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Dossier : 2008-3563(IT)I

ENTRE :

DAVID GREENE,

appelant,

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 11 mars 2010 à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Rita Araujo

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2005 est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’avril 2010.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de juin 2010.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste.


 

 

Référence : 2010 CCI 162

Date : 20100416

Dossier : 2008-3563(IT)I

ENTRE :

DAVID GREENE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

 

[1]              Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») pour l’année d’imposition 2005 de l’appelant.

 

[2]              Dans le calcul de son revenu de 2005, l’appelant a inclus une indemnité de départ de 11 409,38 $.

 

[3]              L’appelant, qui travaillait pour l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») depuis 22 ans, a quitté son emploi au mois de mai 2005. À son départ, son employeur, l’ARC, lui a versé une indemnité de départ dont le montant brut s’élevait à 29 261,73 $. L’appelant a transféré 15 000 $ de cette indemnité dans un régime enregistré d’épargne‑retraite (le « REER »). Dans le calcul de son revenu pour 2005, l’appelant a inclus un montant net de 11 409,38 $ au titre de l’indemnité de départ, ce qui représente le montant brut de l’indemnité de départ moins les 15 000 $ transférés dans le REER et l’impôt retenu à la source pour un montant de 2 852,35 $.

 

[4]              Dans le calcul de son revenu, l’appelant a aussi demandé la déduction du montant de 15 000 $ susmentionné au titre du REER.

 

[5]              Dans la nouvelle cotisation, le ministre a inclus dans le revenu le montant brut de 29 261,73 $ de l’indemnité de départ et a accordé une déduction de 15 000 $ au titre de REER (la portion transférée au REER en 2005) plus une prime de REER de 3 000 $ qui n’était pas encore déduite au premier janvier 2005.

 

[6]              L’appelant s’oppose à la nouvelle cotisation et soutient qu’il pouvait valablement déclarer le montant net de l’indemnité de départ comme il l’avait fait et quand même demander une déduction de 15 000 $ au titre du REER. L’appelant a en fait déduit deux fois le montant de 15 000 $ transféré dans son REER en 2005.

 

[7]              Il est clair que l’indemnité de départ est une allocation de retraite au sens du paragraphe 248(1) de la LIR :

 

« allocation de retraite » Somme, sauf une prestation de retraite ou de pension, une somme reçue en raison du décès d’un employé ou un avantage visé au sous‑alinéa 6(1)a)(iv), reçue par un contribuable ou, après son décès, par une personne qui était à sa charge ou qui lui était apparentée, ou par un représentant légal du contribuable :

 

a)   soit en reconnaissance de longs états de service du contribuable au moment où il prend sa retraite d’une charge ou d’un emploi ou par la suite;

 

b)   soit à l’égard de la perte par le contribuable d’une charge ou d’un emploi, qu’elle ait été reçue ou non à titre de dommages ou conformément à une ordonnance ou sur jugement d’un tribunal compétent.

 

[8]              Le montant reçu a été payé au moment de la retraite de l’appelant en reconnaissance de ses longs états de service.

 

[9]              Une allocation de retraite doit être incluse dans le revenu en application du sous-alinéa 56(1)a)(ii) de la LIR, qui est ainsi libellé :

 

56(1) Sommes à inclure dans le revenu de l’annéeSans préjudice de la portée générale

de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

 

a) Pensions, prestations d’assurance-chômage, etc. toute somme reçue par le contribuable au cours de l’année au titre, ou en paiement intégral ou partiel :

 

[. . .]

(ii) d’une allocation de retraite, sauf s’il s’agit d’un montant versé dans le cadre d’un régime de prestations aux employés, d’une convention de retraite ou d’une entente d’échelonnement du traitement,

 

[. . .]

 

[10]         Les primes au REER que l’appelant a versées au moyen de l’argent transféré de son allocation de retraite sont déductibles dans le calcul de son revenu aux termes des alinéas 60i) et j.1) et du paragraphe 146(5) de la LIR dont voici le libellé :

 

60. Autres déductionsPeuvent être déduites dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

 

[. . .]

 

i)          toute somme qui est déductible, en application des articles 146 ou 146.3 ou du paragraphe 147.3(13.1), dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année;

 

[. . .]

 

j.1)       la partie du total des montants dont chacun représente un montant versé au contribuable à titre d’allocation de retraite par un employeur ou dans le cadre d’une convention de retraite à laquelle l’employeur a cotisé et inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année, en vertu du sous-alinéa 56(1)a)(ii) ou de l’alinéa 56(1)x), qui, à la fois :

 

(i)                  est indiquée par le contribuable dans sa déclaration de revenu produite pour l’année en vertu de la présente partie,

 

(ii)                ne dépasse pas l’excédent éventuel du total des montants suivants :

 

(A)        le produit de 2 000 $ et du nombre d’années antérieures à 1996 pendant lesquelles l’employé ou ancien employé à l’égard duquel le versement a été fait (appelé « retraité » au présent alinéa) était employé par l’employeur ou par une personne liée à celui-ci,                       

 

(B)    le produit de 1 500 $ et de l’excédent du nombre d’années, antérieures à 1989, visé à la division (A) sur le nombre qu’il est raisonnable de considérer comme le nombre équivalent d’années, antérieures à 1989, pour lesquelles les cotisations de l’employeur versées aux termes d’un régime de pension ou d’un régime de participation différée aux bénéfices de l’employeur ou d’une personne liée à celui-ci étaient acquises au retraité au moment du versement,

 

sur le total des montants suivants :

 

(C)   les montants déduits en application du présent alinéa au titre des sommes versées avant l’année pour le retraité par l’employeur ou une personne liée à celui-ci ou dans le cadre d’une convention de retraite à laquelle l’employeur ou la personne a cotisé,

 

(C.1) les autres montants déduits en application du présent alinéa pour l’année au titre des sommes versées au cours de l’année pour le retraité par une personne liée à l’employeur ou dans le cadre d’une convention de retraite à laquelle la personne a cotisé,

 

(D)   les montants déduits selon l’alinéa t) dans le calcul du revenu du retraité pour l’année relativement à une convention de retraite à laquelle l’employeur ou une personne liée à celui-ci a cotisé,

 

(iii)               ne dépasse pas le total des sommes dont chacune représente une somme payée par le contribuable au cours de l’année ou dans les 60 jours suivant la fin de l’année relativement au montant qu’il a ainsi indiqué :

 

(A)   soit à titre de cotisation dans le cadre d’un régime de pension agrée, à l’exception de la fraction de cette cotisation qui est déductible en vertu de l’alinéa j) ou 8(1)m) dans le calcul de son revenu pour l’année,

 

(B)    soit à titre de prime (au sens de l’article 146) en vertu d’un régime enregistré d’épargne-retraite aux termes duquel il est le rentier (au sens de l’article 146), à l’exception de la fraction de cette prime désignée pour l’application de l’alinéa j) ou l),

 

dans la mesure où elle n’a pas été déduite dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure;

 

pour l’application du présent alinéa, sont compris parmi les personnes liées à l’employeur :

 

(iv)              toute personne dont l’entreprise a été acquise ou continuée par l’employeur,

 

(v)                un ancien employeur du retraité, dans la mesure où le temps passé au service de cet ancien employeur est reconnu pour établir les prestations de retraite du retraité;

 

[. . .]

 

146(5) Déduction des primes versées au REERUn contribuable peut déduire dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition le montant qu’il demande, à concurrence du moins élevé des montants suivants :

 

a) l’excédent éventuel du total des montants représentant chacun une prime que le contribuable a versée après 1990 et au plus tard le soixantième jour suivant la fin de l’année à un régime enregistré d’épargne-retraite dont il était rentier au moment du versement de la prime, à l’exception :

 

(i)                  de la fraction de la prime qu’il a déduite dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure,

 

(ii)                de la fraction de la prime qu’il a indiquée dans sa déclaration de revenu produite pour une année d’imposition pour l’application des alinéas 60j), j.1) ou l),

 

(iii)               de la fraction de la prime au titre de laquelle il a reçu un paiement qu’il a déduit en application du paragraphe (8.2) dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure,

 

(iv)              de la fraction de la prime qui était déductible en application du paragraphe (6.1) dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition,

 

(iv.1)   de la fraction de la prime qui serait considérée comme retirée par lui à titre de montant admissible, au sens des paragraphes 146.01(1) ou 146.02(1), moins de 90 jours après son versement si les gains relatifs à un régime enregistré d’épargne-retraite étaient considérés comme retirés avant les primes versées dans le cadre de ce régime et si les primes étaient considérées comme retirées suivant l’ordre dans lequel elles ont été versées,

 

                        sur :

 

(v)                l’excédent éventuel du total visé à la division (A) sur le total visé à la division (B) :

 

(A)        le total des montants déduits en application du paragraphe 147.3(13.1) dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure,

 

(B)        le total des montants, relatifs à des transferts effectués avant 1991 de régimes de pension agréés, qui sont réputés par les alinéas 147.3(10)b) ou c) être des primes versées par le contribuable à un régime enregistré d’épargne-retraite;

 

b) son maximum déductible au titre des REER pour l’année.

 

[11]         L’intimée a raison lorsqu’elle soutient que le montant de la nouvelle cotisation est le montant qui aurait dû avoir été déclaré selon le sous-alinéa 56(1)a)(ii), les alinéas 60i) et j.1) et les paragraphes 146(5) et 248(1) de la LIR. L’appelant n’avait pas le droit de déduire deux fois le montant de 15 000 $ dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2005.

 

[12]         Le dernier argument de l’appelant est que l’avis de ratification de la cotisation mentionnait que :

 

[traduction]

 

Les 29 261 $ que vous avez reçus du gouvernement du Canada constituaient une « prestation » au sens du paragraphe 146(16). Par conséquent, le montant a été inclus dans le calcul de votre revenu en application du paragraphe 146(8) et de l’alinéa 56(1)n).

 

[13]         Le paragraphe 146(8) est la disposition qui prévoit l’inclusion dans le revenu des montants retirés d’un REER qui ne sont pas des retraits exclus. Le paragraphe 146(16) vise les transferts de fonds entre les REER. L’alinéa 56(1)n) prévoit l’inclusion dans le revenu des sommes reçues par le contribuable à titre de bourse d’études, de bourse de perfectionnement ou de récompense couronnant une œuvre remarquable « réalisée dans son domaine d’activité habituel ».

 

[14]         Il est clair que le ministre ne s’est pas fondé sur les dispositions pertinentes dans l’avis de ratification.

 

[15]         Toutefois, dans la réponse à l’avis d’appel, l’intimée s’est fondée sur les dispositions pertinentes de la LIR que j’ai reproduites ci-dessus.

 

[16]         Par conséquent, malgré le manque de pertinence des dispositions sur lesquelles le ministre s’est fondé pour ratifier la cotisation, le montant de la nouvelle cotisation était correct selon les dispositions invoquées dans la réponse à l’avis d’appel. Aux termes du paragraphe 152(9) de la LIR, l’intimée avait le droit de se fonder sur les dispositions invoquées dans la réponse à l’avis d’appel. Voici la teneur de ce paragraphe :

 

152(9) Nouvel argument à l’appui d’une cotisationLe ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

 

a) d’une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

 

b) d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

[17]         La réponse a été déposée le 23 janvier 2009. L’appel a été entendu le 11 mars 2010. En l’espèce, les faits ne sont pas contestés. La question en litige réside dans le fait de savoir comment déclarer des revenus constituant une indemnité de départ pour lesquels une portion a été transférée dans un REER. Il est évident que le ministre a établi le montant de la nouvelle cotisation à juste titre en application du sous-alinéa 56(1)a)(ii), des alinéas 60i) et j.1) et des paragraphes 146(5) et 248(1) de la LIR. Il n’y avait pas d’autres éléments de preuve pertinents que le contribuable aurait pu produire et qui auraient pu conduire à une décision différente en droit.

 

[18]         Il ne s’agit pas en l’espèce d’une situation dans laquelle l’intimée tente d’avancer pour la première fois devant le tribunal un nouvel argument à l’appui d’une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant, comme ce fut le cas dans The Queen v. Continental Bank of Canada, 98 DTC 6501 (CSC). Il s’agit plutôt d’une affaire dans laquelle je dois décider de la validité de la cotisation et non de l’exactitude des motifs sur lesquels le ministre s’est fondé pour ratifier la cotisation. Une cotisation peut être valide même si les motifs invoqués par le ministre sont erronés (voir Riendeau v. The Queen, 91 DTC 5416 (CAF), citée dans Les Entreprises Ludco Ltée et al. v. The Queen, 94 DTC 6221, à la page 6223).

 

[19]         Un « argument subsidiaire » à l’appui d’une cotisation et un « nouvel argument à l’appui d’une cotisation » sont deux choses distinctes. Comme l’a souligné le juge en chef adjoint Bowman dans Loewen c. Canada, [2003] A.C.I. n282 (QL), au paragraphe 54 :

 

54        Évidemment, ces observations doivent être lues à la lumière des commentaires subséquents du juge Bastarache dans l’arrêt Banque Continentale, mais elles sont utiles en ce qu’elles établissent une distinction entre, d’une part, une modification si fondamentale au fondement d’une cotisation que, si elle est acceptée, elle entraînerait un résultat qui équivaudrait à une cotisation entièrement nouvelle et, d’autre part, la déclaration d’un résultat juridique différent découlant des mêmes faits en alléguant que ces faits mènent à une relation juridique différente.

 

[20]         En l’espèce, l’argument de l’intimée n’aboutit pas à une cotisation entièrement nouvelle. Il constitue simplement une déclaration d’un résultat juridique différent découlant des mêmes faits, lequel résultat est une conséquence du fait que l’intimée invoque maintenant les dispositions appropriées de la LIR.

 

[21]         Autrement dit, le ministre ne cherche pas à ajouter au revenu de l’appelant un montant qui n’était pas inclus dans la nouvelle cotisation établie pendant la période normale de nouvelle cotisation. Le ministre cherche plutôt à justifier exactement le même montant d’impôt à payer découlant du même montant d’indemnité de départ, tel qu’il a été établi dans la nouvelle cotisation, en se fondant sur les dispositions pertinentes de la LIR (voir Walsh c. Canada, 2007 CAF 222).

 

[22]         Par conséquent, on ne peut pas empêcher l’intimée de soutenir que le ministre a établi à juste titre une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant en se fondant sur les dispositions pertinentes de la LIR.

 

[23]         Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’avril 2010.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de juin 2010.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 162

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-3563(IT)I

 

INTITULÉ :                                       DAVID GREENE

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 11 mars 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 16 avril 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Rita Araujo

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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