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Référence : 2009 CCI 550

Date : 20091112

Dossier : 2009-181(IT)I

 

ENTRE :

 

IGNATIUS CUDJOE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience

le 3 septembre 2009, à Toronto (Ontario).)

 

Le juge D’Arcy

 

[1]     L’appelant, Ignatius Cudjoe, a interjeté appel à l’encontre des cotisations d’impôt sur le revenu établies à l’égard des années d’imposition 2003 et 2004.

 

[2]     La première question en litige en l’espèce est de savoir si l’appelant avait une source de revenu d’entreprise pendant les années d’imposition visées. Dans l’affirmative, il faudra alors trancher la question de savoir quel est le montant des pertes d’entreprise déductibles.

 

[3]     L’appelant a témoigné au cours de l’audience. Il a fait preuve de beaucoup de franchise et il était évident qu’il se passionnait pour la musique et l’exploitation de son studio d’enregistrement. Il était un témoin crédible et j’ajoute foi à son témoignage.

 

[4]     Pour les années d’imposition 2003 et 2004, l’appelant a demandé la déduction de pertes d’entreprise de 6 930,30 $ et de 9 982,32 $, respectivement. Ces pertes d’entreprise se rapportaient à un studio d’enregistrement que l’appelant avait exploité à Scarborough en 2003 et dans sa résidence en 2004.

 

Le droit

 

[5]     Dans de telles circonstances, je dois tout d’abord me demander si l’exploitation du studio d’enregistrement constituait une source de revenu d’entreprise.

 

[6]     L’appelant se passionne pour la musique. Il a établi un studio d’enregistrement de musique pour donner la possibilité à des musiciens d’enregistrer de la musique à moindre coût. Il utilisait également le studio pour enregistrer sa propre musique sur CD. Il ressort clairement de la preuve que l’exploitation du studio d’enregistrement par l’appelant comportait un aspect personnel ou récréatif.

 

[7]     La méthode à utiliser pour trancher la question de savoir si l’exploitation du studio d’enregistrement constituait une source de revenu est énoncée dans la décision que la Cour suprême du Canada a rendue en 2002 dans l’affaire Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645.

 

[8]     La Cour suprême du Canada a fait remarquer, aux paragraphes 52 à 55 de son analyse, que, dans les situations où l’activité comporte un aspect personnel ou récréatif, il faut appliquer le critère de l’existence d’une source « en vue de réaliser un profit ».

 

[9]     La Cour suprême a décrit ainsi le critère au paragraphe 54 :

 

[54]      […] « Le contribuable a‑t‑il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

 

[10]    La Cour suprême a énoncé les normes objectives suivantes : l’état des profits et des pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable, la voie sur laquelle il entend s’engager, et la capacité de l’entreprise de réaliser un profit.

 

[11]    La Cour suprême a également souligné que cette liste ne se veut pas exhaustive et que les facteurs diffèrent selon la nature et l’importance de l’entreprise.

 

[12]    Pour les raisons suivantes, je suis d’avis que l’appelant n’a pas établi que son intention prédominante était de tirer un profit de l’activité et, plus particulièrement, qu’il n’a pas établi que les activités relatives au studio d’enregistrement ont été exercées conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

 

[13]    Pendant la période pertinente, l’appelant avait un emploi à temps plein comme opérateur de machine. Il travaillait de 7 h 15 à 15 h 45. Il a commencé à exploiter le studio d’enregistrement en 2003. Au début, le studio était situé dans des locaux loués à Scarborough. Cependant, en raison de préoccupations financières, l’appelant a déménagé le studio dans sa résidence en 2004.

 

[14]    L’appelant exploitait le studio en soirée, après son retour à la maison.

 

[15]    Avant d’exploiter le studio d’enregistrement, l’appelant a essayé de se lancer en affaires en tant que tailleur sur mesure. L’entreprise a subi des pertes importantes en 1999 et en 2000 et a généré très peu de revenus. L’appelant semble avoir cessé d’exploiter l’entreprise en 2001.

 

[16]    Pour examiner la question de la source, le premier facteur objectif dont il faut tenir compte est l’état des profits et des pertes pour les années antérieures.

 

[17]    D’après les éléments de preuve figurant dans le dossier, le studio d’enregistrement a été exploité en 2003, en 2004 et en 2005. Pendant cette période, le seul revenu que l’appelant a reçu était un dépôt abandonné de 520 $ qui avait été reçu en 2003. Le dépôt avait été fait par un client potentiel qui avait visité le studio à une occasion et qui n’y était pas retourné.

 

[18]    L’appelant a souligné qu’il avait déployé beaucoup d’efforts pour attirer les gens dans son studio, mais qu’il n’avait pas réussi pas à avoir de clients payants.

 

[19]    L’appelant a engagé des dépenses importantes chacune de ces années. Dans sa déclaration de revenus, il a demandé la déduction de dépenses courantes s’élevant à 7 450,30 $ pour 2003 et à 9 982,32 $ pour 2004. De plus, son représentant, qui a établi et produit la déclaration de revenus de l’appelant, a souligné que l’appelant avait engagé des dépenses courantes additionnelles dont il n’avait pas demandé la déduction dans la déclaration de revenus. En outre, on a remis à la Cour des reçus qui montraient que des achats importants de biens d’équipement avaient été effectués.

 

[20]    L’appelant n’avait pas de plan d’entreprise et n’a pas tenu de registres comptables à l’égard de l’exploitation du studio d’enregistrement.

 

[21]    Bref, l’appelant n’a réalisé aucun profit et ne semblait pas avoir quelque plan que ce soit à l’égard des mesures qui devaient être prises pour que l’exploitation du studio d’enregistrement devienne rentable.

 

[22]    L’appelant n’avait aucune formation en tant qu’ingénieur du son. Tout ce qu’il savait au sujet de l’exploitation d’un studio d’enregistrement c’était ce qu’il avait appris au fil des ans en tant que musicien. Il a donc dû embaucher une personne pour qu’elle l’aide à s’installer et à exploiter le studio au début. Il a payé à cette personne plus de 5 000 $ en 2003 et en 2004. La preuve ne permet pas de dire exactement ce que l’appelant avait reçu en contrepartie de ces paiements.

 

[23]    L’appelant n’a présenté que peu d’éléments de preuve à l’appui de sa position selon laquelle il avait l’intention d’exploiter une entreprise. Son studio ne figurait dans aucun annuaire d’entreprises ou annuaire téléphonique. Il n’avait pas de liste de clients. En fait, il semble n’avoir eu qu’un seul client pendant la période de trois ans où il a exploité le studio. Il n’a pas tenu de registres comptables.

 

[24]    Il est vrai que l’appelant a fait un peu de publicité, en distribuant des circulaires et en utilisant du temps d’antenne gratuit à la radio. Toutefois, il ressortait clairement de la preuve que la publicité était très limitée et qu’elle n’a pas donné les résultats escomptés.

 

[25]    Comme l’avocat de l’intimée l’a souligné, l’appelant espérait pouvoir un jour réaliser des profits, mais il n’a fait aucun effort soutenu à cet égard. En fait, d’après la preuve, l’appelant ne savait pas du tout comment exploiter un studio d’enregistrement de façon commerciale.

 

[26]    Il ressort clairement de la preuve que la façon dont l’appelant exploitait le studio d’enregistrement ne lui donnait pas la capacité de réaliser des profits.

 

[27]    Comme il a été mentionné précédemment, la musique et l’exploitation d’un studio d’enregistrement passionnent l’appelant. Toutefois, cette passion n’est pas assimilable à l’exploitation d’une entreprise.

 

[28]    Compte tenu de la preuve, la Cour conclut que le studio d’enregistrement était exploité à des fins récréatives et qu’il ne constituait pas une source de revenu d’entreprise.

 

[29]    Par conséquent, l’appel est rejeté.

 

[30]    Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de novembre 2009.

 

 

« S. D’Arcy »

Juge D’Arcy

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de décembre 2009.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 550

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-181(IT)I

 

INTITULÉ :                                       IGNATIUS CUDJOE et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Le 30 août et le 3 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Steven K. D’Arcy

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 10 septembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

M. Michael Channer (personne n’a comparu le 3 septembre 2009)

 

Avocat de l’intimée :

Me Louis L’Heureux

Mme Alisa Apostle (stagiaire en droit)

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      s.o.

                          Cabinet :                 

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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