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Dossier : 2007-4765(IT)G

ENTRE :

DONALD PELLETIER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 13 mai 2009 et

les 15 et 16 mars 2010, à Shawinigan (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me François Daigle

 

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Claude Landry

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 sont admis en partie et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations, selon les motifs du jugement ci‑joints. L'intimée a droit à ses dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de mai 2010.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Référence : 2010 CCI 224

Date : 20100513

Dossier : 2007-4765(IT)G

ENTRE :

DONALD PELLETIER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]              L'appelant interjette appel des nouvelles cotisations établies par l'Agence du Revenu du Canada (l'ARC) et portant sur les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 de l'appelant. Dans ces avis de cotisation, le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a révisé le revenu imposable de l'appelant de la façon suivante :

 

 

Année d'imposition en litige :

 

2000

 

2001

 

2002

 

Revenu imposable antérieur :

 

82 313 $  

 

11 361 $ 

 

14 183 $ 

 

Ajouter :

 

 

 

Revenu d'entreprise non déclaré par avoir net

28 438 $ P

15 268 $ P

6 520 $ P

Avantage à l'actionnaire – mobilier acquis par la compagnie

 

0

 

5 171 $   

 

Avantage à l'actionnaire – dépense faite par la compagnie

 

1 832 $

 

0

 

0

Dépenses de sous-traitant refusées

35 046 $

0

0

Avantage à l'actionnaire – utilisation du chalet

22 620 $

22 620 $

20 802 $

Écart

1 667 $

 

 

Perte sur vente de terrain non déclarée

 

(666 $)

 

0

 

0

Gain imposable sur vente de garage non déclaré

 

0

 

0

 

1 975 $

Déduire :

 

 

 

Déduction supplémentaire au RRQ

0

(657 $)

(306 $)

Revenu imposable révisé :

171 249 $

53 763 $

43 174 $

 

[2]              Le ministre a également imposé une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») sur les revenus d'entreprise non déclarés et qui ont été évalués par la méthode de l'avoir net pour chacune des années d'imposition, soit des montants de 28 438 $, 15 268 $ et 6 520 $ respectivement.

 

[3]              À l'étape des oppositions, après la présentation des observations du représentant de l'appelant à l'agente des oppositions, cette dernière a réduit l'avantage conféré à l'actionnaire visant l'utilisation d'un chalet selon le tableau ci-dessous et elle a annulé l'avantage à l'actionnaire concernant des achats de mobilier faits par la compagnie Domaine Ste-Flore Inc. (Domaine) pour le chalet utilisé à des fins personnelles. Les changements effectués donnent le résultat suivant :

 

 

Année d'imposition en litige :

 

2000

 

2001

 

2002

 

Revenu imposable antérieur (selon cotisation du 18 octobre 2005) :

 

171 249 $

 

53 763 $

 

43 174 $

 

Annuler :

 

 

 

Avantage à l'actionnaire – mobilier acquis par la compagnie

 

0

 

(5 171 $)

 

(1 484 $)

Diminuer :

 

 

 

Diminution de l'avantage à l'actionnaire pour l'utilisation du chalet

(13 565 $)

(16 103 $)

(17 328 $)

Revenu imposable révisé :

157 684 $

32 489 $

24 362 $

 

[4]              La Cour doit déterminer si le ministre a correctement ajouté pour les années d'imposition en question des revenus imposables non déclarés de même que des pénalités sur les revenus non déclarés de 28 438 $, de 15 268 $ et de 6 520 $ pour chacune des années d'imposition respectives en application du paragraphe 163(2) de la Loi. Il faudra aussi déterminer si le Ministre était justifié d'établir de nouvelles cotisations pour les années d'imposition 2000 et 2001, soit au-delà de la période normale de cotisation et, finalement, il faudra déterminer si le ministre a correctement établi la valeur de l'avantage conféré à l'appelant à la suite de l'utilisation personnelle d'un chalet du Domaine durant les années en question.

 

[5]              Durant les trois années en question, l'appelant était le président, l'administrateur et l'unique actionnaire du Domaine de même que le principal responsable de l'exécution des tâches nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise.

 

[6]              Le Domaine exploite une entreprise d'hébergement récréotouristique près de Ste-Flore de Grand-Mère, sur le lac Chrétien. Onze chalets pouvant accueillir jusqu'à 122 personnes sont à louer pendant toute l'année. Les clients peuvent également faire la location d'équipement pour s'adonner aux activités saisonnières de leur choix.

 

[7]              L'appelant ou sa conjointe sont disponibles sur demande pour effectuer les tâches inhérentes à la bonne marche du Domaine. Leurs responsabilités se rapportent principalement à l'accueil de la clientèle, au service à la clientèle et aux réservations. L'appelant s'occupe de l'entretien des chalets et des autres lieux, dont les sentiers, le terrain et la patinoire, et des réparations mineures. Il voit aussi à l'entretien ménager des chalets, aux comptes à payer et à recevoir, aux horaires de travail, etc.

 

[8]              Pour effectuer toutes ces tâches, l'appelant, son épouse et leur fils occupent et ont occupé un des chalets du Domaine qui sert à l'accueil de la clientèle et qui sert aussi de bureau et de remise pour les besoins du Domaine. Au stade de la vérification, le montant de l'avantage conféré à l'actionnaire pour l'utilisation de ce chalet à des fins personnelles avait été établi à 500 $ par semaine pour les trois années en question. À ce montant, la vérificatrice a ajouté les frais d'habitation, tels que les assurances, les taxes scolaires et municipales, moins le montant de l'avantage tel qu'établi par l'appelant, soit 450 $ par mois pour un total de l'avantage conféré à l'appelant de 22 620 $ pour les années d'imposition 2000 et 2001 et de 23 268 $ pour l'année d'imposition 2002.

 

[9]              À l'étape de l'opposition, l'intimée a fait appel à un expert en évaluation immobilière, soit madame Nathalie Locas, qui a d'ailleurs témoigné à l'audience. Son mandat consistait à évaluer la valeur de l'avantage lié à l'utilisation personnelle par l'appelant du chalet en question. Étant donné qu'il lui était difficile d'estimer une valeur locative à l'aide de données comparables, elle a procédé à l'établissement de la juste valeur marchande (JVM) au moyen d'un taux de rendement normal sur le capital investi. Cette méthode aurait aussi pu être fondée sur le coût réel du bien au lieu de la JVM. Selon son rapport, il s'agit du principe d'anticipation qui veut que la valeur d'un bien provienne de bénéfices de toute nature qu'un propriétaire prévoit en retirer dans le futur puisque l'acquéreur d'un bien anticipe un rendement raisonnable de son investissement sous forme de revenus nets annuels.

 

[10]         Elle a donc établi la JVM du chalet en question à 141 000 $. Elle y a attribué un taux global de rendement tiré d'une approximation provenant de divers marchés. Pour l'année d'imposition 2000, le taux de rendement par sommation était de 8,82%, il était de 7,02% pour l'année d'imposition 2001 et de 6,15% pour l'année d'imposition 2002. La valeur de l'avantage est donc de 12 436 $ pour 2000, de 9 898 $ pour 2001 et de 8 672 $ pour 2002. Pour obtenir le montant total de l'avantage annuel, il faut ajouter les frais d'habitation engagés par le Domaine, tels que le chauffage, les taxes, les assurances, l'électricité et l'entretien.

 

[11]         Le rapport et le témoignage de l'expert ne prennent pas en considération une partie du chalet en question, soit la réception, le bureau et la remise qui sont utilisés par le Domaine. Selon l'expert, c'est à la vérificatrice de répartir ce pourcentage d'utilisation. L'expert n'a pas non plus tenu compte de la présence de l'appelant sur les lieux 24 heures par jour, 7 jours par semaine, au niveau du calcul de l'avantage conféré à l'appelant, ni du fait que la jouissance paisible des lieux pouvait être perturbée par la présence régulière des clients du Domaine dans le chalet qu'occupent l'appelant et sa famille. Il s'agit de facteurs qui auraient pu être pris en considération sauf que cela ne faisait pas partie du mandat de l'expert.

 

[12]         De son côté, l'appelant évalue son avantage à 450 $ par mois, montant qu'il a ajouté à ses revenus pour les trois années d'imposition. Il explique que le Domaine a fait l'objet d'une vérification en 1999 et que c'est à la suggestion du vérificateur de l'époque qu'il a établi la valeur de l'avantage à 450 $ par mois. Aucune autre preuve n'a été produite sur cette question, sauf l'évaluation municipale du chalet en question.

 

[13]         Une description assez détaillée du chalet en question, de même que les proportions d'utilisation de chacune des pièces du chalet faite par l'appelant et le Domaine, se trouvent principalement à la pièce A-4.  Il ne fait aucun doute que la pièce désignée « bureau et accueil » sert à 100% aux besoins du Domaine. Il y a également des endroits qui servent d'espace de rangement pour le Domaine et il arrive sûrement à l'occasion que des clients utilisent la salle de bain au rez-de-chaussée. Il y a aussi des endroits, tels que l'atelier, dont le Domaine et l'appelant se servent. La difficulté dans toute cette affaire repose sur le fait que les proportions d'utilisation ne sont que des estimations ou des approximations dépendant de plusieurs facteurs parfois impossibles à évaluer.

 

[14]         Il s'agit donc de déterminer la valeur de l'avantage conféré à l'appelant en ce qui concerne l'utilisation du chalet en question. À mon avis, chaque cas est un cas d'espèce et il est important d'analyser l'ensemble des faits et des circonstances qui mènent à l'obtention d'un avantage et d'en établir la valeur. Certains avantages seront plus difficiles que d'autres à évaluer selon les circonstances.

 

[15]         En l'espèce, la valeur de l'avantage établi par la vérificatrice à l'étape de la vérification a été calculée en utilisant comme base la juste valeur marchande locative d'un tel chalet à des fins commerciales en considérant certains facteurs tels que le taux d'occupation pour arriver à un taux de 500 $ par semaine auquel on a ajouté les frais d'habitation tels que les assurances et les taxes municipales et scolaires, moins le montant de l'avantage que s'était cotisé l'appelant, ce qui explique le montant de 22 620 $ pour les années 2000 et 2001 et de 23 268 $ pour l'année 2002.

 

[16]         À mon avis, c'est avec raison que la valeur de cet avantage a été réduite à l'étape de l'opposition. La valeur de l'avantage tel qu'établie aurait pu être considérée normale et raisonnable dans des circonstances si le chalet en question avait été mis à la disposition d'un actionnaire sans contrainte quelconque ou encore durant une période de location dans le contexte de ses vacances. Je ne crois pas qu'une personne s'établirait sur une base annuelle dans un logement à des fins résidentielles telles que décrites dans la présente, à un taux de location de 500 $ par semaine, plus tous les frais de d'habitation. Il faut regarder la valeur de l'avantage dans le contexte de l'économie que représente cet avantage pour la personne qui le reçoit.

 

[17]         En l'espèce, on peut se poser la question à savoir quel serait le taux normal et raisonnable d'une location résidentielle semblable pour le contribuable en question et sa famille en tenant compte de toutes les commodités d'usage dont ils disposent. À l'étape de l'opposition, l'experte a utilisé une formule qui, à mon avis, favorise le Domaine puisqu'elle est basée sur un taux de rendement idéal ou sur une valeur d'un bien qui étaye un rendement raisonnable d'un investissement sous forme d'un revenu annuel. Cette formule, à mon avis, ne tient pas compte de tous les facteurs pouvant affecter un rendement annuel au terme d'une location de logement à des fins résidentielles. Il suffit d'ajouter le remboursement d'un prêt garanti par le bien en question pour en affecter le rendement ou encore de se demander si les taxes foncières d'un logement résidentiel ou les assurances sur l'immeuble loué sont la responsabilité habituelle d'un locataire.

 

[18]         La valeur de l'avantage à l'étape de l'opposition a été déterminée par l'experte à 1 204 $ par mois (incluant les frais d'habitation) pour l'année d'imposition 2000, à 993,08 $ par mois pour 2001 et à 945 $ par mois pour 2002. Elle a par la suite retranché le loyer que l'appelant avait déclaré dans son auto-cotisation.

 

[19]         À mon avis, cela reflète davantage le rendement souhaité du Domaine ou d'un propriétaire plutôt que la valeur d'un taux de location résidentiel pour un contribuable dans des circonstances similaires. Il faut tenir compte du fait que l'appelant n'occupe pas tout le chalet à des fins personnelles et que  la jouissance paisible des lieux est perturbée de façon constante à toute heure de la journée. Je suis convaincu que, dans bien des cas, cela pourrait être considéré un désavantage plutôt qu'un avantage.

 

[20]         Compte tenu de la preuve entendue et des circonstances particulières de l'espèce, les pourcentages d'utilisation de part et d'autre, des commodités des lieux et de la perte de jouissance et d'exclusivité, j'établis la valeur de l'avantage à 750 $ par mois incluant tout et il faudra retrancher de ce montant le loyer que l'appelant a déclaré dans son auto-cotisation.

 

[21]         Le deuxième point en litige concerne le calcul de l'écart par avoir net. Lors de la vérification du Domaine, la vérificatrice, madame Chantal Pichette, a constaté qu'il y a eu beaucoup d'opérations bancaires dans le compte de l'appelant, dont des sorties de fonds de l'ordre de 202 000 $ durant l'année d'imposition 2000. Elle a donc procédé à une vérification par la méthode de l'avoir net. Cette méthode consiste à établir la variation entre l'actif et le passif d'un contribuable en tenant compte de ses dépenses personnelles.

 

[22]         En l'espèce, la vérificatrice a témoigné ne pas avoir utilisé d'estimation pour les fins de ses calculs. Les éléments de l'actif et du passif, sont étayés par des pièces justificatives. Quant aux dépenses personnelles, il s'agit d'un cumul des sorties de fonds de tous les comptes bancaires personnels de l'appelant et de sa conjointe appuyés par des pièces justificatives. La vérificatrice témoigne avoir porté une attention particulière pour qu'il n'y ait pas de dédoublement en enlevant toutes les sorties de fonds se rattachant à une acquisition figurant dans le poste d'actif et en enlevant toute sortie de fonds se rattachant à un paiement de dette figurant dans les postes de passif.

 

[23]         Elle a pris le soin de faire confirmer par l'appelant tous les éléments ayant servis aux calculs de l'avoir net. Le total de l'écart pour les trois années d'imposition est de 160 958 $. La vérificatrice a, par la suite, réussi à faire certains redressements de cette somme et elle a été capable d'identifier des sources de dépenses pour un total de 110 773 $ pour les trois années en question, laissant un montant total de 50 225 $ de revenus d'entreprises non déclarés pour les trois années d'imposition. C'est ce dernier montant qui a servi au calcul de la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Pour les fins du dossier, je reproduis en entier l'annexe-1 des calculs de l'écart par avoir net.

 

 

Voir la page suivante pour le tableau « ANNEXE-1».

 

 

 

 

[24]         À l'étape des oppositions, l'agente des appels a annulé l'attribution à l'actionnaire des achats de mobiliers faits par Domaine pour le chalet utilisé à des fins personnelles, soit le montant de 5 171 $ en 2001 et de 1 484 $ en 2002, ainsi que l'inscription de ces actifs dans l'avoir net de l'appelant. Elle a aussi, comme on le sait, réduit l'avantage à l'actionnaire relativement à l'utilisation du chalet. Pour ce qui est du reste des calculs de l'écart par avoir net, ils ont été tous maintenus.

 

[25]         Selon la vérificatrice et l'agente des appels, l'appelant ou ses représentants ont fait peu d'observations concernant l'avoir net si ce n'est le fait que l'appelant a touché une importante somme d'argent en l'an 2000 dans le cadre du règlement d'un sinistre par ses assureurs à la suite de la destruction par le feu d'un immeuble lui appartenant. Il y a eu plusieurs échanges et quelques rencontres entre la vérificatrice et l'appelant, sa comptable et son représentant juridique à l'époque. Très peu d'information ou d'explications ont été apportées par l'appelant ou par ceux qui le représentaient, de sorte que la cotisation a été établie après qu'aient été apportés les seuls changements que l'on connaît.

 

[26]         En l'espèce, il s'agissait pour l'appelant d'expliquer ses sorties de fonds (le 202 000 $). Plusieurs sorties de fonds ont été expliquées avec pièces justificatives à l'appui, par le fait qu'il s'occupait de faire la construction des chalets pour des particuliers au Domaine et qu'il payait les matériaux et la main-d'œuvre. Il n'a cependant pas été capable de tout justifier et il n'a pas fourni à la vérificatrice d'explications valables. En fait, l'appelant a été incapable de justifier de nombreuses sorties de fonds. En guise d'exemple, l'appelant et le comptable ignoraient tout au su d'une sortie de fonds de 21 000 $ qu'il aurait effectué, à savoir 210 billets de $100.

 

[27]         L'appelant a produit sur papier une description pouvant expliquer des sorties de fonds mais n'a pas fourni de pièces justificatives à l'appui. Parmi ces montants, on y trouve un total de 35 046 $ qui représente des salaires et des postes liés, je le présume, à la construction des chalets. La vérificatrice a demandé plus de détails afin de confirmer le tout, mais elle n'a rien reçu. L'appelant n'a rien présenté au procès étayant les sorties de fonds, sauf qu'il payait des dépenses liées à la construction des chalets.

 

[28]         On trouve aussi à quelques reprises sur les feuilles descriptives, que l'appelant a fournies à la vérificatrice, une sortie de fonds de 800 $ accompagnée des lettres DO. Questionné là-dessus lors de la vérification, il avait répondu que DO signifiait Donald (son prénom) et qu'il n'avait pas besoin de déclarer ces montants car il rendait des services. À l'audience, il a expliqué qu'il ne se souvenait pas de la réponse qu'il a fournie à la vérificatrice et a ajouté qu'il ne s'agissait pas d'un paiement qu'il avait reçu. Il dit qu'il lui a peut-être mentionné que DO voulait dire Domaine. Il aurait fait pour le Domaine du travail avec une rétrocaveuse lié à la construction de chalets et il pourrait s'agir de cela. Chose certaine, il a admis ne pas avoir déclaré ces montants. J'ai compté 5 retraits de 800 $, certains ayant été faits en argent. Trois de ces montants sont inscrits sur des feuilles de temps hebdomadaires, ce qui, à mon avis, indique qu'il s'agit d'un salaire plutôt que du travail de rétrocaveuse.

 

[29]         Il ne fait aucun doute qu'à la lumière de la preuve entendue, l'appelant faisait, durant les années d'imposition en question, la construction de chalets pour des particuliers désireux de posséder un chalet au Domaine et d'en confier la location à cette entreprise. Nonobstant les affirmations du représentant de l'appelant, ce dernier devait maintenir une comptabilité adéquate pouvant lui permettre de justifier les entrées de fonds dans son compte personnel et surtout les sorties de fonds qui servaient à payer les dépenses liées à la construction des chalets, particulièrement en ce qui concerne les années en question. Un des particuliers qui a fait construire son chalet par l'appelant est venu témoigner qu'il avait confié à l'appelant la supervision des travaux sans rémunération. Il a par ailleurs transféré des sommes d'argent à l'appelant pendant la construction mais le montant transféré constitue un chiffre rond et rien ne me porte à croire qu'il y ait eu reddition de compte. Tout me porte à croire qu'il s'agissait plutôt d'un prix fixe pour la construction, soit  105 000 $, ce qui ne comprenait pas le terrain, selon ce témoin.

 

[30]         L'appelant a d'ailleurs avoué à la vérificatrice qu'il s'occupait effectivement de construire des chalets. Il faisait lui-même l'achat des matériaux, il s'occupait de l'embauche des travailleurs et il y travaillait lui-même. Il s'occupait de payer les factures dont certaines qu'il avait dressées lui-même, telles que les factures de 800 $ au nom de DO.

 

[31]         Ces travaux de construction entrepris par l'appelant sous la forme décrite ont généré des revenus d'entreprise et l'appelant avait donc une obligation de tenir des registres et des livres comptables suffisamment détaillés pour permettre une vérification adéquate de son entreprise. En l'espèce, la vérificatrice n'a pas été en mesure de faire un travail acceptable en fonction des renseignements dont elle disposait et, à mon avis, elle était justifiée de recourir à la méthode de calcul de l'écart par avoir net.

 

[32]         Le travail accompli par la vérificatrice en l'espèce est aussi, à mon avis, sans reproche. À l'exception des redressements à l'étape de l'opposition et de la détermination de l'avantage à l'actionnaire concernant l'usage du chalet, le calcul de l'écart par avoir net tient compte de toutes les allégations soulevées par l'appelant dans ses arguments, particulièrement celle voulant qu'il ait reçu une somme d'argent considérable en 2000 à la suite du règlement pour la perte de son immeuble par le feu et que ce montant d'argent expliquerait de nombreuses sorties de fonds.

 

[33]         Il n'y a rien dans la preuve qui puisse me permettre de mettre en doute le résultat des calculs de l'avoir net effectués par la vérificatrice. La vérificatrice a expliqué qu'elle s'est appuyée sur des pièces justificatives pour établir tous les éléments de l'actif et du passif compte tenu des rajustements auxquels elle a ajouté les dépenses personnelles qui, en l'espèce, étaient les sorties de fonds. L'appelant a confirmé lors des entrevues tous les éléments de ces calculs et la preuve avancée ne me permet pas de modifier ces données.

 

[34]         J'accepte le témoignage de la vérificatrice lorsqu'elle dit avoir porté une attention particulière pour qu'il n'y ait pas de dédoublement en enlevant toutes les sorties de fonds se rattachant à une acquisition figurant dans les postes d'actif et en enlevant toute sortie de fonds se rattachant à un paiement de dette figurant dans les postes de passif.

 

[35]         En ce qui concerne la rubrique « dépense refusée sous-traitante » et la somme correspondante de 35 046 $ pour l'année d'imposition 2000, l'appelant n'a fourni aucune explication ni pièce justificative pouvant étayer les dépenses. Il me semble évident que plusieurs opérations avec des sous-traitants et des ouvriers se faisaient en argent liquide, ne laissant ainsi aucune trace. L'appelant n'a jamais répondu aux questions de la vérificatrice sur les récipiendaires de cet argent. La seule modification au calcul de l'avoir net sera donc faite à la rubrique de l'avantage à l'actionnaire où l'on réduit l'écart par avoir net mais sans pour autant modifier le revenu d'entreprise non déclaré et assujetti à la pénalité.

 

[36]         L'appelant est un homme d'affaires chevronné qui a travaillé dans le domaine de la gestion d'édifices à logement et qui gère le Domaine sur le plan quotidien ainsi que les activités de construction de quelques chalets. Il n'était pas sans savoir qu'il était important de tenir une comptabilité adéquate et qu'il devait déclarer tous ses revenus. Il a admis à la vérificatrice avoir omis de déclarer des sommes de 800 $ qu'il a perçues au moins à cinq occasions durant l'année d'imposition 2000. Il a par la suite affirmé qu'il se pouvait que ces sommes étaient destinées au Domaine mais il a dit qu'il n'en était pas certain. À mon avis, l'appelant sait très bien qu'il a perçu ces sommes et son incapacité à répondre à simples questions, que ce soit lorsqu'il a été interrogé par la vérificatrice ou à l'audience, démontre son intention de feindre l'hésitation et d'omettre de divulguer ce qu'il sait. L'appelant, à mon avis, a rendu des services pour lesquels il a été rémunéré ou a fait des profits et il ne les a pas déclarés. L'appelant a donc fait une présentation erronée des faits par omission volontaire au sens du paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) en ne déclarant pas tous ses revenus pour les années d'imposition 2000 et 2001. Le Ministre était donc justifié d'établir, à l'égard des années d'imposition 2000 et 2001, de nouvelles cotisations en dehors de la période normale de cotisation pour ces deux années.

 

[37]         Il en va de même pour l'imposition des pénalités pour les trois années d'imposition. Le Ministre, selon la preuve entendue, était justifié d'imposer à l'appelant les pénalités puisqu'il ne fait aucun doute que l'appelant a fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé et des omissions au sens du paragraphe 163(2) de la Loi lors de la production de ses déclarations de revenus pour les trois années d'imposition en litige. (Voir Lacroix c. Canada, 2008 CAF 241).

 

[38]         Les appels sont admis en partie et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations.

 

[39]         L'intimée a droit à ses dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de mai 2010.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 224

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-4765(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Donald Pelletier et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Shawinigan (Québec)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               le 13 mai 2009 et les 15 et 16 mars 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 13 mai 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me François Daigle

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Claude Landry

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                            Me François Daigle

 

                 Cabinet :                           Heenan Blaikie, S.E.N.C.R.L., SRL

                                                          Trois-Rivières (Québec)

                                                         

 

       Pour l’intimée :                            Myles Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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