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Dossier : 2004-3776(IT)G

ENTRE :

JOHN FLUEVOG BOOTS & SHOES LTD.,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

__________________________________________________________________

 

Requête entendue sur preuve commune avec la

requête de John Fluevog (2004-3778(IT)G) le 25 mai 2009,

à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

 

Avocat de l’appelante :

Me Timothy W. Clarke

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Stacey Michael Repas

__________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

  Vu la requête de l’avocat de l’appelante pour que l’intimée soit contrainte de fournir des réponses écrites à plusieurs questions posées dans un interrogatoire préalable écrit, auxquelles l’intimée a refusé de répondre, et pour que l’intimée soit contrainte de produire les documents qu’elle avait refusé de produire;

 

  Et vu les observations des parties;

 

  La Cour ordonne à l’intimée de répondre aux questions auxquelles elle lui a enjoint de répondre dans les motifs ci‑joints, et elle lui ordonne de produire les documents qu’elle lui a enjoint de produire pour l’appelante.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de juin 2009.

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de juillet 2009.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

 

Dossier : 2004-3778(IT)G

ENTRE :

JOHN FLUEVOG,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

__________________________________________________________________

 

Requête entendue sur preuve commune avec la requête de

John Fluevog Boots & Shoes Ltd. (2004-3776(IT)G) le 25 mai 2009,

à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

 

Avocat de l’appelant :

Me Timothy W. Clarke

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Stacey Michael Repas

__________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

  Vu la requête de l’avocat de l’appelant pour que l’intimée soit contrainte de fournir des réponses écrites à plusieurs questions posées dans un interrogatoire préalable écrit, auxquelles l’intimée a refusé de répondre, et pour que l’intimée soit contrainte de produire les documents qu’elle avait refusé de produire;

 

  Et vu les observations des parties;

 

  La Cour ordonne à l’intimée de répondre aux questions auxquelles elle lui a enjoint de répondre dans les motifs ci‑joints, et elle lui ordonne de produire les documents qu’elle lui a enjoint de produire pour l’appelant.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de juin 2009.

 

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de juillet 2009.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 345  

Date : 20090625

Dossiers : 2004-3776(IT)G

2004-3778(IT)G   

ENTRE :

 

JOHN FLUEVOG BOOTS & SHOES LTD.,

JOHN FLUEVOG,

 

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

La juge Campbell

 

[1]  L’appelant sollicite une ordonnance contraignant l’intimée à donner des réponses écrites à plusieurs questions posées dans un interrogatoire préalable écrit auxquelles l’intimée a refusé de répondre. En outre, il veut que l’ordonnance oblige l’intimée à produire des documents qu’elle avait refusé de produire lors de l’interrogatoire écrit.

 

[2]  D’abord, un résumé des faits : l’appelant, John Fluevog, est l’actionnaire et l’âme dirigeante de la société appelante, John Fluevog Boots & Shoes Ltd. Ses enfants, qui sont des nageurs de compétition, sont membres d’un club de natation de la Colombie‑Britannique. La société appelante a donné de l’argent à Natation Canada, une association canadienne enregistrée de sport amateur (l’« ACESA »). Natation Canada a délivré à la société appelante un reçu pour don de bienfaisance. Natation Canada a transmis ce don à Swim B.C., qui en a conservé 5 p. 100 puis a envoyé le reste au club local, Swim Vancouver, où les enfants de l’appelant s’entraînaient. Ce club a affecté les fonds à l’administration de ses programmes de nage de compétition. Comme les autres dons, le don de la société appelante a alors été porté au crédit des frais de natation liés aux enfants de l’actionnaire. Ces deux appels constituent la cause type qui vaudra pour plusieurs autres contributions semblables.

 

[3]  La société appelante a déclaré comme don de bienfaisance les sommes payées à Natation Canada, en application de l’article 110.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et a demandé une déduction (qui serait aujourd’hui appelée crédit d’impôt à la suite des modifications apportées à la Loi). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction des paiements faits à Natation Canada et les a ajoutés au revenu de John Fluevog, au motif que la société appelante n’en avait pas fait bénéficier Natation Canada, mais avait plutôt été chargée par John Fluevog d’appliquer les sommes en question aux frais de natation de ses enfants.

 

[4]  Le principal point en litige soulevé dans les présents appels concerne le sens du mot « don », aux fins de l’article 110.1 de la Loi. Par sa nature même, cette question nécessitera une analyse de ce qui peut constituer la contrepartie d’un don. Cette nécessité ressort de la structure des questions soulevées, à la fois dans les avis d’appel modifiés et dans les réponses aux avis d’appel modifiées. L’avis d’appel modifié, en ce qui concerne John Fluevog Boots & Shoes Ltd., énonce ainsi la question en litige :

 

[traduction]

5.  Les questions en litige sont les suivantes :

 

  a)  Les paiements faits par l’appelante à Natation Canada étaient‑ils, en totalité ou en partie, des dons au sens de l’article 110.1 de la Loi?

 

[5]  L’avis d’appel modifié, en ce qui concerne John Fluevog, énonce ainsi les questions en litige :

 

[traduction]

7.  Les questions en litige sont les suivantes :

 

  a)  Les paiements faits par l’appelant et par la société à Natation Canada étaient‑ils, en totalité ou en partie, des dons au sens des articles 110.1 et 118.1 de la Loi?

 

  b)  La société a‑t‑elle fait un paiement ou transféré un bien, suivant les instructions ou avec l’accord de l’appelant, à toute personne au profit de l’appelant, ou à titre d’avantage que l’appelant désirait voir accorder à l’autre personne, selon ce que prévoit le paragraphe 56(2) de la Loi?

 

  c)  Les paiements faits par la société auraient‑ils été inclus dans le revenu de l’appelant en application du paragraphe 15(1) s’ils avaient été faits directement à l’appelant? […]

 

[6]  La réponse à l’avis d’appel modifié, s’agissant de John Fluevog Boots & Shoes Ltd., énonce la question en litige ainsi :

 

[traduction]

9.  Les questions en litige sont les suivantes :

 

  a)  Les paiements faits par l’appelante à Natation Canada, et déduits à titre de don pour ses années d’imposition 1994 et 1995, étaient‑ils des dons au sens de la Loi, et l’appelante avait‑elle droit par conséquent au report prospectif admissible du don demandé pour les années d’imposition 1996 et 1997? […]

 

[7]  La réponse à l’avis d’appel modifié, s’agissant de John Fluevog, énonce ainsi les questions en litige :

 

[traduction]

10.  Les questions en litige sont les suivantes :

 

  a)  Les sommes que l’appelant a versées à Natation Canada étaient‑elles des dons au sens des articles 118.1 et 110.1, respectivement, de la Loi?

 

  b)  L’appelant a‑t‑il ordonné à la société de faire les paiements à Natation Canada pour son profit à lui?

 

[8]  L’intimée s’est opposée de manière générale aux questions posées en alléguant qu’aucune n’était pertinente. Je crois donc qu’il est important de savoir exactement ce que sont les questions en litige dans les présents appels, parce que l’un des principes bien établis qui devront guider mes conclusions est que la pertinence sera définie par les actes de procédure. Il est utile de rappeler ici les propos tenus par le juge en chef adjoint Bowman dans la décision Baxter v. The Queen, 2004 DTC 3497, où il s’est exprimé ainsi, au paragraphe 14 :

 

[…] J’ai demandé à l’avocat de l’appelant pourquoi, si les questions sont aussi peu pertinentes qu’il l’affirme, il ne laisse tout simplement pas le témoin y répondre. L’objection donne à la question une importance apparente alors qu’elle n’est peut‑être pas réellement importante.

 

[9]  La série de questions intéresse la circulaire d’information IC 75‑23.

 

[traduction]

3. Les paragraphes 3 et 4 de la circulaire sont ainsi formulés :

 

Écoles religieuses

 

3. Si une école enseigne exclusivement la religion et a pour seul but, dès lors, l’avancement de la religion, les paiements faits au nom des étudiants qui fréquentent cette école ne sont pas considérés comme des frais de scolarité mais comme des dons et, si l’école est une œuvre de charité canadienne enregistrée, des reçus officiels pour dons de charité peuvent être émis à l’égard de ces paiements.

 

Écoles laïques

 

4. Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu n’autorisent pas la déduction, en tant que don de charité, d’une somme versée à une école en retour d’un enseignement scolaire, que la somme ait été versée en règlement de frais établis ou qu’elle ait constitué une contribution volontaire. Pour être déductible en vertu de l’alinéa 110(1)a) de la Loi, un don doit être un transfert volontaire de bien sans contrepartie. Dans le présent cas, la formation scolaire reçue par les enfants qui fréquentent l’école constitue une contrepartie. Par contre on ne considère pas, aux fins de la définition d’un don, la formation religieuse comme une contrepartie.

 

Selon l’avis de requête, l’intimée s’était opposée aux questions suivantes, ou avait refusé d’y répondre :

 

[traduction]

a) Dans les présents appels, les appelants prétendent que les paiements constituent des dons et qu’il s’agissait donc de transferts d’argent à Natation Canada sans contrepartie (et, dans l’avis d’appel modifié, du moins sans contrepartie intégrale). Dans les extraits ci‑dessus de la circulaire IC  75‑23, il est évident que l’intimée ne voit pas la formation religieuse comme une contrepartie (ou la considère comme une contrepartie « nominale ») aux fins de la définition d’un « don ». L’intimée reconnaît‑elle que l’entraînement d’un nageur ne constitue pas une « contrepartie » (ou du moins représente une contrepartie « nominale ») pour la société ou pour M. Fluevog, aux fins de la définition d’un « don »?

 

b) Dans la négative, quelle est la différence (s’agissant de la contrepartie) entre la formation religieuse dont parle la circulaire IC  75‑23 et l’entraînement de nageurs, dont il est question dans la présente affaire?

 

c) Quelle est la différence, s’agissant de « contrepartie », entre la formation scolaire laïque (dont parle le paragraphe 4 de la circulaire IC  75‑23) et la formation religieuse?

 

d) L’intimée considère‑t‑elle que la formation scolaire laïque a une valeur sur le marché tandis que la formation religieuse n’en aurait pas (ou du moins n’aurait qu’une valeur « nominale »)?

 

e) [Il n’y a pas de question 3e).]

 

f) Dans l’affirmative, pourquoi, ou pourquoi pas?

 

g) Selon le paragraphe 10 du bulletin d’interprétation IT‑110R3, la politique en matière de formation religieuse qui est décrite dans la circulaire IC  75‑23 est une « exception à la règle générale » en ce qui concerne le sens du mot « don » tel qu’il apparaît au paragraphe 3 du bulletin IT‑110R3. Pourquoi l’intimée considère‑t‑elle que la politique relative à la formation religieuse constitue une exception à la règle générale?

 

h) Si la politique (qui concerne le cas où le donateur ne reçoit pour le don aucune contrepartie, ou une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande du don) n’est pas une exception à la règle générale, l’intimée applique‑t‑elle cette politique uniquement aux écoles religieuses privées ou bien à tous les contribuables?

 

i) Prière de produire les notes, les mémoires ou les autres documents de toute nature intéressant les politiques relatives à la contrepartie, à l’avantage ou à la perspective de rendement, dont il est question dans la circulaire IC  75‑23 ou le bulletin IT‑110R3.

 

[10]  Les paragraphes 3 et 10 du bulletin IT‑110R3, c’est‑à‑dire les dispositions qui intéressent cette requête, sont ainsi formulés :

 

3. Aux fins des articles 110.1 et 118.1, un don est un transfert volontaire de biens sans contrepartie de valeur. Habituellement, il y a don si les trois conditions énumérées ci‑dessous sont réunies :

 

a) certains biens, normalement des espèces, sont transférés par un donateur à un organisme de bienfaisance enregistré;

 

b) le transfert est volontaire;

 

c) le transfert s’effectue sans perspective de rendement. Le donateur ou toute personne désignée par lui ne doit s’attendre à voir aucun avantage de quelque nature que ce soit, sauf si l’avantage est de valeur nominale […]

 

[…]

 

10. D’autres publications traitent d’exceptions à la règle générale énoncée au numéro 3 ci‑dessus. Veuillez vous reporter, par exemple, à la dernière version des bulletins IT‑111, Rentes achetées d’œuvres de bienfaisance, et IT‑244, Dons par des particuliers de polices d’assurance‑vie comme dons de charité, de même qu’à la dernière version de la circulaire d’information 75‑23, Frais de scolarité et dons de charité versés à des écoles laïques privées et à des écoles religieuses.

 

[11]  La réponse de l’intimée aux questions 3a) à i) était la suivante :

 

[traduction]

Q :  3a) à i)

 

R.  Nous nous opposons à ces questions, et nous refusons d’y répondre, au motif que les sujets qu’elles traitent ne sont pas évoqués dans les actes de procédure, et les questions ne font pas apparaître la nécessité de pousser l’enquête et n’intéressent pas par conséquent les appels interjetés par la société et par M. Fluevog. Deuxièmement, la circulaire IC  75‑23 traite expressément de la politique de l’Agence à l’égard des écoles religieuses et laïques, elle ne concerne pas la politique du ministre à l’égard des dons faits à une association canadienne enregistrée de sport amateur. Les appelants n’ont établi dans l’interrogatoire préalable aucune base factuelle pouvant justifier des questions sur cette politique. Finalement, la manière dont le ministre du Revenu national établit la responsabilité fiscale d’autres contribuables n’est pas un point pertinent dans un appel en matière fiscale et n’intéresse donc nullement un interrogatoire préalable dans un appel en matière fiscale.

 

(Dossier de requête, onglet B, page 3)

 

[12]  Au début de l’audience, l’intimée a donné une réponse écrite à la question 3a), qui a été résumée ainsi par l’avocat des appelants :

 

[traduction]

« D’abord, l’intimée dit que c’est le bulletin IT‑110R3 qui est le document pertinent, et non la circulaire IC  75‑23. Deuxièmement, la réponse à la question posée est non. »

 

ce qui signifie que l’intimée considère effectivement l’entraînement d’un nageur comme une contrepartie aux fins de la définition du mot « don ».

 

« Par ailleurs, l’avantage conféré par le paiement fait à Natation Canada dépassait la valeur nominale dont parle le bulletin IT‑110R3. »

 

  (Transcription, page 23)

 

Restent donc les questions 3b) à i).

 

Position des appelants

 

[13]  L’avis de requête contenait ce qui suit :

 

[traduction]

2.  La thèse de l’intimée est que les paiements faits par la société John  Fluevog Boots & Shoes Ltd. à Natation Canada n’étaient pas des dons, parce que la société a reçu une contrepartie pour les paiements en question, à savoir un entraînement à la natation pour les enfants de John Fluevog. L’appelante fera valoir que la société donatrice n’a reçu, lorsqu’elle a fait les paiements à Natation Canada, aucune contrepartie, ou bien une contrepartie nominale, et que les paiements étaient donc des dons et, puisque Natation Canada était une ACESA (désignation qui lui donnait le droit de délivrer des reçus aux fins de l’impôt pour don de bienfaisance), la société avait le droit de demander les crédits d’impôt en question pour activités de bienfaisance.

 

3.  Les politiques publiées par le ministre du Revenu national qui concernent le sens du mot « don » sont exposées dans le bulletin IT‑110R3 (en particulier dans ses paragraphes 3 à 15) et dans la circulaire IC  75‑23 (en particulier dans ses paragraphes 3 et 4). Les principes énoncés dans le bulletin IT‑110R3 s’appliquent aux contribuables qui demandent des crédits d’impôt pour activités de bienfaisance au titre de dons faits à des ACESA ou à d’autres organismes de bienfaisance enregistrés tels que des écoles privées, en application des articles 110.1 et 118.1 de la LIR. Il est utile pour les présents appels de savoir dans quelles circonstances, selon l’ARC, la contrepartie reçue par le donateur constitue une « contrepartie nominale ». Les principes énoncés dans la circulaire IC  75‑23 traitent de la question de savoir si les frais de scolarité payés aux écoles privées (qui peuvent être des organismes de bienfaisance enregistrés) constituent des dons de bienfaisance, mais ces principes ne sont pas censés s’appliquer en dehors du cadre des articles 110.1 et 118.1 de la LIR. Par conséquent, les interprétations qui apparaissent dans la circulaire IC  75‑23 et qui concernent le sens du mot « don » et du mot « contrepartie » (et en particulier la question de savoir si une contrepartie est « nominale ») intéressent la présente affaire.

 

Position de l’intimée

 

[14]  Dans ses observations, l’intimée a fait valoir que, si elle n’avait pas répondu à ces questions, c’était parce qu’elles n’intéressaient pas la question qui allait être soumise à la Cour. Puisque les circulaires d’information et les bulletins d’interprétation en cause exposent la politique intéressant les écoles religieuses et les écoles laïques, et non les dons faits à des ACESA œuvrant dans le domaine de la natation, cela équivaut à comparer des pommes et des oranges. (Transcription, pages 80 et 81). Selon l’intimée, c’est là également une tentative d’analyser le cas de contribuables autres que les appelants. D’ailleurs, il n’y a rien à gagner à fournir ces réponses ou à produire les pièces demandées parce qu’elles ne seraient pas pertinentes et ne viendraient donc pas en aide aux appelants dans leurs appels ni ne fragiliseraient la position de l’intimée. Aux pages 90 et 91 de la transcription, l’intimée a mentionné ce qui suit :

 

[traduction]

[…] Les appelants voudraient utiliser les bulletins d’interprétation et les circulaires d’information pour qualifier la législation, et ils veulent se saisir de ces deux documents séparés et les fusionner pour qu’il en découle une ambiguïté administrative, alors que la loi elle‑même, celle qui nous intéresse ici, est claire. Cela est contraire au rôle que joue la Cour lorsqu’elle examine l’interprétation de bulletins ou de circulaires et, à ce propos, si l’on considère que les bulletins et les circulaires en question ne sont d’aucune aide pour la Cour, et cela parce qu’il n’y a aucune ambiguïté dans l’article de la Loi, ce qui en découlerait, d’après moi, ce serait que les notes, les mémoires ou les autres documents, encore une fois, ne seraient d’aucune utilité pour la Cour ici, parce que, lorsqu’il n’y a pas d’ambiguïté, nous devons nous garder d’en faire naître une pour ensuite tenter de la dissiper.

 

[15]  Finalement, l’intimée affirme que les actes de procédure déposés dans les appels ne mentionnent aucun fait portant sur la formation religieuse ou la formation laïque et que, par conséquent, il n’est pas pertinent d’obtenir l’avis du ministre sur les notions de « contrepartie » et de « don » dans ces types de formation pour des actes de procédure qui concernent l’entraînement de nageurs et les dons faits à des ACESA.

 

[16]  Le paragraphe 95(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), qui régit la portée des interrogatoires préalable, est ainsi rédigé :

 

95.(1)  La personne interrogée au préalable répond, soit au mieux de sa connaissance directe, soit des renseignements qu’elle tient pour véridiques, aux questions pertinentes à une question en litige ou aux questions qui peuvent, aux termes du paragraphe (3), faire l’objet de l’interrogatoire préalable. Elle ne peut refuser de répondre pour les motifs suivants :

 

a) le renseignement demandé est un élément de preuve ou du ouï‑dire;

 

b) la question constitue un contre‑interrogatoire, à moins qu’elle ne vise uniquement la crédibilité du témoin;

 

c) la question constitue un contre‑interrogatoire sur la déclaration sous serment de documents déposée par la partie interrogée.

 

[17]  La disposition des Règles qui régit la communication des documents avant l’audience prévoit ce qui suit :

 

Liste de documents (communication intégrale)

 

82.(1)  Les parties peuvent convenir ou, en l’absence d’entente, demander à la Cour d’émettre une ordonnance obligeant chaque partie à déposer et à signifier à l’autre partie une liste de tous les documents qui sont ou ont été en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de cette partie et qui sont pertinents à toute question en litige entre les parties à l’appel.

 

Principes généraux de l’interrogatoire préalable

 

[18]  En général, lorsque je suis saisie d’une requête comme celle‑ci, je n’interviens pour empêcher l’avocat de pousser plus loin ses questions que si elles sont : (1) manifestement abusives; (2) manifestement dilatoires; ou (3) manifestement hors de propos. On ne prétend pas dans la présente requête que les questions sont abusives ou dilatoires. Bien que la pertinence soit définie par les actes de procédure, la plus grande latitude possible est donnée aux avocats dans la conduite d’un interrogatoire préalable, puisqu’un tel interrogatoire a notamment pour objet d’éclaircir tous les aspects qui peuvent avoir un rapport avec les points en litige. Dans la décision Kossow v. The Queen, 2008 DTC 4408 (au paragraphe 50), la juge V.A. Miller résumait très bien l’idée : « la question de la pertinence, dans le cadre de l’interrogatoire préalable, doit être interprétée d’une façon large et libérale et il faut accorder une grande latitude ». Comme je l’ai mentionné dans la décision General  Motors of Canada Ltd. c. La Reine, 2006 CCI 184 :

 

La portée de ces objectifs a fait en sorte que les tribunaux ont tendance à [traduction] « ne pas circonscrire les avenues de l’interrogatoire préalable, mais plutôt à les élargir » (Henderson v. Mercantile Trust Co. (1922), 52 O.L.R. 198, dans la décision Violette  v. Wandlyn Inns Ltd.). Cependant, il ne fait aucun doute aussi que l’interrogatoire préalable ne devrait jamais se transformer en un interrogatoire à l’aveuglette général.

 

Dans la décision Harris v. The Queen, 2001 DTC 5322, la Cour fédérale, Section de première instance, a mentionné que :

 

L’expression « recherche à l’aveuglette » a généralement été utilisée pour décrire une demande non sélective de production de documents, dans l’espoir d’y trouver des renseignements utiles.

 

(Paragraphe 45)

 

L’avocat ne sera pas autorisé à poser une question dans le seul espoir qu’elle débouche sur une enquête plus vaste.

 

[19]  Il faut se rappeler que, en me prononçant sur la pertinence de ces questions, je le fais sans pouvoir examiner toute la preuve que le juge du fond aura devant lui. En tant que juge des requêtes, je n’ai entendu, de la part de l’avocat de chacune des parties, que quelques heures d’observations se rapportant aux questions en cause. Je crois donc que les questions seront pertinentes si elles sont raisonnables et si l’on peut dire qu’elles intéressent les points litigieux. Dans la décision Baxter , le juge en chef adjoint Bowman a mentionné au paragraphe 13b) :

 

Le juge des requêtes ne doit pas remettre en question le pouvoir discrétionnaire en examinant minutieusement chaque question ou en demandant à l’avocat de la partie interrogée de justifier chaque question ou d’expliquer sa pertinence.

 

Le juge des requêtes ne doit pas non plus :

 

[…] chercher à imposer son opinion au sujet de la pertinence au juge qui entend l’affaire en excluant des questions qu’il estime non pertinentes, mais que ce dernier, dans le contexte de la preuve dans son ensemble, pourrait considérer comme pertinentes; (alinéa 13c) de la décision Baxter ).

 

[20]  Les commentaires du juge Hugessen, dans la décision Bande de Montana c. Canada (1re inst.), [2000] 1 C.F. 267, au paragraphe 5, sont à propos et doivent être gardés à l’esprit dans l’examen d’une requête comme celle‑ci :

 

[…] Il est tout à fait approprié pour la Cour d’adopter une démarche libérale face à l’étendue des questions pouvant être posées au cours de l’interrogatoire préalable puisqu’une erreur qui serait commise en autorisant des questions non appropriées peut toujours être corrigée par le juge présidant l’instruction qui décide ultimement de toutes les questions ayant trait à l’admissibilité de la preuve; par ailleurs, toute erreur qui restreindrait indûment l’étendue de l’interrogatoire préalable peut mener à de graves problèmes ou même à des injustices au cours de l’instruction.

(Non souligné dans l’original.)

 

Un avocat ne doit donc pas être empêché de poser une question simplement parce que cette question « peut, isolément, sembler non pertinente » (paragraphe 12 de la décision Baxter ). Une question ne sera cependant pas justifiée si elle porte « sur le raisonnement suivi par le ministre ou par ses fonctionnaires pour établir une cotisation » (paragraphe 60(10) de la décision Kossow ).

 

[21]  Pour résumer, le juge en chef adjoint Christie (son titre à l’époque) a mentionné ce qui suit dans la décision Shell Canada Limited v. The Queen, 97 DTC 247, à la page 249 :

 

  Dans le jugement 569437 Ontario Inc. v. The Queen, 94 DTC 1922 (C.C.I.), voici ce qui est dit à la page 1923 :

  [...] il est à noter que le paragraphe 95(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (« les Règles générales ») exige que la personne interrogée au préalable réponde, soit au mieux de sa connaissance directe, soit sur la foi de renseignements qu’elle tient pour véridiques, aux questions légitimes qui se rapportent à une question en litige en l’instance. Il est également fait mention de l’affaire Sydney Steel Corp. v. Ship Omisalj et al., [1992] 52 F .T.R. 144, dans laquelle le juge MacKay, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a dit ceci, à la page 147 :

  Les avocats des parties conviennent que le critère relatif au bien‑fondé d’une question posée dans le cadre d’un interrogatoire préalable est moins rigoureux que le critère relatif à l’admissibilité de la preuve au procès, et que le critère qu’il convient d’appliquer est de savoir si les renseignements sollicités par une question peuvent être pertinents aux points qui, au stade de l’interrogatoire préalable, sont litigieux dans les actes de procédure déposés par les parties. Comme les défendeurs l’ont indiqué, c’est le juge suppléant d’appel Norris qui a énoncé ce critère dans l’arrêt McKeen and Wilson Ltd. v. Gulf of Georgia Towing Co. Ltd. et al., [1965] 2 R.C.É. 480, à la page 482 :

[traduction] [...] les questions auxquelles on s’oppose peuvent porter sur des points pertinents aux litiges soulevés dans les conclusions écrites. C’est tout ce que les défendeurs doivent démontrer. Il appartient au savant juge de première instance de décider si elles sont ou non pertinentes et admissibles au procès.

[…]

[…] En premier lieu, la norme concernant la pertinence des questions posées au stage de l’interrogatoire préalable a une portée plus étendue que celle qui s’applique à l’instruction. En second lieu, les questions posées à l’interrogatoire préalable peuvent être légitimes, étant donné que la question de l’admissibilité et celle de l’importance à accorder à la preuve à l’instruction relèvent du juge du procès.

  Voir également Holmested & Watson, Ontario Civil Procedure, sous la rubrique « SCOPE OF EXAMINATION: GENERAL, Rule 31.06(1) » [PORTÉE DE L’INTERROGATOIRE : GÉNÉRALITÉS, paragraphe 31.06(1) des Règles], aux pages 31‑48 :

 

[traduction]

Ce qui se rapporte aux questions en litige, telles qu’elles sont définies dans les plaidoiries, a une portée extrêmement large. La partie qui interroge a le droit de se livrer à pareil interrogatoire en vue d’étayer sa propre preuve et de soumettre cette preuve à la partie adverse de façon à obtenir des aveux et à restreindre la portée des questions en litige. Elle a le droit d’interroger une personne de façon à démolir la preuve de son adversaire ou à découvrir la preuve qu’elle doit réfuter et les faits (ou la preuve) sur lesquels ce dernier se fonde.

 

[22]  J’aborderai maintenant les questions 3b) à h).

 

[23]  3b) Dans la négative, quelle est la différence (s’agissant de contrepartie) entre la formation religieuse dont parle la circulaire IC  75‑23 et l’entraînement de nageurs, dont il est question dans la présente affaire?

 

Cette question est manifestement pertinente et il doit y être répondu à la lumière de la réponse donnée à la question 3a). Elle est un corollaire de la question 3a). Je ne partage pas l’avis de l’intimée pour qui cette question équivaut à comparer des pommes et des oranges. Si la formation religieuse n’est pas une « contrepartie » aux fins d’un don, alors l’appelante est en droit de se demander en quoi elle diffère de l’entraînement de nageurs aux fins du sens à donner au mot « contrepartie » dans la définition du mot « don ».

 

[24]  3c) Quelle est la différence, s’agissant de « contrepartie », entre la formation scolaire laïque (celle dont parle le paragraphe 4 de la circulaire IC  75‑23) et la formation religieuse?

 

Même réponse que celle que j’ai donnée pour la question 3b). La contrepartie, dans la mesure où elle intéresse et détermine la notion de « don », tel que ce mot est utilisé dans le paragraphe 4 de la circulaire, est au cœur des questions soulevées dans les appels. Les questions 3b) et 3c) s’accordent toutes deux avec les principes généraux de la pertinence, que j’ai déjà évoqués.

 

[25]  3d) L’intimée considère‑t‑elle que la formation scolaire laïque a une valeur sur le marché tandis que la formation religieuse n’en aurait pas (ou du moins n’aurait qu’une valeur « nominale »)?

 

Il ne s’agit pas là d’une question légitime, parce que je ne vois pas l’utilité de se demander si la valeur est la valeur sur le marché ou la valeur pour le contribuable. Aspect plus important, cette question semble pour le moins porter sur le raisonnement qu’a suivi le ministre pour établir la cotisation.

 

[26]  3e) Pas de question.

 

[27]  3f ) Dans l’affirmative, pourquoi, ou pourquoi pas?

 

Puisque cette question est rattachée à la question 3d), l’appelante ne sera pas autorisée à poser la question 3f).

 

[28]  3g) Selon le paragraphe 10 du bulletin d’interprétation IT‑110R3, la politique en matière de formation religieuse qui est décrite dans la circulaire IC  75‑23 est une « exception à la règle générale » en ce qui concerne le sens du mot « don » tel qu’il apparaît au paragraphe 3 du bulletin IT‑110R3. Pourquoi l’intimée considère‑t‑elle que la politique relative à la formation religieuse constitue une exception à la règle générale?

 

Cette question n’est pas claire et j’ai pensé l’exclure au motif qu’elle s’apparentait à un interrogatoire à l’aveuglette. Cependant, je vais permettre qu’elle soit posée à l’intimée parce qu’elle entre dans le champ étendu des questions qui peuvent intéresser les points litigieux.

 

[29]  3h) Si la politique (qui concerne le cas où le donateur ne reçoit pour le don aucune contrepartie, ou une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande du don) n’est pas une exception à la règle générale, l’intimée applique‑t‑elle cette politique uniquement aux écoles religieuses privées ou bien à tous les contribuables?

 

Cette question ne peut pas être posée parce qu’elle laisse apparaître une tentative de connaître le traitement fiscal réservé à d’autres contribuables, ce qui n’est évidemment pas autorisé dans les interrogatoires préalables.

 

Principes des interrogatoires préalables qui sont applicables aux documents de l’ARC :

 

[30]  Comme c’est le cas dans les principes régissant la pertinence des questions qui sont posées, la pertinence en matière de production de documents est elle aussi définie par les actes de procédure. Dans la décision Owen Holdings Limited, [1997] 3 C .T.C. 2286, au paragraphe 29, le juge Rip (son titre à l’époque) s’était fondé sur l’arrêt Compagnie Financière du Pacifique v. Peruvian Guano Co., (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.) pour énoncer ainsi le critère de la pertinence en matière de documents :

 

[traduction]

[…] La partie qui demande un document doit démontrer que les renseignements contenus dans le document peuvent favoriser sa propre cause ou nuire à celle de son adversaire.

(Non souligné dans l’original.)

 

[31]  Dans l’arrêt Owen Holdings Limited v. The Queen, 97 DTC 5401, la Cour d’appel fédérale a confirmé en partie la décision du juge Rip, mais a conclu que certains documents, par exemple les décisions anticipées, n’ont pas à être produits parce qu’ils sont trop lointains pour concerner les appels interjetés par d’autres contribuables. Les juges majoritaires de la Cour d’appel fédérale ont fait la distinction entre certains documents, tels que les décisions anticipées ou les notes et les mémoires portant sur l’adoption de la loi, qui ne seraient pas pertinents, et d’autres documents, tels que les interprétations techniques, qui seraient pertinents parce qu’ils portent sur des problèmes précis d’interprétation concernant une disposition de la loi. La Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit, à la page 5404 :

 

[…] Ce n’est certainement pas à titre de précédents ayant force obligatoire que l’appelante peut se servir de l’un ou l’autre de ces documents. Il est bien établi qu’ils n’ont aucune force obligatoire en droit, comme la Cour a eu l’occasion de le répéter récemment dans Ministre du Revenu national c. Ford du Canada Limitée. L’appelante peut toutefois se servir de ces documents pour établir l’existence d’une certaine incohérence dans la façon dont le ministre interprète et applique la disposition. Peut ‑être cela peut‑il se faire en utilisant les interprétations de forme, lesquelles sont relativement simples et concises; par contraste, cependant, il me semble qu’il serait presqu’impossible de faire cela à l’aide des décisions anticipées, vu les difficultés que présente l’établissement de similitudes entre des situations différentes et complexes.

 

On voit donc clairement pourquoi sera autorisée la communication préalable des interprétations techniques publiées par le ministre, l’idée étant de faire ressortir les contradictions de l’interprétation du ministre telle qu’elle apparaît dans les politiques ainsi publiées, et la manière dont ces contradictions peuvent intéresser la disposition légale telle qu’elle se rapporte aux faits d’un appel donné. Je crois que les circulaires d’information et les bulletins d’interprétation qui sont publiés et diffusés dans le public en tant que documents représentant la position générale du ministre sur une disposition de la Loi tomberaient eux aussi dans cette catégorie et que les avocats pourraient donc en obtenir communication préalable pour faire ressortir les contradictions évoquées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Owen Holdings.

 

[32]  Pareillement, dans la décision Shell Canada , le juge Christie écrit qu’une question est justifiée si elle porte sur une pratique, une politique ou une interprétation administrative ou ministérielle, parce que les employés du ministre sont censés les observer sans directives particulières. Par ailleurs, les interprétations techniques et les autres documents semblables sont publiés par le ministre dans le dessein d’aider les contribuables en général, et ils seraient donc pertinents dans une enquête, car ils constituent des énoncés généraux de principes. Il a écrit ce qui suit, à la page 257 :

 

À mon avis, l’expression « pratique administrative », dans le contexte mentionné et relativement à la présente instance, doit être considérée comme une pratique établie par une personne autorisée au sein du ministère du Revenu national, pratique que les fonctionnaires du ministère doivent généralement suivre et appliquer lorsqu’ils administrent la partie ou les parties pertinentes de la Loi. Cela ne comprend pas les décisions spéciales se rapportant à des cas particuliers […]

 

[33]  Dans l’arrêt Harel c. Sous‑ministre du Revenu de la province de Québec, [1978] 1 R.C.S. 851, la Cour suprême du Canada a tenu les propos suivants, à la page 859 (propos qui étaient cités intégralement dans la décision Shell Canada ) :

 

Encore une fois, je n’affirme pas que l’interprétation administrative puisse aller à l’encontre d’un texte législatif clair mais dans une situation comme celle que je viens d’esquisser, cette interprétation a une valeur certaine et, en cas de doute sur le sens de la législation, devient un facteur important. Pour ne pas alourdir ces motifs, je ne me référerai qu’aux autorités suivantes : The Commissioners for special purposes of the Income Tax v. Pemsel, [1891] A.C. 531, particulièrement à la p. 591; Protestant Old Ladies Home v. Provincial Treasurer of Prince Edward Island, [1941] 2 D.L.R. 534, particulièrement à la p. 540; Kernochan-« Statutory Interpretation: An Outline of Method » (1976), 3 Dal. L.J, 333, particulièrement à la p. 359.

 

[34]  J’aborderai maintenant la question 3i).

 

[35]  3i) Prière de produire les notes, les mémoires ou les autres documents de toute nature intéressant les politiques relatives à la contrepartie, à l’avantage ou à la perspective de rendement, dont il est question dans la circulaire IC  75‑23 ou le bulletin IT‑110R3.

 

La manière dont la question a été énoncée est beaucoup trop large. L’expression « documents de toute nature » aurait des implications d’une portée considérable si je devais autoriser la question telle quelle. Je crois que les points suivants ressortent clairement de la jurisprudence :

 

  1. la pertinence, en matière de production de documents, est définie par les actes de procédure;

 

  1. la partie qui demande la production d’un document doit prouver que le document peut favoriser sa propre position ou nuire à celle de la partie adverse;

 

  1. les documents dont l’intérêt est trop lointain, par exemple les décisions anticipées et les notes, les mémoires et les autres documents internes se rapportant à l’adoption de la loi, ne seront pas pertinents;

 

  1. les interprétations techniques portant sur des problèmes précis d’interprétation d’une disposition de la loi seront pertinentes;

 

  1. outre les interprétations techniques, je crois que les circulaires d’information et les bulletins d’interprétation entrent dans la catégorie des documents qui peuvent être pertinents parce qu’ils peuvent aider la Cour à résoudre les difficultés d’interprétation d’une disposition;

 

  1. l’objet de la communication préalable de tels documents est de faire ressortir les contradictions dans la manière dont le ministre a pu appliquer autrefois la disposition, par rapport à la manière dont il l’applique aujourd’hui.

 

Il existe une abondante jurisprudence sur le sens du mot « don ». Si les circulaires d’information ou les bulletins d’interprétation peuvent contribuer à dissiper l’ambiguïté de la disposition, on leur accordera un certain poids. Ils seront sans doute pertinents parce qu’ils interprètent la disposition même qui est applicable aux ACESA. Par conséquent, s’agissant de cette question, l’intimée doit produire l’ensemble des interprétations techniques, des circulaires d’information et des bulletins d’interprétation pertinents, mais sera dispensée de produire les notes, les mémoires ou les documents internes ayant conduit à la publication de ces politiques. L’appelante sera aussi autorisée à poser d’autres questions sur ces documents, pour faire ressortir les contradictions que laisse voir leur application.

 

[36]  Finalement, dans ses observations présentées en réponse à celles de l’intimée, l’avocat de l’appelante a exprimé l’inquiétude suivante :

 

[traduction]

[…] Nous ne voulons pas devoir affronter la situation où l’agent de la Couronne dit simplement : « Bon, voilà ce que je pense ». Nous voulons que l’agent engage une consultation, parce que lui‑même n’a sans doute aucune idée, avant de répondre à ces questions, de la manière dont ces politiques ont pris naissance, ni des détails qu’elles comportent. Si, en répondant aux questions, il lui est donné de revoir des notes, des mémoires, ce genre de choses, alors nous voulons les examiner pour nous assurer que ce qu’il dit est exact.

 

(Transcription, pages 126‑127)

 

[37]  Le paragraphe 95(2) prévoit ce qui suit :

 

Avant l’interrogatoire préalable, la personne interrogée doit faire toutes les recherches raisonnables portant sur les points en litige auprès de tous les dirigeants, préposés, agents et employés, passés ou présents, au Canada ou à l’étranger; si cela est nécessaire, la personne interrogée au préalable peut être tenue de se renseigner davantage et, à cette fin, l’interrogatoire préalable peut être ajourné.

 

[38]  À propos du paragraphe 95(2) des Règles, le juge Rip a tenu les propos suivants, aux paragraphes 7 et 8 de la décision Owen Holdings :

 

[traduction]

[7] Selon le paragraphe 95(2) des Règles, la personne soumise à un interrogatoire préalable a l’obligation de s’informer sur les points en litige. Ce faisant, elle doit faire toutes les recherches raisonnables auprès des dirigeants, des employés et des mandataires de la partie au nom de laquelle elle est interrogée à propos de la connaissance personnelle acquise par eux en leur qualité de dirigeants, d’employés ou de mandataires : voir par exemple la décision Indalex Limited v. The Queen, 84 DTC 6018 (C.F. 1re inst.).

 

[8] Si, durant l’interrogatoire préalable, la partie adverse croit que la personne qui est interrogée n’est pas bien informée, alors le paragraphe 95(2) prévoit que l’interrogatoire peut être ajourné afin qu’elle puisse s’informer davantage. S’il y a désaccord entre les parties sur le point de savoir si la personne interrogée est ou non bien informée, la partie qui mène l’interrogatoire peut demander à la Cour de rendre une ordonnance enjoignant à la personne interrogée de mieux s’informer. Les Règles ne prévoient pas que la Cour peut examiner une telle requête avant même que ne débute l’interrogatoire préalable. On doit présumer que les parties agissent de bonne foi et que la personne soumise à l’interrogatoire fera les recherches raisonnables dont parle le paragraphe 95(2) avant qu’elle ne se présente à l’interrogatoire. Dans la décision Weight Watchers International Inc. c. Weight Watchers of Ontario Ltd. (1973), 14 C .P.R. (2d) 264, le juge Heald a écrit ce qui suit, à la page 266 :

 

[traduction]

Il me semble que, au vu des circonstances des présentes affaires, Joyce Reid est manifestement une personne idoine.

 

Les demanderesses ne seront pas lésées pour le cas où il apparaîtrait, à la reprise de l’interrogatoire, qu’elle n’a pas une pleine connaissance des faits pertinents. Elle est interrogée, non en tant que particulier, mais en tant que dirigeant de ces sociétés, et elle a l’obligation de s’informer. Si elle ne le fait pas, il est clairement d’usage que l’interrogatoire soit ajourné à nouveau, ce qui lui permettra de prendre connaissance des faits et de donner les réponses à la reprise de l’interrogatoire.

 

Il ressort clairement de ce passage, ainsi que de ma lecture du paragraphe 95(2) des Règles, que l’inquiétude des appelants est sans fondement et que, si l’agent du ministre ne peut pas d’une manière compétente répondre aux questions, les appelants pourront toujours obtenir un ajournement afin que l’agent du ministre dispose du temps nécessaire pour se faire une bonne idée de la situation et donner des réponses adaptées.

 

[39]  Pour conclure, je rappelle aux deux avocats que les appels sont en veilleuse depuis très longtemps et, comme l’écrivait la juge V.A. Miller dans la décision Kossow, au paragraphe 66 : « À un moment donné, il faut que l’interrogatoire préalable se termine pour permettre aux parties de se préparer pour l’instruction de l’affaire. Ce moment est arrivé ».

 

[40]  Puisque les deux parties obtiennent gain de cause, je ne rendrai pas d’ordonnance d’adjudication de dépens.

 

Fait à Ottawa, Canada, ce 25e jour de juin 2009.

 

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de juillet 2009.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :

2009 CCI 345

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2004‑3776(IT)G ET

2004‑3778(IT)G

 

INTITULÉ :

John Fluevog Boots & Shoes Ltd. et John Fluevog et

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 mai 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 25 juin 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Timothy W. Clarke

 

Avocat de l’intimée :

Me Stacey Michael Repas

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour les appelants :

 

Nom :

Timothy W. Clarke

 

Cabinet :

Bull, Housser & Tupper LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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