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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

OBJET : LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

2005-4332(IT)I

ENTRE :

HANS RUPPRECHT,

Appelant,

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu par l’honorable juge Brent Paris, dans la salle no 602 (701, rue Georgia ouest, 6e étage), le mardi 29 août 2006 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

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COMPARUTIONS :

M. H. Rupprecht              pour son propre compte

Mme S. Cruz                   pour l’intimée

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GREFFIER : F. Richard

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Allwest Reporting Ltd.

1125, rue Howe

Vancouver (C.‑B.)

V6Z 2K8

Selon S. Leeburn


MOTIFS DU JUGEMENT

(rendus oralement à Vancouver (C.‑B.) le 29 août 2006)

LE JUGE : Je vous remercie. L’appel concerne les nouvelles cotisations établies au nom de l’appelant pour les années d’imposition 1999 à 2004. L’appelant a concédé que, comme le Ministre avait accepté sa demande de crédit d’impôt pour le compte d’une personne handicapée à sa charge, il n’y avait plus matière à litige pour les années d’imposition 2003 et 2004, de sorte que ces aspects de l’appel sont exclus.  

Pour les années d’imposition 1999 et 2000, le ministre a refusé certaines déductions demandées par l’appelant dans le calcul de son revenu d’entreprise. En l’espèce, l’appelant conteste la décision du Ministre de refuser les montants demandés au titre de l’habillement, des pénalités REER, des frais d’adhésion à Costco et de l’achat de logiciels.

Pour les années d’imposition 1999 et 2002, le Ministre a facturé des frais de retard en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi), et, pour les années 2000 et 2001, il a de nouveau facturé des frais de retard en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi. L’appelant conteste toutes ces pénalités.

Les faits sur lesquels le Ministre s’est appuyé pour établir la nouvelle cotisation de l’appelant sont énoncés au paragraphe 32 de la réponse à l’avis d’appel. Ces hypothèses font partie des présents motifs.

J’examinerai d’abord la question des déductions rejetées. La première déduction rejetée concernait l’achat de vêtements en 1999, pour un montant de 6 014,83 $, et en 2000, pour un montant de 2 420,20 $. Tous les vêtements ont été achetés chez Ermengildo Zegna, un magasin de vêtements pour hommes haut de gamme. L’appelant a déclaré qu’il y achetait des costumes, des cravates, des chemises et des accessoires. L’appelant était planificateur financier agréé et ne portait ces vêtements que pour travailler. Il a affirmé ce qui suit :

[TRADUCTION] Nous avons ouvert un bureau à Langley et y avons investi environ 60 000 $ en 1997 ou 1998. 

Il a affirmé qu’il avait besoin de vêtements appropriés. Il a également produit une lettre signée par un associé aux ventes chez Zegna à l’appui de ses dires.

Pour ce qui est des frais d’adhésion à Costco, l’appelant a payé 48,15 $ pour demeurer membre et continuer à y acheter des fournitures de bureau et des articles utiles à l’exercice de ses fonctions. Il a déclaré qu’il n’avait pas renouvelé son adhésion dans les dernières années parce qu’il avait pu obtenir les produits et fournitures dont il avait besoin à d’autres endroits.

Pour ce qui est des 2 289,47 $ correspondant à l’achat de logiciels, l’appelant a expliqué que ce montant avait été déboursé en rapport avec une autre entreprise commerciale qu’il avait créée avec un ami. Ladite entreprise était liée à la vente de logiciels musicaux, semble‑t‑il, mais je ne sais pas exactement de quel type de produit il s’agit au juste. L’appelant n’a pas dit ce qu’il est advenu de cette entreprise.

Enfin, l’appelant a déclaré qu’il avait remboursé certains de ses clients pour les pénalités REER qui leur avaient été imposées pour avoir dépassé la limite de contenu étranger de leurs placements. Il l’avait fait cela pour garder ses clients, et il estimait qu’il risquait de les perdre s’il ne payait pas ces pénalités.

Je suppose que les pénalités sont dues au fait que les placements recommandés par l’appelant n’ont pas donner les résultats prévus, de sorte que la valeur en contenu étranger des le REER de ses clients ont dû dépasser les limites de contenu étranger prévues par les règles en vigueur. 

Concernant les pénalités pour retard de production, l’appelant a reconnu que ses déclarations pour 1999 à 2002 ont été déposées en retard. Par ailleurs, il n’a pas contesté le fait que le Ministre lui avait rappelé de produire ses déclarations pour les années 2000 et 2001, comme il est énoncé dans les hypothèses. Il a cependant affirmé qu’il avait subi des contraintes au cours des années en question, aussi bien sur le plan personnel que sur le plan professionnel. Parmi les facteurs de contrainte, il y a eu le décès de sa mère en avril 2000, on a découvert en septembre 2000 que son fils souffrait du diabète, il y a eu introduction par effraction dans sa voiture en avril 2001, une introduction par effraction dans son bureau le 28 août 2001, l’entreprise pour laquelle il travaillait fut vendu au printemps 2002, il a dû aller travailler pour une nouvelle entreprise à ce moment-là, une plainte fut déposée contre lui par un collègue au Financial Planning Standards Council of Canada et des déclarations présumément diffamatoires à son sujet furent faites par le directeur de l’entreprise pour laquelle il travaillait au moment où celle‑ci a été mise en vente. L’appelant a ajouté que l’état des marchés financiers après les scandales de Bre-X et d’Enron ainsi que d’autres scandales très médiatisés avaient rendu son travail très difficile.

Les détails relatifs à tous ces facteurs sont contenus dans des documents qui ont été produits en preuve par l’appelant à l’audience.

À l’appui de sa demande de déduction des dépenses contestées, l’appelant a renvoyé aux décisions suivantes : Fardeau v. The Queen, Charron v. The Queen, Symes v. The Queen et 65302 B.C. Limited v. The Queen. Dans Fardeau, l’agent de la GRC qui faisait appel s’est vu accorder une déduction en vertu de l’article 8 de la Loi de l’impôt sur le revenu au titre de vêtements qu’il utilisait pour son travail. Les conditions de déductibilité prévues au sous‑alinéa 8(1)(iii) sont très différentes de celles qui s’appliquent à des frais professionnels. Par ailleurs, selon la décision Fardeau, l’appelant était tenu, aux termes de son contrat de travail, de fournir et de payer les vêtements en question. Je ne suis pas convaincu que les circonstances de l’espèce sont suffisamment semblables à celles de la cause invoquée pour que je puisse en appliquer les conclusions.

Dans Charron, la demande de déduction concernant l’achat d’une toge d’avocat et des accessoires a été accueillie en tant que déduction pour amortissement. Cependant, aucune analyse n’a étayé cette décision. Elle a donc peu de valeur de précédent. L’appelant a également déclaré que, dans Symes v. The Queen, la Cour suprême n’avait pas énoncé avec précision ce qui constituait des frais personnels et n’avait pas tenu compte de la définition de l’expression « frais personnels ou de subsistance » figurant dans le paragraphe 248(1) de la Loi

L’appelant a également soutenu que, comme la déduction pour l’achat de vêtements n’est pas expressément rejetée aux termes de l’article 18, elle devrait être autorisée. 

L’appelant a fait valoir que sa déduction des pénalités de REER devrait être acceptée, compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans 65302 B.C. Limited. Il a affirmé que dans la mesure où ces pénalités sont payées dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise, elles devraient être déductibles, et, en l’espèce, la rétention des clients était manifestement un objectif professionnel. 

Enfin, l’appelant a déclaré que les éléments de preuve attestaient qu’il n’avait pas produit ses déclarations d’impôt à temps parce qu’il avait été confronté à de graves problèmes. Il a invoqué la décision rendue par la Cour suprême dans The Queen v. Perka et al, où la Cour avait tenu compte du moyen de défense de la contrainte ou de la nécessité dans une affaire d’accusation d’importation de marijuana. J’estime qu’il n’est pas nécessaire d’envisager cet aspect en l’espèce, puisque les éléments de preuve montrent amplement que l’appelant a continué à travailler et à s’occuper de ses affaires personnels, de sorte qu’il n’est pas possible d’affirmer qu’il devait inévitablement enfreindre la Loi ou que, compte tenu des alternatives, il aurait été déraisonnable de s’attendre à ce qu’il respecte la loi. 

Ayant examiné tous les éléments de preuve présentés et les observations formulées par les parties, je suis d’avis que les vêtements et les logiciels achetés par l’appelant étaient des dépenses personnelles et qu’elles ne peuvent pas être déduites de son revenu d’entreprise. Les vêtements sont, à première vue, une dépense personnelle. C’est ce qu’a laissé entendre la Cour suprême du Canada dans Symes (par. 76 et 77). 

La déduction de dépenses personnelles est précisément interdite par l’alinéa 18(1)h)de la Loi. L’argument de l’appelant concernant la définition des dépenses personnelles et de subsistance figurant au paragraphe 248(1) de la Loi ne tient pas compte du fait que la définition n’est pas exhaustive, et que les dépenses en question font partie de la catégorie de dépenses considérées comme personnelles ou de subsistance. Le passage utile de la définition se lit comme suit :

“Frais personnels ou de subsistance » Sont compris parmi les frais personnels ou de subsistance : a) les dépenses inhérentes aux biens entretenus par toute personne pour l’usage ou l’avantage du contribuable ou de toute personne unie à ce dernier par les liens du sang, du mariage, de l’union de fait ou de l’adoption, et non entretenus dans le but ou avec l’espoir raisonnable de tirer un profit de l’exploitation d’une entreprise;

Il faut déterminer si une dépense est de nature personnelle, qu’elle ait ou non trait à un bien appartenant au contribuable. Les dépenses relatives à la tenue personnelle sont par essence des dépenses personnelles et supposent des choix de la part du contribuable dans la façon dont il se prépare pour le travail. Je conclus que les vêtements en question ont été portés par l’appelant à titre de vêtements personnels dans le cadre de son travail et que le montant de leur achat n’est pas déductible. 

Je suis également d’avis que le remboursement des pénalités de REER aux clients est déductible, au même titre que les frais d’adhésion à Costco. L’appelant a déclaré lui‑même qu’il s’agissait des pénalités facturées à ses clients en raison des fluctuations de la valeur des placements qu’il avait recommandés. L’affirmation de l’appelant selon laquelle il avait remboursé ces frais pour garder ses clients n’a pas été contestée en contre‑interrogatoire, et je l’accepte comme vraie. On n’a pas non plus produit de preuve qui attesterait qu’il s’agissait de dépenses non professionnelles ou de dépenses personnelles. Ces dépenses seront donc acceptées.

Je suis également convaincu que l’appelant a payé des frais d’adhésion à Costco dans le cadre de l’exploitation de son entreprise.

Pour ce qui est de l’achat de logiciels en 2001, il semble que l’appelant ait tout d’abord déclaré cette achat comme dépense professionnelle dans le cadre de ses fonctions de planificateur financier. À l’audience, cependant, l’appelant a admis que cette dépense n’avait rien à voir avec cette entreprise, mais avec une autre entreprise qu’il avait l’intention de créer pour vendre des logiciels de musique. Il revient à l’appelant de faire la preuve que cette dernière entreprise existait au moment où la dépense a été engagée. Les éléments de preuve dont je suis saisi ne permettent pas tirer une conclusion à cet égard, et la dépense n’est donc pas acceptée.

Enfin, je ne suis pas convaincu que l’appelant a fait la preuve qu’il a fait le maximum pour se conformer aux exigences relatives à la production de ses déclarations d’impôt aux termes du paragraphe 150(1) de la Loi pour les années 1999 et 2002 ou qu’il a fourni d’autres raisons permettant de penser que les pénalités facturées par le ministre en vertu des paragraphes 162(1) et (2) ne devraient pas être maintenues. 

L’appelant a concédé que toutes les conditions d’imposition des pénalités étaient remplies, mais il a demandé à être exonéré de ces pénalités en raison de circonstances atténuantes. La Cour, dans Bennett v. The Queen, a déjà soutenu que le contribuable peut invoquer le moyen de défense de la diligence raisonnable contre une pénalité pour production tardive. Elle a également fait remarquer qu’un degré élevé de diligence est exigé de la part du contribuable. Je ne suis pas convaincu que l’appelant a fait tous les efforts raisonnables pour produire ses déclarations d’impôt en temps utile au cours des quatre années consécutives en question. En fait, rien ne m’a été proposé en preuve qui attesterait que l’appelant a ne serait‑ce que tenté de préparer et produire ses déclarations d’impôt à la date prévue durant ces années. J’admets qu’il a été confronté à un certain nombre de difficultés durant cette période, mais, comme je l’ai dit plus tôt, aucun élément de preuve ne me permet de relier ces difficultés à la tâche qui consiste à produire des déclarations d’impôt ou ne me démontre qu’il était entravé de quelque manière par ces difficultés. Dans l’ensemble, je ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que l’appelant a tenté avec une diligence raisonnable de produire ses déclarations d’impôt. Les pénalités sont donc confirmées.

Pour résumer, l’appel est accueilli en partie seulement, dans la mesure où l’appelant pourra déduire 233,38 $ de plus dans sa déclaration pour 1999 et un montant égal dans sa déclaration pour 2000. À tous les autres égards, l’appel est rejeté.

Je vous remercie. 

 

 

 

J’ATTESTE PAR LA PRÉSENTE QUE CE QUI PRÉCÈDE est une transcription fidèle et exacte de la séance au meilleur de mes compétences et aptitudes.

 

 

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S. Leeburn       STÉNOGRAPHE

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.

 

 

 

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