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Dossier : 2007-2004(IT)G

ENTRE :

IRINA DACHKOV,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu les 15 et 17 avril 2009, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge C.H. McArthur

Comparutions :

 

Avocate de l'appelante :

Me Isabel Marceau et

Me Alain Ménard

Avocat de l'intimée :

Me Claude Lamoureux

____________________________________________________________________

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en date du 1er septembre 2005 pour les années d’imposition 2000 et 2001 sont accueillis selon les motifs du jugement ci-joint.

 

L’appel de la cotisation établie par le ministre pour l’année 2002 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Étant donné le succès partagé, il n’y a pas de frais accordé.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13ième jour d’août 2009.

 

 

"C.H. McArthur"

Juge McArthur

 

 

 

 

 

 

Référence : 2009CCI403

Date : 20090813

Dossier : 2007-2004(IT)G

ENTRE :

IRINA DACHKOV,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge McArthur

 

[1]              Cet appel concerne Irina Dachkov (l’appelante) qui a immigré de l’Israël au Canada en 1997. Elle s’oppose à la nouvelle cotisation de l’Agence du Revenu du Canada (l’ARC) pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002.

 

[2]              L’ARC a ajouté les montants de 18,664 $ pour 2000, 70 272 $ pour 2001 et 31 149 $ pour 2002 aux déclarations d’impôt de l’appelante et a également imposé des pénalités relativement à ces montants qui n’étaient pas dans la déclaration l’appelante (soit 811,46 $ pour 2000, 5 706,70 $ pour 2001 et 1 504,13 $ pour 2002).

 

Les questions en litige

 

[3]              Les deux parties s’entendent sur les questions en litige qui sont les suivantes :

 

a.      L’ARC était-elle justifiée d’établir de nouvelles cotisations contre l’appelante pour les années d’imposition 2000 et 2001 selon le paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la LIR)?

b.     L’ARC était-elle justifiée d’ajouter au revenu déclaré par l’appelante les montants cités au paragraphe deux ci-dessus en tant que revenu d’entreprise non déclaré?

 

c.     L’ARC était-elle justifiée d’appliquer des pénalités contre l’appelante au sens du paragraphe 163(2) de la LIR?

 

Arguments de l’avocate de l’appelante

 

[4]              Après avoir immigré au Canada en 1997 avec son mari et ses deux enfants, l’appelante a dû avoir recours à l’aide sociale. Puisqu’elle avait des difficultés financières en 1998, la mère de l’appelante lui a dit qu’elle allait l’aider en lui faisant « cadeau » du montant de 110 500 $ USD. Selon l’appelante, ce montant d’argent provenait de la vente d’un appartement familial situé en Russie et elle aurait reçu ce montant en espèce.

 

[5]              Cet argent a été remis à une amie de la famille, Rita Bond, lorsque cette dernière visitait Israël avec son mari en février 1999. Le mari de Rita Bond, qui était un diplomate israélien[1], a amené cet argent à Chicago, où ce dernier avait son poste. Par la suite, le mari de l’appelante, Alexander Semionov, qui opère une entreprise de camionnage, s’est rendu à Chicago dans le cadre de l’exploitation de son entreprise et a récupéré ce montant d’argent de Rita Bond.

 

[6]              Après avoir récupéré l’argent, le mari de l’appelante lui a remis et cette dernière a déposé la totalité de cet argent dans un coffret de sûreté de sa banque. Après avoir reçu cet argent, l’appelante a rempli une déclaration à l’aide sociale à l’effet qu’elle n’avait plus besoin de ce soutien monétaire du gouvernement.

 

[7]              L’appelante soutient que, vu qu’elle était sans emploi de 1997 à 2001, l’essentiel du montant d’argent reçu par sa mère a été utilisé pour subvenir aux besoins de cette dernière et de sa famille.

 

[8]              Elle a démarré une entreprise individuelle qui consiste à vendre des aliments préparés et cuisinés par elle. Cette entreprise a commencé à opérer en décembre 2001 et elle a subi des pertes de 15 255,91 $ en 2001 et de 13 855,31 $ en 2002[2].

 

[9]              En 2004, l’ARC a procédé à une vérification de l’entreprise de l’appelante. Elle a coopéré pleinement afin de leur fournir le plus d’information possible. Selon l’appelante, l’ARC n’a identifié aucun montant de revenu non déclaré en provenance de l’entreprise exploitée par cette dernière.

 

[10]         Elle soutient que l’ARC a de façon erronée, omis de tenir compte dans les actifs de l’appelante le montant de 110 500 $ USD reçu de sa mère.

 

[11]         Le délai de prescription serait échu car les nouvelles cotisations pour les années d’imposition ont été émises plus de trois ans suivant la date de la cotisation initiale pour chacune des années d’imposition (par. 8 de l’Avis d’appel).

 

[12]         Elle est d’avis que la méthode de l’avoir net utilisée par l’ARC est erronée (par. 10 de l’avis d’appel) et que l’ARC n’était pas justifiée d’ajouter au revenu déclaré les montants mentionnés au paragraphe deux à titre de revenu d’entreprise non déclaré.

 

Les arguments du ministre

 

[13]         Selon l’ARC, elle était justifiée d’établir des nouvelles cotisations parce que l’appelante aurait produit des déclarations fausses par négligence, inattention ou omission volontaire.

 

[14]         De plus, selon les résultats de l’avoir net appliqués sur le revenu de l’appelante, l’ARC soutient que les montants de 18 663,44 $, 70 272,98 $ et 31 149,36$ lui ont été attribués correctement.

 

[15]         Finalement, selon le paragraphe 163(2) de la LIR, l’ARC est d’avis que les pénalités ont été appliquées envers l’appelante correctement.

 

[16]         Une question devant moi est : L’ARC était-elle justifiée d’établir de nouvelles cotisations auprès de l’appelante au-delà de la période normale de nouvelle cotisation qui est de quatre ans?

 

[17]         Le paragraphe en question est 152(4) de la LIR et se lit comme suit :

152 (4) le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenus pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi, […] 

[Je souligne.]

[18]         L'expression « période normale de nouvelle cotisation » est définie comme suit au paragraphe 152(3.1) de la LIR:

 

(3.1) Pour l'application des paragraphes (4), (4.01), (4.2), (4.3), (5) et (9), la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable pour une année d'imposition s'étend sur les périodes suivantes:

a) quatre ans suivants soit le jour de mise à la poste d'un avis de première cotisation en vertu de la présente partie le concernant pour l'année, soit, s'il est antérieur, le jour de mise à la poste d'une première notification portant qu'aucun impôt n'est payable par lui pour l'année, si, à la fin de l'année, le contribuable est une fiducie de fonds commun de placement ou une société autre qu'une société privée sous contrôle canadien;

b) trois ans suivant le premier en date de ces jours, dans les autres cas.

 

[19]         Les années d’imposition en question pour la nouvelle cotisation sont donc celles de 2000 et 2001. L’année de cotisation 2002 n’est pas prescrite et donc pas affectée par les paragraphes ci-dessus. Selon les prétentions de l’ARC, l’appelante a sciemment omis d’inclure les montants de 18 664 $ (2000) et 70 272 $ (2001) et donc elle est justifiée d’utiliser le sous-alinéa 152(4)(a)(i) pour établir une nouvelle cotisation après le délai prévu au paragraphe 152(3.1) de la LIR.

 

[20]         Dans la cause de Boucher v. R. [3], la juge Sharlow de la Cour d’appel fédérale a dit :

 

[…] qu’une présentation erronée des faits de la part du contribuable, sans plus, ne donne pas au ministre le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation après que la période normale de nouvelle cotisation est expirée .

 

[21]         Le fardeau de l’ARC de pouvoir établir une nouvelle cotisation est plus sévère qu’une simple omission de la part du contribuable. Selon le juge Bonner dans la cause de Jencik v. R.[4], l’ARC a plusieurs critères à prouver pour pouvoir établir une nouvelle cotisation selon le paragraphe 152(4) :

 

11 La règle bien connue qui impose au contribuable le fardeau de prouver le caractère erroné des constatations ou des hypothèses de faits, ou des cotisations, ne s'applique pas dans le cas des appels interjetés à l'encontre de nouvelles cotisations pour des années frappées de prescription, à moins que le ministre n'établisse préalablement des faits justifiant sa nouvelle cotisation.

 

[…]

13 Il me faut ajouter que le fardeau s'étend non seulement à la preuve du caractère erroné des présentations de l'appelant à propos de son revenu d'entreprise, mais également à la preuve qu'elles étaient causées par la négligence, l'inattention ou une omission volontaire, comme le soutient le ministre.

 

(Je souligne.)

 

[22]         Le juge Bowie est en accord avec les principes dans Jencik. Il les mentionne avec accord en clause Gardner[5]. Il fait référence à M.N.R. v. Taylor[6] où le juge Cameron a écrit :

…c'est au ministre qu'il incombe d'établir le premier, à la satisfaction de la Cour, que le contribuable (ou la personne qui a produit la déclaration) a "fait une présentation erronée des faits ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi",

(Je souligne.)

 

[23]         Dans la cause de Ver[7], entendu par le juge Bowman, on impose un fardeau supplémentaire au ministre, soit celui d’inclure les faits précis alléguant la fraude du contribuable et ils doivent être préalablement mentionnés dans la Réponse à l’avis d’appel :

 

Enfin, la réponse à l'avis d'appel laisse à désirer pour une affaire de ce genre. De simples affirmations selon lesquelles le ministre a "présumé" qu'il y avait présentation erronée sont inopportunes lorsque le ministre doit prouver qu'il y a eu présentation erronée. Les faits précis dont la présentation, à ce qu'on allègue, est erronée doivent être énoncés en détail dans la réponse et le caractère erroné de la présentation doit être démontré avec précision. Trois éléments essentiels doivent être allégués lorsque l'on invoque l'argument de la présentation erronée :

(i)  la présentation;

(ii)  le fait qu'elle a été faite;

(iii)  le fait qu'elle est erronée .

(Je souligne.)

 

[24]         Le juge Bowman  dans la cause de 943372 Ontario Inc. c. R. [8] a réitéré l’importance d’avoir dans la réponse à l’Avis d’appel, des allégations de présentation erronée de faits :

 

Avant d’examiner certains aspects de la preuve d’une façon plus détaillés, je dois dire que les réponses aux avis d’appel n’étaient pas utiles. Le ministre avait la charge initiale d’établir l’existence d’une présentation erronée des faits permettant de rouvrir les années prescrites. En pareil cas, il est d’une importance primordiale que les réponses soient spécifiques et précises.

 

[25]         Finalement, dans Markakis v. M.N.R.[9], le juge Rip, trouve que l’ARC, en plus d’alléguer la fraude ou la fausse représentation dans la déclaration d’impôt du contribuable, doit aussi en faire la preuve. À cet effet, le juge Rip dit :

 

13 For the Minister to show the taxpayer has not exercised reasonable care requires, in my view, something more than simply submitting evidence that the taxpayer has made deposits to his bank accounts in amounts greater than his employment income and advising the Court that he, the Minister, does not accept the taxpayer's explanation of the source of funds.

 

[…]

 

14 To assess beyond the four-year limit as set out in subsection 152(4) the Minister must establish that a taxpayer made a misrepresentation that is attributable to neglect, carelessness or wilful [sic] default, or that the taxpayer committed a fraud in filing his income tax return. It is not enough to suggest misrepresentation or fraud. The Minister's evidence was not sufficient to meet his onus under subsection 152(4) and consequently I must find that Mr. Markakis cannot be said to have made a misrepresentation in 1976 .

 

La présente cotisation

 

[26]         L’ARC est d’avis que l’appelante a omis d’inclure des revenus d’entreprise lors de sa déclaration d’impôt, et ceci faisant, elle a fait une présentation erronée des faits en produisant sa déclaration.

 

[27]         D’après elle, le montant de 110 500 $ USD a été reçu en tant que cadeau de sa mère et donc, il n’était pas nécessaire selon la LIR pour l’appelante de déclarer ce don dans sa déclaration d’impôt. D’après la lettre de la mère de l’appelante, cet argent appartenait de toute façon à l’appelante avant son arrivée au Canada. Dans les deux cas, le montant ne doit pas être inscrit dans la déclaration d’impôt.

 

[28]         Elle a changé son histoire quant à la façon qu’elle a acquis le 110 500 $ USD. Dans sa première version, l’appelante a reçu ce montant directement de sa mère lorsque cette dernière lui a porté visite au Canada en février 1999. L’appelante a dit ceci à la vérificatrice de l’ARC le 26 mai 2004.

 

[29]         Lors d’une deuxième rencontre avec l’ARC le 17 août 2004, l’appelante a affirmé que l’argent avait transigé entre les mains des amis de la famille en Israël, au mari de l’appelante pour enfin se retrouver chez l’appelante.

 

[30]         Selon le test établi par le juge Bowman dans Ver, le ministre a dû faire les allégations de fausse représentation dès la Réponse à l’avis d’appel. Le ministre devait également présenter les faits précis faisant qu’il y avait une présentation erronée des faits et ces faits devaient « […] être énoncés en détail dans la réponse et le caractère erroné de la présentation doit être démontré avec précision ». En regardant la Réponse à l’avis d’appel, plus précisément aux paragraphes 47 (h), (i), (m), (n) et 52, le ministre n’a pas présenté en détail le caractère erroné de la déclaration d’impôt de l’appelante.

 

[31]         De plus, l’ARC avait comme fardeau, de prouver qu’il y avait des présentations erronées de l’appelante dans sa déclaration d’impôt, mais aussi que ces présentations fausses étaient causées par la négligence, l’inattention ou une omission volontaire. Aucune preuve de fraude, de négligence ou d’inattention n’a été présentée en Cour d’après les témoignages de la vérificatrice ou de la conseillère technique.

 

[32]         L’avocat de l’intimée a certes pu miner la crédibilité de l’appelante à certains égards, mais il n’a pas pu prouver lors de sa plaidoirie que celle-ci avait fait des présentations erronées relativement à sa déclaration d’impôt. D’ailleurs, l’ARC impute à l’appelante un revenu d’entreprise inexistant car l’entreprise de l’appelante a commencé qu’au mois de décembre 2001 (Pièce A-2). Les prétentions du ministre qu’il doit y avoir un revenu d’entreprise gagné par l’entreprise de la contribuable pour l’année 2000 sont mal fondées car la preuve démontre clairement que l’entreprise a commencé en 2001, et ce, au mois de décembre.

 

[33]         À cet effet, j’accepte que les présomptions du ministre relativement des montants de 18 664 $ et 70 272 $ attribués à un revenu d’entreprise de l’appelante pour les années 2000 et 2001 sont fausses. En conclusion, l’intimée n’a pas précisé les faits qui auraient été présentés pour permettre à l’appelante de savoir quels arguments elle devra présenter. Les cotisations pour les années 2000 et 2001 ont été émises au-delà de la période prévue au paragraphe 152(4) de la LIR. L’intimée n’a pas satisfait son fardeau de la preuve pour établir que l’appelante a fait des présentations erronées des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou que l’appelante a commis une fraude – en produisant sa déclaration pour 2000 et 2001.

 

[34]         Je suis donc d’avis que les années 2000 et 2001 sont prescrites et que l’ARC n’a pas rencontré son fardeau de prouver qu’il y a eu une présentation erronée des faits de la part de l’appelante.

 

La méthode de la valeur nette (MVN ci-après)

 

[35]         Dans la cause de Hsu v. Canada [10] il n’y a pas de méthode spécifique pour déterminer l’impôt payable par le contribuable.

 

[36]         En conclusion, le fait d’avoir utilisé l’avoir net est prévu par la LIR et l’ARC était en droit de considérer les montants non déclarés dans la déclaration d’impôt de l’appelante comme étant un revenu d’entreprise.

 

[37]         Une MVN peut être exécutée par l’ARC lorsqu’un contribuable n’a pas donné une réponse satisfaisante quant à une source de revenu déclaré. L’ARC a le pouvoir de faire ceci, peu importe le montant indiqué sur la déclaration de revenu du contribuable. Le fardeau revient au contribuable de rejeter la cotisation mais l’ARC a le fardeau de prouver que le travail de vérification a été fait correctement.

 

[38]         Je crois que l’ARC fait souvent des MVN sans avoir une connaissance totale des faits. L’ARC oblige donc le contribuable de divulguer pleinement toutes ses sources de revenus à cette dernière. C’est pourquoi l’ARC doit aussi pleinement divulguer les bases de l’évaluation du revenu du contribuable. Le contribuable doit démontrer que la MVN et les informations s’y retrouvant ne sont pas valables. À ce sujet, le juge Tardif dit dans la cause de 126632 Canada Ltée c. R.[11], en s’y référant à l’affaire Hickman Motors Ltd. c. R. [12] :

 

61 Il appartient à l’appelante de démontrer que les présomptions du ministre ne tiennent pas; une fois cela établi, le ministre ne peut pas se fier simplement sur le résultat d’une vérification inacceptable pour établir ses cotisations.

 

[39]         Dans la cause de Lai v. The Queen [13] le contribuable avait déclaré un revenu qui ne correspondait pas à son style de vie puisqu’il avait omis d’inclure certaines informations sur son retour d’impôt. Le contribuable revendiquait le fait que les montants inclus dans son revenu étaient des remboursements de prêts de son frère. Les montants provenaient de la vente d’une propriété de son pays d’origine.

 

[40]         Comme dans le cas qui nous occupe, le vérificateur dans Lai a demandé des preuves documentaires au contribuable, des preuves qu’il ne pouvait pas fournir de façon satisfaisante.

 

[41]         Il a été conclu que:

 

33 Aussi peu fiable que puisse être en soi la cotisation de la valeur nette, l'appelant ne m'a pas fourni le moindre fondement qui permettrait de contester la cotisation établie par le ministre. La preuve de la vérificatrice a été explicite. Elle a récapitulé la méthodologie qu'elle avait utilisée pour en arriver à la cotisation qu'elle avait établie, et sa démarche était raisonnable dans les circonstances. En fait, elle a donné le bénéfice du doute à l'appelant lorsqu'elle s'est servi des chiffres de Statistique Canada.

 

[42]         L’avocat de l’intimée a cité l’arrêt Lacroix c. R [14]. Ici, la Cour d’appel fédérale devait décider si la Cour canadienne de l’impôt (Cour) avait raison de dire que la preuve fournie par le ministre était insatisfaisante quant à la source de revenu du contribuable suite à la MVN utilisée. La Cour fédérale d’appel a rejeté cette prétention.

 

[43]         Finalement, dans l’arrêt Lacroix quant au fardeau qui revient au ministre relativement à la nouvelle cotisation au-delà des quatre ans prescrits par la LIR la Cour d’appel fédérale a conclu que :

 

Le ministre est indéniablement dans l'obligation de mettre en preuve les faits justifiant l'invocation de ces mesures exceptionnelles.

 

Les pénalités

 

[44]         Selon les dires de la vérificatrice, madame Noëlla Bonici, l’appelante a toujours collaboré avec elle pour lui fournir tous documents dont cette dernière a eu besoin pour mener son enquête.

 

[45]         Selon madame Tremblay, la deuxième vérificatrice, il manquait des documents. Alors, elle a décidé de mener une MVN. De plus, le témoignage de Madame Tremblay contredit celui de madame Bonici dans les cas où l’appelante comprenait ou ne comprenait pas ce que les agentes de l’ARC lui disaient.

 

[46]         L’appelante a ouvert ses livres de façon à ne pas obstruer le travail de l’ARC lorsque les agentes de cette dernière lui auraient demandé. Ceci démontre une volonté de collaborer avec l’ARC qui milite en la faveur de l’appelante.

 

[47]         J’ai de la difficulté à croire que l’appelante a fait de faux énoncés dans son retour d’impôt. De plus, malgré que l’avocat de l’intimée a fait un travail remarquable pour discréditer l’appelante, il n’a pas pu démontrer que ces faux énoncés ont été faits sciemment ou dans des circonstances équivalentes à une faute lourde.

 

[48]         Les pénalités contre l’appelante en 2000 et 2001 doivent donc être retirées.

 

[49]         Même si j’avais trouvé que ces années n’étaient pas prescrites, l’avocat de l’intimée a avoué en Cour que le ministre serait incapable de faire la preuve de la source du revenu pour les années 2000 et 2001 :

 

Si vous dites que oui, c’est crédible et que cette source de revenus là n’est pas imposable, bien je peux vous dire aujourd’hui que le Ministère est incapable de faire la preuve de la source du revenu pour l’année 2000 et 2001. On n’est pas capable. Parce que c’est illogique de croire qu’une charcuterie qui n’existait pas aurait fait 18,000 piastres, ¸a n’a pas de bon sens »[15].

 

[50]         L’appelante a réussi à renverser le fardeau au ministre en démontrant clairement qu’elle n’avait pas gagné de revenu d’entreprise pour les années 2000 et 2001, tel qu’il était allégué dans la réponse à l’avis d’appel. Hors, encore une fois, le ministre n’a pas pu rencontrer son fardeau et tel qu’il fut établi dans l’affaire de Hickman Motors Ltd. (précité), l’appelante doit obtenir gain de cause pour les années 2000 et 2001.

 

L’année 2002

 

[51]         Il me reste seulement à décider sur l’année d’imposition 2002 qui n’est pas prescrite et donc le fardeau revient à l’appelante de contredire les allégations du ministre.

 

[52]         Selon l’avocat de l’intimée, il y a un écart de 31 149,36 $ pour l’année 2002 que l’appelante n’a pu expliquer. Elle a le fardeau de démolir les présomptions du ministre à ce stade-ci avec des preuves crédibles et elle aurait pu le faire si elle avait clairement démontré d’où venait le montant d’argent reçu. En 2002, l’entreprise de l’appelante existait depuis 2001 et donc elle ne pouvait pas utiliser l’argument déjà mentionné pour les années 2000 et 2001.

 

[53]         L’avocat de l’intimée a fait un bon travail pour discréditer l’appelante. Plusieurs points méritent d’être mentionnés. Le premier est le fait qu’elle n’a tenu aucun registre quant au montant d’argent qu’elle retirait du coffre. Cela étant, rien n’obligeait l’appelante de le faire, mais il est vrai que cela aurait ajouté plus de crédibilité quant à sa version des faits.

 

[54]         Quant au montant de 110 500 $USD, il n’y a aucune preuve du casier ou de la sûreté de casier. Il n’y a aucune preuve d’entrée au Canada ou d’entrée en Israël. L’avocat de l’intimée a réitéré le fait que la contribuable a fabriqué des histoires quant à la façon que l’argent est arrivé au Canada. Ce montant important d’argent qui représentait les économies importantes des parents de l’appelante a transigé entre les mains de parfaits inconnus de la mère de l’appelante.

 

[55]         Une de ces inconnues est madame Rita Bond qui est venue de Chicago témoigné au procès. Le transfert d’argent aurait été facilité par le partenaire de madame Bond qui était un diplomate israélien travaillant à Chicago. Comme l’a bien dit l’avocat de l’intimée, ce diplomate aurait risqué sa carrière pour une parfaite inconnue en transportant un montant d’argent aussi important aux États-Unis, ni moins.

 

[56]         De plus, ce montant important d’argent a été transporté tout simplement dans une bourse, sans aucun souci. Finalement, le montant d’argent était initialement constitué de billets de 1 000 $. L’appelante a de nouveau changé sa version en disant que c’était des billets de 100 $ et 50 $, ce qui en ferait un montant physiquement gros à transporter.

 

[57]         Finalement, ce montant a été gardé dans la résidence de l’appelante. Mais cette dernière a changé sa version une autre fois pour ainsi dire que l’argent était gardé dans un coffre de sûreté de la banque. D’après l’avocat de l’intimée, l’appelante pouvait facilement aller chercher les informations de la banque démontrant qu’elle avait bel et bien un coffre de sûreté, mais l’appelante n’a jamais fourni aucune preuve à cet effet.

 

[58]         L’avocat de l’intimée a pu discréditer le témoin, Alexander Semionov, en démontrant qu’il y avait deux vérificatrices qui sont venues l’interroger, et non une comme le disait l’appelante. En plus, monsieur Semionov travaille depuis plusieurs années dans le transport transfrontalier en utilisant son propre camion. Il doit savoir les conséquences de ne pas déclarer un montant d’argent au-delà de 10 000 $.

 

[59]         Une lettre notariée par un notaire israélien vient appuyer les arguments de l’intimé tout en discréditant de plus l’appelante. Dans la lettre notariée (Pièce A-8), on dit clairement que l’argent appartient à l’appelante. Par contre, elle fait à croire, pendant tout le procès, que c’est un don de sa mère. De plus, la lettre du notaire est datée le 27 décembre 2004, tandis que le transfert d’argent à madame Bond a eu lieu en février 1999.

 

[60]         Un autre fait important est que l’appelante, depuis sa jeunesse en U.R.S.S, a un manque de confiance dans les institutions bancaires. De plus, elle avait un compte bancaire en Israël afin que le gouvernement israélien puisse lui verser son aide sociale. De même, l’appelante était comptable en Russie et comme le mentionne l’avocat de la requérante, « […] elle n’est pas une illettrée […] Elle sait comment ça marche, l’argent »[16].

 

[61]         Elle voulait donner l’impression d’avoir peur des banques. L’appelante avait besoin d’argent et était sur le bord de la faillite et sa famille ne voulait rien mettre à la banque parce que selon elle et sa famille, les banques n’étaient pas sûres. Malgré cela, il a été démontré qu’elle transigeait dans quatre comptes de banque et elle effectuait plusieurs transactions totalisant quelques milliers de dollars.

 

[62]         Pourquoi ne pas faire venir la mère de l’appelante? Pourquoi ne pas fournir de la documentation quant à l’existence du coffre de sûreté? Pourquoi ne pas fournir des reçus démontrant l’échange d’argent de fonds américains à des fonds canadiens?

 

[63]         Au lieu, on fait venir une amie de la famille pour témoigner pour relater des faits qui ne sont que secondaires. Ceci me semble douteux et l’appelante n’a pas pu démolir les allégations du ministre. Pour ces raisons, l’appel pour l’année d’imposition 2002 est rejeté.

 

Pénalité 2002

 

[64]         La question est si L’ARC n’a pas satisfait le fardeau d’établir les faits justifiant l’imposition de pénalités prévue au paragraphe 163(2) de la LIR pour des raisons similaires données pour les années 2000 et 2001.

 

[65]         Je ne suis pas sûr de la source des 110 500 $ USD relativement auxquels il n'y a pas d'explication. Chose certaine, la source des montants de 18 663,44 $ et de 70 272,98 $ pour 2000 et 2001 n’était pas du revenu non déclaré provenant de la charcuterie de l’appelante, contrairement à ce qu'a supposé l’ARC. Quant au montant de 31 149,36 $ pour 2002, bien que sa source ne soit pas certaine, l’appelante n’a pas réfuté la conclusion de l’ARC, en ce qui concerne la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) pour cette année-là. À cet égard, l’ARC a établi, pour l’année 2002, que l’appelante a sciemment ou dans des circonstances équivalent à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité. L’origine du 31 149.36 $ en 2002 demeure un mystère. L’entreprise, la charcuterie, fonctionnait à temps plein pendant l’année 2002. La meilleur hypothèse est celle de l’intimée que le 31 149.56 $ était revenu. J’accepte que l’entreprise a subit des pertes d’opérations en 2001. L’appelante continue, encore aujourd'hui, à exploiter son entreprise, laquelle,  je crois, a connu une  croissance soutenue.

 

[66]         Les appels pour les années 2000 et 2001 sont accueillis sans frais et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

[67]         L’appel pour l’année 2002 est rejeté sans frais.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13ième jour d’août 2009.

 

 

"C.H. McArthur"

Juge McArthur

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009CCI403

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-2004(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              IRINA DACHKOV ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 15 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge C.H. McArthur

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 13 août 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelante :

Me Isabel Marceau

Avocat de l'intimée :

Me Claude Lamoureux

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Isabel Marceau

 

                 Cabinet :                           Cain Lamarre Casgrain Wells LLP

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] D’après la pièce A-7, il serait décédé le 29 août 1999.

[2] Avis d’appel, par. 25.

[3] 2004 FCA 46, [2004] 2. C.T.C. 179, par. 5 (C.F.A.)

[4] 2004 CCI 295, [2004] 3 C.T.C. 2115, par. 11 et 13.

[5] [2001] 4 C.T.C. 2868.

[6]           [1961] C.T.C. 211 (Can. Ex. Ct.)

[7] [1995] T.C.J. No. 593, par. 13(f).

[8] 2007 TCC 294, [2007] 5 C.T.C. 2001.

[9] [1986] 1 C.T.C. 2318.

 

[10] 2001 FCA 240, [2001] F.C.J. No. 1174 (FCA), par. 23 et 24.

[11] 2008 CCI 132.

[12] [1998] 1 C.T.C. 213

[13] 2005 TCC 774, [2005] D.T.C. 1823.

[14] 2008 FCA 241, 2008 D.T.C. 6551 (Fr.) (C.A.F.)

[15] Plaidoiries, page 77, lignes 15 à 19.

[16] Notes sténographiques p. 102, lignes 12 à 16.

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