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Référence : 2009 CCI 577

Date : 20091116

Dossier : 2008-2822(IT)I

 

ENTRE :

ROBERT LUST,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Représentant de l’appelant : Donald Lust

Avocate de l’intimée : Me Whitney Dunn

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement par conférence téléphonique

à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 4 septembre 2009.)

 

Le juge McArthur

 

[1]        Le présent appel a été interjeté à l’encontre d’une nouvelle cotisation que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établie à l’égard de l’appelant pour l’année d’imposition 2005, ajoutant la somme de 7 000 $ dans le calcul du revenu de l’appelant en plus d’une pénalité pour faute lourde d’environ 770 $.

 

[2]        Pour résumer, les faits sont les suivants. La société Extrac Minerals Inc. (« Extrac ») située à Osoyoos (Colombie‑Britannique), ou qui y était tout du moins située en 2005, était gérée par le père de l’appelant, Donald Lust (« M. Lust »). Extrac a versé les montants suivants à l’appelant :

 

Le 28 octobre 2005 : 1 000 $ par mandat;

 

Le 15 novembre 2005 : 1 500 $ par chèque portant le numéro 287 et la mention [traduction] « contrat d’embauche » sur la ligne réservée à une note;

 

Le 25 novembre 2005 : 1 500 $ par chèque portant le numéro 288;

 

Le 29 décembre 2005 : 3 000 $ par chèque portant le numéro 294 et également la mention [traduction] « contrat d’embauche ».

 

[3]        L’appelant a reçu ces montants en vertu d’un contrat de louage de services conclu avec Extrac, mais, d’après le ministre, il a omis de déclarer ce revenu en 2005. M. Lust, qui a déclaré avoir exercé le métier de chercheur, à présent retraité, a affirmé que le terme [traduction] « contrat d’embauche » renvoyait à un contrat de gré à gré, et non à un contrat d’emploi. Toutefois, cette explication va à l’encontre de l’acception courante du terme, le Canadian Oxford Dictionary définissant le verbe « hire » (embaucher) comme le fait d’employer une personne en échange d’un salaire ou d’honoraires.

 

[4]        Les seules personnes qui ont témoigné sont le vérificateur du ministre, Michael LeBlanc, qui a été cité à comparaître par l’appelant, et M. Lust, père de l’appelant, qui a également agi à titre de représentant de celui‑ci. L’appelant était présent pendant toute la durée de l’audience, mais il n’a pas déposé. J’ai informé M. Lust que je pourrais en déduire que l’appelant avait des intérêts opposés, autrement dit, en l’espèce, que son fils n’a pas déposé parce que son témoignage aurait pu lui être défavorable ou être contraire à ses intérêts personnels. Autrement dit, le fait de témoigner aurait pu lui nuire au lieu de faire avancer sa cause. Je crois que quoique M. Lust l’ait parfaitement compris, il a tout de même pris le risque. Il a remarqué qu’il ne souhaitait pas que l’intimée soumette son fils à un contre‑interrogatoire [traduction] « musclé ».

 

[5]        En conduisant l’interrogatoire principal de M. LeBlanc, M. Lust s’est montré soucieux de ce qu’il pense être la manière peu satisfaisante dont l’ARC en général, et M. LeBlanc en particulier, a traité le dossier de l’appelant. Pour sa part, M. LeBlanc a affirmé que l’appelant s’était montré peu communicatif et peut-être même évasif. Il a conclu que les trois chèques et le mandat correspondaient à des paiements qu’Extrac avait faits à l’appelant en échange de services rendus à la société, que ce soit comme employé ou comme entrepreneur indépendant.

 

[6]        Deux des trois chèques, soit un montant de 4 500 $, portaient la mention [traduction] « contrat d’embauche ». Les quatre montants ont été payés entre le 28 octobre et le 29 décembre 2005 et M. Lust a expliqué qu’il avait été tantôt malade, tantôt en déplacement à Medicine Hat pendant cette période, et que son fils avait aidé à accomplir ses tâches. Pendant l’année 2005, l’appelant a également reçu un revenu d’emploi d’environ 53 037 $ de BJ Services Company Canada.

 

[7]        M. Lust a versé les montants en cause à son fils au nom d’Extrac, dont le siège, à en croire les dossiers du gouvernement, était à Medicine Hat, en Alberta, et ce, même si M. Lust a déclaré qu’en 2005, on avait laissé s’éteindre la société d’origine et qu’une nouvelle société était née de ses cendres à Osoyoos.

 

[8]        M. Lust s’est plaint du fait que l’ARC et M. LeBlanc ne disposaient que d’informations incomplètes. Il se peut que ce soit exact, mais il y a un revers à la médaille : M. Lust et l’appelant ont fait grand mystère de leurs activités, gardant pour eux la plupart des informations relatives aux 7 000 $ en cause. Je n’ai pu que m’efforcer de deviner les tenants et aboutissants de l’affaire.

 

[9]        Dans les éléments déposés en preuve par l’appelant, sous l’onglet 8 si je ne m’abuse, il y a la copie d’une lettre envoyée par un agent des appels à l’appelant, à Osoyoos (Colombie‑Britannique), qui énonce clairement la position du ministre. Cette lettre est ainsi rédigée : 

 

[traduction]

 

Vous avez reçu d’Extrac la somme de 7 000 $. Veuillez nous expliquer ce dont il s’agissait, à défaut d’être un revenu.

 

[10]   Il est malheureux, et peut-être même triste, que l’appelant se soit lancé dans une explication au sujet de ce dont il ne s’agissait pas et de ce dont il aurait pu s’agir. On lui a posé une question claire et directe, sans subterfuge ni piège ni sens caché. Le ministre voulait une réponse franche. Au lieu de cela, l’appelant lui a envoyé ce qu’on pourrait qualifier de poudre aux yeux, et à cet égard, je fais référence à la lettre qui a été déposée sous l’onglet 9 de la pièce A-1. L’appelant a écrit cette lettre à l’agent des appels, le remerciant en partie pour la lettre du 8 avril et lui déclarant :

 

[traduction]

 

Comme je l’ai déjà mentionné, ces montants ne pouvaient pas correspondre à un revenu considérant qu’Extrac n’a pas, et n’a jamais eu, d’employés.

 

[11]   Je rétorquerai que oui, c’est peut-être le cas, mais qu’il n’était pas nécessaire que l’appelant soit employé par Extrac pour que ces sommes soient un revenu imposable entre ses mains. En guise d’explication, l’appelant a déclaré ne pas avoir été rémunéré, les paiements qu’il a reçus visant à le rembourser des achats de matériel effectués pour le compte de la société et d’autres dépenses. Au total, ces dépenses s’élevaient à près de 6 300 $, alors que les dépenses auxquelles l’appelant a fait référence correspondaient au plein montant de 7 000 $. Sur ces dépenses, la somme de 6 327 $, divisée en deux montants de 3 420 $ et de 2 907 $, visait apparemment à l’achat d’un produit chimique ayant une formule particulière, peut-être envoyé par une société panaméenne, Salmo Research Inc. (« Salmo »). L’appelant n’a pas fourni d’autre explication. Les deux factures de Salmo manquent de précision et de clarté.

 

[12]   Comme l’indiquent les factures de Salmo, la taxe s’élevait à 7%, ce qui permettrait de conclure qu’il s’agissait de la TPS. Or, Salmo n’était apparemment pas inscrite aux fins de la TPS, et je présume que la taxe n’a jamais été payée à l’intimée. L’appelant n’a pas déposé en preuve de chèque annulé libellé à l’ordre de Salmo, pas plus qu’il n’a présenté d’éléments de preuve établissant qu’il a retiré ces montants relativement importants de son compte afin de les payer comptant, comme il l’a déclaré. Il ne nous reste qu’à peine quelques bribes d’éléments de preuve directe. Il n’a été présenté aucuns connaissement, précisions au sujet de l’identité de Salmo ou témoignages au nom de Salmo. On n’a pas non plus fourni de précisions relatives aux quantités ou caractéristiques des produits chimiques utilisés, mais il pouvait s’agir d’une formule secrète et je comprendrais alors qu’on n’ait donné aucune information à ce sujet. Les affirmations de l’appelant n’ont pas été corroborées et M. Lust n’a fait que des déclarations générales, du ouï-dire dans le meilleur des cas vu que, à ce que je sache, il était absent, que ce soit parce qu’il était malade ou parce qu’il se trouvait à Medicine Hat.

 

[13]   L’appelant a engagé d’autres dépenses, dont les reçus ont été déposés sous l’onglet 2 de la pièce A-1, mais ces reçus ne présentent pas d’utilité. On y trouve par exemple la facture du Bel-Air Motel à Medicine Hat, une note de frais donnée à Extrac, les additions de Smitty's Pancake House, à Fernie, en Colombie‑Britannique, et d’un restaurant à Penticton ainsi que la facture d’une quincaillerie d’Osoyoos.

 

[14]   Sous l’onglet 3 de la pièce A-3, on trouve deux pages manuscrites tirées d’un grand livre faisant état d’un total de 2 400 $ au titre de dépenses de fournitures, de pièces et de laboratoire. Encore une fois, l’appelant n’a présenté aucun reçu et n’a donné aucune information ou indication au sujet de l’auteur des versements, des montants, des destinataires ou de la raison pour laquelle ces paiements ont été effectués. L’onglet 3 contient également des relevés bancaires au nom de Robert et de Donald Lust avec une adresse à Osoyoos. Je pense que ces éléments de preuve ont été déposés afin de montrer que divers retraits ont été effectués en octobre, en novembre et en décembre 2005. Ils n’aident pas vraiment à corroborer le fait que l’appelant a réglé en argent comptant pour le compte d’Extrac des dépenses s’élevant à un total de 7 000 $. On ne peut pas établir de rapprochement entre les retraits et les paiements comptant faits à Salmo, ou tout du moins, je ne suis pas parvenu à les rapprocher, pas plus qu’ils ne corroborent le fait que ces paiements ont bien été effectués. Ces retraits peuvent tout aussi bien correspondre aux dépenses journalières, hebdomadaires et mensuelles normales de logement et de repas des deux personnes concernées.

 

[15]   M. Lust a préparé les bons de commande déposés sous la cote A-4. Ils sont vagues, intéressés, et n’ont qu’une très faible valeur probante. Comme je l’ai dit plus tôt, l’appelant s’est davantage attaché à prouver qu’il avait fait l’objet d’un traitement défavorable de la part de l’ARC qu’à répondre à la simple question de savoir s’il a omis de déclarer un revenu de 7 000 $ en 2005, ce que prouvent bien les trois chèques et le mandat d’Extrac.

 

[16]   Dans la lettre déposée sous l’onglet 9 de la pièce A-1, l’appelant a laissé entendre que les chèques qu’il a reçus pouvaient se justifier de diverses manières, énumérant six raisons « possibles ». Il me demande de jouer aux devinettes. L’appelant a affirmé que les livres comptables d’Extrac étaient conservés au siège de la fondation et qu’il n’a pas pu les présenter dans les temps impartis. Il se trouve qu’il n’a pas davantage pu les présenter à l’audience.

 

[17]   Je me trouve face à un autre mystère. J’ai cru comprendre que M. Lust était le seul directeur et actionnaire d’Extrac, qui a été constituée en société en Alberta et dont le siège se trouvait à Medicine Hat. Or, M. Lust prétend maintenant que la société n’existe plus sous cette forme, mais que c’est peut-être une fondation qui en est propriétaire et qui l’exploite, fondation qui n’est rien de plus qu’une coquille vide au sujet de laquelle aucune information pertinente n’est disponible et qui n’a pas été représentée à l’audience. Une fois encore, sous l’onglet 8, on peut voir que le ministre a clairement énoncé sa position, s’exprimant en ces termes : [traduction] « Veuillez exposer les raisons pour lesquelles les sommes en cause vous ont été versées. » Il s’agit d’une demande non équivoque. Plutôt que de fournir une explication, l’appelant a jugé bon d’envoyer une réponse des plus vagues.

 

[18]   Contrairement à la façon dont l’appelant a compris les points en litige, encore une fois, la question à trancher revient à savoir s’il a utilisé la somme de 7 000 $ en cause afin de payer du matériel et de régler d’autres dépenses afférentes à la société. Il ressort du témoignage de M. Lust qu’en octobre, en novembre et en décembre 2005, l’appelant a exercé les fonctions de son père en tant que gestionnaire d’Extrac. Je sais avec certitude que l’appelant a reçu la somme de 7 000 $, dont au moins 4 500 $ sous forme de chèques portant la mention [traduction] « contrat d’embauche ». « Embaucher » renvoie au fait d’employer quelqu’un en échange d’un salaire. L’appelant n’a pas déposé et j’en déduis qu’il disposait d’informations qu’il ne souhaitait pas communiquer. En fin de compte, à ce stade, il me paraît évident de conclure que la somme de 7 000 $ correspondait bien à un revenu.

 

[19]   Afin de réfuter cette conclusion, le représentant de l’appelant a entrepris de démontrer que la somme de 7 000 $ visait à rembourser l’appelant des dépenses qu’il avait engagées pour le compte d’Extrac. Il incombait à l’appelant de prouver que c’était le cas, mais il n’y est pas parvenu. Les explications qu’il a avancées ne sont pas plausibles. La justification des dépenses les plus importantes, s’élevant à 6 327 $, reposait sur les déclarations de M. Lust relatives à deux factures de Salmo. Ce témoignage contestable n’a pas été corroboré. L’appelant, apparemment le seul à avoir une connaissance directe des évènements, n’a pas déposé à l’audience et n’a donc fourni aucune précision au sujet des modalités, des temps et lieu, des raisons ou encore des montants des paiements comptant qu’il aurait effectués aux fins de l’achat de produits chimiques. Les factures manquent de précision : il n’y a aucune description des biens achetés, aucun numéro de téléphone ou adresse pour joindre Salmo, et la taxe dont il est question est suspecte en l’absence de preuve corroborante.

 

[20]   Je n’accepte pas l’authenticité de ces pièces justificatives. Je n’ai pu faire le rapprochement des montants des dépenses moins élevées dont il est question aux onglets 2 et 3 et je ne les juge pas pertinents.

 

[21]   Par conséquent, je conclus que l’appelant ne s’est pas déchargé du fardeau de la preuve, n’étant pas parvenu à réfuter l’hypothèse du ministre selon laquelle la somme de 7 000 $ était, et est, un revenu imposable.

 

[22]   En ce qui a trait aux pénalités, une fois encore, l’appelant n’a pas déposé. Il revenait au ministre de prouver que, conformément au paragraphe 163(2) de la Loi, l’appelant a sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2005 en ne déclarant pas le montant en cause.

 

[23]   Il incombait au ministre de prouver que l’appelant avait fait une faute lourde, ce fardeau de la preuve étant plus pesant que celui qui repose sur les épaules de l’appelant relativement aux hypothèses à réfuter. Il ne suffit pas de prouver les faits selon la prépondérance des probabilités. Ce fardeau s’apparente davantage à un fardeau de nature criminelle, tel que le prévoit le Code criminel.

 

[24]   L’appel est accueilli en partie, uniquement en vue d’annuler les pénalités qui ont été imposées. Le ministre ajoutera un montant supplémentaire de 7 000 $ au revenu imposable de l’appelant pour l’année d’imposition 2005, ce qu’il a fait dans la première cotisation.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de novembre 2009.

 

« C. H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2009.

 

Alya Kaddour-Lord, traductrice


 

RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 577

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-2822(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Robert Lust et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 1er septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge C. H. McArthur

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 14 septembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

Donald Lust

Avocate de l’intimée :

Me Whitney Dunn

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                       Nom :                          s.o.

 

                   Cabinet :                         s.o.

 

           Pour l’intimée :                        John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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