Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2008­2496(GST)I

ENTRE :

RALPH DONCASTER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 12 juin et 10 décembre 2009,

à Halifax (Nouvelle-Écosse).

 

Devant : L’honorable juge T.E. Margeson

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui­même

Avocat de l’intimée :

Me Toks C. Omisade

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel à l’encontre de la cotisation établie à l’égard d’un tiers sous le régime de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er janvier 1999 au 6 juin 2005, dont l’avis est daté du 12 septembre 2006 et porte le numéro 71492, est rejeté.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’avril 2010.

 

« T.E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juin 2010.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur


 

 

 

Référence : 2010 CCI 190

Date : 20100408

Dossier : 2008­2496(GST)I

 

ENTRE :

 

RALPH DONCASTER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson

 

[1]              L’appelant interjette appel de la cotisation que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établie à son endroit pour la période allant du 1er janvier 1999 au 6 juin 2005 en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise, partie IX (la « Loi »), par suite de l’omission de Doncaster Consulting Inc. (la « société ») de verser au receveur général du Canada le montant de la TPS nette comme l’exige le paragraphe 228(2) de la Loi, ainsi que les intérêts et pénalités s’y rapportant.

 

La preuve

 

[2]              Au cours de son témoignage, l’appelant a déclaré que, vers la fin de 2003, il a fait parvenir au ministre une copie de sa lettre de démission qu’il avait remise à la société. Il est fait mention de cette lettre à la page 2 du document figurant à l’onglet 8 de la pièce R­1.

 

[3]              L’appelant a également dit qu’il avait remis au ministre une boîte de documents qui ne lui a pas été retournée. Ces documents auraient établi que les crédits de taxe sur les intrants ne lui avaient pas été attribués, et ces crédits auraient pu avoir une incidence sur le montant dû. Les documents se composaient de factures que Bell Canada avait établies à l’égard de la société pour des services liés à Internet.

 

[4]              L’appelant a expliqué cette situation à monsieur Chartrand, de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), celui­ci lui a dit qu’il examinerait les documents; cependant, l’ARC n’en a pas tenu compte, que ce soit à ce moment­là ou à l’étape de l’opposition. L’appelant a demandé qu’on lui remette des copies des documents, mais s’est fait dire que ceux­ci ne se trouvaient plus en la possession du ministre.

 

[5]              Le ministre a préparé les déclarations figurant à l’onglet 12 de la pièce R­1, mais on n’a pas donné à l’appelant la possibilité d’en prendre connaissance. Le certificat a été enregistré contre lui le 16 octobre 2006, mais ce n’est qu’en janvier 2007, ou, du moins, après l’établissement du certificat, qu’il a reçu l’avis de cotisation.

 

[6]              L’appelant n’a pu s’opposer à la cotisation établie le 16 septembre 2006, parce que ce n’est qu’un an plus tard qu’il a reçu une copie de celle­ci.

 

[7]              Selon l’appelant, il appert du document figurant à l’onglet 13 de la pièce R­1 qu’une copie de l’avis de cotisation lui a été envoyée en Ontario, alors qu’il avait déménagé en Nouvelle­Écosse. L’ARC n’a pas attendu l’expiration du délai de 90 jours pour faire inscrire un jugement contre lui.

 

[8]              Entre octobre 1998 ou environ et presque la fin de cette même année, l’appelant ne résidait pas ordinairement au Canada, mais aux États­Unis. Il se peut qu’il ait cessé d’être administrateur en vertu de la partie 4 de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario. Il détenait un permis de conduire aux États­Unis et demeurait à l’adresse qui y figurait, en Caroline du Nord.

 

[9]              En contre­interrogatoire, on l’a renvoyé à l’alinéa 10h) de la réponse, et l’appelant a dit qu’il n’y avait aucune taxe nette exigible. Il a nié les allégations figurant aux alinéas 10h) à o) inclusivement.

 

[10]         Il n’a jamais informé l’ARC qu’il avait changé d’adresse, même s’il a déménagé le 4 juillet 2006. Il ignorait la date à laquelle il avait reçu la lettre préalable à la cotisation, qui figure à l’onglet 4 de la pièce R­1.

 

[11]         Il n’a nullement communiqué avec le ministre pour trouver les documents.

 

[12]         En ce qui a trait à sa formation scolaire, l’appelant a obtenu un diplôme d’études secondaires en 1988, puis un baccalauréat en informatique de l’Université Acadia. Il a également reçu un certificat après avoir suivi un cours d’informatique d’une durée d’une semaine à Ottawa. Il travaillait dans l’industrie de la technologie de l’information et agissait à l’occasion comme architecte principal des logiciels.

 

[13]         Il a été propriétaire de différentes entreprises et actionnaire, administrateur et dirigeant de 6042147 Canada Inc., dont il était également le président.

 

[14]         Il a été le seul actionnaire de la société, qui avait été constituée le 30 décembre 1992, jusqu’au 1er janvier 2003. Après cette date, le seul actionnaire de la société a été 6042147 Canada Inc., mais l’appelant en est demeuré président.

 

[15]         De 1987 à 1988, il a été le seul propriétaire de Computers Plus, une entreprise qui vendait des disquettes et des accessoires d’ordinateur. Cette entreprise a mis fin à ses activités en avril 1992. Il avait également, avec son frère, une part dans une fiducie familiale.

 

[16]         L’épouse de l’appelant a été vice­présidente de la société à différents moments.

 

[17]         L’appelant a démissionné comme administrateur de la société en décembre 2002 et a participé pour la dernière fois aux activités de 6042147 Canada Inc. a titre de président en septembre 2005.

 

[18]         Il a également été président et administrateur d’une autre société dont toutes les actions étaient détenues par une fiducie familiale jusqu’en 2006.

 

[19]         Il a confirmé les renseignements figurant à l’onglet 1 de la pièce R­1. En 1988, il détenait un visa de visiteur pour les États­Unis. Il s’est marié en septembre 1998. Il avait un compte bancaire au Canada ainsi qu’une carte de crédit. Il faisait la navette entre le Canada et les États­Unis et recevait du courrier aux deux endroits. Son épouse allait aux États-Unis, et lui, il venait au Canada. Il n’avait pas d’emploi au Canada.

 

[20]         Il a admis qu’il avait signé le 31 mai 2005 l’affidavit figurant à l’onglet 9 de la pièce R­1. Selon ce document, il était l’âme dirigeante de la société. Il a reconnu la proposition en matière de faillite figurant à l’onglet 2 de la pièce R­1, que les vérificateurs ont rejetée. Il a également reconnu le certificat de cession qui se trouve à l’onglet 3 de la pièce R­1.

 

[21]         Après le 6 janvier 2005, soit la date du certificat de cession, sa position était contraire à celle du syndic de faillite. Il a réitéré qu’après le 1er janvier 2003, toutes les actions de la société étaient détenues par la société à dénomination numérique.

 

[22]         Il a démissionné en décembre 2002, mais n’avait pas de copie de sa démission. Il a remis sa lettre de démission à son épouse, qui n’est pas ici. Il ignorait à qui il l’avait envoyée en 2003, mais c’était la femme à qui il avait parlé au téléphone. Il n’a pas fait en sorte que son épouse vienne témoigner, parce qu’il ne voulait pas [traduction] « l’exposer au système ».

 

[23]         Il ne pouvait se rappeler avoir parlé à Greg Bright au sujet de la teneur des commentaires de l’examinateur qui se trouvent à l’onglet 7 de la pièce R­1.

 

[24]         Quelques­unes des dix­neuf déclarations qui n’ont pas été produites ne l’ont pas été en raison d’une erreur d’écriture et d’autres, parce qu’aucun montant n’était dû au titre des taxes.

 

[25]         Les renseignements se trouvaient dans la boîte qu’il a remise à monsieur Chartrand, qui a dit l’avoir donnée au syndic.

 

[26]         Il n’a pas inscrit l’ARC sur la liste des créanciers parce qu’il ignorait qu’on devait de l’argent à celle­ci, même si elle avait envoyé une demande formelle de paiement à la société. Il croyait que l’ARC ferait toute réclamation contre le syndic.

 

[27]         L’intimée a fait témoigner Greg Scott Wright, qui est examinateur des fiducies depuis douze ans; auparavant, il a occupé un poste d’agent de recouvrement pendant sept ans. Il a tenté d’examiner l’entreprise de la société, mais sans succès, car l’appelant refusait de le rencontrer.

 

[28]         L’établissement d’une cotisation théorique générée par ordinateur a été recommandé. Le dossier a ensuite été envoyé au service du recouvrement. En contre­interrogatoire, monsieur Wright a expliqué que, lorsque des cotisations théoriques sont établies, aucun crédit de taxe sur les intrants n’est accordé parce qu’il incombe au contribuable de prouver qu’il y a droit. Il était responsable de la préparation de la feuille de calcul.

 

[29]         Gilles Jules Chartrand, qui comptait vingt­cinq années d’expérience, était examinateur des comptes en fiducie pour l’ARC. Il a procédé à l’examen de la faillite de la société dans la présente affaire, comme le montre le document figurant à l’onglet 8 de la pièce R­1.

 

[30]         Dix-neuf déclarations de TPS pour la période allant du 6 janvier 1985 au 1er janvier 1999 n’avaient pas été produites. Monsieur Chartrand a reçu cinq de ces déclarations du syndic. Les autres étaient des déclarations portant qu’aucune taxe n’était payable.

 

[31]         Il s’est rendu au bureau du syndic, puis à la résidence de l’appelant. Il a reçu une boîte dans laquelle se trouvaient prétendument des documents comptables pertinents. Il s’agissait principalement de factures qui concernaient des marchandises vendues à la société et qui n’avaient rien à voir avec la TPS que la société avait perçue lors des ventes. Monsieur Chartrand a remis ces documents au syndic en septembre 2005. Il a pris cinq déclarations et a transmis les renseignements au syndic aux fins de la préparation des déclarations figurant à l’onglet 12 de la pièce R­1. On a procédé au traitement des quatorze autres déclarations en tenant pour acquis qu’aucune taxe n’était payable. Le service du recouvrement a produit une preuve de réclamation auprès du syndic en se fondant sur les résultats de monsieur Chartrand.

 

[32]         En contre­interrogatoire, monsieur Chartrand a dit avoir examiné les relevés bancaires fournis par le syndic. Les chiffres des ventes étaient fondés sur les dépôts bancaires. Aucun autre renseignement n’avait été fourni.

 

[33]         Paul James Lynch a auparavant travaillé pour l’ARC comme agent de recouvrement. Il était affecté au dossier dont il est question en l’espèce. Il a reconnu le document apparaissant à l’onglet 4 de la pièce R­1. Il s’agissait d’une lettre préalable à l’établissement d’une cotisation, qu’il avait envoyée. Il ignorait s’il avait reçu une réponse à cette lettre.

 

[34]         Il a signé la preuve de réclamation qui se trouve à l’onglet 5 de la pièce R­1 et qui a été déposée dans le cadre de la faillite de la société. Il a également signé la preuve de réclamation modifiée qui figure à l’onglet 6 de la pièce R­1 et qui a été remplie une fois l’examen de la fiducie terminé. La réclamation s’élevait à 93 550,67 $. Aucune partie de la réclamation n’a été rejetée. Il a établi l’avis de cotisation à l’égard d’un tiers qui se trouve à l’onglet 10 de la pièce R­1 et dont le montant était identique à celui qui figure dans la preuve de réclamation modifiée.

 

[35]         Il ne se rappelait pas avoir reçu de l’appelant une lettre disant qu’il démissionnait de ses fonctions d’administrateur.

 

[36]         En contre­interrogatoire, il a déclaré avoir vu les renseignements qui se trouvent à l’onglet 7 de la pièce R­1. Ils avaient ces renseignements dans leur système. Après avoir pris connaissance des résultats de l’examen de monsieur Chartrand, il avait produit la preuve de réclamation modifiée.

 

[37]         W.D. Morrison, qui était un agent des appels dans la présente affaire, comptait vingt­cinq années d’expérience dans ce genre de dossier. Il a reconnu son rapport sur l’opposition, qui est le document figurant à l’onglet 13 de la pièce R­1. Dans l’avis d’opposition, l’appelant soutenait que le montant de la cotisation était erroné et qu’une somme de 10 000 $ était plus raisonnable. De plus, il s’était fait dire que le syndic aurait dû verser ce montant. L’appelant a ajouté qu’il avait démissionné comme administrateur de la société.

 

[38]         Monsieur Morrison a conclu que le montant de la cotisation était exact. Aucun document ne montrait le contraire et on n’a produit aucun document tendant à établir que la somme de 10 000 $ était exacte.

 

[39]         L’actif de la faillite n’a été utilisé pour verser aucun dividende. On n’a montré à monsieur Morrison aucun document confirmant la démission de l’appelant.

 

[40]         Monsieur Morrison a reconnu la lettre préalable à la cotisation qui avait été envoyée à l’appelant. Aucune réponse à cette lettre n’a été reçue.

 

[41]         L’appelant était l’administrateur et l’âme dirigeante de la société et c’est lui qui a rempli la proposition que celle­ci a produite. Il appert du document figurant à l’onglet 9 de la pièce R­1 que l’appelant était l’âme dirigeante de la société.

 

[42]         Le document à l’onglet 12 de la pièce R­1 est une lettre que monsieur Morrison avait envoyée à l’appelant, dans laquelle il répondait à chacune des questions que celui­ci avait soulevées. Aucun élément de preuve n’a été présenté à l’appui des allégations de l’appelant.

 

[43]         L’ARC ne figurait pas sur la liste des créanciers privilégiés.

 

[44]         Monsieur Morrison a reconnu la preuve de réclamation qui se trouve à l’onglet 5 de la pièce R­1 comme la preuve de réclamation initiale déposée deux mois après la faillite, ainsi que la preuve de réclamation modifiée de 93 550,67 $ qui a été produite six mois après la faillite.

 

[45]         En contre­interrogatoire, il a déclaré que la preuve de réclamation n’avait pas été rejetée.

 

[46]         L’appelant a toujours eu la possibilité de produire des déclarations modifiées pour réclamer des crédits de taxe sur les intrants.

 

Les arguments de l’intimée

 

[47]         L’avocat de l’intimée a soutenu qu’il n’y a qu’une seule question à trancher : l’appelant est­il responsable, en sa qualité d’administrateur de la société, de l’omission de celle­ci de verser la taxe sur les produits et services exigée pour les périodes de déclaration pertinentes allant du 1er janvier 1999 au 6 juin 2005?

 

(1)      Plus précisément, le ministre a­t­il respecté les exigences techniques de la Loi?

 

(2)      L’appelant a­t­il contesté avec succès la cotisation, dont l’avis est daté du 12 septembre 2006?

 

(3)      L’appelant était­il administrateur au cours des périodes pertinentes?

 

(4)      S’il était administrateur, a­t­il fait montre de « diligence raisonnable »? 

 

[48]         Le délai de six mois a été respecté, ce qui ressort des documents figurant à l’onglet 5 de la pièce R­1 qui montrent que la réclamation a été faite dans les six mois suivant la cession. De plus, la réclamation modifiée a été déposée le 22 mars 2006 et, puisque la réclamation initiale avait été produite dans le délai de six mois, cette réclamation modifiée est valide (voir Moriyama c. Sa Majesté la Reine, 2005 CAF 207).

 

[49]         En conséquence, les exigences techniques de la Loi ont été respectées.

 

[50]         La réclamation ne pouvait être faite contre lui plus de deux ans suivant la date à laquelle il a cessé d’être administrateur. Or, il appert de la preuve qu’il était administrateur le 6 juin 2006, soit la date de la faillite.

 

[51]         Selon le document à l’onglet 11 de la pièce R­1, le certificat a été rapporté sans être exécuté. La preuve montre clairement qu’une cotisation a été établie à l’égard de l’appelant. Il n’y a pas de doute quant à l’exactitude de la cotisation, La société n’a pas produit à l’égard de dix­neuf périodes différentes la déclaration exigée par la Loi (voir la pièce R­1, onglet 8). Quatorze cotisations théoriques ont été établies.

 

[52]         L’appelant n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de sa position. La décision rendue dans l’affaire Jarrold c. La Reine., 2009 CCI 164, s’applique en l’espèce. Comme c’était le cas dans cette affaire-là, l’appelant en l’espèce n’a pas étayé sa position, qui n’est rien de plus qu’une affirmation sans preuve. La décision rendue dans l’affaire Scragg c. Canada., [2008] A.C.I. no 337 (QL), 2008 DTC 4511, s’applique également.

 

[53]         Selon l’intimée, la cotisation devrait être confirmée.

 

[54]         Pour ce qui est de la question de savoir si l’appelant était administrateur de la société, selon l’intimée, il l’était au cours de toutes les périodes pertinentes. À tout le moins, il était administrateur de fait.

 

[55]         L’appelant a dit qu’il avait démissionné en décembre 2002 et qu’il avait remis une lettre de démission à son épouse, mais il n’a pas fait venir celle­ci pour qu’elle témoigne. La seule preuve est son propre témoignage.

 

[56]         La société a été constituée en Ontario, de sorte qu’il faut tenir compte de la législation de cette province. Selon la partie IX (paragraphe 115(4)) de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, l’appelant est réputé être administrateur parce qu’il continuait à gérer la société. Il a signé le document figurant à l’onglet 1 de la pièce R­1 le 13 mai 2005. Il a également signé l’affidavit qui se trouve à l’onglet 9 de la pièce R­1 le 31 mai 2005. Même s’il a démissionné, il était toujours administrateur de fait durant les périodes pertinentes.

 

[57]         Le délai de prescription de deux ans prévu au paragraphe 323(5) de la Loi ne s’applique pas en l’espèce.

 

[58]         En ce qui concerne la diligence raisonnable, il est évident que l’appelant était très expérimenté. Il avait fait des études; il était intelligent; et, pourtant, il n’a rien fait pour empêcher le manquement. Il appert de la preuve que l’appelant n’a rien fait pour produire les déclarations manquantes et il a été nécessaire d’établir des déclarations théoriques.

 

[59]         Dès le 6 mai 2003, l’appelant savait que la société n’avait pas produit ses déclarations (voir la pièce R­1, onglet 7, à la page 2). Selon la preuve, il n’a pris aucune mesure concrète pour faire en sorte que les déclarations soient produites. Toute personne raisonnablement prudente aurait pris des dispositions pour produire les déclarations en question. L’appelant se contente de blâmer le syndic, mais celui­ci n’avait rien à voir avec cette omission. Il n’appartenait pas au syndic de produire les déclarations et de veiller à ce que la taxe soit versée.

 

[60]         La cotisation a été établie pour la période allant jusqu’à la date de la faillite. Le ministre a respecté toutes les exigences techniques de la Loi. L’appelant n’a pas contesté avec succès les cotisations et n’a pas démontré qu’il n’était pas administrateur durant les périodes pertinentes.

 

[61]         De plus, l’appelant n’a pas satisfait au critère de la diligence raisonnable.

 

[62]         Selon l’intimée, l’appel devrait être rejeté et la cotisation du ministre devrait être confirmée.

 

Les arguments de l’appelant

 

[63]         L’appelant a soutenu que l’intimée n’a pas établi que la preuve selon laquelle il avait démissionné en décembre 2002 n’était pas fiable. Selon lui, la seule question qui reste est celle de savoir s’il était administrateur de fait. Il a fait valoir qu’il avait des liens avec la société, mais que ce n’est pas lui qui la contrôlait, mais plutôt 6042147 Canada Inc., qui était propriétaire de toutes les actions et a contrôlé la société à compter du 1er janvier 2003.

 

[64]         En ce qui a trait à la question de la diligence raisonnable, il a estimé que, étant donné que les crédits de taxe sur les intrants relatifs aux services fournis par Bell Canada à la société à dénomination numérique compenseraient le montant de la taxe due, aucun montant ne serait exigible au titre de la taxe sur les produits et services. Les documents qu’il a remis à monsieur Chartrand étaient pertinents à ce sujet.

 

[65]         L’appelant était disposé à admettre qu’un montant de peut-être 10 000 $ était dû au 1er janvier 2003.

 

[66]         Au cours de son témoignage, monsieur Chartrand a dit qu’il ne tenait compte d’aucun crédit de taxe sur les intrants, à moins que les crédits en question ne soient calculés. S’il y avait un administrateur de fait, c’était la société à dénomination numérique.

 

[67]         Après la faillite, l’appelant n’a pu exercer aucun pouvoir sur le syndic, il n’avait plus son mot à dire et ne pouvait pas corriger les cotisations. Il a fait valoir que le ministre n’avait pas démontré que la preuve de réclamation avait été déposée dans les six mois suivant la faillite. De plus, il a soutenu que la cotisation n’avait pas été établie à son égard avant le début des mesures de recouvrement.

 

[68]         En contre­preuve, l’avocat de l’intimée a dit que l’appelant contrôlait la société à dénomination numérique et que, par conséquent, il contrôlait la société (Doncaster) durant les périodes pertinentes. Voir Wheeliker c. Canada, [1997] A.C.I. n1057 (QL), [1998] 1 C.T.C. 2021.

 

[69]         L’appelant a agi en qualité d’administrateur de fait. Cette expression englobe tous les types d’administrateurs.

 

Analyse et décision

 

[70]         La Cour doit d’abord commenter la croyance que semble avoir l’appelant qu’une fois qu’il a témoigné, il appartient au ministre de réfuter ce qu’il a dit. Ainsi, l’appelant a apparemment conclu que, parce qu’il avait déclaré au cours de son témoignage qu’il avait démissionné en décembre 2002, le ministre devait démontrer que cette déclaration était inexacte, ou qu’il devait prouver que d’autres aspects de son témoignage étaient erronés.

 

[71]         La règle, bien entendu, est que la Cour peut accepter ou rejeter, en totalité ou en partie, tout élément de preuve présenté. Il appartient au juge qui préside l’audience de déterminer le poids à accorder à un élément de preuve, après avoir examiné et soupesé l’ensemble de la preuve, la conduite des témoins et tout élément qui corrobore cette preuve ou qui va à l’encontre de celle­ci.

 

[72]         Dans la présente affaire, le ministre a avancé certaines hypothèses de fait et il a le droit de se fonder sur ces hypothèses jusqu’à ce que celles­ci soient démolies. Cela a été signalé à l’appelant au cours de l’audience.

 

[73]         En l’espèce, il incombe certes au ministre de prouver qu’il a été satisfait aux exigences techniques de la Loi sur la taxe d’accise. Indépendamment des hypothèses du ministre formulées dans la réponse, la Cour est convaincue, sur la foi d’une preuve crédible présentée par des témoins compétents et informés, que toutes les exigences techniques de la Loi ont été respectées.

 

[74]         L’appelant a simplement déclaré que ces exigences n’avaient pas été respectées, mais de telles assertions ne peuvent réfuter la preuve montrant le contraire.

 

[75]         La deuxième question qui se pose est de savoir si l’appelant a contesté avec succès les cotisations. La seule preuve que l’appelant a présentée sur cette question est son affirmation selon laquelle aucun montant n’aurait dû être exigible au titre de la taxe parce que la société disposait de suffisamment de crédits de taxe sur les intrants pour réduire le montant de taxe à zéro s’ils avaient été portés correctement au compte.

 

[76]         Cependant, la Cour doit également tenir compte de l’aveu de l’appelant lui‑même qu’un montant d’au moins 10 000 $ de taxe était probablement encore exigible. Aucune preuve crédible n’a été présentée quant à la façon dont ce chiffre avait été déterminé; aucun document tendant à démontrer que le montant réclamé était erroné n’a été présenté; et aucune autre tentative n’a été faite pour mettre en doute le bien-fondé des cotisations.

 

[77]         Une preuve acceptable suffisante confirmant l’exactitude des cotisations a été présentée et celles-ci doivent être maintenues.

 

[78]         Il faut également se pencher sur la question de savoir si l’appelant était un administrateur au cours de toutes les périodes pertinentes.

 

[79]         L’appelant a déclaré dans son témoignage qu’il avait démissionné de ses fonctions d’administrateur en décembre 2002. Il a dit qu’il avait donné sa lettre de démission à son épouse, mais il n’a pas fait témoigner celle-ci pour confirmer ce fait.

 

[80]         Il a expliqué qu’il ne voulait pas exposer son épouse au processus judiciaire. Ce qui est peut-être plus probable, c’est que l’appelant voulait éviter de l’exposer à un contre­interrogatoire serré. En tout état de cause, elle n’a pas été appelée à témoigner et la Cour n’accepte pas l’explication de l’appelant à ce sujet. Il est plus probable que le témoignage qu’elle aurait présenté sur ce point très important n’aurait pas confirmé la position de l’appelant à cet égard. La Cour tire du fait que son épouse n’a pas témoigné une conclusion défavorable à l’appelant.

 

[81]         De plus, il semble très peu probable que, si l’appelant avait démissionné de ses fonctions d’administrateur, il serait demeuré l’âme dirigeante de la société, ce qu’il était apparemment, même jusqu’à la date de la faillite, puisqu’il a fait une proposition qui a été rejetée. En outre, le 31 mai 2005, il a signé un affidavit qui indiquait tout le contraire de son affirmation qu’il avait démissionné de ses fonctions d’administrateur.

 

[82]         Le contenu de l’affidavit ne confirme pas son témoignage selon lequel il agissait au nom de la société à dénomination numérique, qui était l’unique actionnaire de la société au moment où l’appelant a signé l’affidavit; cette assertion tient d’avantage d’une réflexion après coup que d’une description de la véritable situation à l’époque.

 

[83]         Même si la Cour acceptait l’affirmation de l’appelant qu’il a démissionné de ses fonctions d’administrateur à la date à laquelle il dit l’avoir fait, elle accepterait aussi l’argument de l’intimée selon lequel, aux termes de la législation de l’Ontario, l’appelant est demeuré administrateur de fait jusqu’à la date de la faillite.

 

[84]         En ce qui concerne la question de la « diligence raisonnable », il n’y a absolument aucun élément de preuve qui montre que l’appelant a fait ce qu’un administrateur prudent et raisonnable aurait fait pour prévenir le manquement.

 

[85]         Sa conviction erronée qu’aucune taxe n’était due et sa position selon laquelle il avait déjà démissionné de ses fonctions d’administrateur ont empêché l’appelant d’agir ainsi.

 

[86]         L’appelant a cru à tort que les documents qu’il avait remis à monsieur Chartrand étaient suffisants pour appuyer sa position. Or, selon le témoignage clair de monsieur Chartrand, il n’avait aucun document de cette nature.

 

[87]         La Cour est convaincue que l’appelant n’a pas réussi à démontrer que la cotisation établie par le ministre à son endroit est invalide.

 

[88]         L’appel est rejeté et la cotisation du ministre est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’avril 2010.

 

 

« T.E. Margeson »

Juge Margeson

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juin 2010.

 

 

 

Erich Klein, réviseur


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 190

 

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :     2008­2496(GST)I

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              RALPH DONCASTER c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Halifax (Nouvelle­Écosse)

 

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Les 12 juin et 10 décembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge T.E. Margeson

 

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 8 avril 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui­même

Avocat de l’intimée :

Me Toks C. Omisade

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :                          S/O

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :                 

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous­procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.