jours de spectacles que lors des jours sans spectacle? Si l’appelante avait, par exemple, fait la preuve prima facie que le ratio de ventes (ventes nettes divisées par les litres d’alcool consommés) des jours de spectacles était significativement inférieur au ratio des ventes des jours sans spectacles, ne serait-ce que pour une des années de la période visée, il aurait alors, à mon avis, soulevé un doute sérieux quant à la validité de l’échantillonnage du ministre dans lequel les jours de spectacles étaient nettement sous‑pondérés et le fardeau de la preuve aurait été renversé. Le ministre aurait eu alors le fardeau de démontrer (probablement par expert) que son échantillonnage était acceptable et fiable compte tenu des circonstances propres à l’exploitation de ce restaurant. En l’espèce, non seulement l’appelante n’a pas fait cette preuve, mais elle a aussi admis que le ratio des ventes des jours sans spectacles était sensiblement le même que le ratio des ventes des jours de spectacles.

 

Allocations

 

Gratifications aux employés

 

[20]         L’appelante soutient qu’elle avait donné à ses employés affectés au service et à la cuisine 416,5 litres d’alcool pendant chacune des trois années de la période visée, soit 238 litres d’alcool pendant le quart de travail du midi (c’est-à-dire en moyenne quatre employés qui auraient chacun consommé pendant le quart de travail du midi, et ce, pendant 349 jours, un verre de vin de 170 millilitres) et 178,5 litres pendant le quart de travail du soir (c’est‑à‑dire en moyenne trois employés qui auraient chacun consommé pendant le quart de travail des soirs, et ce, pendant 350 jours, un verre de vin de 170 millilitres). Il convient de souligner que la preuve de l’appelante à cet égard reposait essentiellement sur les témoignages de monsieur Iaconetti et de monsieur Youssef Ouali.

 

[21]         Par ailleurs, je souligne que madame Dagenais, dont la crédibilité ne fait pas de doute, a témoigné que monsieur Iaconetti lui avait déclaré lors de leur première rencontre en date du 2 juin 2005 que l’appelante n’avait pas offert de boissons alcoolisées gratuites à ses employés pendant la période visée. Madame Dagenais a expliqué que monsieur Iaconetti lui avait déclaré par la suite que ses employés affectés à la cuisine et au service avaient consommé aux frais de l’appelante l’équivalent de 297 litres de vin pendant chacune des trois années de la période visée (c’est‑à‑dire en moyenne cinq employés qui auraient chacun consommé chaque jour pendant 349 jours l’équivalent d’un verre de vin de 170 millilitres). Madame Dagenais a ajouté qu’elle avait admis l’allocation de 297 litres ainsi déclarée par monsieur Iaconetti au nom de l’appelante, et ce, nonobstant la première déclaration que lui avait faite monsieur Iaconetti selon laquelle l’appelante n’avait pas offert de consommations d’alcool gratuites à ses employés pendant la période visée. Maintenant, l’appelante demande à ce titre une allocation de 416,5 litres pour chacune des trois années de la période visée.

 

[22]         Ce n’est certainement pas en changeant trois fois sa version des faits à l’égard des consommations d’alcool gratuites offertes aux employés pendant la période visée que monsieur Iaconetti pouvait espérer me convaincre que les employés de l’appelante avaient consommé aux frais de cette dernière, non pas 287 litres d’alcool pendant chacune des trois années de la période visée, mais bien 416,5 litres d’alcool. Je suis d’avis que madame Dagenais a fait preuve d’une grande ouverture et de générosité à l’égard de l’appelante en accordant une telle allocation de 297 litres d’alcool par année compte tenu de la déclaration initiale de son représentant à cet égard.

 

Vin utilisé en cuisine

 

[23]         L’appelante soutient qu’en plus d’utiliser le vin de type « Auberge » et « Entre-Côte » dans la préparation des plats en cuisine, les employés de l’appelante devaient très fréquemment prendre certaines quantités d’autres types de vin lorsque le vin de type « Auberge » et « Entre-Côte » venait à manquer. L’appelante soutient qu’environ deux bouteilles de vin d’un litre par semaine avaient été utilisées en cuisine, à savoir une bouteille de vin rouge (d’une valeur d’environ 10 $) et une bouteille de vin blanc (d’une valeur d’environ 10 $). Je souligne que le ministre avait concédé lors de la vérification que tous les formats de quatre litres de vin de marque Entre-Côte et l’Auberge achetés par l’appelante pendant la période visée avaient été utilisés dans la préparation des plats en cuisine, ce qui représente 664,00 litres de vin, 736,00 litres de vin et 821 litres de vin dans l’année 1, l’année 2 et l’année 3, respectivement qui n’ont pas été réputés vendus par l’appelante pendant la période visée. En résumé, l’appelante demande une allocation supplémentaire à ce titre de 99,72 litres d’alcool pour chacune des trois années de la période visée.

 

[24]         La preuve de l’appelante à cet égard reposait uniquement sur les témoignages de monsieur Iaconetti, de monsieur Youssef Ouali et de monsieur Frank Mellace. À cet égard, monsieur Mellace, le chef cuisinier de l’appelante pendant la période visée, a témoigné qu’il avait utilisé en moyenne environ une bouteille de vin d’un litre par semaine pour la préparation des plats en cuisine. Par ailleurs, monsieur Ouali a témoigné qu’il apportait lui-même à la cuisine en moyenne cinq à six bouteilles de vin d’un litre par semaine aux fins de la préparation de plats en cuisine. Enfin, monsieur Iaconetti a témoigné qu’environ deux bouteilles de vin d’un litre (à savoir une bouteille de vin rouge et une bouteille de vin blanc) par semaine avaient été utilisées en cuisine. Je souligne que madame Dagenais a témoigné que monsieur Iaconetti lui avait déclaré lors d’une première rencontre que l’appelante avait utilisé en cuisine seulement du vin de type « Auberge » et « Entre‑Cote ».

 

[25]         Somme toute, la preuve de l’appelante reposait uniquement sur trois témoignages pour les moins discordants. Ce n’est certainement pas en présentant trois témoignages aussi discordants que l’appelante pouvait espérer me convaincre qu’elle avait utilisé, aux fins de la préparation de plats en cuisine, 99,72 litres d’alcool dans chacune des années de la période visée en plus de l’allocation déjà accordée par le ministre à ce titre. De toute façon, il m’apparaît invraisemblable que l’appelante ait eu à utiliser en moyenne deux bouteilles de vin (de format d’un litre) par semaine pour dépanner ses cuisiniers qui auraient été en rupture de stock de vin de format de quatre litres. En d’autres mots, l’appelante me demande de croire qu’elle était continuellement en rupture de stock de vin (de format de quatre litres) alors que monsieur Iaconetti, son président et principal actionnaire, procédait hebdomadairement à un inventaire des boissons alcoolisées et qu’il se rendait plusieurs fois par semaine à une succursale de la SAAQ située à proximité du restaurant La Sila (en l’espèce sur la rue Maisonneuve) pour procéder notamment à l’achat de vin. Je suis d’avis que le ministre a fait preuve d’une grande générosité à l’égard de l’appelante en lui accordant de telles allocations lors de la vérification, générosité dont je ne suis aucunement animé dans les circonstances. Pour ces motifs, l’allocation supplémentaire demandée par l’appelante à ce titre est tout simplement rejetée.

 

Party Grayline

 

[26]         L’appelante soutient qu’elle avait conclu une entente verbale avec la société Grayline aux termes de laquelle elle avait bénéficié de publicité gratuite dans les dépliants de la société Grayline en échange de repas gratuits qu’elle avait offerts (incluant les boissons alcoolisées offertes gratuitement) pendant la période des fêtes aux concierges invités par la société Grayline, concierges qui avaient rendu des services à cette dernière au cours de chacune des années de la période visée.

 

[27]         En l’espèce, je ne vois pas comment l’appelante peut prétendre que les boissons alcoolisées ainsi offertes aux concierges n’avaient pas été vendues ou, autrement dit, n’étaient pas des fournitures taxables. L’appelante n’a pas offert gratuitement des boissons alcoolisées aux concierges. En effet, l’appelante a reçu une contrepartie pour ce faire en ce sens qu’elle a bénéficié de publicité dans les dépliants de la société Grayline. L’appelante a fait du troc avec la société Grayline. Ainsi, elle a effectué une fourniture taxable en fournissant des boissons alcoolisées aux concierges invités par la société Grayline.

 

Primes aux amis et membres de la famille Iaconetti

 

[28]         L’appelante prétend que, pendant la période visée :

 

i)                   9 fêtes familiales s’étaient déroulées au restaurant La Sila;

 

ii)                 en moyenne, 40 membres de la famille de monsieur Iaconetti, dont 5 à 6 enfants, avaient assisté à chacune de ces fêtes;

 

iii)               lors de ces fêtes, des boissons alcoolisées avaient été offertes gratuitement par l’appelante;

 

iv)               chaque invité avait consommé en moyenne 500 millilitres d’alcool, soit moins de deux bières ou environ trois coupes de vin.

 

[29]         L’appelante demande une allocation à ce titre de 50 litres d’alcool, 57 litres d’alcool et 45,5 litres d’alcool pour l’année 1, l’année 2 et l’année 3, respectivement. Je souligne que le ministre a accordé à ce titre une allocation de 39,75 litres d’alcool pour chacune de trois années de la période visée.

 

[30]         La preuve de l’appelante à cet égard reposait sur les témoignages de monsieur Iaconetti, de sa sœur Cindy Reiss et sur un tableau (pièce A‑14, onglet 5) faisant état des dates où les fêtes s’étaient déroulées et du nombre de personnes qui y auraient assisté. Je souligne que le tableau est contemporain de l’audience et qu’il a donc été dressé à partir des souvenirs de Monsieur Iaconetti puisque l’appelante ne tenait aucun registre à l’égard de ces primes.

 

[31]         Monsieur Iaconetti a essentiellement témoigné que des quantités importantes d’alcool avaient été consommées aux frais de l’appelante lors de ces 9 fêtes familiales. Monsieur Iaconetti a expliqué qu’il estimait à 500 millilitres l’alcool (bière et vin) consommé par chaque invité. La sœur de monsieur Iaconetti a pour sa part raconté qu’elle avait assisté à ces 9 fêtes familiales. Elle a aussi précisé que l’alcool (bière et vin) avait été offert gracieusement lors de ces neuf fêtes. Enfin, la belle‑sœur de monsieur Iaconetti a essentiellement témoigné qu’elle avait assisté à 4 de ces 9 fêtes familiales. Elle a aussi précisé que l’alcool avait été offert gracieusement par l’appelante lors de ces 4 fêtes familiales.

 

[32]         Le procureur de l’appelante soutient que, notamment en s’appuyant sur la décision 9022‑8891 Québec Inc. c. R., 2006 G.T.C. 214, le témoignage du dirigeant de l’appelante non contredit et, qui plus est, corroboré par les témoignages de sa sœur et de sa belle‑sœur, constituait une preuve prima facie suffisante pour renverser le fardeau de la preuve. Dans l’affaire 9022‑8891 Québec Inc., où il était aussi question de prétendues ventes faites dans le cadre de l’exploitation d’un bar qui n’avaient pas été déclarées, le vérificateur avait fixé à 10 % des ventes totales la proportion des ventes de boissons alcoolisées perdues et utilisées pour la promotion, tandis que l’appelante prétendait que c’était 30 % des ventes totales. La Cour a accueilli l’appel, ayant accepté le témoignage du principal dirigeant de l’appelante.

 

[33]         Ici, le témoignage de monsieur Iaconetti a été corroboré par le témoignage de témoins qu’on ne peut qualifier de témoins indépendants, témoignages qui, de toute façon, ne nous ont absolument pas éclairé quant aux quantités d’alcool consommées et quant au nombre de personnes qui auraient assisté à ces fêtes familiales. Le témoignage de monsieur Iaconetti n’a pas été étayé par une preuve documentaire adéquate, telle une banque de données contenant les noms des invités ayant participé à chacune des fêtes familiales, la quantité d’alcool consommée et la nature de cet alcool. Le témoignage de monsieur Iaconetti ne peut être qualifié de fiable étant donné qu’il était à cet égard pour le moins vague et imprécis. Les mots « j’estime » et « environ » à l’égard des quantités d’alcool consommées ont été utilisés un peu trop souvent par monsieur Iaconetti. Somme toute, les éléments de preuve soumis par l’appelante à cet égard ne créent pas le degré de probabilité requis pour constituer une preuve prima facie. Je suis d’avis que l’allocation accordée par le ministre à ce titre était plus que raisonnable dans les circonstances.

 

[34]         Je souligne par ailleurs, en ce qui concerne la décision invoquée par le procureur de l’appelante, que, même si le juge avait indiqué que le témoignage du principal dirigeant de l’appelante n’avait pas été corroboré, il n’en restait pas moins que celui‑ci avait en fait présenté un livre attestant de la réalité des activités de promotion faites par le bar, et le juge l’a accepté comme étayant le témoignage.

 

Primes aux membres V.I.P

 

[35]         Le procureur de l’appelante soutient que sa cliente avait donné à ses clients (à qui elle avait fait parvenir une carte de membre V.I.P.) 47,74 litres de bière et 214,20 litres de vin, et ce, dans chacune des trois années de la période visée. Toutefois, le procureur de l’appelante n’a demandé pour sa cliente qu’une allocation à ce titre de 250 litres d’alcool (vin et bière) pour chacune des trois années de la période visée. Je souligne que, lors de la vérification, le ministre avait reconnu que l’appelante avait donné à ses clients détenteurs de la carte de membre V.I.P. 22,08 litres de bière, 33 litres de bière et 30,87 litres de bière dans l’année 1, l’année 2 et l’année 3, respectivement. Par ailleurs, lors de la vérification, le ministre n’a pas reconnu que l’appelante avait donné des verres de vin à ses clients détenteurs de la carte de membre V.I.P. pendant la période visée.

 

[36]         La preuve de l’appelante à cet égard reposait essentiellement sur les témoignages de monsieur Iaconetti, de sa sœur Giovanna, de monsieur Youssef Ouali et de quelques clients (messieurs Normand Yergeau et Antoine Donato). Par ailleurs, l’appelante a notamment déposé en preuve les factures liées à l’achat des cartes de membres V.I.P. (pièce A-14, onglet 4), une liste des membres V.I.P. (pièce A-14, onglet 2), la fiche d’évaluation que les membres V.I.P. avaient remplie (pièce A-14, onglet 1) et la lettre (à laquelle était jointe la carte de membre) que l’appelante faisait parvenir à ses clients qui avaient rempli la fiche d’évaluation (pièce A-14, onglet 3).

 

[37]         Monsieur Iaconetti a témoigné que :

 

i)                   dès que l’appelante s’était portée acquéreur du restaurant La Sila, elle s’était servie de l’alcool comme outil de promotion en ce qu’elle avait notamment offert gratuitement un verre de vin ou une bière à tous ses clients qui étaient devenus membres V.I.P. du restaurant. Monsieur Iaconetti a expliqué que, pour devenir membre V.I.P., un client devait tout simplement remplir une fiche d’évaluation du restaurant qui lui était remise à la fin du repas, auquel cas l’appelante lui faisait parvenir par la poste une lettre (pièce A‑14, onglet 1), une carte de membre V.I.P. numérotée et une autre carte de membre V.I.P. (portant le même numéro que la précédente) au nom de son conjoint (sa conjointe) si son nom apparaissait sur la fiche d’évaluation. Je note de la lettre qu’elle explique essentiellement les modalités pour activer la carte de membre V.I.P. et les avantages qu’elle procure à son détenteur. À cet égard, je note de la lettre que le détenteur de la carte V.I.P. qui avait rempli la fiche d’évaluation pouvait bénéficier de la prime (un verre de vin ou une bière) s’il se présentait au restaurant avec sa carte de membre V.I.P. et la lettre, et ce, dans les trois mois de sa réception. Monsieur Iaconetti a expliqué qu’il avait distribué environ 9 000 cartes de membres pendant la période visée, dont environ 6 000 aux clients qui avaient rempli la fiche d’évaluation et dont environ 3 000 aux conjoints de ces derniers. À cet égard, l’appelante a déposé en preuve trois factures (pièce A‑14, onglet 4) qui démontrent qu’elle avait acheté un lot de 5 000 cartes de membres V.I.P. le 11 octobre 2001, un autre lot de 5 000 cartes de membres le 23 décembre 2002 et finalement un dernier lot de 5 000 cartes le 4 octobre 2004;

 

ii)                 environ 5 000 clients (qui avaient rempli la fiche d’évaluation) avaient rapporté la lettre leur donnant le droit de se prévaloir de la prime. Parmi eux, 90 % avait préféré un verre de vin gratuit à une bière gratuite. À cet égard, je souligne immédiatement que le procureur de l’appelante a soutenu dans sa plaidoirie qu’il estimait à 1 400 le nombre de clients de l’appelante qui avaient bénéficié d’une bière gratuite ou d’un verre de vin gratuit dans le cadre de cette promotion V.I.P., et ce, à chacune des années de la période visée;

 

iii)               les fiches d’évaluation une fois remplies avaient été remises à sa sœur Giovanna qui faisait alors parvenir par la poste aux clients qui avaient rempli ces fiches la lettre et les cartes de membres V.I.P. Monsieur Iaconetti a expliqué que sa sœur avait conservé dans une banque de données le nom de tous les clients qui avaient rempli une fiche d’évaluation, le nom des conjoints de ces derniers, leur adresse et le numéro de membre qu’elle leur avait attribués. À cet égard, l’appelante a déposé en preuve une liste (pièce A‑14, onglet 2) contenant toutes les informations mentionnées ci-haut, liste qui toutefois a été imprimée le 29 septembre 2007;

 

iv)               il avait remis à sa sœur toutes les lettres que les clients avaient rapportées au restaurant dans le but de bénéficier de la prime offerte dans le cadre de cette promotion. Monsieur Iaconetti a expliqué que sa sœur inscrivait à la main sur une lettre ainsi rapportée au restaurant le numéro du membre qui l’avait rapportée. Monsieur Iaconetti a ajouté que sa sœur avait conservé à son domicile ces lettres.

 

[38]         Madame Giovanna Iaconetti a essentiellement réitéré le témoignage de son frère à l’égard de son rôle dans le cadre de cette promotion V.I.P. Par ailleurs, monsieur Youssef Ouali (un serveur de l’appelante pendant la période visée) a témoigné qu’en moyenne 5 à 7 clients par semaine lui avaient remis pendant la période visée la lettre dans le but de bénéficier de la prime offerte par l’appelante dans le cadre de sa promotion V.I.P.

 

[39]         Le procureur de l’appelante soutient que sa cliente avait présenté une preuve prima facie à l’effet qu’elle avait donné, dans le cadre de sa promotion, 214,20 litres de vin dans chacune des trois années de la période visée à ses clients détenteurs d’une carte de membre V.I.P. qui avaient rapporté la lettre en question.

 

[40]         Dans Stewart c. M.R.N., [2000] A.C.I. no 53, paragraphe 23, le juge Cain mentionne qu’« [u]ne preuve prima facie est celle qui est étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la cour doit l’accepter si elle y ajoute foi, à moins qu’elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé ». À mon avis, la preuve soumise par l’appelante quant à cette promotion était beaucoup plus étayée que celle liée aux autres demandes d’allocation. Le témoignage corroboré et non contredit de monsieur Iaconetti, bien qu’imprécis à l’égard des quantités exactes de verres de vin donnés dans le cadre de cette promotion, a été étayé cette fois par une preuve documentaire adéquate (une liste des noms des membres V.I.P. qui avaient rempli une fiche d’évaluation, le nom de leur conjoint, le cas échéant, leur adresse et leur numéro de membre, des lettres qui avaient été rapportées par des clients dans le but de bénéficier de la prime offerte dans le cadre de la promotion et des factures liées à l’achat de 15 000 cartes de membre) a créé, à mon avis, un tel degré de probabilité en faveur de l’appelante que la Cour doit considérer la preuve de l’appelante soumise à cet égard comme une preuve prima facie.

 

[41]         Pour ces motifs, je suis d’avis que la TPS cotisée doit être réduite des montants supplémentaires suivants  de 2 102,70 $ pour l’année 1 ((140,3697 $ x 214,20 litres) x (7 %)), de 2 199,00 $ pour l’année 2 ((146,6592 $ x 214,20 litres) x (7 %)) et de 2 279,68 $ pour l’année 3 ((152,04 $ x 214,20 litres) x (7 %)).

 

Prime aux meilleurs clients qui n’étaient pas membres V.I.P.

 

[42]         L’appelante soutient qu’elle avait donné annuellement environ 100 bouteilles de vin de 750 millilitres à ses meilleurs clients. Elle demande donc une allocation annuelle à ce titre de 75 litres d’alcool.

 

[43]         Je souligne immédiatement que le ministre avait accordé, à la suite des observations initiales de l’appelante à cet égard en date du 3 et du 9 novembre une allocation annuelle de 30 litres d’alcool (c’est‑à‑dire 40 bouteilles de vin de 750 millilitres de marque La Fonte). Lors de la présentation de ces observations initiales, l’appelante avait remis au ministre une lettre (pièce I‑10) qui tendait à démontrer qu’elle avait offert gratuitement à 40 de ses membres V.I.P. une bouteille de vin de marque La Fonte. Maintenant, l’appelante soutient qu’elle avait en plus donné annuellement environ 60 bouteilles de vin à ses meilleurs clients qui n’étaient pas pour autant des membres V.I.P.

 

[44]         La preuve de l’appelante à cet égard reposait uniquement sur les témoignages de messieurs Iaconetti, Ouali (un serveur de l’appelante) et Yergeau (un client de l’appelante). Je souligne que l’appelante ne tenait aucun registre à l’égard de ces primes.

 

[45]         Le témoignage de monsieur Iaconetti à cet égard pourrait se résumer ainsi : lui et les serveurs de l’appelante avaient donné aux meilleurs clients de cette dernière qui n’étaient pas membres V.I.P. environ 60 bouteilles de vin. Je tiens à souligner que le témoignage de monsieur Iaconetti fut tout à fait silencieux à l’égard :

 

i)                   du nom des clients qui auraient bénéficié d’une telle prime;

 

ii)                 de la marque de vin donné et, par conséquent, du coût du vin donné si ce n’est que, dans l’année 1, le coût d’une bouteille de vin donnée se situait entre 25 $ et 50 $ (voir les notes sténographiques du 5 mai 2009, au paragraphe 77);

 

iii)               du nombre de bouteilles de vin données par chacun des serveurs.

 

[46]         Par ailleurs, le témoignage de monsieur Ouali nous aura appris bien peu de choses à cet égard si ce n’est qu’il avait donné annuellement de 15 à 25 bouteilles de vin à ses meilleurs clients.

 

[47]         Enfin, monsieur Yergeau, un bon client de l’appelante, s’est contenté de dire qu’il avait reçu à l’occasion, de cette dernière, une bouteille de vin.

 

[48]         Dans ce cas, l’appelante prétend avoir fait la preuve prima facie qu’elle avait donné annuellement environ 60 bouteilles de vin à ses meilleurs clients qui n’étaient pas membres V.I.P. (ce qui représente une allocation annuelle de 45 litres d’alcool). À mon avis, les éléments de preuve soumis par l’appelante à cet égard ne créent pas le degré de probabilité requis pour constituer une preuve prima facie. D’abord, le témoignage de monsieur Iaconetti n’a pas été étayé par une preuve documentaire adéquate, telle une banque de données contenant le nom des bénéficiaires de cette promotion, la date de réception de ces primes et la marque des bouteilles de vin ainsi données. De plus, le témoignage de monsieur Iaconetti ne peut être qualifié de fiable en ce qu’il était à cet égard pour le moins volontairement vague et imprécis. Le mot « environ » qualifiait trop souvent ses allégations. Par ailleurs, les témoignages de messieurs Ouali et Yergeau ne viennent pas vraiment corroborer le témoignage de monsieur Iaconetti en ce qu’ils étaient tout aussi vagues et imprécis (et donc peu fiables) que le témoignage de monsieur Iaconetti. L’appelante doit comprendre qu’une preuve basée sur un témoignage non contredit et même sur un témoignage corroboré par d’autres témoignages ne crée pas nécessairement le degré de probabilité requis pour constituer une preuve prima facie. Somme toute, l’appelante me demande en quelque sorte de trancher de façon arbitraire, ce qu’elle a pourtant maintes fois reproché au ministre. Pour ces motifs, je suis d’avis que le ministre était en droit de refuser à l’appelante l’allocation de 40 litres d’alcool demandée à ce titre.

 

Prime aux concierges

 

[49]         L’appelante soutient qu’elle avait donné à des concierges hôteliers de Montréal 26,25 litres de vin, 43,31 litres de vin et 70,2 litres de vin dans l’année 1, l’année 2 et l’année 3 de la période visée, respectivement. Le ministre a refusé à l’appelante toute allocation à ce titre. La preuve de l’appelante reposait essentiellement sur plusieurs tableaux (voir la pièce A‑14, onglet 6) (faits par l’appelante aux fins du présent litige) indiquant le nom des concierges qui auraient bénéficié de primes, la nature des primes et la date où ces derniers auraient bénéficié des primes. Je souligne que ces tableaux sont étayés par des factures (voir la pièce A‑14, onglet 6) qui auraient été signées par les concierges.

 

[50]         Monsieur Iaconetti a témoigné que :

 

i)                   il avait conclu une entente verbale avec des concierges (un ou deux par hôtel) qui travaillaient dans cinq ou six hôtels de Montréal, aux termes de laquelle ils avaient droit à un repas gratuit et à une bouteille de vin gratuite (d’une valeur d’environ 10 $) par mois à condition qu’ils distribuent aux clients de l’hôtel où ils travaillaient des coupons rabais du restaurant La Sila;

 

ii)                 il s’assurait que ces concierges bénéficient de cette prime une seule fois par mois;

 

iii)               les concierges devaient signer la facture liée à la prime.

 

[51]         Monsieur Greiss a témoigné qu’il avait conclu avec l’appelante une entente semblable à celle décrite par monsieur Iaconetti à l’époque où il travaillait à titre de concierge pour le Grand Plaza Hôtel à Montréal. Je souligne toutefois que monsieur Greiss ne se souvenait pas de la fréquence convenue des primes.

 

[52]         Le témoignage non contredit de monsieur Iaconetti a été étayé cette fois par une preuve documentaire qui m’apparaît fiable (même si le ministre a noté que le tableau lié aux primes consenties à monsieur Greiss contenait une erreur de quatre litres à l’égard de la facture du 4 novembre 2004) et par un témoignage indépendant et crédible. En d’autres mots, la preuve soumise par l’appelante à cet égard a créé le degré de probabilité requis pour constituer une preuve prima facie. Par conséquent, je suis d’avis que l’appelante avait droit à une allocation de 26,25 litres d’alcool, de 42,31 litres d’alcool et de 65,2 litres d’alcool dans l’année 1, l’année 2 et l’année 3, respectivement. Par conséquent, je suis d’avis que la TPS cotisée doit être réduite à ce titre d’un montant de 1 386,19 $, soit de 257,92 $ dans l’année 1 ((140,3697 $ x 26,25 litres) x (7 %)), de 434,36 $ dans l’année 2 ((146,6592 $ x 42,31 litres) x (7 %)) et de 693,91 $ dans l’année 3 (152,04 $ x 65,2 litres).

 

CTI refusés

 

[53]         Je rappelle que le CTI a été diminué de 4 096,08 $ par la cotisation établie par le ministre. Il ressort de la pièce I‑8 que les CTI refusés portaient sur les dépenses suivantes que le ministre a considérées comme n’ayant pas été encourues dans le cadre de ses activités commerciales :

 

i)        Gratifications aux employés

297 litres

ii)       Consommation prop.

41,65 litres

iii)      Baptême et bouteille personnelle

    35,25 litres

          Total des litres refusés

373 litres

 

Je note au sujet de la pièce I‑8 que le ministre a utilisé la valeur des inventaires selon les livres comptables de l’appelante pour déterminer la valeur des litres refusés. Il ressort du calcul du ministre qu’il a attribué une valeur de 19 505,20 $ aux 373 litres, soit une valeur de 52,29 $ le litre.

 

[54]         Dans un premier temps, nous examinerons la question de savoir si la valeur des 373 litres donnés s’élève à 19 505,20 $. À cet égard, je rappelle le témoignage de monsieur Iaconetti selon lequel l’appelante avait donné à ses employés et aux membres de sa famille et amis du vin de marque Giacondi dont le coût était d’environ 10 $ le litre. Par ailleurs, je m’explique difficilement la raison pour laquelle le ministre a utilisé la valeur des inventaires selon les livres comptables de l’appelante. En effet, il est pour le moins paradoxal que le ministre ait à la fois utilisé les livres de l’appelante pour déterminer la valeur des litres d’alcool donnés et prétendu que sa comptabilité, ses livres comptables et ses états financiers étaient très déficients. Il n’est donc pas surprenant que l’utilisation de cette comptabilité déficiente ait donné des résultats pour le moins invraisemblables et irréalistes. En d’autres termes, je ne suis pas convaincu que l’appelante ait donné à ses employés et aux membres de sa famille du vin d'une valeur de 52,29 $ le litre. Le témoignage de monsieur Iaconetti à cet égard m’apparaît plus vraisemblable et crédible.

 

[55]         Nous examinerons maintenant la question de savoir si les dépenses de l’appelante liées à ces primes et gratifications lui donnaient le droit de demander des CTI.

 

[56]         Le paragraphe 169(1) de la Loi édicte la règle générale en ce qui concerne les CTI. Cette disposition de la Loi pourvoit que tout bien ou service acquis ou importé par un inscrit pour utilisation dans le cadre de ses activités commerciales donne à cet inscrit le droit de demander un CTI en proportion de l’utilisation réelle ou projetée de ce bien dans le cadre de ses activités commerciales. La disposition se lit comme suit :

 

169.(1) Règle générale -- Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d'une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu'elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable :

 

A × B

 

 

A représente la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable;

 

B :

 

a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d'une année d'imposition de la personne, le pourcentage que représente l'utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l'utilisation totale qu'elle en faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;

 

b) dans le cas où le bien ou le service est acquis, importé ou transféré dans la province, selon le cas, par la personne pour utilisation dans le cadre d'améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l'immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l'immobilisation;

 

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l'a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

 

[57]         L’expression « activité commerciale » est définie au paragraphe 123(1) de la Loi et se lit comme suit :

 

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l'exception de quelque projet ou affaire qu'entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l'affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

c) la réalisation de fournitures (sauf des fournitures exonérées) d'immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

 

 

[58]         Conséquemment, la question à laquelle je devrai répondre doit être formulée ainsi : est‑ce que les dépenses de l’appelante liées à ces primes et gratifications ont été engagées dans le cadre de ses activités commerciales? À mon avis, les litres de vin dont ont bénéficié monsieur Iaconetti (41,65 litres dans chacune des années de la période visée) et les membres de sa famille et amis (35,25 litres dans chacune des années de la période visée) n’ont manifestement pas été consommés ou utilisés dans le cadre des activités commerciales de l’appelante. Par ailleurs, je suis d’avis, à la lumière des enseignements de la juge Campbell dans la décision General Motors of Canada Ltd. c. R., [2008] G.S.T.C. 41 (C.C.I.), que les dépenses de l’appelante liées aux gratifications accordées aux employés ont été faites dans le cadre de ses activités commerciales en ce que ces gratifications ont été utilisées par cette dernière pour en quelque sorte consolider le moral de ses employés, entretenir avec ces derniers une bonne relation et s’assurer ainsi de leur fidélité, autant d’éléments qui ont contribué au succès du restaurant La Sila. En d’autres termes, les coûts associés aux gratifications accordées aux employés peuvent être traités comme n’étant qu’indirectement liés à l’exploitation du restaurant, mais ils font néanmoins partie intégrante du succès commercial général du restaurant. Ces coûts liés aux gratifications reçues par les employés s’ajoutent, à mon avis, aux activités commerciales de l’appelante et ils répondent au besoin d’attirer et de conserver le nombre d’employés nécessaires au bon déroulement de celles‑ci. Que les avantages conférés à ces employés n’aient pas été ajoutés à leur revenu d’emploi me semble peu pertinent afin de trancher la présente question.

 

[59]         Par conséquent, je suis d’avis que l’appelante a droit à des CTI additionnels de 3 218,80 $, en ce que le CTI aurait dû, dans la cotisation, être diminué de 877,37 $ ( (79,90 litres x 52,29 $ x 3) x (7 %) ) plutôt que de 4 096,08 $.

 

Pénalité

 

[60]         À l’égard de la pénalité imposée à l’appelante en vertu du paragraphe 280(1) de la Loi, je souligne que l’appelante n’a présenté aucune preuve démontrant l’exercice d'une diligence raisonnable par monsieur Iaconetti. J’ajouterai que le procureur de l’appelante n’a même pas abordé la question lors de la plaidoirie. Par conséquent, je dois conclure que le ministre était en droit d’imposer la pénalité en application de l’article 280 de la Loi.

 

Conclusion et dépens

 

[61]         Pour tous ces motifs, l’appel de la cotisation établie le 7 décembre 2005 est accueilli pour tenir compte de l’admission du ministre telle qu’énoncée au paragraphe 3 et de mes conclusions aux paragraphes 41, 52 et 59. Ainsi, la TPS déclarée par l’appelante doit être augmentée de 11 947,21 $ plutôt que de 25 256,32 $, le CTI doit être diminué de 877,37 $ plutôt que de 4 096,08 $, avec rajustement corrélatif des pénalités et des intérêts.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’octobre 2009.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 554

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-214(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              9110-1568 QUÉBEC INC. et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 4 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 28 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

 

Me Jean-François Poulin

Avocat de l'intimée :

Me Benoît Denis

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Jean-François Poulin

                 Cabinet :                           Ravinsky Ryan Lemoine

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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