Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossiers : 2007-2495(IT)G

2008-1085(IT)G

 

ENTRE :

ANDREW A. DONATO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

________________________________________________________________

 

Appel entendu les 13 et 14 juillet 2009, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L'honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me William I. Innes

Me Douglas B. B. Stewart

 

Avocats de l'intimée :

Me Craig Maw

Me Diana Aird

 

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'égard de la cotisation établie le 30 juillet 2007 en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l'année d'imposition 1999 est accueilli, et la cotisation est annulée.

 

          L'appel interjeté à l'égard de la cotisation établie en vertu de la Loi pour l'année d'imposition 2001 est rejeté.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 13e jour de novembre 2009.

 

 

« J. M. Woods »

Le juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2010.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 590

Date : 20091113

Dossiers : 2007-2495(IT)G

2008-1085(IT)G

 

ENTRE :

ANDREW A. DONATO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Woods

 

[1]     L'appelant, Andrew Donato, est un caricaturiste et un artiste qui est bien connu pour ses caricatures politiques publiées dans le Toronto Sun. Les présents appels ont trait à des dons de bienfaisance — des caricatures — pour lesquels des crédits d'impôt ont été demandés suivant la juste valeur marchande des oeuvres données. Les périodes en cause sont les années d'imposition 1999 et 2001.

 

[2]     L'intimée ne nie pas que l'appelant ait fait des dons de bienfaisance correspondant aux valeurs indiquées dans l'expertise; le litige ne porte pas sur les crédits d'impôt demandés par l'appelant. L'intimée soutient plutôt que l'appelant a réalisé un gain en capital imposable en faisant don de ses oeuvres à des organismes de bienfaisance.

 

[3]     Les montants des gains en capital imposables en litige sont de 197 156 $ pour l'année d'imposition 1999, et de 96 331 $ pour l'année d'imposition 2001.

 

[4]     Une autre question est aussi en litige, soit celle de savoir si l'année d'imposition 1999 est frappée de prescription.

 

[5]     Pour les motifs exposés ci‑dessous, j'ai conclu qu'en raison des dispositions sur la prescription, le ministre n'avait pas le droit d'établir de nouvelle cotisation relativement aux gains en capital réalisés pendant l'année d'imposition 1999. Pour ce qui est de l'année d'imposition 2001, j'ai conclu que la cotisation établie par le ministre était bien fondée, et ce, parce que les biens donnés par l'appelant ne constituaient pas pour lui des biens à usage personnel.

 

Les faits

 

[6]     L'appelant est l'un des fondateurs du Toronto Sun, un journal dont la publication a débuté en 1971. L'appelant a d'abord été directeur artistique, puis a commencé à produire cinq caricatures par semaine vers 1975. Les caricatures portaient sur l'actualité et avaient généralement trait à des sujets couverts par le journal.

 

[7]     En 1997, l'appelant a cessé d'être un employé de la société propriétaire du journal (« Sun Media ») et il a signé un contrat pour offrir ses « services » à Sun Media à titre de pigiste, s'engageant à produire cinq caricatures par semaine. Chaque année, l'appelant recevait 2 000 $ par semaine pour les 46 semaines où il fournissait des caricatures, c'est‑à‑dire 400 $ par caricature.

 

[8]     L'appelant est un artiste talentueux qui dessine ses caricatures de façon traditionnelle, sur papier. La plupart des caricatures sont dessinées en noir et blanc, mais l'appelant produit une caricature en couleur chaque semaine.

 

[9]     Tout au long des périodes pertinentes, l'appelant a conservé la possession de ses oeuvres et les droits d'auteur s'y rattachant. Le droit principal conféré à Sun Media était celui de la première publication des caricatures.

 

[10]    Sun Media avait aussi un droit limité de distribuer les caricatures par la voie d'une agence de presse, auquel cas les produits étaient partagés avec l'appelant. Cela n'arrivait pas souvent, et les revenus ainsi produits étaient faibles.

 

[11]    Après leur publication, les oeuvres étaient habituellement conservées par l'appelant plutôt que vendues. Si la personne visée par une caricature lui en faisait la demande, l'appelant avait pour principe de la lui donner. Si cette demande était répétée, l'appelant exigeait une somme modique, ce qui lui donnait un revenu supplémentaire très faible.

 

[12]    Pendant les années 1980, l'appelant a rencontré un représentant des Archives nationales du Canada. Ce lien‑là a mené l'appelant à faire, à cette institution, un don de bienfaisance constitué d'une grande partie de sa collection de caricatures. D'autres caricaturistes ont fait de même.

 

[13]    Depuis le milieu des années 1990, l'appelant a continué à faire don de ses caricatures, mais il a plutôt choisi de les offrir à des universités et à d'autres établissements d'enseignement. Monsieur Rosen, des Services des musées, avait pris les mesures nécessaires à ces dons, y compris l'évaluation de la valeur des caricatures.

 

[14]    Les présents appels portent sur des dons faits pendant les années d'imposition 1999 et 2001.

 

[15]    Le don fait en 1999 était composé de 405 caricatures offertes au collège Touro, à New York. La valeur de chaque caricature donnée avait été évaluée, et leur valeur moyenne s'élevait à quelque 700 $. La valeur estimée des caricatures données totalisait 292 300 $, et le collège Touro a fourni à l'appelant un reçu aux fins de l'impôt correspondant à ce montant‑là.

 

[16]    Le don fait en 2001 était composé de 305 caricatures offertes à l'Université Brock, située à St. Catharines, en Ontario. De la même façon, la valeur de ces caricatures a été estimée, et elle totalisait 193 662,50 $. L'Université Brock a fourni à l'appelant un reçu aux fins de l'impôt équivalant à cette somme.

 

L'ordonnance de rectification

 

[17]    En 2005, en réaction aux cotisations projetées, l'appelant a obtenu une ordonnance de rectification de la Cour supérieure de justice de l'Ontario relativement aux dons de bienfaisance. Aux fins des présents appels, il est utile d'expliquer brièvement les circonstances entourant cette ordonnance.

 

[18]    Le feuilleton a débuté au milieu des années 1990, quand l'appelant a décidé de commencer à donner ses caricatures à son épouse, Dianne Jackson‑Donato. À ce moment‑là, il était envisagé que ce soit Mme Jackson‑Donato qui fasse les dons aux établissements d'enseignement, et non pas l'appelant.

 

[19]    C'est le comptable de longue date de l'appelant, Gerald Prenick, qui avait conseillé que les oeuvres soient données à l'épouse de l'appelant. Toujours selon les conseils du comptable, il a été décidé que les caricatures seraient gardées à la résidence des Donato plutôt qu'aux bureaux du Toronto Sun, où elles avaient auparavant été conservées.

 

[20]    On a témoigné que ces dispositions avaient été prises pour des raisons non fiscales. Bien qu'il soit possible que le fait de conserver les caricatures à la résidence des Donato ait eu des avantages non fiscaux, compte tenu de l'ensemble de la preuve, il est manifeste que les caricatures avaient d'abord et avant tout été données à Mme Jackson‑Donato pour que les dons faits aux organismes de bienfaisance puissent bénéficier du traitement fiscal favorable accordé aux biens à usage personnel. Cependant, M. Prenick n'a pas admis cela pendant son témoignage. J'ai trouvé tous les témoignages présentés à ce sujet peu convaincants, mais cela ne change rien au résultat des appels.

 

[21]    Pour les années d'imposition en cause, l'appelant a signé des actes de donation relativement aux oeuvres données à Mme Jackson‑Donato, et cette dernière a signé des actes de donation pour les oeuvres données aux établissements d'enseignement, dons pour lesquels elle a eu des reçus aux fins de l'impôt.

 

[22]    Le cabinet comptable de M. Prenick a établi les déclarations de revenus pertinentes pour les Donato, déclarations qui tenaient compte des transactions décrites ci‑dessus. Si je ne m'abuse, les crédits d'impôt en cause ont d'abord été demandés par Mme Jackson‑Donato dans la mesure où elle pouvait les utiliser. L'appelant a ensuite demandé les crédits qu'il pouvait utiliser, et les crédits d'impôt restants ont été reportés prospectivement sur d'autres années.

 

[23]    Cette façon de partager les crédits d'impôt était fondée sur l'interprétation que M. Prenick avait faite d'une politique de l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC »).

 

[24]    Le 6 octobre 2003, à la suite d'une vérification menée à l'égard de l'appelant, l'ARC a projeté d'établir des cotisations pour les années d'imposition 1999 et 2001. Deux rajustements aux déclarations de revenus de l'appelant étaient proposés (voir la pièce A‑1, onglet 12).

 

[25]    En premier lieu, l'ARC voulait inclure une somme dans les revenus de l'appelant en partant du principe que les caricatures constituaient des stocks. L'ARC soutenait que l'appelant avait obtenu un revenu d'entreprise en donnant les caricatures à son épouse.

 

[26]    En deuxième lieu, l'ARC voulait refuser les crédits d'impôt pour don de bienfaisance demandés par l'appelant. L'ARC expliquait que sa politique sur le partage des crédits d'impôt entre les conjoints ne s'appliquait pas aux dons en cause.

 

[27]    Le premier rajustement proposé a ensuite été modifié légèrement, de façon à ce que le revenu soit imposé à titre de gain en capital plutôt qu'à titre de revenu d'entreprise. Cependant, l'impôt et les intérêts à payer restaient considérables.

 

[28]    En réaction à une vérification qui, pour eux, avait entraîné un résultat ayant dû sembler désastreux, et en se fondant sur des conseils juridiques, les Donato ont décidé de demander une ordonnance de rectification pour obtenir l'annulation des dons faits par l'appelant à son épouse, afin qu'en fin de compte, les dons soient réputés avoir véritablement été faits par l'appelant. Cela devait permettre à l'appelant d'avoir droit à des crédits d'impôt.

 

[29]    L'ARC ne s'est pas opposée à la requête, et la Cour supérieure de justice de l'Ontario a rendu une ordonnance de rectification le 5 juillet 2006.

 

[30]    L'ordonnance prévoit notamment ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

1.         LA COUR DÉCLARE qu'une erreur a été commise lorsque M. Donato a fait don d'oeuvres d'art à son épouse, Mme Donato [...], oeuvres que Mme Donato a par la suite données au collège Touro et à l'Université Brock (les « donataires ») en échange de reçus faisant état de ces dons [...] (les « reçus »);

 

2.         LA COUR ORDONNE que les oeuvres d'art décrites dans les actes de donation, oeuvres dont la donation par Mme Donato aux donataires est attestée par les reçus, soient réputées avoir été directement données aux donataires par M. Donato et que les reçus soient réputés faire foi de cette donation; [...]

 

Les nouvelles cotisations ultérieures

 

[31]    Après que l'ordonnance de rectification eut été rendue, de nouvelles cotisations ont été établies à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1999 et 2001. Ce sont sur ces nouvelles cotisations que les présents appels portent.

 

[32]    Dans l'ensemble, les nouvelles cotisations ont accordé à l'appelant des crédits d'impôt pour les dons de bienfaisance dont l'ordonnance de rectification faisait état, mais elles ont aussi inclus des gains en capital imposables dans les revenus de l'appelant à l'égard des dons.

 

L'analyse de l'année d'imposition 2001

 

[33]    Pendant l'année d'imposition 2001, 305 caricatures ont été données à l'Université Brock, et leur valeur estimée s'élevait à 193 662,50 $.

 

[34]    La seule question est de savoir si l'appelant a réalisé un gain en capital en donnant ses oeuvres à l'Université Brock, et, le cas échéant, à combien ce gain en capital s'élevait.

 

[35]    Il n'est pas contesté que les oeuvres données constituaient des immobilisations pour l'appelant et que leur don a donné lieu à une disposition réputée avoir été faite à la juste valeur marchande.

 

[36]    Une des questions principales est celle de savoir si les oeuvres données étaient des biens à usage personnel pour l'appelant.

 

[37]    En règle générale, la disposition d'un bien à usage personnel, aux termes de la Loi, n'entraînera pas de gain en capital si le produit de la disposition du bien, ou de plusieurs biens s'ils feraient normalement l'objet d'une seule disposition, ne dépasse pas 1 000 $.

 

[38]    Les dispositions pertinentes de la Loi sont les paragraphes 46(1) et (3), et la définition du terme « biens à usage personnel » donnée à l'article 54. Ces dispositions sont ainsi rédigées :

 

« biens à usage personnel » Sont compris parmi les biens à usage personnel :

 

a) les biens qui appartiennent au contribuable et qui sont affectés principalement à l'usage ou à l'agrément personnels du contribuable ou à l'usage ou à l'agrément personnels d'une ou plusieurs personnes qui sont :

 

(i) le contribuable,

 

(ii) une personne liée au contribuable,

 

(iii) lorsque le contribuable est une fiducie, un bénéficiaire de cette fiducie ou toute personne liée au bénéficiaire;

 

[...]

 

46(1) Lorsqu'un contribuable a disposé d'un bien à usage personnel lui appartenant [...], les présomptions suivantes s'appliquent dans le cadre de la présente sous‑section :

 

a) le prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, immédiatement avant la disposition, est réputé être le plus élevé des montants suivants : 1 000 $ et le montant calculé par ailleurs comme prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, à ce moment;

 

b) le produit de disposition du bien est réputé être le plus élevé des montants suivants : 1 000 $ et le produit de disposition du bien, calculé par ailleurs.

 

[...]

 

(3) Pour l'application de la présente sous‑section, si un certain nombre de biens à usage personnel d'un contribuable qui feraient normalement l'objet d'une seule disposition en cas de disposition de ces biens :

 

a) d'une part, ont fait l'objet de plus d'une disposition, de manière que tous les biens soient acquis par la même personne ou par un groupe de personnes qui ont des liens de dépendance;

 

b) d'autre part, avaient, immédiatement avant la première disposition visée à l'alinéa a), une juste valeur marchande totale supérieure à 1 000 $,

 

ces biens sont réputés être un seul bien à usage personnel et chacune de ces dispositions est réputée être la disposition d'une partie de ce bien.

 

[39]    Par souci de clarté, je tiens à souligner que, pour les biens acquis après le 27 février 2000, les règles visant les biens à usage personnel ne s'appliquent pas aux biens dont l'acquisition a trait à un « arrangement de donation » (voir le paragraphe 46(5) de la Loi). Cette disposition ne s'applique pas à la présente affaire.

 

[40]    L'appelant soutient que les oeuvres données constituaient pour lui des biens à usage personnel, que chaque bien donné avait une juste valeur marchande inférieure à 1 000 $ et que les oeuvres données ne feraient pas normalement l'objet d'une seule disposition. Ainsi, l'appelant affirme n'avoir réalisé aucun gain en capital en donnant les caricatures à l'Université Brock.

 

[41]    Pour décider si les caricatures étaient des biens à usage personnel, il faut se demander si les caricatures étaient affectées principalement à l'usage ou à l'agrément personnels de l'appelant ou de son épouse.

 

[42]    J'ai conclu que les oeuvres données à l'Université Brock en 2001 ne constituaient pas des biens à usage personnel pour l'appelant.

 

[43]    L'appelant dessinait les caricatures pour remplir les obligations contractuelles qu'il avait à l'égard de Sun Media, à savoir de fournir une caricature quotidienne pour qu'elle soit publiée dans le journal. Il s'agit là d'un but commercial plutôt que personnel.

 

[44]    Au cours des années, quelques‑unes des caricatures ont été utilisées à des fins personnelles, notamment pour faire des cadeaux à la famille ou à des amis, pour être exposées dans la résidence, pour servir — une seule fois — à un jeu‑questionnaire tenu dans la résidence des Donato et pour servir comme monnaie d'échange avec d'autres caricaturistes pour obtenir leurs caricatures. Rien dans la preuve, ou presque, ne permet de conclure que les caricatures données en 2001 avaient un lien avec ces activités et, de toute manière, l'importance de l'utilisation personnelle était très faible.

 

[45]    Il peut être utile de mentionner que la résidence des Donato comporte actuellement un système permettant d'accrocher des caricatures dans la résidence et d'en faire la rotation assez facilement et à peu de frais. Ce système n'avait pas encore été installé pendant la période en cause. À ce moment‑là, les caricatures exposées dans la résidence étaient habituellement encadrées.

 

[46]    Le principal argument avancé par l'appelant veut que l'utilisation commerciale des caricatures portait sur un droit de propriété intellectuelle, en l'occurrence le droit d'auteur. Ce n'est pas ce droit de propriété qui a été donné à l'Université Brock, mais plutôt les oeuvres d'art physiques, et l'appelant soutient que ces deux droits de propriété peuvent être séparés.

 

[47]    Je partage ce point de vue à plusieurs égards. Plus précisément, j'admets que le droit d'auteur est distinct du droit de propriété de l'oeuvre d'art physique. Je suis aussi convaincue que l'appelant a conservé les droits d'auteur associés aux oeuvres qu'il a données à l'Université Brock. De plus, j'admets aussi que le Toronto Sun avait seulement un droit de publication à l'égard des caricatures.

 

[48]    Selon moi, l'argument de l'appelant présente un problème parce qu'il ne traite pas de la question la plus importante, à savoir l'usage auquel étaient affectées les oeuvres données.

 

[49]    Le terme « affectés » (« used », dans la version anglaise de la loi) employé dans la définition de « biens à usage personnel » a un sens large. Selon le dictionnaire Concise Oxford English Dictionary, 11e édition, l'un des sens principaux du terme « used » est [TRADUCTION] « prendre, tenir, utiliser afin d'atteindre un but ».

 

[50]    Selon les éléments de preuve présentés, les oeuvres d'art physiques étaient affectées aux obligations contractuelles du demandeur envers Sun Media, et il s'agissait là de leur usage principal. Il n'est pas pertinent de savoir si les droits de propriété intellectuelle que l'appelant détenait à l'égard des caricatures étaient également affectés ou non.

 

[51]    Manifestement, les caricatures dessinées par l'appelant ont été créées pour lui permettre de remplir ses obligations contractuelles et y ont été affectées. La question de savoir si la reproduction des caricatures était faite par l'appelant ou par quelqu'un d'autre n'a pas d'importance. Les caricatures ont été dessinées à cette fin‑là et elles ont bel et bien servi à remplir les obligations contractuelles qu'avait l'appelant.

 

[52]    Compte tenu de cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner l'argument subsidiaire de l'intimée, à savoir que le seuil minimal (un prix de base rajusté de 1 000 $) applicable aux biens à usage personnel doit être attribué aux caricatures en partant du principe qu'elles feraient normalement l'objet d'une seule disposition.

 

[53]    En outre, il n'est pas nécessaire de considérer un autre argument subsidiaire présenté par l'intimée, soit que la collection de caricatures données en 2001 constituait un seul bien dont le prix de base rajusté était de 1 000 $.

 

[54]    Même si je n'ai pas l'intention de soupeser le bien‑fondé de ce dernier argument, je tiens à faire un bref commentaire au sujet de l'objection qui lui a été faite. L'avocat de l'appelant s'est vivement opposé à la présentation de cet argument au motif qu'il n'avait pas été soulevé dans les actes de procédure.

 

[55]    L'argument de l'intimée est fondé sur le commentaire suivant, qui a été fait au paragraphe 36 de P.G. Canada c. Nash, 2005 CAF 386 :

 

[36]      La question de l'application des dispositions de l'article 46 de la Loi d'impôt [sic] sur le revenu relatives aux biens à usage personnel ne se pose pas. Les biens qui ont été acquis puis aliénés étaient, dans chaque cas, un lot de gravures. Dans le cas de Mme Quinn, le coût d'acquisition et la juste valeur marchande étaient identiques. Le coût d'acquisition supporté par Mme Tolley était de 8 025 $, et la juste valeur marchande était de 8 625 $. Dans le cas de M. Nash, les biens ont été acquis à 8 667 $, et leur juste valeur marchande s'établissait à 9 315 $. Comme le coût d'acquisition et la juste valeur marchande excèdent 1 000 $ dans le cas de Mme Tolley et de Mme Quinn, les dispositions relatives aux biens à usage personnel n'ont aucune incidence sur le gain en capital qu'elles ont réalisé.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[56]    J'aurais tendance à donner raison à l'avocat de l'appelant à ce sujet. L'avocat de l'intimée a soutenu que la question avait été soulevée clairement dans la réponse à l'avis d'appel, mais je ne suis pas d'accord avec lui.

 

L'analyse de l'année d'imposition 1999

 

[57]    Si l'année d'imposition 1999 n'avait pas été frappée de prescription, l'analyse présentée ci‑dessus lui aurait également été appliquée.

 

[58]    La cotisation en cause a été établie le 30 juillet 2007, c'est‑à‑dire après la fin de la période normale de nouvelle cotisation.

 

[59]    L'intimée affirme que le gain en capital imposable réalisé par l'appelant pendant l'année d'imposition 1999 pouvait faire l'objet d'une nouvelle cotisation après la fin de la période normale de nouvelle cotisation parce que, en omettant de déclarer ce gain en capital dans sa déclaration de revenus, l'appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire (voir le paragraphe 12 de la réponse à l'avis d'appel). La disposition pertinente de la Loi est le sous‑alinéa 152(4)a)(i).

 

[60]    Essentiellement, l'intimée soutient qu'en application des règles d'attribution, l'appelant était tenu de déclarer le gain en capital qu'il avait réalisé quand son épouse avait signé des actes de donation pour le collège Touro.

 

[61]    Pour cette question, c'est l'intimée qui avait le fardeau de la preuve. Un subpoena avait été signifié à M. Prenick pour le sommer de comparaître à l'audience. Malgré que le témoignage de ce dernier ait été insatisfaisant à plusieurs égards, j'admets son affirmation selon laquelle il n'avait pas déclaré le gain en capital réalisé par l'appelant parce qu'il croyait que les oeuvres données étaient des biens à usage personnel.

 

[62]    Il n'était pas déraisonnable d'adopter cette position pour établir la déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1999. À ce moment‑là, M. Prenick aurait raisonnablement pu croire que les caricatures appartenaient à Mme Jackson‑Donato. Cette dernière n'avait pas utilisé les caricatures à des fins commerciales, contrairement à l'appelant.

 

[63]    Même si Mme Jackson‑Donato avait acquis les caricatures uniquement en vue d'en faire don au collège Touro, il aurait été raisonnable de penser que les oeuvres constituaient des biens à usage personnel pour elle. Après la période en question, l'ancien juge en chef Bowman a adopté la même conclusion aux paragraphes 61 à 67 de Klotz c. La Reine, 2004 CCI 147 (conf. par la Cour d'appel fédérale, 2005 CAF 158).

 

[64]    Au moment où la déclaration de revenus pour 1999 a été établie, il était impossible de savoir que l'identité du donateur des caricatures était erronée, comme allait plus tard en faire foi l'ordonnance de rectification. En fait, ni l'appelant ni M. Prenick ne pouvaient savoir que c'était l'appelant qui était vraiment propriétaire des caricatures au moment de leur donation.

 

[65]    L'intimée soutient que la position adoptée lors de la production de la déclaration de revenus pour 1999 est indéfendable parce que le bien donné — un lot de caricatures — était un seul bien dont la juste valeur marchande dépassait considérablement 1 000 $.

 

[66]    La position de l'intimée est fondée sur le commentaire du juge Rothstein dans P.G. Canada c. Nash, 2005 CAF 386, précité. Cette décision‑là a été rendue bien après la production de la déclaration de revenus de l'appelant pour 1999. En 1999, il était tout à fait raisonnable d'adopter une position différente de celle de Nash.

 

[67]    À mon avis, l'appelant n'a pas fait preuve de négligence, d'inattention ou d'omission volontaire lorsqu'il n'a pas déclaré le gain en capital en question dans sa déclaration de revenus pour 1999. Le ministre ne pouvait donc pas établir de nouvelle cotisation à cet égard après la fin de la période normale de nouvelle cotisation.

 

Décision     

 

[68]    Compte tenu des conclusions exposées ci‑dessus :

 

a)       l'appel relatif à l'année d'imposition 2001 est rejeté;

 

b)      l'appel relatif à l'année d'imposition 1999 est accueilli, et la cotisation établie le 30 juillet 2007 est annulée.

 

[69]    L'appelant a demandé la permission de présenter des observations écrites relativement aux dépens. Vu cette requête, j'ordonne à chaque partie de déposer au greffe ses observations écrites au plus tard le 4 décembre 2009.

 

[70]    Finalement, je tiens à dire que je suis bien heureuse que l'appelant ait inclus un tableau dans ses observations écrites. Ce tableau, qui résume en ordre chronologique les principales transactions et les événements pertinents à la présente affaire, m'a été fort utile, et je suis fort reconnaissante à l'appelant de me l'avoir fourni.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 13e jour de novembre 2009.

 

 

« J. M. Woods »

Le juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2010.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :

2009 CCI 590

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2007-2495(IT)G

2008-1085(IT)G

 

INTITULÉ :

Andrew A. Donato et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 13 et 14 juillet 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 novembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelant :

Me William I. Innes

Me Douglas B.B. Stewart

 

Avocats de l'intimée :

Me Craig Maw

Me Diana Aird

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelant :

 

Nom :

William I. Innes

 

Cabinet :

Fraser Milner Casgrain, S.E.N.C.R.L.

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.