Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Référence : 2010 CCI 212

Date : Le 28 avril 2010

Dossier : 2009-2090(EI)

2009-2091(CPP)

ENTRE :

 

BRIAN CHRISTOPHER FLEMING,

 

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

intimé,

 

et

 

FERRELL BUILDERS’ SUPPLY LIMITED

 

intervenante.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Me Roxanne Wong

Représentant de l’intervenante :

 

M. Rohinton Gatta

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS ORALEMENT

 

(rendus oralement par conférence téléphonique le
2 février 2010 à Ottawa (Ontario),
puis modifiés par souci de clarté et d’exactitude.)

 

[1]                   M. Brian Fleming interjette appel des décisions rendues par le ministre du Revenu national au titre du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance-emploi.

[2]                   La question soulevée dans les deux appels est de savoir si M. Fleming exerçait, chez Ferrell Builders’ Supply Limited (ci-après « Ferrell »), un emploi assurable et ouvrant droit à pension au sens des lois susmentionnées, pendant la période du 1er novembre 2004 au 25 juillet 2008.

[3]                   La position de M. Fleming est qu’il était un employé de Ferrell. Ferrell, qui est intervenante dans l’appel, ainsi que l’intimé, sont d’avis que M. Fleming était un entrepreneur indépendant.

[4]                   La Cour a étudié cette question à de nombreuses occasions.

[5]                   Ainsi que le faisait remarquer l’ancien juge en chef Bowman dans Lang v. Minister of National Revenue, 2007 DTC 1754, la plupart des affaires concernant la situation d’employé par rapport à celle d’entrepreneur indépendant sont serrées. Il faut établir l’équilibre entre divers facteurs et faire preuve de jugement et de bon sens.

[6]                   La question à trancher est de savoir si M. Fleming offrait ses services à titre de personne en affaires pour son propre compte ou s’il les exécutait à titre d’employé.

[7]                   Pour trancher la question, il faut examiner les quatre facteurs qui suivent, établis dans Wiebe Door Services Ltd. v. Minister of National Revenue, 87 DTC 5025 : le degré ou l’absence de contrôle exercé par l’employeur, la propriété des outils, les chances de profits et les risques de pertes.

[8]                   Avant d’examiner ces facteurs, je ferai un court résumé des faits. La Cour a entendu les dépositions de deux témoins au cours de l’audience : l’appelant, M. Fleming, et M. Gatta, le directeur général de Ferrell.

[9]                   M. Fleming a mentionné qu’il avait été embauché par Ferrell à titre de représentant des ventes. Il n’a pas signé de contrat écrit avec Ferrell. Toutefois, il estimait être un employé de Ferrell.

[10]              Avant de travailler pour Ferrell, il avait travaillé pour Unilock, l’un des fournisseurs de Ferrell. Il était manifestement un employé chez Unilock. Il recevait un salaire, des avantages sociaux et on lui émettait un T4.

[11]              M. Fleming a affirmé dans son témoignage que son arrangement avec Ferrell était le suivant :

     il touchait une commission de 4 %, sans salaire de base;

     il ne recevait ni avantages sociaux, ni paie de vacances;

     il recevait des avances aux deux semaines sur sa commission;

     en décembre de chaque année, Ferrell comparait les commissions gagnées par M. Fleming au montant qui lui avait été avancé et procédait aux rajustements nécessaires;

     Ferrell payait le téléphone cellulaire et les cartes professionnelles de M. Fleming;

     M. Fleming payait son ordinateur, son bureau à domicile, son télécopieur, son compte de courriel, son mobilier de bureau, sa voiture et ses frais de carburant et de déplacement. Aucune de ces dépenses n’était remboursée par Ferrell.

[12]              Dans son témoignage, M. Fleming a déclaré qu’il recevait ses directives de M. Roy, gestionnaire des installations de Ferrell à Waterloo. Il estimait que M. Roy était son patron.

[13]              À l’appui de cette position, M. Fleming a remis à la Cour les courriels qu’il avait reçus de M. Roy et dans lesquels celui-ci donnait ses instructions à M. Fleming. De plus, M. Fleming a décrit de quelle façon M. Roy approuvait toutes les commandes que M. Fleming obtenait des clients.

[14]              M. Fleming a produit une lettre de recommandation établie à son endroit par M. Roy. Dans cette lettre, M. Roy se décrivait lui-même comme un [traduction] « collègue professionnel et employeur ».

[15]              M. Gatta a fait une description analogue de la relation entre M. Fleming et Ferrell, à une différence importante près : il n’était pas d’avis que M. Roy était le patron de M. Fleming. Dans son témoignage, il a déclaré que M. Fleming travaillait de façon autonome avec peu ou pas de supervision.

[16]              M. Gatta a également décrit la structure de l’activité de vente de Ferrell. Il a fait remarquer que Ferrell avait trois à cinq représentants des ventes indépendants (dont M. Fleming) qui travaillaient à la majorité de ses établissements. Par contre, son principal effectif de vente se composait d’environ 30 vendeurs salariés internes et externes, qui étaient des employés de Ferrell.

[17]              Il a fait remarquer que la relation entre Ferrell et ses vendeurs salariés externes était considérablement différente de celle entre Ferrell et ses représentants des ventes indépendants. Il a donné quelques exemples :

     Les vendeurs salariés externes recevaient un salaire, plus une petite commission de 0,6 %. Les représentants des ventes indépendants ne touchaient qu’une commission de 4 %.

     Les vendeurs salariés externes avaient droit aux prestations médicales et dentaires et à une paie de vacances. Les représentants des ventes indépendants n’avaient droit ni aux avantages sociaux ni à la paie de vacances.

     Le personnel de vente salarié externe obtenait le remboursement des frais de déplacement, notamment le carburant, des frais de représentation engagés pour des clients et du coût des téléphones cellulaires de ce personnel. Les représentants des ventes indépendants n’obtenaient que le remboursement du coût de leurs téléphones cellulaires.

     Les vendeurs salariés externes devaient travailler un certain nombre d’heures fixes, notamment certains samedis. Il n’y avait pas d’horaire fixe pour les représentants indépendants des ventes, et ils n’étaient pas tenus de travailler le samedi.

     La société fournissait aux vendeurs salariés externes des bureaux, des ordinateurs et des comptes de courriel. Aucun de ces éléments n’était fourni aux représentants des ventes indépendants.

     Les vendeurs salariés externes étaient supervisés. Les membres du personnel de vente devaient se rapporter en personne aux bureaux de Ferrell chaque jour. De l’avis de M. Gatta, les représentants des ventes indépendants n’étaient pas supervisés. Ils n’étaient pas tenus de se présenter aux bureaux de Ferrell, et personne ne tenait de registre de leurs horaires de travail.

     Les vendeurs salariés externes recevaient une formation officielle dans le domaine de la vente et assistaient aux programmes de formation en santé et sécurité. De plus, les vendeurs salariés externes recevaient une formation en informatique et concernant les systèmes internes de Ferrell. Cette formation n’était pas offerte aux représentants des ventes indépendants.

[18]              Je vais maintenant procéder à l’analyse de chacun des facteurs pertinents. Prenons tout d’abord le degré ou l’absence de contrôle exercé par Ferrell. C’est un facteur délicat à appliquer, puisqu’il peut y avoir un contrôle tant dans une relation d’emploi que dans une relation d’entrepreneur indépendant.

[19]              Il ressort clairement des éléments de preuve versés au dossier que, bien que l’appelant ait eu la liberté de fixer ses propres horaires de travail, il était, dans une certaine mesure, supervisé par M. Roy, directeur général à Waterloo.

[20]              Toutefois, lorsqu’on compare la relation de M. Fleming avec celle entre Ferrell et les vendeurs salariés externes, il devient évident que le contrôle exercé par Ferrell sur les vendeurs salariés externes était de loin plus intense que celui exercé par Ferrell sur M. Fleming.

[21]              En ce qui a trait à la propriété des outils, en majorité, les outils exigés pour exécuter les services appartenaient à M. Fleming. Cela comprenait son bureau à domicile, un mobilier de bureau, un ordinateur, un télécopieur, une voiture, un téléphone de résidence et un compte de courriel.

[22]              De plus, M. Fleming n’obtenait pas de remboursement pour ses frais de déplacement ou de représentation. Les seuls éléments fournis par Ferrell à M. Fleming étaient un téléphone cellulaire et des cartes professionnelles.

[23]              Passons maintenant aux facteurs qui restent, les chances de profits et les risques de pertes, pris ensemble.

[24]              Si l’on compare la relation financière entre M. Fleming et Ferrell avec celle qui existait entre cette dernière et les vendeurs salariés externes, on constate que M. Fleming exerçait un contrôle sur ses profits et assumait un risque de pertes important.

[25]              M. Fleming avait la possibilité de faire davantage de profits que les vendeurs salariés externes. Il recevait une commission de 4 %, tandis que les vendeurs salariés externes recevaient un salaire et une commission de 0,6 %.

[26]              Il assumait également un risque de pertes plus élevé. Il n’avait pas droit aux prestations médicales ou dentaires. Il devait fournir ses propres outils et ne pouvait obtenir de remboursement de ses frais de déplacement, des programmes d’études ou des frais de représentation.

[27]              Les vendeurs salariés externes n’assumaient aucun de ces risques. Ils bénéficiaient des prestations médicales et dentaires, disposaient des outils appropriés et obtenaient le remboursement de leurs frais de déplacement, des programmes d’études et des frais de représentation.

[28]              En fait, M. Fleming assumait un risque de pertes appréciables. Les commissions étaient son unique revenu et ses dépenses étaient considérables. Il ressort de ses déclarations de revenus que ses frais annuels correspondaient approximativement à 50 % de ses revenus de commission.

[29]              En bref, le rapport, pour le premier facteur, est proche. Toutefois, lorsqu’il s’agit de comparer le contrôle que Ferrell exerçait sur ses vendeurs salariés externes avec celui qu’il exerçait sur M. Fleming, il est évident que le contrôle que Ferrell exerçait sur M. Fleming était moins important que celui qu’un employeur exercerait normalement sur un employé.

[30]              Les deuxième, troisième et quatrième facteurs incitent clairement à conclure qu’il s’agissait d’une relation d’entrepreneur indépendant.

[31]              En plus des facteurs énoncés dans Wiebe Door, précité, la Cour doit également tenir compte des intentions des parties.

[32]              En l’espèce, il y a litige en ce qui a trait à l’intention des parties. M. Fleming affirme que l’intention des parties était d’établir une relation employé‑employeur. Le témoin de Ferrell affirmait que l’intention était d’établir une relation d’entrepreneur indépendant.

[33]              Si nous tenons compte des faits, il est difficile d’admettre le témoignage de l’appelant qui affirmait vouloir établir une relation employé‑employeur. L’appelant avait déjà travaillé dans le cadre d’une relation employé‑employeur par le passé. La Cour a de la difficulté à admettre que l’appelant n’ait pas été conscient que sa relation avec Ferrell était essentiellement différente de sa relation d’employé chez Unilock.

[34]              En outre, l’appelant devait être au courant de la relation entre Ferrell et les vendeurs salariés externes. Il devait savoir que sa relation était considérablement différente.

[35]              Pour tous ces motifs, la Cour conclut que M. Fleming fournissait ses services en qualité de personne en affaires pour son propre compte.

[36]              Par conséquent, les appels sont rejetés.

         Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’avril 2010.

 

« S. D’Arcy »

Juge D’Arcy

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de février 2014.

 

C. Laroche

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