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Dossier : 2008-1596(IT)I

ENTRE :

JOHN SMITH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

 

Appel entendu le 5 novembre 2009, à Windsor (Ontario).

 

 Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

 Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

 

Avocat de l’intimée

Me Jack Warren

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2003 est accueilli partiellement, sans dépens, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en partant du principe que l’appelant a subi une perte en capital de 62 160 $ à l’égard du prêt en cause pour son année d’imposition 2003. Le reste de la cotisation doit rester inchangé.

 

          La Cour ordonne que le droit de dépôt de 100 $ payé par l’appelant lui soit remboursé.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de janvier 2010.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Hogan J.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de mars 2010.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 9

Date : 20100112

Dossier : 2008-1596(IT)I

ENTRE :

JOHN SMITH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

I.       Introduction

 

[1]              L’appelant, John Smith, a prêté 62 160 $ (le « prêt ») à 142281 Ontario Inc., une société dont son fils était l’unique propriétaire, pour financer l’acquisition par cette société d’une entreprise exploitant une franchise de Dixie Lee. Pour son année d’imposition 2003, l’appelant a demandé la déduction de la totalité de ce prêt à titre de créance irrécouvrable au sens du sous‑alinéa 20(1)p)(ii) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Le ministre du revenu National (le « ministre ») conteste le bien‑fondé de cette déduction.

 

II.                Questions en litige

 

[2]              En l’espèce, les questions en litige sont de savoir si l’appelant a satisfait aux trois conditions fixées au sous‑alinéa 20(1)p)(ii) de la Loi, à savoir :

 

a)     l’activité d’entreprise habituelle de l’appelant consistait‑elle, en tout ou en partie, à prêter de l’argent?

b)    le prêt en cause a‑t‑il été consenti dans le cours normal des activités de l’entreprise de prêt d’argent de l’appelant?

c)     l’appelant a‑t‑il établi que la créance en cause est devenue irrécouvrable?

 

III.             Contexte factuel

 

[3]              L’appelant a témoigné qu’après avoir terminé ses études, il avait présenté des demandes de crédit modestes aux banques de sa région en vue de lancer une entreprise commerciale avec un ami. Les banques ont toutes rejeté les demandes de crédit de l’appelant parce qu’il n’avait aucun bien à offrir en garantie et qu’il n’avait aucune expérience en affaires. C’est alors qu’un ami de la famille a prêté à l’appelant les fonds nécessaires au lancement de sa carrière commerciale.

 

[4]              L’appelant soutient avoir été touché par la confiance que cet ami de la famille avait placée en lui en lui faisant un prêt, et il s’est promis d’aider d’autres entrepreneurs à lancer leurs entreprises lorsqu’il en serait capable. L’appelant a expliqué qu’en janvier 1993, il a été capable de tenir sa promesse en faisant des prêts à deux connaissances – 75 000 $ chacun – pour financer une nouvelle entreprise commerciale. Ces prêts n’ont pas eu cours longtemps. L’appelant n’avait exigé aucun intérêt sur ces prêts. L’appelant a dit avoir consenti ces prêts parce qu’il avait lui‑même profité d’un geste semblable au début de sa carrière commerciale.

 

[5]              Pendant la période de treize ans allant d’avril 1993 à novembre 2006, l’appelant a fait sept prêts supplémentaires, qui sont exposés ci‑dessous :

 

Date

Emprunteur

Capital

 

Source du capital

 

 

 

 

 

13 janvier 1993

Brent Gilbert Ward

75 000,00 $

billet à ordre

Marge de crédit personnelle (MCP)

13 janvier 1993

Kenneth James Holdaway

75 000,00 $

billet à ordre

Marge de crédit personnelle

Avril 1993

Barry Austin Suitor

75 000,00 $

billet à ordre à 12 %

Marge de crédit personnelle

15 octobre 1993

STN Incorporated

150 000,00 $

billet à ordre à 6 %

Liquidités

20 janvier 1995

Brent Gilvert Ward

8 715,47 $

billet à ordre à 8 %

Marge de crédit personnelle

28 août 1995

The Dufflebag Inc.

25 000,00 $

billet à ordre, 20 % des bénéfices

Marge de crédit personnelle

15 mars 2003

1422812 Ontario Inc.

62 160,00 $

billet à ordre, taux de la MCP + 3 %

Marge de crédit personnelle

30 juillet 2004

Canquest Communications (Canada) Inc.

 

50 000,00 $

billet à ordre à 8 %

Marge de crédit personnelle

8 novembre 2006

701742 Ontario Inc.

31 000,00 $

billet à ordre, taux de la MCP + 1 %

Marge de crédit personnelle

14 avril 2008

701742 Ontario Inc.

44 474,26 $

billet à ordre à 9 %

Marge de crédit personnelle

25 septembre 2009

Canquest Communications (Canada) Inc.

 

20 000,00 $

billet à ordre, taux de la MCP + 1 %

Marge de crédit personnelle

28 octobre 2009

Canquest Communications (Canada) Inc.

28 000,00 $

___________

billet à ordre, taux de la MCP + 1 %

Marge de crédit personnelle

 

 

651 683,36 $

 

 

 

[6]              Le troisième prêt consenti à Barry Austin Suitor a prétendument été fait pour les mêmes raisons que les prêts décrits au paragraphe 4.

 

[7]              L’appelant a consenti des prêts à 701742 Ontario Inc., à STN Incorporated et à Canquest Communications (Canada) Inc. parce qu’il détenait des actions de ces trois sociétés. Dans chacun des cas, les entreprises avaient besoin de fonds pour poursuivre leurs activités. La preuve montre que l’appelant était disposé à consentir ces prêts parce qu’il voulait protéger ou améliorer la valeur de ses placements. Ces prêts présentent les caractéristiques d’investissements en capital. STN Incorporated a fini par faire faillite, et l’appelant a seulement pu récupérer 70 000 $ des 150 000 $ qu’il avait prêtés à cette société.

 

[8]              The Dufflebag Inc. (« Dufflebag ») était une société fondée par le beau‑frère de l’appelant. À condition que l’entreprise soit rentable, l’appelant devait recevoir 20 % des actions de Dufflebag, et 20 % des bénéfices de la société sous forme de dividendes. Ce prêt avait lui aussi les caractéristiques d’un investissement. Cette entreprise a fait faillite peu après que Walmart ait ouvert un magasin à grande surface dans la région.

 

[9]              L’appelant est l’unique propriétaire de 701742 Ontario Inc. Cette société est propriétaire d’immeubles locatifs. L’appelant a témoigné que les sommes prêtées à cette société avaient servi à rembourser un emprunt hypothécaire qui était devenu exigible. L’appelant a expliqué qu’il était plus économique d’emprunter les fonds lui‑même, au moyen d’une marge de crédit personnelle, et de prêter l’argent à la société que de faire en sorte que la société rembourse son emprunt hypothécaire en contractant un nouveau prêt hypothécaire. Ce prêt a les caractéristiques d’un investissement en capital à long terme.

 

[10]         À l’audience, l’intimée a reconnu que la créance en cause était irrécouvrable en 2003. Cela veut dire qu’il est seulement nécessaire de considérer les deux premières questions posées au paragraphe 2.

 

IV.     Analyse

 

[11]         L’existence ou non d’une entreprise de prêt d’argent est une question de fait. Pour voir son appel réussir, l’appelant doit établir qu’il y avait, dans une certaine mesure, un système et une continuité dans ses opérations de prêt. À mon avis, la preuve montre que l’appelant n’a pas réussi à se décharger de ce fardeau.

 

[12]         Le prêt en cause dans le présent appel est le seul prêt consenti par l’appelant en 2003. Le prêt précédent fait par l’appelant avait été consenti à Dufflebag huit ans auparavant, le 28 août 1995. L’appelant devait recevoir 20 % des actions de Dufflebag, et son beau‑frère devait conserver les actions restantes. Au total, l’appelant a seulement fait quatre prêts à des personnes qui ne lui étaient pas liées. Ces quatre prêts avaient été consentis pendant la période de deux ans allant de janvier 1993 au 20 janvier 1995.

 

[13]         Au fil des années, l’appelant a déclaré très peu de revenus nets d’intérêts provenant des prêts qu’il avait consentis. Il a déclaré ces faibles revenus comme des revenus de placement, et non pas comme des revenus d’entreprise. Cela cadre avec la position voulant que les prêts ont été faits à titre de capital et ont produit des revenus de biens. Les pertes subies par l’appelant, abstraction faite de la perte attribuable au prêt consenti à 142281 Ontario Inc., ont été beaucoup plus importants que les revenus nets de placement déclarés par l’appelant. Parmi les douze prêts faits par l’appelant pendant une période de seize ans, six étaient des avances consenties par un actionnaire, et deux des prêts restants avaient été consentis à des personnes avec qui il avait des liens. Seuls quatre des prêts de l’appelant ont été faits à des personnes avec qui il n’avait pas de liens, et deux de ces prêts ne portaient pas intérêt. L’appelant n’a pas su démontrer qu’il avait prêté de l’argent de façon régulière et continue, deux éléments essentiels à l’existence d’une entreprise de prêt d’argent.

 

[14]         La preuve révèle aussi que le prêt consenti à 142281 Ontario Inc. visait à permettre au fils de l’appelant de lancer sa première entreprise commerciale. En fait, l’appelant a clairement témoigné qu’il considérait que l’entreprise commerciale de son fils était très risquée. Le propriétaire précédent du restaurant acheté par le fils de l’appelant avait été forcé à vendre son entreprise parce qu’elle périclitait. Manifestement, l’appelant désirait aider son fils à lancer sa première entreprise commerciale, et il l’a fait en sachant très bien que le projet était fort risqué. L’appelant a consenti ce prêt à cause des liens qu’il avait avec son fils, et non pas dans le cours normal des activités d’une entreprise de prêt d’argent.

 

[15]         Subsidiairement, l’appelant a soutenu qu’il avait droit à une déduction au titre d’une perte en capital à l’égard du prêt pour son année d’imposition 2003. L’intimée n’a pas contesté cette position.

 

V.      Conclusion

 

[16]         Pour tous ces motifs, l’appel est accueilli partiellement, et la question est déférée au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en partant du principe que l’appelant a subi une perte en capital de 62 160 $ à l’égard du prêt en cause pour son année d’imposition 2003. Le reste de la cotisation doit rester inchangé.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de janvier 2010.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Hogan J.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de mars 2010.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2010 CCI 9

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-1596(IT)I

 

INTITULÉ :

John Smith c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Windsor (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 novembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 12 janvier 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Jack Warren

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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