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Dossier : 2008­1611(IT)I

ENTRE :

ANTHONY PIGEAU,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

 

Appel entendu le 26 octobre 2009, à North Bay (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Vincent Shank

 

Avocate de l’intimée :

Me Suzanie Chua

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’égard des nouvelles cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, relativement aux années d’imposition 2001, 2002 et 2003 de l’appelant, sont accueillis en partie, sans frais, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs rendus à l’audience.

 

La Cour ordonne en outre que le droit de dépôt de 100 $ soit remboursé à l’appelant.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2009.

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de janvier 2010.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 

 


 

 

 

Référence : 2009 CCI 582

Date : 20091202

Dossier : 2008­1611(IT)I

ENTRE :

ANTHONY PIGEAU,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus à l’audience le 26 octobre 2009, à North Bay (Ontario),

et modifiés pour plus de précision et d’exactitude.)

 

Le juge Boyle

 

[1]              Il s’agit des motifs que j’ai rendus dans le cadre de l’appel informel de M. Anthony Pigeau, entendu à North Bay.

 

[2]              En 1994. M. Pigeau a acheté une résidence d’une banque qui exerçait son pouvoir de vente. Il a payé 70 000 $ pour ce bien. Pendant les cinq années où ils ont vécu dans cette résidence, lui et son épouse y ont effectué d’importantes rénovations et améliorations. Ils ont notamment changé la toiture, les fenêtres et le revêtement extérieur, réparé une partie des fondations et agrandi la terrasse et la dépendance. À l’intérieur, ils ont remplacé la cuisine, rajeuni la salle de bains, changé les portes et remplacé le revêtement de sol. On estime que le coût des améliorations qu’ils ont apportées à la résidence s’élève à environ 20 000 $.

 

[3]              En 1999, M. Pigeau et son épouse ont acheté une nouvelle maison, plus grande, et ils ont commencé à louer leur ancienne résidence située sur la rue O’Brien.

 

[4]              L’une des questions qu’il m’appartient de trancher en l’espèce consiste à déterminer la juste valeur marchande de la maison située sur la rue O’Brien en 1999, lorsque M. Pigeau a cessé d’utiliser ce bien à titre personnel pour en faire un bien productif. Il soutient que la résidence valait alors 98 500 $.

 

[5]              Le seul autre élément de preuve qu’il a présenté sur ce point est un imprimé du Service Inter­Agences (« SIA ») visant cette région de North Bay à ce moment­là.

 

[6]              En 2001, M. Pigeau éprouvait malheureusement certaines difficultés avec ses locataires de la rue O’Brien. Il a intenté des poursuites pour les faire expulser. Les locataires avaient cessé de payer le loyer. M. Pigeau s’est donc retrouvé dans l’impossibilité d’effectuer ses paiements hypothécaires auprès de la banque. Cette dernière a envoyé un avis de vente à M. Pigeau et à son épouse, lesquels étaient conjointement enregistrés comme propriétaires en common law, bien que les parties reconnaissent que M. Pigeau était le seul propriétaire bénéficiaire. La banque exigeait le remboursement intégral de l’hypothèque. Elle a en outre commencé à percevoir le loyer auprès de l’un des locataires.

 

[7]              Le grand‑père de M. Pigeau, Antoine Pigeau, était disposé à prêter à Anthony Pigeau le montant de l’arriéré de l’hypothèque, mais la banque insistait pour obtenir le remboursement du montant total du prêt hypothécaire en souffrance.

 

[8]              En juin 2001, le grand‑père a acheté la maison. Il a remboursé le prêt hypothécaire à la banque et il a consenti une nouvelle hypothèque sur le bien à la Caisse Populaire.

 

[9]              L’acte enregistré de transfert des titres fonciers du bien est signé par M. Anthony Pigeau et son épouse à titre d’auteurs du transfert et il précise que les acquéreurs destinataires du transfert sont M. Antoine Pigeau et Mme Jacqueline Pigeau. La contrepartie est établie à 58 000 $. À ce moment, la somme nécessaire pour rembourser le prêt hypothécaire à la banque s’élevait à environ 58 900 $.

 

[10]         Anthony Pigeau, son épouse et Antoine Pigeau ont eu recours au même avocat pour effectuer cette opération. Il ressort sans équivoque de la lettre de compte rendu de l’avocat que la vente a lieu entre le contribuable et son épouse, à titre de vendeurs, d’une part, et le grand‑père, à titre d’acquéreur, d’autre part.

 

[11]         Le contribuable fait valoir que, selon l’article 79 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), lequel intéresse notamment les forclusions, le produit qu’il a tiré de la vente intervenue en 2001 est réputé se chiffrer à environ 58 900 $, soit la somme due à la banque aux termes du prêt hypothécaire. Je dois donc me prononcer sur la question de savoir si l’article 79 s’applique en l’espèce.

 

[12]         La Couronne soutient que, selon la Loi, le produit que le contribuable a tiré de la vente intervenue en 2001 en faveur de son grand‑père est réputé correspondre à la juste valeur marchande du bien à ce moment, parce qu’il s’agissait d’une vente à une partie ayant un lien de dépendance faite pour une contrepartie moindre que la juste valeur marchande du bien. C’est la troisième question qu’il me faut trancher en l’espèce.

 

[13]         Autre fait pertinent : en 2003, le grand‑père a vendu la maison située sur la rue O’Brien à sa fille, la mère du contribuable, pour une somme de 77 000 $.

 

[14]         Je vais d’abord me pencher sur l’article 79. Selon son libellé, cette disposition s’applique uniquement dans les cas où un bien est acquis par un prêteur par suite du défaut du contribuable. Cela ne s’est pas produit en l’espèce. L’acte enregistré de transfert de titre et la lettre de compte rendu de l’avocat établissent sans l’ombre d’un doute que, en dépit du fait que la banque avait introduit une instance de pouvoir de vente, le transfert n’était pas fait en faveur de celle‑ci; le transfert intervenait entre le contribuable et son épouse, d’une part, et le grand‑père et son épouse, d’autre part. Je suis absolument convaincu que l’article 79 ne s’applique pas à la perte au titre de la maison de la rue O’Brien que le contribuable a subie en 2001.

 

[15]         Je suis persuadé que la Couronne a raison lorsqu’elle affirme que, comme l’opération a eu lieu entre parties ayant un lien de dépendance, le produit réalisé par le contribuable en 2001 doit correspondre à la juste valeur marchande du bien à ce moment.

 

[16]         Quant à la juste valeur marchande de la maison de la rue O’Brien en 1999 et en 2001, on n’a présenté aucune preuve d’expert ou preuve sous forme d’opinion ni aucun élément de preuve utile, outre les frais engagés par le contribuable, les améliorations apportées à la résidence et la liste imprimée SIA de 1999 pour cette région de North Bay, laquelle, j’ai pu le remarquer, ne vise aucune résidence située sur la rue O’Brien.

 

[17]         Cette omission est malheureuse et place le contribuable dans une situation difficile, puisque la Couronne a quant à elle produit un rapport d’évaluation établi par un expert qu’elle a fait témoigner.

 

[18]         L’expert‑comptable de M. Pigeau a tenté de mettre en preuve un récent rapport d’évaluation écrit. La Couronne s’est opposée à cette production pour un certain nombre de raisons, dont le défaut de se conformer aux règles relatives aux avis, l’omission de préciser dans le rapport les connaissances spécialisées de son auteur de même que le fait que ce dernier n’était pas en mesure de témoigner aujourd’hui.

 

[19]         J’ai offert au contribuable le choix de reporter l’audience pour lui permettre de produire en bonne et due forme le rapport d’évaluation à titre de preuve d’expert ou de poursuivre l’audience aujourd’hui, sans ce rapport. Il a préféré cette dernière solution.

 

[20]         La Cour est saisie du rapport d’évaluation qu’a produit l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et l’auteur de ce document, qui est un expert, a donné des précisions sur celui‑ci.

 

[21]         Le représentant du contribuable a accepté les titres de compétence de l’évaluateur de l’ARC, qu’il a reconnu à titre d’expert.

 

[22]         Il n’a pas été établi que le rapport ou le témoignage de l’expert de l’ARC étaient d’une quelconque manière insatisfaisants ou par ailleurs déficients. On y faisait mention d’un certain nombre de ventes immobilières visant la rue O’Brien, et je constate qu’aucune n’est intervenue pour une somme supérieure à 90 000 $ entre le moment pertinent et 2003.

 

[23]         Selon la preuve relative à l’évaluation présentée par l’expert, la juste valeur marchande de la maison de la rue O’Brien se situait dans une fourchette de 70 000 $ à 75 000 $ en 1999 et de 75 000 $ à 80 000 $ en 2001.

 

[24]         J’estime que ces fourchettes et ces valeurs constituent la meilleure preuve dont je suis actuellement saisi. En raison des importants travaux de rénovation et d’amélioration que M. Pigeau et son épouse ont faits à l’intérieur et à l’extérieur de la maison après l’avoir acquise et pendant qu’ils y vivaient, je suis prêt à attribuer la valeur la plus élevée de la fourchette de 1999, soit 75 000 $, à titre de juste valeur marchande de la résidence au moment où ils l’ont quittée et où elle est devenue un bien locatif.

 

[25]         Compte tenu de la situation en 2001, alors que les locataires avaient causé des dommages appréciables à la résidence, je suis disposé à attribuer la valeur la moins élevée de la fourchette de 2001, soit 75 000 $, à titre de juste valeur marchande de la maison au moment où elle a été transférée au grand‑père à la suite du défaut de rembourser la banque.

 

[26]         Comme les parties ne contestent pas la façon dont la valeur de la maison de la rue O’Brien devrait être répartie entre le terrain et les bâtiments, il en découle qu’en 2001, le contribuable n’a ni subi une perte finale au titre des bâtiments, ni réalisé un gain en capital au titre du bien.

 

[27]         L’ARC doit examiner à nouveau l’année d’imposition 2001 de M. Pigeau et établir une nouvelle cotisation y afférente en conformité avec les présents motifs.

 

[28]         Je vous remercie M. Shank et M. Pigeau. Je vous remercie Me Chua et Mme Sproul. Je vous remercie Mme la greffière et Mme la sténographe judiciaire.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2009.

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de janvier 2010.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 582

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2008­1611(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Anthony Pigeau c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   North Bay (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 26 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 décembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

M. Vincent Shank

 

Avocate de l’intimée :

Me Suzanie Chua

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :                 

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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