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Dossier : 2007-2484(EI)

ENTRE :

DIANE BOURGOUIN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

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Appel entendu le 14 janvier 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Gilbert Nadon

Avocate de l'intimé :

Me Suzanne Morin

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JUGEMENT

L'appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national en date du 21 mars 2007, relativement à l'appel interjeté devant lui pour la période du 10 mars 2003 au 16 octobre 2003 est confirmée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de février 2008.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

 

 

Référence : 2008CCI59

Date : 20080206

Dossier : 2007-2484(EI)

ENTRE :

DIANE BOURGOUIN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

[1]     L'appelante en appelle d'une décision du ministre du Revenu national (le « Ministre ») statuant que celle‑ci n'avait pas exercé un emploi assurable du 10 mars 2003 au 16 octobre 2003, lorsqu'elle travaillait pour le compte de la société 9101‑6006 Québec Inc. (le « payeur »). Il est admis que l'appelante et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (« LIR ») puisque l'appelante détenait 15% des actions du payeur et son conjoint, Mario Gélinas, détenait le solde des actions (soit 85%).

 

[2]     Le Ministre a déterminé que l'appelante n'exerçait pas un emploi assurable aux termes de l'alinéa 5(2)i) et du paragraphe 5(3) de la Loi sur l'assurance‑emploi (« LAE ») puisqu'il est convaincu qu'il est raisonnable de conclure que l'appelante et le payeur n'auraient pas conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance. Pour décider ainsi, le Ministre s'est fondé sur les faits suivants, qui sont repris au paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel (« Réponse ») et qui se lisent comme suit :

a)   le payeur, constitué en société en mars 2001, exploitait un restaurant franchisé sous la bannière “Piazetta” à Trois‑Rivières; (admis)

 

b)   le payeur a débuté ses opérations le 27 août 2001; (admis)

 

c)   le restaurant comptait 75 places et détenait un permis d’alcool complet; (admis)

 

d)   le restaurant était ouvert sur une base annuelle du lundi au dimanche de 11 h à 21 h (printemps et automne) et de 11 h à 23 h (hiver et été);

 

e)   le payeur embauchait environ 14 employés dont 7 cuisiniers et cuisinières et 7 serveurs et serveuses et quelques étudiants à temps partiel durant la saison estivale (période plus active); (admis)

 

f)    Mario Gélinas s’occupait de l’administration et des opérations quotidiennes du payeur; (admis)

 

g)   la travailleuse a travaillé pour Scotia Capitaux inc. de 1986 au 15 avril 2002 et n’avait aucune expérience dans le domaine de la restauration; (admis)

 

h)   en quittant son emploi auprès de Scotia Capitaux inc., elle a retiré des prestations d’assurance‑emploi jusqu’au 10 mars 2003, date où elle aurait débuté pour le payeur; (admis)

 

i)    du 27 août 2001 au 9 mars 2003, la travailleuse rendait des services au payeur sans rémunération; (admis)

 

j)    durant cette période, l’appelante se présentait au restaurant de 15 à 25 heures par semaine, les soirs et fins de semaine, pour aider soit à la caisse, à l’accueil des clients ou pour tout autre tâche liée à l’exploitation du restaurant;

 

k)   l’appelante considère cette période (18 mois) non‑rémunérée comme une période d’apprentissage et de formation; (admis)

 

l)    l’appelante a été enregistrée au registre des salaires du payeur pour la première fois le 10 mars 2003 et ce, jusqu’au 16 octobre 2003 alors que le volume d’affaires baissait rapidement à la fin de la saison estivale; (admis)

 

m)  durant la période en litige, en plus de s’occuper de la caisse et de l’accueil, l’appelante a commencé à servir aux tables; (admis)

 

n)   durant la période en litige, l’appelante travaillait environ 35 heures par semaine et ce, sans horaire de travail à respecter et sans que ses heures ne soient comptabilisées par le payeur;

 

o)   malgré son inexpérience, l’appelante recevait une rémunération de 10,00 $ de l’heure, malgré un taux horaire minimum fixé à 6,55 $ comme serveuse dans la restauration, en plus de sa part des pourboires;

 

p)   durant la période en litige, l’appelante recevait des sommes de 700 $, 800 $ et même 900 $ par période de 2 semaines du payeur ce qui représente occasionnellement beaucoup plus que 10 $ de l’heure pour 35 heures de travail par semaine.

 

[3]     Dans le Rapport de l'entrevue rédigé par un agent de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, et approuvé par l'appelante en date du 27 octobre 2005 (pièce I‑1), l'appelante déclare qu'elle a commencé à travailler pour le payeur au moment de l'ouverture du restaurant en août 2001. À ce moment, elle était encore à l'emploi de Scotia Capitaux Inc. (« Scotia »), mais travaillait tous les soirs et les week‑ends pour le restaurant afin d'aider son conjoint. Selon ce rapport, elle y consacrait environ 60 heures par semaine. Elle y travaillait comme hôtesse, débarrassait les tables, préparait les paies et les horaires des employés, faisait les commissions. Malgré son manque d'expérience, elle aurait commencé à servir aux tables au cours du mois d'octobre 2002. Tout ce temps, elle n'était pas rémunérée. Elle était bénéficiaire de l'assurance‑emploi par suite de la perte de son emploi chez Scotia au printemps 2002. En mars 2003, ne bénéficiant plus d'assurance‑emploi, elle fut inscrite au livre de paie du payeur. Selon la copie du registre de paie déposé sous la pièce I‑5, elle a commencé à recevoir une paie à compter du 15 mars 2003, de 10 $ l'heure avant pourboires. Selon ce même registre, elle était payée pour des semaines variant de 35 heures à 45 heures par semaine. La dernière paie du payeur remonte au 25 octobre 2003. Elle a par la suite réclamé à nouveau de l'assurance‑emploi. Elle dit que le restaurant a subi une première faillite en janvier 2004. Le commerce a été racheté par sa mère mais toujours dirigé par son conjoint. Elle aurait été réengagée par la nouvelle société exploitant le même restaurant, la société 9138‑0840 Québec inc., du 24 janvier 2004 au 31 décembre 2004. Dans son témoignage, elle a dit que le restaurant avait subi une deuxième faillite en janvier 2005. Toutefois, dans une décision de l'Agence du revenu du Canada (« ARC »), en date du 12 mai 2006 (pièce A‑2), l'ARC statue en faveur de l'assurabilité de l'emploi de l'appelante pour les périodes du 24 janvier 2004 au 31 décembre 2004 et du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005, pour un emploi auprès de la même société, 9138‑0840 Québec inc.

 

[4]     Dans son témoignage, l'appelante a dit que son salaire de 10 $ de l'heure était justifié puisqu'elle n'agissait pas simplement comme serveuse (dont la rémunération était de 6,55 $ de l'heure) mais qu'elle exerçait toutes les autres tâches mentionnées plus haut. Or, dans ses demandes de prestations de chômage faites pour la période de travail du 11 mars 2003 au 17 octobre 2003 (pièce I‑2), elle indique qu'elle occupait un emploi comme serveuse et qu'elle était rémunérée 6,55 $ de l'heure pour des semaines de 30 heures. Par ailleurs, dans une demande de renseignements complétée par l'appelante, le 19 août 2005, à l'attention de l'ARC (pièce I‑4), l'appelante déclare avoir reçu le salaire horaire des employés à pourboires au cours de 2003 et que son salaire était payé en fonction du nombre d'heures travaillées. À l'audition, elle a dit qu'elle travaillait beaucoup plus que les heures pour lesquelles elle était rémunérée.

 

[5]     L'appelante me demande de réviser la décision du Ministre. À ce titre, notre Cour ne peut substituer purement et simplement son appréciation à celle du Ministre; ceci relève du pouvoir discrétionnaire octroyé au Ministre en vertu de l'alinéa 5(3)b) de la LAE. Notre Cour doit cependant vérifier si les faits supposés ou retenus par le Ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus et après cette vérification, la Cour doit décider si la conclusion dont le Ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable (Légaré c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.F. no 878 (QL), par. 4).

 

[6]     Ici, le Ministre a considéré qu'un employé sans lien de dépendance n'aurait pas travaillé 15 à 25 heures par semaine en soirée et lors des week‑ends pendant une période de 18 mois (du 27 août 2001 au 9 mars 2003) sans rémunération. Ce fait qui se retrouve à l'alinéa 6 j) de la Réponse, bien que d'abord nié par l'avocat de l'appelante, a été confirmé par l'appelante dans son témoignage. Le Ministre a également retenu que l'appelante recevait des sommes de 700 $ à 900 $ par période de deux semaines du payeur, ce qui représente une moyenne plus que 10 $ de l'heure pour 35 heures de travail par semaine (alinéa 6 p) de la Réponse; voir également le registre de paie, pièce I‑5). Il ne faut pas oublier que l'appelante avait déclaré faire des semaines de 30 heures comme serveuse et être rémunérée en conséquence. L'appelante a confirmé en cour qu'elle travaillait beaucoup plus que 35 heures par semaine mais que sa rémunération était limitée.

 

[7]     Dans l'arrêt Larente c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1997] A.C.F. no 245 (QL), cité par le procureur de l'appelante, la Cour d'appel fédérale indique que pour répondre à la question que soulève le sous‑alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi sur l'assurance‑chômage (devenu l'alinéa 5(3)b) de la LAE), il faut se demander à quelles conditions aurait été employé un tiers qui aurait fourni la même prestation de travail que l'appelante.

 

[8]     J'estime que le Ministre n'a pas erré en concluant qu'un tiers n'aurait pas fourni les mêmes prestations de travail que l'appelante aux mêmes conditions. La période de 18 mois consacrée par l'appelante au commerce du payeur sans rémunération est substantielle. On ne peut parler de « peu de travail qu'il reste à faire en dehors de la période active » d'une entreprise familiale consacrée à du travail saisonnier, comme c'était le cas dans l'arrêt Théberge c. Canada, [2002] ACF no 464 (QL), par. 19, cité par l’avocat de l’appelante. Ici, non seulement l'appelante a consacré plusieurs heures par semaine au payeur pendant une période de 18 mois avant d'être inscrite au registre de paie, mais en plus il semblerait qu’elle aurait fait des heures substantielles de bénévolat également durant les périodes de travail rémunérées. Il n'a pas été démontré en preuve que les autres employés faisaient de même au cours de la période en litige. (Voir Malenfant c. Canada (Procureur général), [2006] A.C.F. no 978 (QL), par. 11).

 

[9]     Compte tenu de l'information donnée par l'appelante à l'ARC au moment de l'enquête, et compte tenu des faits révélés à l'audience, j'estime que le Ministre n'a pas erré en concluant comme il l'a fait, et a exercé sa discrétion de façon raisonnable. J'en serais arrivé moi‑même à la même conclusion.

 

[10]    L'appel est rejeté et la décision du Ministre est confirmée

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de février 2008.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2008CCI59

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-2484(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              DIANE BOURGOUIN c.

                                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 14 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 6 février 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Gilbert Nadon

Avocate de l'intimée :

Me Suzanne Morin

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Gilbert Nadon

 

                 Cabinet :                           Ouellet, Nadon et Associés

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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