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Dossier : 2009­2773(IT)I

ENTRE :

ROBERT A. DUBIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 4 février 2010 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui­même

Avocat de l’intimée :

Me Khashayar Haghgouyan

 

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2007 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci­joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mars 2010.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de mai 2010.

 

Marie­Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 121

Date : 20100302

Dossier : 2009­2773(IT)I

ENTRE :

ROBERT A. DUBIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     La question à trancher dans le présent appel est de savoir si l’appelant, Robert Dubis, avait droit à un crédit au titre du « montant pour personne à charge admissible » à l’égard de sa fille pour l’année d’imposition 2007.

 

[2]     En 2007, l’appelant et son ex­épouse étaient séparés et ne vivaient pas ensemble. Leurs deux filles, N. et E., demeuraient avec l’ex­épouse. L’ordonnance rendue le 19 décembre 2006[1] (ordonnance alimentaire temporaire) comportait les dispositions suivantes :

 

[traduction]

1.         L’[appelant] paiera à [l’ex­épouse] une pension alimentaire pour enfants de 1 330 $ par mois pour les [deux] enfants issus du mariage [...] sur une base temporaire à compter du 1er janvier 2007, lequel montant est payable directement entre les parties.

 

2.         L’ordonnance, à moins d’être retirée du bureau du directeur du Bureau des obligations familiales, sera exécutée par le directeur et les sommes dues aux termes de l’ordonnance seront versées au directeur, qui les versera à la personne à qui elles sont dues.

 

3.         La présente ordonnance porte intérêt au taux de 6 p. 100 l’an sur tout paiement en souffrance à compter de la date du défaut.

 

[3]     Conformément à une ordonnance subséquente datée du 18 janvier 2007[2] (ordonnance prorogeant l’ordonnance alimentaire pour enfants), les obligations alimentaires imposées à l’appelant dans l’ordonnance alimentaire temporaire ont été prorogées.

 

[4]     Environ neuf mois plus tard, en septembre 2007, leur fille N. a décidé d’aller vivre avec l’appelant. Cette question n’a pas suscité de débat; il fallait cependant rajuster le paiement de la pension alimentaire pour enfants afin de tenir compte des nouvelles modalités de garde. À compter d’octobre 2007, l’appelant a cessé de payer une pension alimentaire pour N., qui habitait dès lors avec lui. Étant donné qu’il avait désormais la garde physique de N, l’appelant a déduit un crédit au titre du « montant pour personne à charge admissible » à l’égard de celle­ci conformément à l’alinéa 118(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[5]     Le ministre du Revenu national a refusé d’accorder le crédit au motif que l’ordonnance alimentaire temporaire obligeait l’appelant à payer une « pension alimentaire » pour N. au cours de l’année d’imposition 2007; en conséquence, l’appelant ne respectait pas les exigences du paragraphe 118(5) de la Loi, dont voici le libellé :

 

(5) Pension alimentaire – Aucun montant n’est déductible en application du paragraphe (1) relativement à une personne dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition si le particulier, d’une part, est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son époux ou conjoint de fait ou ex­époux ou ancien conjoint de fait pour la personne et, d’autre part, selon le cas :

 

a)         vit séparé de son époux ou conjoint de fait ou ex­époux ou ancien conjoint de fait tout au long de l’année pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait;

 

b)         demande une déduction pour l’année par l’effet de l’article 60 au titre de la pension alimentaire versée à son époux ou conjoint de fait ou ex­époux ou ancien conjoint de fait.

[Non souligné dans l’original.]

 

[6]     De plus, étant donné que son ex­épouse n’était tenue, à aucun moment pendant l’année 2007, de payer une pension alimentaire à l’égard de N., que ce soit selon une entente écrite ou une ordonnance rendue par un tribunal compétent, l’appelant ne pouvait invoquer le paragraphe 118(5.1) pour éviter l’interdiction imposée par le paragraphe 118(5) :

 

(5.1)     Non­application du paragraphe (5). À supposer que la présente loi s’applique compte non tenu du présent paragraphe, dans le cas où personne n’a droit, par le seul effet du paragraphe (5), à la déduction prévue aux alinéas (1)b) ou b.1) pour une année d’imposition relativement à un enfant, le paragraphe (5) ne s’applique pas relativement à l’enfant pour l’année en cause.

 

[7]     Pour bien comprendre le contexte, il convient de souligner que, selon les Notes explicatives concernant le paragraphe 118(5.1), cette disposition a été ajoutée à la Loi afin de corriger les conséquences non voulues[3] de l’application du paragraphe 118(5) :

 

[Notes explicatives oct. 2007 (budget/technique) :] À l’heure actuelle, le paragraphe 118(5) empêche une personne de demander un crédit à l’égard d’un enfant aux termes de l’alinéa b) ou b.1) de la description de B prévue au paragraphe 118(1) si cette personne verse aussi une pension alimentaire pour cet enfant. Lorsque, dans la même année d’imposition, deux personnes versent une pension alimentaire pour un enfant, ni l’une ni l’autre de ces personnes n’a droit au crédit.

 

Le nouveau paragraphe 118(5.1) remédie à ce résultat involontaire en prévoyant que, dans ce cas, la loi ne doit pas tenir compte du paragraphe 118(5). De cette façon, l’une des personnes peut demander le crédit.

 

[8]     L’appelant se représentait lui­même à l’audition du présent appel et a été la seule personne à témoigner. Il a expliqué que, lorsque N. est allée vivre avec lui en septembre 2007, il a continué à négocier avec son ex­épouse[4] afin de déterminer leurs obligations alimentaires respectives envers les enfants. En juin 2008, ils s’étaient entendus sur les conditions d’un projet de règlement amiable[5] qui ont finalement été intégrées dans une ordonnance judiciaire rendue le 9 juin 2008 (ordonnance alimentaire définitive). Conformément à cette ordonnance, l’appelant et son ex­épouse avaient la garde conjointe de leurs filles; E. habitait avec son ex­épouse et N., avec lui.

 

[9]     Les paragraphes 4, 7 et 11 de l’ordonnance alimentaire définitive portent sur la question soulevée dans le présent appel; voici les extraits pertinents de ces conditions :

 

[traduction]

4.         À compter du 1er juin 2008 et le premier jour de chaque mois par la suite, l’[appelant] paiera à [son ex­épouse] une pension alimentaire pour enfants de 475 $ par mois. Ce montant représente la différence entre la pension alimentaire de 867 $ par mois que l’appelant paierait pour [la fille habitant avec son ex­épouse] et la pension alimentaire de 392 $ par mois que [l’ex­épouse] paierait pour [N.] [...]

 

7.         L’[ex­épouse] peut réclamer la Prestation fiscale canadienne pour enfants, y compris le Supplément de la prestation nationale pour enfants et le crédit pour personne à charge admissible (auparavant, l’équivalent du montant pour conjoint) pour [l’enfant habitant avec elle] et l’[appelant] peut réclamer la Prestation fiscale canadienne pour enfants, y compris le Supplément de la prestation nationale pour enfants et le crédit pour personne à charge admissible (auparavant, l’équivalent du montant pour conjoint) pour [N.]. Ces avantages ne touchent pas la pension alimentaire pour enfants.

 

            []

 

11.       La totalité de la pension alimentaire pour enfants est réputée avoir été payée à temps et aucun arriéré n’existe au titre de ladite pension. L’[appelant] n’a droit à aucun remboursement ou rajustement de la pension alimentaire pour enfants versée à [son ex­épouse] pour la période allant de septembre 2007 à la date de la présente entente.

 

[10]    L’appelant a également soutenu que le paragraphe 13 de l’ordonnance alimentaire définitive était pertinent en l’espèce; à mon avis, ce paragraphe ne permet pas vraiment de déterminer le droit de l’appelant à un crédit au titre du « montant pour personne à charge admissible », étant donné qu’il porte principalement sur les obligations alimentaires de l’appelant envers son ex­épouse plutôt qu’envers les enfants :

 

[traduction]

13.       La totalité de la pension alimentaire pour conjoint est réputée avoir été payée à temps et aucun arriéré n’est dû à cet égard; plus précisément, l’[ex­épouse de l’appelant] est réputée avoir reçu une pension alimentaire pour conjoint de 650 $ par mois pour l’année 2007, soit une somme totale de 7 800 $. L’[ex­épouse de l’appelant] doit inclure ce montant dans son revenu et l’[appelant] pourra le déduire du sien. L’[appelant] remettra à [l’ex­épouse de l’appelant] douze chèques postdatés de 885 $ chacun, datés des 1er et 15e jours de chaque mois, pour la période allant de juillet à décembre 2008 et ainsi de suite, au titre de la pension alimentaire pour enfants et de celle pour conjoint.

 

[11]    En résumé, l’appelant soutient que, étant donné qu’il a cessé de payer une pension alimentaire pour enfants en octobre 2007 et que les paragraphes 11 et 13 de l’ordonnance alimentaire définitive de juin 2008 ont eu pour effet de le libérer rétroactivement de toute responsabilité au titre des arrérages de pension alimentaire pour enfants ou pour conjoint qui auraient pu s’accumuler en 2007, il n’y a pas lieu de dire qu’il était « tenu de payer une pension alimentaire (au sens du paragraphe 56.1(4) »), comme le prévoit le paragraphe 118(5); en conséquence, il devrait avoir droit à un crédit au titre du « montant pour personne à charge admissible » conformément à cette disposition.

 

[12]    Eu égard à la situation que l’appelant a vécue au cours des trois derniers mois de 2007, je peux comprendre qu’il soit mécontent de la décision par laquelle le ministre a refusé la déduction qu’il avait faite. Cependant, l’argument qu’il invoque ne traite nullement des critères législatifs régissant son admissibilité à un crédit pour « personne à charge admissible », notamment au regard de la définition des mots « pension alimentaire » figurant au paragraphe 56.1(4) et du texte clair des paragraphes 118(5) et 118(5.1).

 

[13]    Malgré les négociations qui ont eu lieu entre l’appelant et son ex­épouse ou le fait que N. ait habité avec l’appelant après septembre 2007, il n’en demeure pas moins que, tout au long de cette année­là, l’ordonnance alimentaire temporaire était en vigueur. En conséquence, pour l’année d’imposition 2007, l’appelant était tenu, conformément à une ordonnance rendue par un tribunal compétent, de verser périodiquement, pour subvenir aux besoins de N., un montant que son ex­épouse pouvait utiliser comme bon lui semblait. Il est donc indéniable que l’appelant était « tenu de payer une pension alimentaire » à l’égard de N., de sorte qu’il ne peut respecter les critères énoncés au paragraphe 118(5) de la Loi. De plus, étant donné qu’aucune condition de l’ordonnance alimentaire temporaire (ni même de l’ordonnance prorogeant l’ordonnance alimentaire pour enfants ou de l’ordonnance alimentaire définitive) n’imposait à l’ex­épouse de l’appelant l’obligation de verser une pension alimentaire pour enfants à l’égard de N. en 2007, l’appelant ne peut pas non plus invoquer l’allégement prévu au paragraphe 118(5.1). En conséquence, l’appel doit être rejeté.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mars 2010.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de mai 2010.

 

Marie­Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 121

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :     2009­2773(IT)I

 

INTITULÉ :                                       ROBERT A. DUBIS ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 4 février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 mars 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui­même

Avocat de l’intimée :

Me Khashayar Haghgouyan

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

                                                         

                          Cabinet :                 

                                                         

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous­procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Pièce A­2

[2] Pièce A­3.

[3] Voir Leclerc c. Sa Majesté la Reine, 2005 CCI 689, [2007] 2 C.T.C. 2448, au sujet de l’effet du paragraphe 118(5) avant la modification de 2007.

[4] Voir les pièces A­7, A­8, A­9 et A­10.

[5] Pièce A­4.

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