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Dossier : 2006-1140(GST)G

 

 

ENTRE :

 

OLDE PARK CONSTRUCTION COMPANY LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 19 mars 2009, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Dalton Albrecht

Me Katherine Xilinas

 

Avocat de l'intimée :

Me Harry Erlichman

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'égard de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour la période du 1er août 2001 au 31 janvier 2004 est rejeté, avec dépens à l'intimée.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de septembre 2009.

 

 

« J. M. Woods »

Le juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de décembre 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 473

Date : 20091014

Dossier : 2006-1140(GST)G

 

ENTRE :

 

OLDE PARK CONSTRUCTION COMPANY LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

Le juge Woods

[1]     Le présent appel intéresse une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'Olde Park Construction Company Ltd. (« Olde Park ») pour la période du 1er août 2001 au 31 janvier 2004.

 

[2]     Olde Park construit des maisons neuves dans la région de Toronto. La question en litige porte sur l'obligation d'Olde Park de percevoir la taxe sur les produits et services (la « TPS ») des personnes qui ont acheté des maisons en vertu d'une entente leur conférant un droit d'occupation environ un an avant le transfert de propriété.

 

[3]     Il n'est pas contesté qu'Olde Park était tenue de percevoir la TPS au titre de ces ventes. La question touche à la détermination du moment pertinent. À quel moment la TPS était‑elle payable par les acquéreurs et percevable par Olde Park? Cette dernière soutient que le moment pertinent est la date du transfert du droit de propriété, tandis que le ministre avance qu'il s'agit de la date où les acquéreurs ont pris possession de leur maison.

 

[4]     Olde Park interjette appel d'une cotisation fixant des intérêts et une pénalité pour défaut d'avoir tenu compte de la TPS dans le calcul de la taxe nette pendant les périodes de déclaration en cause. La pénalité équivaut à 6 pour 100 de la TPS, soit, selon les avocats de l'appelante, environ 165 000 $.

 

[5]     D'autres points ont été soulevés dans l'avis d'appel modifié, mais ils ont été abandonnés par l'appelante au début de l'audience.

 

 

Contexte

 

[6]     Pendant les périodes pertinentes, les activités d'Olde Park visaient la construction de 250 maisons dans un lotissement situé près de Toronto.

 

[7]     Les maisons étaient mises en marché à l'intention d'acquéreurs éventuels qui, autrement, n'auraient pas eu les moyens d'acheter une maison. Dans son matériel de commercialisation, Olde Park annonçait son offre de la façon suivante : [TRADUCTION] « Louez en vue de devenir propriétaire, 4 900 $ suffisent pour emménager » (Rent to Own, $4,900 Moves You In). La somme de 4 900 $ correspondait approximativement à 2 pour 100 du prix d'achat de la maison.

 

[8]     Une convention d'achat‑vente type a été produite en preuve sous la cote AR‑1, onglet 21. Selon ce document, les acquéreurs s'engageaient à acheter un immeuble résidentiel déjà construit ou à construire en contrepartie de 278 150 $. Ils étaient tenus de verser un dépôt de 4 900 $ au moment de l'acceptation de la convention ainsi qu'une somme donnée tous les mois à partir du moment de l'occupation jusqu'à la clôture de la vente, soit environ un an plus tard, et le solde était payable à la clôture. Les acquéreurs étaient autorisés à occuper la maison en vertu d'une licence qui leur était fournie quelques mois après avoir signé la convention.

 

[9]     Le dépôt de 4 900 $ et les paiements mensuels versés pendant la période d'occupation faisaient en sorte que les acquéreurs payaient environ 10 pour 100 du prix d'achat avant la clôture.

 

[10]    La convention obligeait en outre les acquéreurs à demander à un établissement de crédit désigné par Olde Park un financement hypothécaire visant une part importante du prix d'achat. Olde Park s'engageait à obtenir l'hypothèque, à la condition que l'acquéreur soit admissible à celle‑ci. Les modalités hypothécaires étaient énoncées dans la convention, et Olde Park exigeait des honoraires de 3,75 pour 100 pour ses services.

 

[11]    Si le financement hypothécaire était refusé, Olde Park avait le choix d'offrir elle‑même un financement ou de déclarer la convention nulle.

 

[12]    À un certain moment avant la clôture, Olde Park a décidé de ne pas négocier un financement avec un tiers et de plutôt consentir elle‑même des hypothèques.

 

[13]    Olde Park versait la TPS perçue sur la vente des maisons après le transfert de propriété.

 

 

Régime légal applicable

 

[14]    Selon le paragraphe 228(2) de la Loi, la personne visée est tenue de verser le montant de la « taxe nette » pour une période de déclaration donnée.

 

[15]    La taxe nette comprend les montants de taxe devenus percevables et les autres montants perçus au cours de la période de déclaration. La disposition pertinente, à savoir le paragraphe 225(1), prévoit ce qui suit :

 

225(1) Taxe nette — Sous réserve des autres dispositions de la présente sous‑section, la taxe nette pour une période de déclaration donnée d'une personne correspond au montant, positif ou négatif, obtenu par la formule suivante :

 

A – B

 

 

A         représente le total des montants suivants :

 

ales montants devenus percevables et les autres montants perçus par la personne au cours de la période donnée au titre de la taxe prévue à la section II;

 

b) les montants à ajouter aux termes de la présente partie dans le calcul de la taxe nette de la personne pour la période donnée;

 

B          le total des montants suivants :

 

al'ensemble des montants dont chacun représente un crédit de taxe sur les intrants pour la période donnée ou une période de déclaration antérieure de la personne, que celle‑ci a demandé dans la déclaration produite en application de la présente section pour la période donnée;

 

bl'ensemble des montants dont chacun représente un montant que la personne peut déduire en application de la présente partie dans le calcul de sa taxe nette pour la période donnée et qu'elle a indiqué dans la déclaration produite en application de la présente section pour cette période.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[16]    La vente d'une nouvelle maison constitue une fourniture taxable pour l'application de la Loi, et les vendeurs sont tenus de percevoir la TPS au titre de la vente.

 

[17]    Habituellement, la TPS est payable dès qu'il y a transfert de propriété ou que l'acquéreur prend possession de la maison aux termes de la convention d'achat‑vente.

 

[18]    Le moment pertinent est différent pour les condominiums, dans le cas desquels la prise de possession n'est pas un facteur à prendre en considération. Les dispositions relatives aux condominiums ne s'appliquent pas en l'espèce.

 

[19]    La disposition pertinente, soit le paragraphe 168(5) de la Loi, est ainsi rédigée :

 

168(5) Vente d'un immeuble Par dérogation aux paragraphes (1) et (2), la taxe prévue à la présente section relativement à la fourniture taxable d'un immeuble par vente est payable :

 

a) s'il s'agit de la fourniture d'un logement en copropriété dont la possession est transférée à l'acquéreur, après 1990 et avant l'enregistrement de l'immeuble d'habitation en copropriété dans lequel le logement est situé, aux termes de la convention relative à la fourniture, au premier en date du jour où la propriété du logement est transférée à l'acquéreur et du soixantième jour après le jour d'enregistrement;

 

bdans les autres cas, au premier en date du jour du transfert à l'acquéreur de la propriété du bien et du jour du transfert à celui-ci de la possession du bien aux termes de la convention portant sur la fourniture.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[20]    Le paragraphe 168(7) modifie les exigences fixées au paragraphe 168(5) en prévoyant le report partiel du paiement dans certaines situations.

 

[21]    Le paragraphe 168(7) est libellé comme suit :

 

168(7) Contrepartie retenue — Par dérogation aux paragraphes (1), (2), (3), (5) et (6), la taxe prévue à la présente section, calculée sur la valeur d'une partie de la contrepartie d'une fourniture taxable que l'acquéreur retient, conformément à une loi fédérale ou provinciale ou à une convention écrite portant sur la construction, la rénovation, la transformation ou la réparation d'un immeuble ou d'un bateau ou autre bâtiment de mer, en attendant que tout ou partie de la fourniture soit effectuée de façon complète et satisfaisante, est payable au premier en date du jour où la partie de la contrepartie est payée et du jour où elle devient payable.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

Thèses des parties

 

[22]    Olde Park soutient que le paragraphe 168(7) s'applique au solde du prix d'achat payable à la clôture de la vente parce que ce solde a été retenu par les acquéreurs en attendant qu'Olde Park remplisse son obligation d'obtenir un financement hypothécaire. Elle fait valoir que la taxe sur cette partie du prix d'achat n'est pas payable avant la clôture.

 

[23]    Si cette thèse est fondée, Olde Park pouvait reporter la perception et le versement d'environ 90 pour 100 de la TPS jusqu'à ce que le transfert de propriété ait lieu.

 

[24]    Bien qu'aucune partie de la taxe n'ait été versée par Olde Park avant la clôture, l'avocat de l'appelante n'a pas contesté pendant le débat le fait qu'une somme équivalant à 10 pour 100 de la TPS aurait dû être versée plus tôt, puisqu'elle n'avait pas été retenue en attendant le financement.

 

[25]    Le ministre avance que cette interprétation excède la portée prévue de la disposition. Selon lui, l'objet visé par le paragraphe 168(7) consiste à accorder un allégement de la taxe uniquement dans le cas des retenues qui sont habituellement effectuées dans l'industrie de la construction.

 

 

Analyse

 

[26]    Pour que le paragraphe 168(7) s'applique en l'espèce, les éléments suivants doivent être établis :

 

a)       la conclusion, par Olde Park, de conventions relatives à la construction de maisons;

 

b)      la retenue d'une partie de la contrepartie en attendant que la fourniture soit effectuée de façon complète et satisfaisante.

 

[27]    Comme le ministre ne conteste pas le premier élément, il ne reste qu'à se demander si le second élément est établi.

 

[28]    Olde Park affirme que le second élément est établi parce qu'une partie de la contrepartie est retenue jusqu'à ce qu'Olde Park remplisse son obligation de fournir un financement.

 

[29]    Je ne puis accepter cette assertion.

 

[30]    Certes, Olde Park n'a pas respecté la totalité des obligations qui lui incombent suivant la convention jusqu'au moment du transfert de propriété, au plus tôt. C'est notamment le cas de l'obligation relative au transfert de propriété de la maison elle‑même, laquelle n'a pas encore été remplie.

 

[31]    Le paragraphe 168(7) s'applique dans des situations relativement restreintes, à savoir les conventions portant sur la construction, la rénovation ou la réparation d'un immeuble ou d'un bâtiment de mer. De plus, cette disposition ne s'applique que lorsqu'une partie de la contrepartie est retenue en attendant que tout ou partie de la fourniture soit effectuée de façon complète et satisfaisante.

 

[32]    Selon moi, il est raisonnablement manifeste à la lumière du libellé de cette disposition qu'il était de l'intention du législateur que celle‑ci ne s'applique que lorsqu'une vente a eu lieu et qu'une partie de la contrepartie est retenue à titre de protection pour le cas où la fourniture ne serait pas effectuée.

 

[33]    À mon avis, l'emploi des termes « retient » et « en attendant que [...] la fourniture soit effectuée de façon complète et satisfaisante » donne fortement à penser que cette disposition doit être interprétée ainsi.

 

[34]    Le libellé du paragraphe 168(7) laisse entendre que le prix d'achat serait par ailleurs payable sous réserve de certaines conditions relatives à l'exécution. Dans la présente affaire, aucune partie de la contrepartie n'a été « retenue » en attendant qu'Olde Park remplisse ses obligations touchant le financement, puisque la contrepartie ne serait pas par ailleurs payable.

 

[35]    C'est pour cette raison que je ne suis pas d'accord avec l'interprétation qu'Olde Park donne au paragraphe 168(7).

 

[36]    Olde Park fait valoir que l'interprétation avancée par le ministre est rigoureuse parce qu'il n'est pas évident que la TPS serait remboursée si la clôture, pour une raison ou pour une autre, n'avait pas lieu.

 

[37]    Même si j'acceptais que l'interprétation proposée par le ministre puisse entraîner de dures conséquences pour Olde Park, ce n'est pas une raison suffisante pour donner au paragraphe 168(7) une interprétation qu'il ne peut légitimement recevoir. Si le texte légal occasionne une injustice, il revient au législateur d'examiner la situation.

 

 

Diligence raisonnable

 

[38]    À titre subsidiaire, Olde Park soutient que la pénalité devrait être annulée parce qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable.

 

[39]    Or, il n'a pas été suffisamment établi en l'espèce qu'on eût fait preuve de diligence raisonnable.

 

[40]    La seule personne qui a témoigné pour le compte d'Olde Park est son président, Sheldon Libfeld. Dans son témoignage, il laisse entendre qu'il avait conclu que la TPS était payable uniquement à la clôture en raison des termes utilisés dans un état des rajustements dressé par son avocat (pièce AR‑1, onglet 35).

 

[41]    Le libellé de l'état des rajustements ne permet pas d'étayer cette assertion. Même si j'étais convaincue que M. Libfeld avait vraiment cette croyance, ce ne serait pas un motif suffisant pour accepter un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable.

 

[42]    Dans son témoignage, M. Libfeld a également affirmé qu'il était préoccupé par une possible double imposition dans l'éventualité où la TPS aurait été payable dès l'occupation et où la clôture n'aurait jamais lieu. Je le répète, il ne s'agit pas d'une raison suffisante pour justifier l'omission de verser la TPS au moment prescrit par la loi.

 

[43]    À la lumière de l'ensemble de la preuve, il paraît vraisemblable qu'Olde Park a simplement décidé, pour des raisons commerciales, de ne pas verser la TPS avant la clôture.

 

[44]    Je signale en particulier que l'avis d'opposition ne soulève aucun fondement juridique justifiant l'omission de verser la taxe dès l'occupation. En outre, l'annexe R de la convention d'achat‑vente prévoyait qu'un prêt sans intérêt était consenti aux acquéreurs en ce qui concerne la TPS payable au moment de l'occupation. Les acquéreurs ont également signé, au moment de l'occupation, une directive selon laquelle le produit du prêt devait être appliqué au paiement de la TPS due à cette date (pièce AR‑1, onglet 27).

 

[45]    Il n'a pas été établi qu'il existait un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable.

 

[46]    L'appel sera rejeté, avec dépens à l'intimée.

 

          Les présents motifs du jugement modifiés sont rendus en remplacement des motifs du jugement du 18 septembre 2009.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d'octobre 2009.

 

 

« J. M. Woods »

Le juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de décembre 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :

2009 CCI 473

 

NO DU DOSSIER DE LACOUR :

2006-1140(GST)G

 

INTITULÉ :

Olde Park Construction Company Limited et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 19 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS :

L'honorable juge J. Woods

 

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :

Le 14 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Me Dalton Albrecht

Me Katherine Xilinas

 

Avocat de l'intimée :

Me Harry Erlichman

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelante :

 

 

 

Nom :

 

Dalton Albrecht

 

Cabinet :

Miller Thomson LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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