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Dossier : 2008-3864(IT)I

ENTRE :

BIYU LIANG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appels entendus le 10 août 2009, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge en chef Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Joyce Young

Avocat de l’intimée :

Me Gregory Perlinski

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels formés contre les cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 2002 et 2003 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national (le « ministre ») en vue de leur réexamen et de l’établissement de nouvelles cotisations aux seules fins :

 

a)       d’inclure la somme de 100 000 $ dans le compte de prêt d’actionnaire d’ouverture de Mme Liang au sein de Bihai;

b)      d’augmenter l’actif de Mme Liang en 2002 d’un don de 35 000 $ qu’elle a reçu de sa mère;

c)       d’évaluer l’actif personnel d’un actionnaire de Bihai ou le passif personnel de celui-ci dans le calcul de la valeur nette dudit actionnaire; par conséquent, le coût de la voiture acquise par Mme Liang doit être inclus à titre d’actif lui appartenant, sous réserve de rajustements, et il n’y a pas lieu d’inclure le passif ou l’actif provenant du jeu pour le calcul de sa valeur nette;

d)      d’évaluer à 2 000 $ le coût du voyage de Mme Liang en Chine en 2002,

 

sous réserve que sa dette fiscale pour 2002 et 2003 ne soit pas augmentée en conséquence.

 

          Les appels formés contre les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi sont accueillis afin de permettre au ministre de calculer les pénalités à partir du montant réduit de revenu non déclaré déterminé, le cas échéant, par le présent jugement.

 

          Les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de novembre 2009.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef Rip

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 567

Date : 20091104

Dossier : 2008-3864(IT)I

ENTRE :

BIYU LIANG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Rip

 

[1]              Biyu Liang fait appel des cotisations établies suivant la valeur nette pour 2002 et 2003 et des pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a augmenté le revenu déclaré par l’appelante pour 2002 et 2003 des sommes de 20 813 $ et de 40 667$, respectivement.

 

[2]              Mme Liang et son mari, Hai Luc, détenaient chacun 50 pour 100 des actions de Bihai Food Services Inc. (« Bihai »), société par actions exploitant un restaurant sous le nom « Shanghai Restaurant » à Leduc, en Alberta, au cours des années en cause. L’appelante et son mari étaient les seuls administrateurs de la société. Ils travaillaient tous deux à temps plein au restaurant.

 

[3]              Au moment de l’instruction, Mme Liang était séparée de M. Luc et était en voie d’obtenir le divorce.

 

[4]              Pour établir la cotisation, le ministre a calculé les prétendues augmentations de la valeur nette commune de Mme Liang et de M. Luc. Le ministre a attribué 50 pour 100 de l’augmentation de la valeur nette aux revenus de Mme Liang et à ceux de M. Luc pour 2002 et 2003. Le ministre a considéré que l’appelante et son mari s’appropriaient de l’argent provenant de Bihai. Toutefois, la cotisation de l’appelante a uniquement été établie suivant les articles 3, 9 et 152 de la Loi.

 

[5]              Mme Liang est arrivée au Canada en provenance de la Chine en mai 1994. Elle a apporté avec elle quelques vêtements et une somme comprise entre 30 000 $ et 40 000 $ en monnaie canadienne. En Chine, dit-elle, elle travaillait comme caissière dans une usine. Elle a également travaillé comme commis comptable en Chine. Mme Liang a déclaré qu’elle parlait très peu l’anglais à son arrivée, mais qu’elle a appris lentement la langue en s’exerçant avec les clients d’un restaurant dans lequel elle travaillait et en lisant. Elle a également suivi un cours d’anglais de six mois en 1997 ou en 1998. Elle a déclaré que, même en 2002, son niveau d’anglais était demeuré faible. Au procès, elle parlait anglais avec une certaine aisance.

 

[6]              Bien qu’elle ait fait de la tenue de comptes en Chine, elle n’a eu aucune expérience de la comptabilité ou expérience similaire au Canada. Elle a expliqué qu’en Chine, toutes les transactions se faisaient au comptant et qu’il n’y avait pas de cartes de débit ou de crédit à l’époque. Elle n’a suivi aucun cours de comptabilité au Canada.

 

[7]              Le restaurant Shanghai a ouvert ses portes en mai 2000. M. Luc avait exploité auparavant un petit restaurant chinois depuis 1992 jusqu’à ce que lui et l’appelante ouvrent Bihai. Le restaurant Shanghai comptait 145 places. Au restaurant, Mme Liang [traduction] « faisait tout ». Elle travaillait comme serveuse et plongeuse. Elle établissait l’horaire des employés. Son mari, a‑t‑elle déclaré, lui avait appris comment consigner les ventes et elle le faisait tous les soirs. Elle travaillait de huit ou neuf heures le matin à vingt‑trois heures ou minuit, presque chaque jour.

 

[8]              Mme Liang a affirmé qu’elle recevait son salaire par chèque mensuel de 3 000 $. Elle n’a pas tenu de registre de ces chèques. À la fin de l’année, a-t-elle expliqué, elle résumait sa paye et donnait le résumé au comptable, M. Paul Zhang, qui [traduction] « établissait les livres ». Mme Liang a déclaré qu’elle mettait tous les reçus dans un dossier qu’elle donnait à M. Zhang à la fin de l’exercice. Ce dernier avait été recruté comme comptable de la société en 2001 et il avait continué d’offrir ses services en 2002 et en 2003.

 

[9]              Selon Mme Liang, il en a coûté environ 300 000 $ pour ouvrir le restaurant Shanghai. L’argent provenait d’économies s’élevant à près de 200 000 $ et d’un emprunt d’environ 50 000 $ accordé par son beau-père. Environ la moitié des économies provenaient de Mme Liang. Le coût des travaux de construction, des améliorations locatives, des meubles et des équipements a été entièrement supporté sans aucun emprunt auprès d’une banque. Les paiements ont été effectués au comptant et par chèques. Elle s’est souvenue que les fournisseurs du restaurant étaient payés par chèque. Ses apports et ceux de M. Luc n’ont, aux dires de l’appelante, pas été consignés au compte de prêts d’actionnaires.

 

[10]         D’après Mme Liang, la société a fait un chèque pour rembourser M. Luc de son apport, mais elle n’avait pas encore été remboursée.

 

[11]         Mme Liang a expliqué que l’apport de 100 000 $ à Bihai comprenait la somme comprise entre 30 000 $ à 40 000 $ qu’elle avait avec elle à son arrivée au Canada, ainsi qu’une autre somme de 40 000 $, [traduction] « essentiellement en billets de 100 $, parfois 50 $ », que ses parents lui avaient donnée en 1999 lorsqu’elle et ses enfants avaient rendu visite à sa famille en Chine. Elle avait transporté les 40 000 $ dans ses bagages et dans un sac à main. L’argent n’avait pas été déclaré aux douanes canadiennes, puisqu’elle ne savait pas qu’elle était tenue de le faire.

 

[12]         En 2002, Mme Liang s’est de nouveau rendue en Chine et est revenue avec une somme de 35 000 $ que ses parents lui avaient donnée. Mme Liang a déclaré qu’elle avait conservé l’argent ramené de Chine chez elle, [traduction] « dans un placard et sous le lit ». Son mari était au courant qu’elle avait de l’argent, mais il n’en connaissait pas le montant. Mme Liang ne l’a pas informé de l’argent qu’elle détenait, en raison des [traduction] « problèmes de jeu » qu’il avait. Elle a essayé de lui cacher l’argent. Mme Liang a utilisé l’argent, en partie, pour acheter une voiture d’un montant d’environ 28 000 $.

 

[13]         Mme Liang a expliqué qu’elle était la seule fille de sa famille qui comprenait cinq frères. Ses parents avaient donné de l’argent à ses frères par le passé, mais elle ne savait pas combien.

 

[14]         Après 2003, elle a affirmé avoir reçu d’autres dons en espèces de sa mère lors de la visite de cette dernière au Canada.

 

[15]         Mme Liang a déclaré qu’elle avait toujours entre 30 000 $ et 40 000 $ en espèces à la maison. Ce montant s’est accru en 2003 à la suite du don de sa mère. Lorsque l’avocat de l’intimée lui a demandé pour quelle raison elle avait déclaré à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») qu’elle ne possédait que 1 000 $ ou 2 000 $ en espèces, Mme Liang a répondu qu’elle avait oublié. Elle a estimé qu’à la fin de 2003, elle aurait eu entre 35 000 $ et 40 000 $ en espèces.

 

[16]         La mère de Mme Liang vit désormais avec elle au Canada et elle a témoigné pour le compte de sa fille avec l’aide d’un interprète. Wan Chun Zhang s’est établie au Canada en 2005, en apportant environ 300 000 $ avec elle. Mme Zhang a travaillé dans une fabrique de chaudrons et de casseroles en Chine jusqu’à son départ à la retraite en 1988. Après avoir pris sa retraite de la fabrique, elle a commencé à vendre des chaudrons et des casseroles à partir d’un chariot et elle en a également vendu à d’autres qui vendaient depuis un chariot. Elle a déclaré qu’elle avait gagné davantage d’argent avec cette activité qu’en travaillant à la fabrique. Elle a gardé ses profits chez elle puisqu’elle ne faisait pas confiance aux banques.

 

[17]         Mme Zhang a corroboré le témoignage de sa fille suivant lequel elle lui avait donné 40 000 $ en monnaie canadienne lors de sa visite en Chine avec ses enfants en 1999. Elle a déclaré qu’elle avait converti des devises chinoises en monnaie canadienne dans un marché. Mme Zhang a affirmé que Mme Liang s’était à nouveau rendue en Chine en 2002 et qu’elle lui avait donné 35 000 $ pour acheter une nouvelle voiture. Lors de sa visite au Canada en 2003, Mme Zhang a donné à sa fille 20 000 $ et elle l’a aidée à payer ses factures d’électricité et d’autres services publics. Mme Zhang n’a pas informé son gendre de ce don. Mme Liang avait déclaré précédemment qu’elle avait reçu de l’argent de sa mère mais qu’elle ne se souvenait plus du montant.

 

[18]         Mme Zhang s’est souvenue que, lorsqu’elle était venue en Chine, Mme Liang était demeurée chez elle et qu’elle y avait pris ses repas, le tout sans frais.

 

[19]         Lors du contre-interrogatoire, Mme Zhang n’est pas parvenue à se souvenir quel montant d’argent elle avait gagné en vendant des chaudrons, puisque [traduction] « c’était il y a longtemps » et qu’elle n’avait tenu aucun registre.

 

[20]         Mme Zhang a déclaré qu’elle avait fait des dons à ses enfants au Canada tous les deux ou trois mois, mais sans savoir pour quel montant puisqu’elle n’en avait pas [traduction] « gardé trace ». Toutefois, elle se souvenait des dons faits à Mme Liang parce qu’il s’agissait de [traduction] « montants importants ». Elle avait donné de l’argent à ses fils uniquement lorsqu’ils en avaient eu besoin et seulement [traduction] « de petits montants ».

 

[21]         L’avocat de l’intimée a fait observer que Mme Zhang avait déposé 103 850 $ sur son compte bancaire en mars de cette année et 50 000 $ en avril. Mme Zhang a déclaré qu’elle avait gardé l’argent à la maison jusqu’au dépôt. Elle avait déposé 40 000 $ dans son compte bancaire avant le mois de mars, en déclarant que cet argent était destiné à son petit-fils qui avait déménagé dans une autre province, et qu’elle craignait qu’il ne se fasse escroquer.

 

[22]         Mme Liang a affirmé ne pas fumer, boire ou jouer, même si M. Luc fumait avec les clients et jouait. Elle a déclaré qu’elle payait les dépenses ménagères, les services, le téléphone et l’électricité et qu’elle faisait l’épicerie. M. Luc prenait parfois en charge ces dépenses lorsque Mme Liang était occupée. Elle a indiqué qu’il avait fait de telles dépenses pour la nourriture peut-être quatre ou cinq fois par année.

 

[23]         L’appelante a estimé les dépenses de la famille pour la période du 1er janvier 2001 au 30 septembre 2004. Elle a divisé chaque année civile en deux périodes, du 1er janvier au 30 septembre (« période 1 ») et du 1er octobre au 31 décembre (« période 2 »), l’exercice financier de Bihai se terminant le 30 septembre. En ce qui concerne la nourriture, elle a estimé que le coût s’élevait à 3 762 $ pour la période 1 de chaque année et à 1 254 $ pour la période 2 de chaque année. En fait, toutes les dépenses pour le logement, l’entretien de l’habitation, les vêtements, le transport, les soins de santé, les soins personnels, les lectures, l’enseignement et les dépenses diverses sont identiques pour toutes les années. Par exemple, les soins de santé s’élèvent à 792 $ pour la période 1 et à 264 $ pour la période 2, et l’enseignement à 150 $ pour la période 1 et à 90 $ pour la période 2 de chaque année. Les dépenses récréatives se sont élevées à 500 $ en 2001 et en 2003, et à 2 500 $ en 2002, lorsque l’appelante s’est rendue en Chine. Il n’y a aucune dépense pour le tabac, l’alcool, la sécurité et les dons. Aucun montant n’est allégué au titre des intérêts hypothécaires, de l’assurance, des biens immobiliers et des taxes foncières. En tout, elle a fait état de dépenses s’élevant à 13 334 $ en 2001 et en 2003 et à 15 334 $ en 2002. Pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2004, elle a déclaré une somme de 9 600 $.

 

[24]         Au cours de son contre-interrogatoire, Mme Liang a déclaré qu’en préparant sa liste de dépenses, elle a commis une erreur en omettant certains éléments tels que, entre autres, les intérêts hypothécaires, l’assurance, les cadeaux à ses enfants pour le Nouvel an chinois et pour Noël, l’entretien de la voiture et le Régime de pensions du Canada. Parce qu’elle n’utilisait [traduction] « presque jamais » sa carte de crédit, elle ne l’a pas mentionnée à l’ARC. L’Agence a calculé que les achats par carte de crédit effectués à des fins autres que commerciales pour l’année civile 2002 totalisaient 10 229 $. En 2003, ces achats se s’élevaient à 25 234 $. Mme Liang a déclaré que bon nombre de ces achats étaient des [traduction] « achats de la famille ».

 

[25]         Au cours des années visées par l’appel, les enfants de Mme Liang étaient âgés de cinq et sept ans.

 

[26]         Toutes les ventes du restaurant ont été consignées dans un livre, selon les souvenirs de Mme Liang. Les ventes ont été ajoutées d’après la caisse enregistreuse; tous les achats par cartes de débit et de crédit étaient enregistrés dans la caisse enregistreuse. Mme Liang affirme qu’une fois ou deux par semaine, elle rapprochait les dépôts et le registre des ventes. Une bonne partie des dépôts dans le compte bancaire du restaurant se faisait en billets de 20 $. Selon les documents de l’ARC produits par Irene Kennerfeldt, agente d’appels au sein de l’Agence, les ventes n’étaient pas toutes saisies sur la caisse enregistreuse. Les ventes payées par carte de débit ou de crédit étaient enregistrées selon le montant saisi dans le lecteur de cartes et immédiatement déposées dans le compte en banque de la société. Les ventes au comptant étaient seulement enregistrées selon le montant saisi sur la caisse enregistreuse.

 

[27]         Mme Liang a déclaré dans son témoignage qu’elle avait un compte de prêts d’actionnaire au sein de Bihai mais qu’elle ne se souvenait plus du montant qu’elle ou M. Luc avait avancé à la société. L’avocat de l’intimée a produit un historique des montants des prêts d’actionnaires pour les années d’imposition 2002 à 2004 de la société, et Mme Liang a admis qu’il était probablement correct. Les comptes d’actionnaires de Bihai préparés par le personnel de l’ARC indiquent des soldes d’ouverture dus aux actionnaires au 1er octobre des années 2001, 2002 et 2003, s’élevant respectivement à 71 120 $, à 47 487 $ et à 96 581 $.

 

[28]         Mme Liang a été interrogée par l’avocat de l’intimée au sujet de certaines déclarations qu’elle aurait supposément faites aux représentants de l’ARC lors d’une rencontre en avril 2005. Elle a nié avoir dit aux représentants de l’ARC que les dons de ses parents à ses enfants étaient d’environ 10 $ ou 15 $. Elle a soutenu qu’il s’agissait de montants sous forme de billets de 50 $. Elle a nié avoir reçu un don de 40 000 $ des parents de M. Luc. Elle a également fait valoir que les parents de son mari avaient fourni 50 000 $ pour le démarrage du restaurant, et non 25 000 $, comme elle l’avait déclaré auparavant, tel que l’indiquent les documents de l’ARC. M. Luc a affirmé que ses parents lui avaient donné entre 30 000 $ et 40 000 $. L’ancien avocat de Mme Liang a indiqué dans un affidavit que cette dernière lui avait affirmé avoir reçu un don de 25 000 $, mais n’en avoir rien dit à son mari.

 

[29]         Bien que Mme Liang ait admis qu’elle recevait des pourboires en tant que serveuse du restaurant, elle n’a déclaré aucun pourboire dans sa déclaration de revenus qui était, dit‑elle, établie par son mari. Mme Liang a déclaré qu’elle ne savait pas qu’elle devait déclarer les pourboires. Les bonnes journées, selon elle, elle obtenait environ 30 $ à 50 $ de pourboires, et entre 20 $ et 30 $ la plupart du temps.

 

[30]         Mme Liang a déclaré dans son témoignage qu’elle avait établi les déclarations de revenus sur la base de ce que lui avait enseigné M. Luc. Ce n’est qu’après que l’ARC a commencé à vérifier les années qui font l’objet de l’appel qu’elle a tenté d’appendre à établir correctement diverses déclarations de revenus. Mme Liang a déclaré un revenu de 24 000 $ provenant de son emploi au restaurant, bien qu’elle ait déclaré dans son témoignage recevoir des chèques de paie mensuels de 3 000 $.

 

[31]         Les frais de démarrage de Bihai, selon M. Luc, s’élevaient à la somme de 200 000 $ qui avait, dit-il, été épargnée par lui et Mme Liang. Chacun possédait entre 100 000 $ et 150 000 $ à la fin de l’année 2000. Il a affirmé que son épouse lui avait dit qu’elle conservait de l’argent à la maison, entre 25 000 $ et 30 000 $, environ. Toutefois, il a ajouté que l’argent à la maison ne provenait pas de l’épargne. Les montants épargnés avaient été déposés dans des comptes bancaires.

 

[32]         M. Luc se souvient que le don de ses parents a été fait probablement en 2001 ou en 2002. Ils lui donnaient de l’argent quand il en avait besoin, généralement entre 2 000 $ et 3 000 $ à la fois. L’argent, pense-t-il, a été utilisé pour le restaurant, même s’il n’en a pas gardé trace. M. Luc a estimé que les améliorations locatives pour le restaurant Bihai avaient couté environ 100 000 $. Il a affirmé qu’il n’avait aucune idée du montant exact ou de l’origine de l’argent, même s’il a fait référence à des sommes provenant des fonds en caisse et des comptes bancaires. Il a indiqué que c’était sa femme qui avait tenu la comptabilité.

 

[33]         M. Luc a confirmé que sa femme était comptable en Chine mais qu’elle n’avait aucune expérience de la comptabilité au Canada. Selon lui, la comptabilité était un vrai casse-tête. M. Luc a déclaré qu’il savait comment exploiter un restaurant mais qu’il ne connaissait rien à la comptabilité. Il a maintenu que Mme Liang avait tenu la comptabilité et que c’était elle qui avait assuré le suivi du prêt d’actionnaire à Bihai. Il signait ce qu’elle lui présentait.

 

[34]         D’après M. Luc, Mme Liang lui allouait une somme mensuelle de 500 $. C’est avec ce montant qu’il vivait. Il a nié avoir pris de l’argent de la caisse enregistreuse du restaurant. Il a affirmé que tous les chèques payés par la société pour son compte à l’égard de son compte Visa avaient été déclarés à titre de salaire. En 2002, son salaire avait varié de 2 000 $ à 3 000 $ par mois. Il a déclaré un revenu de 24 000 $ provenant de Bihai dans chacune de ses déclarations de revenus pour 2002 et 2003. Il a de nouveau affirmé que c’était sa femme qui avait tenu l’ensemble de la comptabilité.

 

[35]         Dans son témoignage, M. Luc a déclaré qu’il avait deux frères et quatre sœurs. Ses parents faisaient des dons à tous ses frères et sœurs, lui compris. Il a affirmé avoir donné à Mme Liang tout l’argent qu’il avait reçu de ses parents. Les dons étaient en coupures de 100 $, quelques-uns en billets de 20 $, et étaient effectués tous les quatre ou cinq mois. Ses parents, à présent retraités, lui font toujours des dons à même leurs économies. M. Luc a déclaré qu’il n’avait aucune de ce que Mme Liang avait fait avec l’argent qu’il lui avait donné, même s’il savait qu’elle s’était rendue en Chine toute seule en 1998 ou en 1999 et plus tard avec leurs deux enfants. Il ne savait pas si elle avait rapporté de l’argent avec elle à son retour au Canada.

 

[36]         M. Luc a reconnu qu’il jouait, environ deux à trois fois par mois, en affirmant qu’il avait gagné davantage qu’il n’avait perdu. Là encore, il a affirmé qu’il avait donné ses gains à Mme Liang.

 

[37]         Mme Liang avait des comptes en banque mais, selon M. Luc, lui n’en avait pas. Le compte Visa était à leurs deux noms. Lorsqu’ils ont reçu la carte Visa, au début, il se souvient qu’il l’utilisait [traduction] « surtout » pour jouer, mais que plus tard, Mme Liang s’en était servi pour payer des factures. M. Luc a également utilisé la carte [traduction] « de temps à autre » pour payer des dépenses personnelles, par exemple l’achat d’essence ou de vêtements. En 2002 et en 2003, M. Luc a estimé qu’il avait dépensé 200 $ par mois en vêtements. Il a déclaré spontanément que la plupart des débits effectués par Mme Liang avec la carte Visa concernaient des achats pour leurs enfants. L’épicerie du restaurant était également payée avec la carte Visa.

 

[38]         M. Luc a affirmé qu’il fumait un paquet de cigarettes par semaine, chaque paquet coûtant 7 $ ou 8 $, Il a également cotisé à un régime enregistré d’épargne‑études pour ses enfants et il a cotisé 4 000 $ à son régime enregistré d’épargne‑retraite en 2002 et 6 000 $ en 2003.

 

[39]         Mme Kennerfeldt a déclaré dans son témoignage qu’une cotisation suivant la valeur nette avait été établie à l’égard de l’appelante sur recommandation du vérificateur responsable de son dossier, à la suite d’entrevues avec l’appelante et M. Luc, d’un examen des livres comptables de la société, ainsi que d’une étude du train de vie de Mme Liang et de M. Luc. De l’avis du vérificateur, leur train de vie ne pouvait pas être assuré par leurs actifs à l’époque. Mme Kennerfeldt a préparé divers documents de travail à l’appui de leur cotisation.

 

[40]         L’appelante s’est plainte du fait que l’argent qu’elle avait rapporté de la Chine n’avait pas été inclus dans le relevé de la valeur nette. Selon Mme Kennerfeldt, cela était sans conséquence, puisque le montant aurait été inclus à titre d’actif au début de la période en cause et tout au long de celle-ci, et que cela n’aurait donc pas eu d’incidence sur la modification de la valeur nette.

 

[41]         Mme Kennerfeldt a expliqué les divers documents préparés par les représentants de l’ARC à l’appui des augmentations de la valeur nette de l’appelante. Il s’agit des divers documents de travail analysant les comptes d’actionnaire et les relevés de carte de crédit ainsi que des documents de travail sur la valeur nette. Mme Kennerfeldt a indiqué qu’ils tiraient leur source des documents de l’appelante. Les documents de travail des vérificateurs ne lui permettaient pas de dire si les comptes bancaires personnels à la Banque de Nouvelle‑Écosse et à la Banque Royale étaient des comptes joints ou s’ils étaient seulement au nom de Mme Liang. Il y avait uniquement deux comptes à la Banque de Nouvelle-Écosse, l’un pour effectuer les paiements hypothécaires, l’autre étant un compte d’épargne à intérêt quotidien. Le compte auprès de la Banque Royale était un compte d’épargne à intérêt, pour autant que je puisse en juger. Mme Kennerfeldt a expliqué que la famille avait trois voitures différentes et, une fois vendues, leur prix de vente avait été ajouté à l’actif de l’appelante. La maison Liang‑Luc a été acquise pour un montant de 191 000 $, avec un paiement comptant de 120 000 $. Mme Kennerfeldt a déclaré que des ajustements avaient été apportés aux tableaux pour tenir compte de divers écarts. Des ajustements avaient été apportés aux dépenses personnelles et aux retenues à la source pour l’impôt et le Régime de pensions du Canada, tant pour M. Luc que pour Mme Liang. Le revenu a été calculé pour chacun d’eux sur la base de l’année civile.

 

[42]         Mme Kennerfeldt a déclaré que, pour ce qui est de la cotisation, aucun don n’avait été admis par l’ARC. L’avis d’opposition de Mme Liang faisait référence à un don de 25 000 $ provenant de ses parents et datant de 2002, mais le vérificateur n’a reçu aucune explication de Mme Liang sur l’origine de ce don. Ainsi, Mme Kennerfeldt a conclu qu’il était difficile de déterminer quelles sommes provenaient de quels parents à partir des déclarations de l’appelante.

 

[43]         L’ARC a calculé sa propre estimation des dépenses de Mme Liang, d’après les sources de Statistique Canada, pour pourvoir aux besoins d’un ménage de quatre personnes, dont deux personnes âgées de plus de vingt ans et deux personnes de moins de vingt ans. Selon l’ARC, les dépenses de Mme Liang et de M. Luc en 2002 et en 2003 s’élevaient respectivement à 43 934 $ et à 22 713 $. En appel, ces montants ont été réduits respectivement à 43 934 $ et à 22 713 $ pour 2002 et 2003. Cela contraste plutôt avec les estimations de Mme Liang de 15 334 $ en 2002 et de 13 334 $ en 2003.

 

[44]         En ce qui concerne les dépenses de jeu de M. Luc, Mme Kennerfeldt a affirmé que l’ARC n’avait procédé à aucune réduction ou augmentation. Ainsi, on a considéré que ses gains étaient égaux aux gains de Mme Liang, et qu’il n’y avait ni gain ni perte. L’ARC a par exemple estimé les dépenses engagées pour la nourriture à 10 800 $ en 2002 et en 2003, le logement à 15 951 $ en 2002 et à 14 976 $ en 2003, l’entretien de l’habitation à 1 020 $ pour ces deux années et les soins de santé à 2 250 $ pour ces deux années.

 

[45]         L’ARC a imposé des pénalités à Mme Liang en vertu du paragraphe 163(2). Mme Kennerfeldt a produit le rapport recommandant les pénalités. L’ARC avait mis en doute les déclarations de Bihai au titre de la taxe sur les produits et services (« TPS »). Le rapport comprenait des recommandations de pénalités visant la société en vertu de la législation sur la TPS et les actionnaires personnellement. En bref, les pénalités ont été recommandées en raison du fait que les actionnaires avaient accru leurs [traduction] « autres actifs nets en se portant acquéreurs d’une maison, en remboursant l’hypothèque de 60 000 $ en trois ans, en achetant une nouvelle voiture au comptant et en augmentant le solde de leurs comptes bancaires ». Leurs frais de subsistance personnels étaient très [traduction] « faibles », équivalant à la moitié des moyennes de Statistique Canada, et l’appelante n’avait pas été en mesure de fournir ses véritables dépenses. Elle effectuait le rapprochement entre les divers montants en espèces et rapportait les ventes au comptant de la journée à la maison à la fin de la journée et les déposait plus tard avec les ventes au comptant d’autres journées, parfois d’autres mois, sans effectuer de rapprochement entre les montants déposés. Selon l’ARC, Mme Liang n’avait pas fait preuve de la [traduction] « diligence requise ».

 

[46]         Lors du contre-interrogatoire, l’avocat a fait référence à la déclaration de Mme Liang suivant laquelle, aux fins de l’acquisition de la maison, 120 000 $ provenaient d’un retrait effectué sur un compte bancaire, 40 000 $ d’un parent et 46 621 $ de la vente d’une résidence précédente. Mme Kennerfeldt a cité les documents de travail de l’ARC selon lesquels la somme de 20 000 $ provenait d’un compte bancaire et l’acompte pour la maison s’élevait à 117 000 $; la résidence avait été incluse dans la valeur nette de Mme Liang à titre d’actif.

 

[47]         L’avocate de l’appelante était préoccupée à juste titre par le fait que les dépenses de la famille étaient divisées de manière égale entre Mme Liang et M. Luc, même si l’un d’eux avait peut-être supporté davantage de dépenses que l’autre. De la même manière, tout don reçu par l’un des époux réduirait le revenu présumé en conséquence. Et si la société avait pris en charge plus de dépenses pour un actionnaire que pour un autre, cela aurait dû être également pris en compte lors de l’établissement des relevés de valeur nette. D’autre part, les gains de jeu de M. Luc avaient peut-être être été supérieurs à ses pertes, mais aucun élément de preuve ne vient appuyer cette allégation.

 

[48]         L’avocate de l’appelante a centré son argumentation sur trois aspects : le prêt d’actionnaire, les dons de la mère de l’appelante et les dépenses personnelles.

 

[49]         L’avocate a fait observer que Mme Liang et M. Luc avaient employé leurs économies personnelles pour ouvrir le restaurant Bihai à hauteur d’environ 200 000 $, soit 100 000 $ chacun. Selon le témoignage de M. Luc, les frais de démarrage du restaurant, y compris les améliorations locatives, représentaient approximativement la somme de 200 000 $ avancée par les actionnaires, et pourtant l’ARC n’avait pas reconnu ce montant comme étant un prêt des deux actionnaires à la société.

 

[50]         L’appelante demande également que j’admette le don de 35 000 $ qu’elle a reçu de sa mère en Chine en 2002 et celui de 20 000 $ reçu de sa mère au Canada en 2003, et que d’admette que les dons ont été seulement faits au profit de Mme Liang, et absolument pas à celui de M. Luc.

 

[51]         Enfin, son avocate fait valoir que Mme Liang ne jouait pas. L’ensemble des gains et des pertes de jeu sont attribuables à M. Luc. Par ailleurs, en ce qui concerne les dépenses, le coût du voyage de Mme Liang en Chine en 2002 ne s’était élevé qu’à environ 2 000 $.

 

[52]         L’avocat de l’intimée a soutenu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour réfuter le calcul de la valeur nette ou des pénalités, puisque Bihai n’avait pas déclaré tout son revenu dans ses états financiers. Elle a renvoyé à la remarque de ma collègue la juge Woods dans Poopathie Co. c. R.[1] :

 

[…] L’Agence utilise l’analyse de la valeur nette lorsqu’un contribuable n’a pas de livres comptables suffisants pour permettre la vérification du revenu mentionné dans la déclaration de revenus. La jurisprudence reconnaît les faiblesses de la méthode fondée sur la valeur nette, mais il s’agit d’une méthode acceptée et jugée appropriée dans les cas où l’on omet de tenir des livres comptables. On peut supposer qu’il en est ainsi parce que le répartiteur de l’impôt n’a aucun autre moyen d’évaluer le revenu gagné. À la lumière de la preuve présentée, je conviens avec l’intimée que la méthode fondée sur la valeur nette est appropriée en l’espèce parce que les livres comptables de la société appelante sont insuffisants.

 

[53]         Lorsqu’une cotisation a été établie à l’égard d’un contribuable en fonction de l’augmentation de sa valeur nette au cours des années, la charge de la preuve lui incombe comme dans tout autre appel en matière fiscale. Néanmoins, il appartient à la Couronne d’établir que les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) ont été correctement évaluées.

 

[54]         Je suis préoccupé par les témoignages de Mme Liang, de Mme Zhang et de M. Luc. Une partie de leur témoignage confirme qu’une part importante du revenu de Mme Liang n’a pas été déclarée, et une autre pose la question de savoir qui de Mme Liang ou de M. Luc a été responsable du « fouillis » financier dans les livres de Bihai.

 

[55]         Mme Liang et M. Luc ont tous les deux déclaré des revenus d’emploi provenant de Bihai à hauteur de 24 000 $ pour chacune des années qui font l’objet de l’appel. Cependant, Mme Liang et M. Luc ont déclaré dans leur témoignage que Bihai leur versait des chèques de 3 000 $ par mois. Mme Liang aurait par conséquent dû déclarer 36 000 $ à titre de revenu d’emploi provenant de Bihai pour 2002 et 2003. En outre, Mme Liang a déclaré qu’elle avait reçu des pourboires en travaillant au restaurant. Elle recevait certains jours jusqu’à 50 $ de pourboires, mais elle recevait la plupart du temps entre 20 $ et 30 $. Si elle travaillait 300 jours par an et recevait en moyenne 25 $ de pourboires, elle a donc reçu 7 500 $ de pourboires. D’après ces calculs, elle a admis avoir omis de déclarer 19 500 $ de revenus chaque année.

 

[56]         Mme Zhang a déclaré dans son témoignage que, même si elle se souvenait du montant des dons qu’elle avait faits à Mme Zhang, elle ne se souvenait pas du montant de ceux qu’elle avait faits à ses autres enfants et à ses petits‑enfants. Elle parvenait seulement à se souvenir des [traduction] « montants importants », et elle a déclaré qu’elle avait apparemment réussi en Chine puisqu’elle était entrée au Canada avec 300 000 $ en 2005. Je ne doute pas qu’elle ait fait des dons à Mme Liang. Il est possible que cette dernière ait acheté sa voiture en 2002 pour un montant de 28 000 $ avec l’argent du don de 35 000 $. Mme Liang et sa mère ont toutes deux déclaré dans leur témoignage qu’un don de 35 000 $ avait été effectué, et le contre‑interrogatoire de l’avocat de l’intimée n’a pas affaibli le témoignage qu’elles ont livré au cours de l’interrogatoire principal.

 

[57]         Mme Liang a déclaré dans son témoignage que, même si elle avait travaillé comme commis comptable en Chine, elle était arrivée au Canada sans aucune connaissance des pratiques de tenue de la comptabilité au Canada et que M. Luc lui avait montré comment tenir la comptabilité et établir les déclarations aux fins de l’impôt sur le revenu et de la TPS. M. Luc a dit qu’il ne connaissait rien à la tenue de la comptabilité et qu’il avait laissé à Mme Liang le soin de s’en occuper.

 

[58]         Je conviens néanmoins avec l’appelante qu’il existe une probabilité raisonnable que les frais de démarrage du restaurant aient été avancés par les actionnaires de la société. Le revenu réel du restaurant Shanghai n’est pas reflété par ses états financiers ni par aucun autre document. Toutefois, il est improbable que ce restaurant ait pu générer un revenu de plus de 200 000 $ en quelques mois. Les actionnaires de la société étaient les seules sources raisonnables pour les frais de démarrage. Par conséquent, l’ARC devrait admettre que Mme Liang a bien avancé 100 000 $ à la société au cours de l’année 2000. Rien ne prouve que cela puisse aider Mme Liang à réduire les cotisations d’impôt sur le revenu, puisque ce montant sera inclus à l’ouverture du compte de prêts d’actionnaire.

 

[59]         En ce qui concerne les dépenses personnelles utilisées dans le calcul de la valeur nette de Mme Liang, le ministre a commis une erreur en répartissant les dépenses familiales de manière égale entre l’appelante et M. Luc. Par exemple, tout montant relatif au jeu pris en compte dans la valeur nette de Mme Liang devrait être supprimé. Les dons reçus par Mme Liang de sa famille, en particulier le don de 35 000 $ reçu en 2002, lui appartenaient à elle seule et ne devraient pas être répartis entre elle et M. Luc. Au don de 35 000 $ doit être rattaché l’achat par Mme Liang d’une automobile en 2002 pour un montant de 28 000 $ (provenant du don de 35 000 $). En préparant le tableau des actifs de Mme Liang et de M. Luc, l’ARC a inclus le prix de la voiture, 28 000 $; par la suite, l’Agence a divisé ce montant, attribuant 14 000 $ à chacun d’eux. Le montant de 28 000 $ devrait être alloué dans son intégralité à Mme Liang.

 

[60]         Le ministre devrait également fixer à 2 000 $ le coût du déplacement et du séjour de Mme Liang en Chine.

 

[61]         Le paragraphe 163(2) de la Loi prévoit une pénalité pour toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration… remplie, produite ou présentée, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la Loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce. Il appartient à l’intimée d’établir les faits justifiant l’imposition d’une pénalité en vertu du paragraphe 163(2).

 

[62]         Dans le présent appel, il est clair que Mme Liang a fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus pour les années 2002 et 2003 ou qu’elle y a participé, consenti ou acquiescé. C’est Mme Liang qui était responsable des livres comptables de Bihai en 2002 et en 2003. C’est elle qui a rassemblé les renseignements pour ses déclarations de revenus pour 2002 et 2003 et qui a établi ces dernières. Enfin, c’est elle qui savait qu’elle avait omis de déclarer une partie de son revenu pour chacune de ces années ou qui, en raison de la tenue, certes, mauvaise des livres comptables dont elle était responsable, aurait dû savoir que certains revenus avaient été omis dans les déclarations de revenus pour 2002 et 2003.

 

[63]         Les faits du présent appel ne ressemblent pas à ceux de l’affaire Fortis[2], dans laquelle aucune preuve n’avait été rapportée par le ministre pour établir le moindre fait justifiant l’imposition de pénalités en vertu du paragraphe 163(2). Les pénalités ont été calculées d’après les cotisations fondées sur la valeur nette, mais il est apparu clairement lors de l’instruction que l’impôt sur le revenu évalué par le ministre était un montant minimal.

 

[64]         L’appelante a admis, par exemple, qu’elle avait touché un salaire de 36 000 $ chaque année, mais qu’elle n’avait déclaré qu’un revenu d’emploi de 24 000 $ pour chacune d’elles et qu’elle avait omis de déclarer le montant des pourboires reçus au cours de chacune des années faisant l’objet du présent appel. Ce sont deux éléments que Mme Liang a sciemment omis en établissant ses déclarations de revenus pour 2002 et 2003 et dont le montant aurait raisonnablement été compris dans les augmentations de valeur nette. J’ai également trouvé ses estimations de ses dépenses personnelles très basses et pas le moindrement raisonnables puisqu’elle a, entre autres, omis certains éléments importants tels que les coûts d’hypothèque et d’assurance. Tout montant de revenu non déclaré supérieur aux montants que Mme Liang a sciemment omis dans ses déclarations de revenus résulte de circonstances causées par la grossière négligence dont Mme Liang a fait preuve en faisant un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus pour 2002 et 2003 ou en participant à la commission d’un tel faux énoncé ou d’une telle omission. Je suis convaincu que les montants qui doivent être ajoutés au revenu de Mme Liang conformément aux présents motifs sont les montants minimaux qu’elle a omis de déclarer.

 

[65]         Par conséquent, les appels seront accueillis, mais aux seules fins :

 

a)       d’inclure la somme de 100 000 $ dans le compte de prêt d’actionnaire d’ouverture de Mme Liang au sein de Bihai;

b)      d’augmenter l’actif de Mme Liang en 2002 d’un don de 35 000 $ qu’elle a reçu de sa mère;

c)       d’évaluer l’actif personnel d’un actionnaire de Bihai ou le passif personnel de celui-ci dans le calcul de la valeur nette dudit actionnaire; par conséquent, le coût de la voiture acquise par Mme Liang doit être inclus à titre d’actif lui appartenant, sous réserve de rajustements, et il n’y a pas lieu d’inclure le passif ou l’actif provenant du jeu pour le calcul de sa valeur nette;

d)      d’évaluer à 2 000 $ le coût du voyage de Mme Liang en Chine en 2002,

 

sous réserve que sa dette fiscale pour 2002 et 2003 ne soit pas augmentée en conséquence.

 

[66]         Les appels formés contre les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi sont accueillis afin de permettre au ministre de calculer les pénalités à partir du montant réduit de revenu non déclaré établi, le cas échéant, dans les présents motifs.

 

[67]         Les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de novembre 2009.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef Rip

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 567

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-3864(IT)I

 

INTITULÉ :                                       BIYU LIANG c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 10 août 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge en chef Gerald J. Rip

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 4 novembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l’appelante :

Me Joyce Young

Avocat de l’intimée :

Me Gregory Perlinski

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Joyce Young

 

                          Cabinet :                  Felesky Flynn LLP

                                                          Edmonton (Alberta)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           2006 CCI 195, [2006] 3 C.T.C. 2392, 2006 D.T.C. 2935 au par. 9. Voir également Khullar Au Gourmet International Ltd. c. R., 2003 CCI 383, 2003 G.T.C. 808, aux par. 9 à 11, les deux affaires ayant été entendues en vertu de la procédure informelle.

[2]           Fortis c. M.R.N., [1986] A.C.I. n° 924 (QL).

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