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Dossiers : 2008-2951(EI)

2008-2952(CPP)

ENTRE :

DONALD LaCHANCE, s/n

D & L’S FISH N CHIPS,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 octobre 2009, à London (Ontario).

 

 Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

 Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimé :

Me Julian Malone

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’égard des décisions prises par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada et selon lesquelles Nicole Morley exerçait un emploi assurable et ouvrant droit à pension est rejeté, et les décisions sont confirmées.

 

          Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d’octobre 2009.

 

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de novembre 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 516

Date : 20091014

Dossiers : 2008-2951(EI)

2008-2952(CPP)

ENTRE :

DONALD LaCHANCE, s/n

D & L’S FISH N CHIPS,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]     Le présent appel a été interjeté par Donald LaChance à l’égard de décisions prises par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada relativement à la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006.

 

[2]     En l’espèce, la question est de savoir si la travailleuse, Nicole Morley, était une employée ou une entrepreneure indépendante. Le ministre a conclu que la relation de travail en cause était une relation d’emploi. L’appelant soutient que Mme Morley a été engagée comme entrepreneure indépendante.

 

[3]     L’appelant et Mme Morley ont tous deux témoigné à l’audience.

 

[4]     Avec l’aide de son épouse, Lisa LaChance, l’appelant exploite un restaurant de poisson frit et frites. Le restaurant peut accueillir environ 60 clients, et des mets à emporter y sont aussi offerts.

 

[5]     En avril 2005, Mme Morley a été engagée comme serveuse à temps plein, et elle recevait un salaire horaire. Lorsqu’elle a commencé à travailler, Mme Morley a accepté que son salaire ne fasse l’objet d’aucune retenue à la source. Tous ses chèques de paye portaient la mention qu’elle était entrepreneure indépendante. Il n’y a aucun doute que, dès le début de la relation de travail, l’appelant considérait Mme Morley comme une entrepreneure indépendante.

 

[6]     Habituellement, Mme Morley travaillait selon un horaire de travail hebdomadaire. À quelques reprises, cet horaire a été modifié pour accommoder les responsabilités parentales de Mme Morley.

 

[7]     De plus, il est arrivé quelques fois que Mme Morley n’a pas pu aller travailler quand elle le devait. Dans ces cas‑là, elle a avisé l’appelant ou son épouse, et ceux‑ci ont alors trouvé un remplaçant.

 

[8]     L’appelant a dit que l’accord, selon lequel Mme Morley travaillait comme entrepreneure indépendante, devait être respecté. Il a soutenu que les parties y avaient consenti, que Mme Morley recevait 2 $ de l’heure de plus et que leur entente donnait un horaire de travail de flexible à Mme Morley.

 

[9]     L’appelant a témoigné qu’il n’était pas nécessaire de superviser le travail de Mme Morley parce qu’elle savait quoi faire. Il a aussi dit que Mme Morley bénéficiait d’un horaire de travail flexible parce qu’elle pouvait demander à n’importe quel autre travailleur du restaurant de la remplacer pour un quart de travail.

 

[10]    Les principes applicables à une cause comme celle‑ci sont bien connus. La caractéristique principale de l’entrepreneur indépendant est qu’il exploite une entreprise pour son propre compte. L’intention des parties, quoique très pertinente, n’est pas déterminante. Le critère applicable a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans Royal Winnipeg Ballet c. MRN, 2006 CAF 87, 2006 DTC 6323 :

 

[64]      Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de l’arrêt Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l’ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s’ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C’est parce que le juge n’a pas adopté cette approche qu’il en est arrivé à une conclusion erronée.

 

[11]    En gardant ces principes à l’esprit, je me pencherai d’abord sur l’intention des parties.

 

[12]    Mme Morley a témoigné que, bien qu’elle savait devoir payer l’impôt à la fin de l’année, elle ne connaissait pas les subtilités juridiques qui différencient l’employé et l’entrepreneur indépendant. Elle a aussi dit ne pas se souvenir que l’appelant avait employé le terme « entrepreneure indépendante » pendant la négociation de leur accord, mais elle a reconnu que cette mention apparaissait sur ses chèques de paye.

 

[13]    J’admets que Mme Morley ne comprenait pas les différences juridiques entre la qualité d’employé et celle d’entrepreneur indépendant. Cependant, elle a consenti à un accord qui était manifestement différent de ceux qui régissaient ses relations de travail précédentes, car aucune déduction d’impôt n’était faite sur son salaire. De plus, tous les chèques de paye de Mme Morley indiquaient qu’elle était une entrepreneure indépendante. Dans les faits, elle a emboîté le pas à l’appelant, qui voulait l’engager comme entrepreneure indépendante.

 

[14]    Compte tenu des circonstances, je reconnais que les parties avaient l’intention que Mme Morley soit engagée comme entrepreneure indépendante.

 

[15]    Cela ne règle toutefois pas la question. Comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans le passage de Royal Winnipeg Ballet précité, il faut se demander si la relation créée par les parties correspondait à cette intention.

 

[16]    À mon avis, selon la prépondérance des probabilités, la relation qui liait Mme Morley à l’appelant ne faisait pas d’elle une entrepreneure indépendante.

 

[17]    Parmi les facteurs énumérés dans l’arrêt Wiebe Door, c’est celui du « contrôle » qui est le plus important en l’espèce.

 

[18]    La preuve présentée relativement à la capacité qu’avait l’appelant d’exercer un contrôle sur la façon dont Mme Morley travaillait a été assez limitée, mais cela n’a rien d’anormal dans une affaire instruite sous le régime de la procédure informelle. Néanmoins, compte tenu de la preuve, j’ai conclu que l’appelant pouvait probablement donner des instructions détaillées à Mme Morley. Ce degré de contrôle est incompatible avec le genre de relation de travail où Mme Morley aurait exploité une entreprise pour son propre compte.

 

[19]    L’appelant a témoigné qu’il n’était pas nécessaire de dire à Mme Morley comment faire son travail, car ses tâches étaient évidentes et elle savait comment les accomplir.

 

[20]    Cependant, le critère applicable n’est pas de savoir si l’appelant a bel et bien donné des instructions détaillées à Mme Morley, mais plutôt s’il avait le droit de le faire.

 

[21]    J’ai conclu qu’en tant que propriétaire et gérant actif du restaurant avec son épouse, l’appelant avait probablement le pouvoir de décider des tâches que Mme Morley devait accomplir et de la façon dont elle devait le faire.

 

[22]    Mme Morley a présenté un témoignage très détaillé quant à ses diverses tâches, allant jusqu’à décrire comment elle remplissait des bouteilles de ketchup et des beurriers individuels. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je suis d’avis que Mme Morley accomplissait probablement ses tâches sous la direction de l’appelant et de son épouse. Si ceux‑ci avaient été insatisfaits du travail de Mme Morley, ils auraient pu lui demander de le faire autrement.

 

[23]    L’appelant a affirmé que l’horaire de travail de Mme Morley était flexible et qu’elle pouvait se faire remplacer par un collègue si elle devait s’absenter du travail.

 

[24]    Dans son ensemble, la preuve ne m’a pas convaincue que Mme Morley savait qu’elle pouvait trouver son propre remplaçant si elle devait s’absenter du travail. Sa compréhension de la question semble correspondre à sa conduite. Les quelques fois où Mme Morley a dû s’absenter du travail, elle a communiqué avec les LaChance, et ceux‑ci se sont occupés de trouver un remplaçant.

 

[25]    Pour ce qui est de la flexibilité de l’horaire de travail de Mme Morley, j’admets que cet horaire a parfois été modifié pour accommoder les besoins de celle‑ci, mais ce fait-là ne démontre pas qu’elle exploitait une entreprise pour son propre compte.

 

[26]    Mme Morley et l’appelant établissaient conjointement l’horaire de travail de celle‑ci. Cette façon de faire témoigne davantage d’une relation de travail où l’employeur fait preuve de souplesse envers une employée importante. Il ne s’agit pas d’une preuve que Mme Morley exploitait une entreprise pour son propre compte ou qu’elle décidait elle‑même de son horaire.

 

[27]    Au sujet du salaire de Mme Morley, l’appelant a témoigné qu’il lui versait 2 $ de plus que le salaire minimum, ce qui visait à compenser son statut d’entrepreneure indépendante.

 

[28]    Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je ne suis pas convaincue que le fait que les parties voulaient que Mme Morley soit entrepreneure indépendante a eu un effet sur son salaire.

 

[29]    Mme Morley a témoigné qu’à un certain moment, pendant qu’elle travaillait pour l’appelant, elle avait commencé à chercher un autre travail pour pouvoir passer le samedi avec ses enfants. Elle a dit que l’appelant lui avait alors offert une augmentation salariale et un changement d’horaire pour la convaincre de rester. J’admets ce témoignage.

 

[30]    Par conséquent, je conclus que Mme Morley était une employée. En résumé, la relation qui la liait à l’appelant est incompatible avec la position selon laquelle Mme Morley exploitait une entreprise pour son propre compte.

 

[31]    L’appel est rejeté, et les décisions du ministre sont confirmées. Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d’octobre 2009.

 

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de novembre 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2009 CCI 516

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2008-2951(EI)

2008-2952(CPP)

 

INTITULÉ :

Donald LaChance, s/n D & L’s Fish n Chips, et le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 14 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimé :

Me Julian Malone

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

s.o.

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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