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Dossier : 2009-3163(IT)APP

 

ENTRE :

VIOLA MAE WOODWORTH,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Requête entendue le 2 mars 2010, à Calgary (Alberta)

 

 Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

 Comparutions :

 

Avocats de la requérante :

Me Dan Misutka

Me Josh Jantzi

 

Avocats de l’intimée :

Me Robert Neilson

Me Scott England

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

  Vu la requête visant l’obtention d’une ordonnance de prorogation du délai pour présenter un avis d’appel à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2005;

 

  Et après avoir entendu les avocats de la requérante et les avocats de l’intimée;

 

  La requête est rejetée, conformément aux motifs de l’ordonnance ci‑joints.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d’avril 2010.

 

 

 

« V. A. Miller »

Juge V. A. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juin 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste.


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 220

Date : 20100422

Dossier : 2009-3163(IT)APP

 

ENTRE :

VIOLA MAE WOODWORTH,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

La juge V. A. Miller

 

  • [1] En l’espèce, la requérante cherche à obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour présenter un avis d’appel à l’égard de son année d’imposition 2005.

 

  • [2] En vertu du paragraphe 152(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), une cotisation a été établie à l’égard de la requérante pour l’année d’imposition 2005 au moyen d’un avis de cotisation daté du 2 avril 2007. La requérante s’est opposée à cette cotisation le 6 juillet 2007 et a reçu une prorogation du délai pour présenter son avis d’opposition. Selon les éléments de preuve présentés à l’audience relative à la présente requête, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a ratifié la cotisation le 6 décembre 2007.

 

  • [3] Dans l’avis de requête initial, les avocats de la requérante ont soutenu que l’avis de ratification n’était pas valide parce que la requérante ne l’avait pas reçu personnellement. La preuve révèle que l’avis de ratification a été envoyé à la requérante par courrier recommandé le 6 décembre 2007.

 

  • [4] La requérante a témoigné qu’elle n’était pas chez elle en décembre 2007 et qu’elle avait demandé à son ami, Elvin Calahaisen, de ramasser son courrier. Elle lui aurait aussi dit de ne signer aucun accusé de réception de courrier en son nom.

 

  • [5] Le 28 décembre 2007, M. Calahaisen a pris livraison de l’avis de ratification au nom de la requérante. Plus tard, il a déposé le courrier de la requérante sur une table, mais la requérante n’a pas examiné tout son courrier à son retour.

 

  • [6] À l’audience relative à la requête, les avocats de la requérante ont voulu déposer un avis de requête modifié qui comportait des éléments supplémentaires pour étayer la requête. Comme les avocats de l’intimée ont été pris de court, on leur a donné l’occasion de présenter des observations écrites, et la requérante a eu du temps pour répondre à ces observations.

 

  • [7] J’ai autorisé le dépôt de l’avis de requête modifié.

 

  • [8] Les faits qui ont donné lieu à la cotisation visée par la présente requête sont les suivants :

 

  • a) En 1992, M. Woodworth, l’époux de la requérante, a souscrit un régime enregistré d’épargne‑retraite (le « REER ») auprès de la Compagnie Trust CIBC (le « fiduciaire »). La requérante était la bénéficiaire désignée du REER.

 

  • b) M. Woodworth est décédé le 24 septembre 2004. À ce moment‑là, il était un débiteur fiscal.

 

  • c) En février 2005, le fiduciaire a transféré le produit du REER de M. Woodworth au REER de la requérante.

 

  • d) La requérante n’a pas produit sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2005 dans le délai prévu par la Loi. Le ministre a donc établi une cotisation arbitraire en vertu du paragraphe 152(7) de la Loi le 2 avril 2007 (la « cotisation »).

 

  • e) La cotisation établie le 2 avril 2007 incluait la valeur du REER.

 

f)  Le 11 janvier 2007, le ministre a établi une cotisation en vertu de l’article 160 de la Loi relativement au transfert du produit du REER (la « cotisation fondée sur l’article 160 »).

 

  • [9] L’avis de requête modifié comportait les observations suivantes :

 

  • a) La cotisation est nulle.

 

  • b) Si la cotisation n’est pas nulle, le présent appel doit être réuni avec l’appel interjeté devant la Cour à l’égard de la cotisation fondée sur l’article 160.

 

  • c) Le ministre n’a pas annulé, ratifié ou modifié la cotisation, et il n’a pas établi de nouvelle cotisation à l’égard de la requérante.

 

d)  La situation de la requérante mérite que la Cour accueille la requête de prorogation de délai.

 

Nullité de la cotisation

 

  • [10] La requérante soutient qu’après avoir établi la cotisation fondée sur l’article 160, le ministre était dessaisi de la question de la dette fiscale de la requérante relative au produit du REER. Les avocats de la requérante ont avancé que la cotisation était nulle dès le départ, car le ministre n’avait pas le pouvoir d’établir une deuxième cotisation relativement au transfert du produit du REER.

 

  • [11] Le ministre a établi la cotisation à l’égard de la requérante en application de la Loi. L ’article 160 de la Loi est un moyen de recouvrement utilisé par le ministre pour faciliter le recouvrement de l’obligation fiscale d’une personne auprès d’une autre personne [1] . Il s’agit d’un moyen draconien, mais le ministre peut l’utiliser à sa discrétion.

 

  • [12] Après avoir établi la cotisation fondée sur l’article 160 à l’égard de la requérante, le ministre n’était pas dessaisi du pouvoir d’établir une cotisation à l’égard des obligations fiscales personnelles de la requérante pour une année d’imposition donnée.

 

  • [13] La requérante était tenue de produire une déclaration de revenus pour son année d’imposition 2005 [2] .

 

  • [14] En vertu du paragraphe 152(7) de la Loi, le ministre pouvait établir une cotisation à l’égard de la requérante pour son année d’imposition 2005. Par conséquent, la cotisation n’était pas nulle dès le départ.

 

Réunion des appels

 

  • [15] L’article 26 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles ») est ainsi rédigé :

 

26. Si, dans le cas où la Cour est saisie de plusieurs instances, il appert :

 

a) qu’elles ont en commun une question de droit, une question de fait ou une question de droit et de fait, tenant à une même transaction ou à un même événement, ou à une même série de transactions ou d’événements;

 

b) que pour toute autre raison, il y a lieu de rendre une directive en application du présent article,

 

la Cour peut ordonner :

 

c) la réunion de ces instances ou leur instruction simultanée ou consécutive;

 

d) l’ajournement de l’une d’entre elles en attendant l’issue de n’importe quelle autre.

 

  • [16] À l’article 2 des Règles, le terme « instance » est défini comme un appel ou un renvoi.

 

  • [17] La cotisation n’a pas fait l’objet d’un appel en bonne et due forme auprès de la Cour, et il ne peut donc pas être réuni à l’appel portant sur la cotisation fondée sur l’article 160. Cela est bien malheureux, car les appels à l’égard des deux cotisations auraient dû être instruits en même temps.

 

Ratification de la cotisation

 

  • [18] La requérante soutient que l’avis de ratification n’a jamais été établi.

 

  • [19] La requérante se fonde sur l’arrêt Aztec Industries v. Canada [3] pour affirmer que la Cour doit faire une analyse à deux volets pour décider (1) si le ministre a fait la preuve qu’un avis a été établi et envoyé par la poste conformément à la loi et (2) si le contribuable a réfuté la présomption de réception de cet avis. Si le contribuable démontre qu’il n’a pas reçu l’avis, il réfute la présomption selon laquelle l’avis a été envoyé. Ainsi, selon la requérante, le délai prévu à l’article 169 de la Loi n’aurait jamais commencé à courir.

 

  • [20] Dans Schafer v. R. [4] , la Cour d’appel fédérale a exprimé son désaccord à l’égard de la position qui est maintenant soutenue par la requérante. Le juge Isaac s’est alors exprimé de la façon suivante :

 

[9]  Je sais que la Cour de l’impôt a donné une interprétation d’articles presque identiques de la Loi de l’impôt sur le revenu portant que le délai applicable ne commence pas à courir à moins que le contribuable ait reçu l’avis de cotisation dans le délai prévu par la loi. Cependant , notre Cour a critiqué cette approche dans le passé. Dans l’arrêt Canada c. Bowen, le juge Stone de la Cour d’appel a cité un passage de la décision Antoniou de la Cour de l’impôt exigeant que l’avis ait été reçu pour que le délai commence à courir, puis il a dit :

 

En toute déférence, nous ne pouvons souscrire à cette conclusion. À notre avis, cette dernière ne tient pas compte du sens évident du paragraphe 165(3) et de l’article 169 de la Loi [de l’impôt sur le revenu] […]

 

À notre avis, l’obligation qui incombait au ministre aux termes du paragraphe 165(3) correspondait précisément à ce qu’il a fait, c’est‑à‑dire aviser l’intimé de la ratification de la cotisation par courrier recommandé. Rien, dans ce paragraphe ni dans l’article 169, n’exigeait que la notification soit « signifiée » à personne ou soit reçue par le contribuable.

 

  • [21] En l’espèce, l’intimée a démontré que l’avis de ratification avait été envoyé par courrier recommandé et qu’il avait été reçu par M. Calahaisen à la résidence de la requérante. Suivant le paragraphe 248(7) de la Loi, la requérante est donc réputée avoir reçu l’avis de ratification le jour de sa mise à la poste.

 

  • [22] Plus loin dans Schafer, le juge Isaac s’est aussi exprimé de la sorte :

 

[16]  Avec égards, je suis d’avis que le paragraphe 334(1) ne crée pas une présomption réfutable. Je suis parvenu à cette conclusion pour deux motifs. D’abord, je me suis fondé sur la conclusion que le juge Stone a tirée dans l’arrêt Bowen selon laquelle :

 

[…] l’exigence de réception de l’avis serait difficile, sinon totalement impossible, à appliquer du point de vue administratif.

 

Je suis d’accord qu’il serait extrêmement difficile d’administrer un régime, dans lequel l’avis est envoyé au contribuable par courrier ordinaire de première classe, qui obligerait le ministre à communiquer avec chaque personne à qui un avis de cotisation a été envoyé afin de s’assurer que chacun a bel et bien reçu l’avis.

 

  • [23] Le libellé du paragraphe 334(1) de la Loi sur la taxe d’accise est presque identique à celui du paragraphe 248(7) de la Loi. Je conclus donc que la disposition déterminative du paragraphe 248(7) de la Loi ne constitue pas une présomption réfutable.

 

  • [24] Le ministre a ratifié la cotisation le 6 décembre 2007. Le délai de présentation de l’avis d’appel prenait fin 90 jours après cette date, ce qui veut dire qu’au plus tard, l’avis d’appel devait être déposé le 6 mars 2008 [5] .

 

  • [25] La présente demande de prorogation de délai a été présentée en vertu de l’article 167 de la Loi. Le paragraphe 167(5) de la Loi est ainsi rédigé :

 

167(5) Acceptation de la demande – Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti en vertu de l’article 169 pour interjeter appel;

 

[…]

 

  • [26] Le délai de présentation d’une demande de prorogation de délai expirait le 6 mars 2009. La présente requête a été déposée à la Cour le 8 octobre 2009, après l’expiration du délai imparti par la Loi.

 

Situation de la requérante

 

  • [27] Les avocats de la requérante ont soutenu qu’il serait juste et équitable de rendre une ordonnance de prorogation du délai pour interjeter appel de la cotisation. Selon eux, la requérante croyait que ses oppositions à la cotisation et à la cotisation fondée sur l’article 160 étaient toujours en cours et elle avait engagé un avocat fiscaliste en novembre 2008 pour interjeter appel des deux cotisations devant la Cour. L ’ancien avocat fiscaliste de la requérante n’avait présenté ni l’un ni l’autre des deux appels, et il a seulement informé la requérante de ce fait à la fin août 2009.

 

  • [28] Les avocats de la requérante soutiennent que leur cliente a toujours véritablement eu l’intention de porter la cotisation en appel.

 

  • [29] Je n’ai pas le pouvoir d’écarter le délai imparti par la Loi. Si , comme l’a dit le juge Nadon au paragraphe 13 de l’arrêt Canada c. Carlson [6] , même une défaillance du système postal ne peut pas venir en aide au contribuable, l’omission de lire son courrier ne peut venir en aide à la requérante.

 

[13]  […] Comme notre Cour l’a statué à de nombreuses occasions, lorsqu’un contribuable n’est pas en mesure de respecter un délai prévu par la Loi, même à cause d’une défaillance du système postal, ni le ministre ni la CCI ne peuvent lui venir en aide (Voir Schafer c. Sa Majesté la Reine [2000] A.C.F. 1480 (C.A.F.); Le Procureur général du Canada c. John F. Bowen [1992] 1 C.F. 311 (C.A.F.)). Par conséquent, si une défaillance du système postal ne peut secourir un contribuable, il ne sera pas sauvé parce qu’il n’a pas saisi le sens d’un avis de cotisation qui lui a été signifié.

 

  • [30] La requête visant l’obtention d’une ordonnance de prorogation de délai est rejetée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d’avril 2010.

 

 

« V. A. Miller »

Juge V. A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juin 2010.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste



RÉFÉRENCE :

2010 CCI 220

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2009-3163(IT)APP

 

INTITULÉ :

Viola Mae Woodworth c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 mars 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 22 avril 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de la requérante :

Me Dan Misutka

Me Josh Jantzi

 

Avocats de l’intimée :

Me Robert Neilson

Me Scott England

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour la requérante :

 

Nom :

Dan Misutka

Josh Jantzi

 

Cabinet :

Fraser Milner Casgrain, S.E.N.C.R.L.

 

Pour l’intimée :

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Addison & Leyen Ltd. c. Canada, 2006 CAF 107, paragraphe 63.

[2] Voir l’article 150 de la Loi.

[3] [1995] 1 C.T.C. 327 (C.A.F.)

[4] 2000 DTC 6542 (C.A.F.)

[5] Voir l’article 169 de la Loi.

[6] 2002 CAF 145.

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