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Dossier : 2008-2477(IT)I

ENTRE :

MANUEL HENRIQUES,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec l’appel no 2008-2476(GST)I le 23 octobre 2009, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Zamir Qureshi

Avocat de l’intimée :

Me Laurent Bartleman

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 et 2004 sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mars 2010.

 

 

« C. H. McArthur »

Juge McArthur

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de juin 2010.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

Dossier : 2008-2476(GST)I

ENTRE :

MANUEL HENRIQUES,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel no 2008-2477(IT)I

le 23 octobre 2009, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Zamir Qureshi

Avocat de l’intimée :

Me Laurent Bartleman

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mars 2010.

 

 

« C. H. McArthur »

Juge McArthur

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de juin 2010.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

Référence : 2010 CCI 173

Date : 20100325

Dossiers : 2008-2477(IT)I

2008-2476(GST)I

ENTRE :

MANUEL HENRIQUES,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge McArthur

 

[1]              Les présents appels sont interjetés à l’encontre d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») selon la méthode de la valeur nette, pour les années d’imposition 2003 et 2004, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») et de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »), relativement à la taxe sur les produits et services (la « TPS »), pour la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004. Le ministre soutient que durant la période pertinente, c’est‑à‑dire en 2003 et en 2004, l’appelant a omis de déclarer des revenus de 52 580 $ et de 39 510 $ respectivement, et qu’il n’a ni perçu ni déclaré la TPS sur l’ensemble de ses revenus. On lui a de plus réclamé des intérêts et imposé des pénalités.

 

[2]              La cotisation établie en dernier recours par le ministre est fondée sur la valeur nette, c’est‑à‑dire à partir principalement d’un examen des comptes bancaires de l’appelant et de sa conjointe. Ces derniers ont contesté l’exactitude des calculs du ministre et ses conclusions. Les registres de l’appelant étaient imprécis et son comptable, dont les services ont été retenus aux fins de la vérification et de l’instruction des présents appels, a dû se contenter de généralités et s’en remettre à la mémoire et à la crédibilité de l’appelant et de sa conjointe, Maxine Zuniga.

 

[3]              Voici un résumé des faits en question.

 

[4]              L’appelant a immigré au Canada à l’âge de 12 ans. Il exploitait une entreprise de peinture, principalement pour les résidences privées, à titre de propriétaire unique. Il lui arrivait d’employer des travailleurs occasionnels. Mme Zuniga et lui déposaient leur argent dans trois comptes bancaires de la façon suivante :

 

Dépôts

 

2003

2004

Compte d’entreprise

139 558,35 $

101 697,18 $

Compte personnel

 70 028,84 $

  59 465,14 $

Compte de prêt hypothécaire 

   15 715,00 $

                 26 675,00 $

Total des sommes déposées

 225 302,19 $

           187 837,32 $

 

[5]              Pour l’année d’imposition 2003, les sommes déposées totalisaient 225 302 $. Lorsqu’il a établi sa cotisation, le ministre a déduit de ce total la somme de 129 447 $ au titre du revenu déclaré de l’appelant, de même que la somme de 48 075 $, attribuée au revenu de Mme Zuniga et aux dépôts qui ne faisaient pas partie du compte d’entreprise de l’appelant. Le montant de la cotisation établie était donc de 47 780 $ et, à ce montant, s’est ajoutée la somme de 4 800 $ au titre des revenus locatifs non déclarés provenant de la location au beau-frère de l’appelant de locaux situés au 338, avenue Saint Clarens, à Toronto, en Ontario. Le revenu total imposé de l’appelant atteignait 52 580 $.

 

[6]              Pour l’année d’imposition 2004, les sommes déposées totalisaient 187 837 $. Lorsqu’il a établi sa cotisation, le ministre a déduit de ce total la somme de 77 630 $ au titre du revenu déclaré de l’appelant, de même que la somme de 50 021 $, attribuée aux dépôts et au revenu de Mme Zuniga. Un dépôt de 26 675 $ au compte hypothécaire de l’appelant a également été déduit de ce total, dépôt que le ministre a omis d’inclure dans la cotisation d’impôt sur le revenu de l’appelant. Le montant établi était donc de 33 510 $ et, après l’ajout de 6 000 $ au titre des revenus locatifs non déclarés provenant du bien de l’avenue Saint Clarens, le revenu total imposé de l’appelant pour l’année 2004 atteignait  39 510 $.

 

[7]              L’avocat de l’intimée a cité la décision 620247 Ontario Ltd. v. Canada[1], dans laquelle le juge Bowman a fait, au paragraphe 8, les observations suivantes, qui sont très utiles dans les présents appels :

 

8          [...] Dans un cas de ce genre, dans lequel le ministère du Revenu national doit tenter de faire une reconstitution détaillée de l’entreprise du contribuable, il incombe au contribuable de contester l’exactitude des conclusions du ministère avec un degré de précision raisonnable, ce qui n’a pas été fait en l’espèce. On ne peut simplement affirmer que les ventes n’auraient pu être aussi élevées ou qu’une partie indéterminée des dépôts bancaires provenait d’autres sources. J’ai la vague impression que le montant des ventes calculé par le ministre est probablement un peu élevé, mais dans une mesure dont l’importance est indéfinie. Je ne saurais accueillir l’appel pour ce simple motif. Si je renvoyais la question pour nouvel examen et nouvelle cotisation, on se retrouverait dans la même impasse sur le plan de la preuve. Je dois donc conclure que cette appelante ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait de prouver que la cotisation était erronée.  

 

[8]              L’appelant a le fardeau d’établir de façon raisonnable que les conclusions du ministre sont inexactes. Il doit examiner les dépôts bancaires et établir, selon la prépondérance des probabilités, que les dépôts ne constituaient pas des revenus d’entreprise non déclarés. Même si la cotisation arbitraire du ministre n’a pas beaucoup plus de valeur qu’une formulation d’hypothèse éclairée, elle demeure la meilleure estimation du revenu de l’appelant qui a été présentée.

 

[9]              Mme Zuniga a travaillé en 2003 et n’a pas déclaré de revenu positif. On ne peut discerner de lien entre ses gains et les dépôts de l’appelant. Son témoignage n’était pas convaincant. L’appelant et Mme Zuniga ont témoigné avoir reçu, au cours de l’année 2003, des paiements en espèces de la part du père de celle-ci en provenance de l’étranger[2] et 10 500 $ en espèces de la part de Patricio Zuniga (le beau-frère de l’appelant).

 

[10]         Je ne retiens pas le témoignage de l’appelant et de Mme Zuniga portant que le père de celle-ci leur a donné 50 000 $ en espèces en 2003 et 35 000 $ en espèces en 2004. La pièce R-3 contient censément des déclarations traduites et attestées par un notaire que le père de Mme Zuniga aurait faites à Puyo, Canton Pastaza. Je ne leur accorde aucune valeur. Il n’existe aucune preuve corroborante, par exemple des documents constatant la conversion des espèces dans le cas où la donation aurait eu lieu à partir de l’étranger, ni de preuve directe du donateur ou du procureur témoin. Je ne crois pas que ces montants aient été transférés de l’Équateur à Toronto sans qu’il n’y ait aucune preuve documentaire. Lesdites déclarations énoncent en partie ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

à ma fille Edith Maxine Zuniga Malo, qui réside au 130, rue Hope, PCM 6 et 1K1, Ville de Toronto, État d’Ontario, République du Canada, je lui ai fait un don de trente-cinq mille dollars, en espèces, dans les années 2003 et 2004, somme que j’ai obtenue en partie en héritage de mes défunts parents et en partie des gains accumulés au cours de mes longues années de travail; j’ai également donné certaines valeurs à mes autres enfants.

 

[…]

 

 

Je vous prie d’accepter l’expression de mes sentiments distingués.

 

________________________

Mentor Zuniga

 

Au moyen de cet instrument public, de façon libre et volontaire, sous serment, je fais la déclaration suivante : J’étais le propriétaire d’un lopin de terre et d’une maison en ciment de deux étages qui est située au 10, rue de Agosto et Francisco de Orellana, dans la présente ville de Puyo, en Équateur. J’ai vendu cette maison en 2003 pour la somme de DEUX CENT MILLE DOLLARS AMÉRICAINS, somme que j’ai reçue en espèces et CINQUANTE MILLE DOLLARS que je partage avec ma fille MAXINE ZUNIGA MALO et son mari MANUEL ENRIQUES [sic], cette somme d’argent que je leur ai prêtée sans leur réclamer d’intérêt, et, en ce qui concerne la DURÉE du prêt, ils peuvent me rembourser quand ils en ont la possibilité.

C’est tout ce que je peux déclarer, en vérité, et je suis en mesure de ratifier ces déclarations au besoin.


[11]         Le représentant de l’appelant a indiqué dans la pièce R-3 qu’Anibal Zuniga (le beau-père de l’appelant) avait donné à l’appelant et à Mme Zuniga les montants suivants :

 

a) 2003        le 26 mai                10 000 $

                              le 19 juin                10 000 $

                             le 3 novembre        6 000 $

 

b) 2004        le 7 mai                 2 000 $

                              le 22 novembre      7 000 $

 

Il n’est pas possible de faire un rapprochement entre ces montants et les sommes de 35 000 $ et de 50 000 $ mentionnées ci‑dessus. Il n’y a pas de lien entre les sommes en espèces déclarées par le beau-père et les montants déposés dans les comptes bancaires de l’appelant. Il existe quelques éléments de preuve sous forme de chèques annulés pour certains montants versés à l’appelant ou à Mme Zuniga par Patricio Zuniga, le frère de Mme Zuniga. Le montant total des chèques a été déduit du revenu de l’appelant.

 

[12]         Le représentant de l’appelant, le comptable M. Qureshil, a fait ce qu’il a pu avec les faits douteux qu’il devait examiner. Il a reconnu que l’appelant avait déclaré des revenus bruts de 139 000 $ en 2003 et de 169 000 $ en 2004. Il a indiqué  « [traduction] C’est très simple. Il a emprunté 70 000 $ auprès d’amis personnels et 50 000 $ sur le revenu de sa femme et auprès de la famille de celle‑ci. » Il a ajouté ce qui suit[3] :

 

[traduction]

C’est un homme d’affaires exploitant une petite entreprise. Le brut n’est pas l’argent qu’il a empoché. Il avait des dépenses et, après celles-ci, son revenu net était de 25 000 $ ou de 30 000 $, selon l’année, revenu qu’il a déclaré.

 

Ensuite, il y a son compte bancaire personnel.  Ce compte ne contient pas un revenu non déclaré, mais plutôt de l’argent emprunté à des amis pour acheter une maison, pour la rénover et pour acheter des meubles dont ils avaient besoin à ce moment-là.  Nous avons fourni suffisamment d’éléments de preuve pour justifier cette prétention selon laquelle il ne s’agit pas d’un revenu. Il s’agit d’argent personnel, et c’est la raison pour laquelle il a été déposé dans le compte personnel.

 

Puis, il y a le compte de prêt hypothécaire. Mme Zuniga a travaillé en 2003 et en 2004, et cet argent a été déposé. Elle a oublié la première année, et lorsque j’en ai pris connaissance, je me suis assuré que ce montant soit inclus de façon à ce que le revenu soit exact. Le gouvernement a choisi de ne pas accepter cela.

 

[13]         L’appelant était propriétaire unique, mais il a versé à ses travailleurs des salaires de 64 000 $ en 2003 et de 36 000 $ en 2004. Aucun élément de preuve n’a démontré que des sommes avaient été empruntées à des amis.

 

[14]         À l’origine, Mme Zuniga avait produit une déclaration de revenus portant qu’aucun impôt n’était payable pour l’année 2003. Il ne s’agit pas d’un oubli. Elle a témoigné avoir occupé différents emplois de femme de ménage en 2003 et en 2004. Toutefois, elle a produit des factures relatives à des services de nettoyage de maisons[4] et toutes ces factures provenaient censément d’un certain M. Raftus. Les factures de M. Raftus correspondent aux dépôts effectués au compte de prêt hypothécaire[5] (onglet 6 de la pièce R-1).

 

[15]         En 2003, les factures de M. Raftus établies entre le 1er juin 2003 et le 31 décembre 2003 totalisaient 15 715 $. Lorsque M. Qureshi a déposé la déclaration de revenus de Mme Zuniga pour l’année 2003, son revenu net était de 10 800 $ après déduction de 5 000 $ pour les accessoires et produits de nettoyage. Toutefois, le coût des accessoires et produits de nettoyage était déjà calculé sur les factures. Je doute de l’authenticité de ces factures. Il y a beaucoup trop d’écarts. Par exemple :

 

i)        Mme Zuniga a initialement déposé une déclaration de revenus  pour l’année 2003 portant qu’aucun impôt n’était payable.

 

ii)       Elle a témoigné avoir travaillé dans différentes maisons en 2003. J’ai compris pour la majeure partie de l’année.

 

iii)      Durant la vérification ou après celle-ci, lorsqu’elle a finalement produit une déclaration de revenus par l’entremise de M. Qurenshi, elle a demandé la déduction de 5 000 $ au titre des dépenses.

 

Il n’y a pas de justification pour ces écarts. J’accepte la conclusion de l’avocat de l’intimée qui se lit comme suit[6] :

 

[traduction]

 

Cependant, l’ensemble des paiements qui ont été établis dans la liasse de factures (pièce R‑2) semblent correspondre aux dépôts. Personne ne peut expliquer ces écarts. Il est plus probable qu’une certaine partie de l’argent ait été perçue en espèces puis dépensée, mais nous ne savons pas exactement ce qu’il en est advenu. Il y a trop d’écarts pour pouvoir rapprocher les montants et, plus important encore pour la présente affaire, je soutiens qu’il y a beaucoup trop d’écarts pour accepter, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a pris cet argent et l’a déposé dans ce compte et que cet argent reflète son revenu par opposition au revenu de M. Henriques. Cette conclusion peut sembler sévère, Votre Honneur, mais je soutiens respectueusement que c’est la seule conclusion crédible compte tenu de l’incertitude entourant la présente affaire.

 

[16]         Puisque l’appelant a omis de tenir des registres appropriés et qu’il ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer que les cotisations étaient erronées, les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mars 2010.

 

 

« C. H. McArthur »

Juge McArthur

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de juin 2010.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 173

 

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-2477(IT)G

                                                          2008-2476(GST)I

 

 

INTITULÉ :                                       MANUEL HENRIQUES et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 23 octobre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge C. H. McArthur

 

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 25 mars 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

M. Zamir Qureshi

Avocat de l’intimée :

Me Laurent Bartleman

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      S/O

 

                          Cabinet :                  S/O

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           1995 CarswellNat 27, 3 G.T.C. 2065.

[2]           Pièce R-1, onglet 3, pages 46 et 47.

 

[3]           Transcription de la plaidoirie, pages 12 et 13, lignes 15 à 25 et lignes 1 à 9.

 

[4]           Pièce R-2.

 

[5]           Il semble qu’il s’agisse d’un compte réservé au paiement de l’intérêt sur le prêt hypothécaire grevant leur maison.

 

[6]           Transcription de la plaidoirie, pages 6 et 7, lignes 17 à 25 et lignes 1 à 13.

 

 

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