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Dossier : 2010-329(IT)G

ENTRE :

BENJAMIN R. HOFFMAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

Requête entendue le 5 mai 2010, à Halifax (Nouvelle‑Écosse).

 

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Martin Hickey

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

          LA COUR ORDONNE QUE :

 

1.       L’appelant dépose et signifie un avis d’appel modifié précisant que l’appel est interjeté à l’encontre d’une détermination de perte dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance, à défaut de quoi l’avis d’appel sera annulé.

2.       L’intimée dépose et signifie une réponse à l’avis d’appel modifié dans les 60 jours suivant le dépôt de l’avis d’appel modifié.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de mai 2010.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9jour de mai 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 267

Date : 20100313

Dossier : 2010-329(IT)G

ENTRE :

BENJAMIN R. HOFFMAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Miller

 

[1]             L’intimée a présenté une requête en vue d’obtenir que l’avis d’appel de l’appelant soit rejeté, ou, subsidiairement, que la Cour accorde à l’intimée un délai de 60 jours suivant la date d’une ordonnance rendue à l’égard de la requête pour déposer une réponse.

 

[2]              Le Dr Benjamin Hoffman a interjeté appel le 15 décembre 2009, arguant que la cotisation visée par l’appel portait sur ce qui suit : [traduction] « Émigration – déclarations de revenus pour 2000 de Benjamin R. Hoffman, date d’établissement de la cotisation : 10 juillet 2007. Deuxième production d’une déclaration de revenus pour 2007 dans laquelle Deloitte demande un report rétrospectif des pertes : 20 décembre 2007 ». Il a poursuivi en décrivant dans l’avis d’appel les questions en litige comme étant une [traduction] « perte en capital de 177 567 $ subie par Benjamin Hoffman quant à la société PRI. Une perte en capital de 15 000 $ subie par Benjamin Hoffman quant à la société INC. Une perte au titre d’un placement d’entreprise de 83 700 $ quant à la société INC ». (les « pertes »).

 

[3]             La cotisation établie le 10 juillet 2007 à l’égard de l’année d’imposition 2000 du Dr Hoffman était une cotisation portant qu’aucun impôt n’est à payer. Il est bien établi en droit qu’on ne peut pas en appeler d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est à payer (voir l’arrêt Canada c. Interior Savings Credit Union[1]) et, de prime abord, cela semble rapidement régler l’appel interjeté par le Dr Hoffman, mais il est important d’examiner l’historique des discussions que celui‑ci a eues avec l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») pour bien comprendre ce sur quoi porte réellement l’appel interjeté par le Dr Hoffman.

 

[4]             Le Dr Hoffman a émigré du Canada en 1999. Il a déclaré des gains en capital importants. À la suite des communications qu’il y a eu avec l’ARC, il a en quelque sorte été établi que, pour des raisons fiscales, la date de son émigration était le 1er janvier 2000. Je n’ai reçu aucune explication adéquate à cet égard. Ce n’est qu’au printemps 2006 qu’il a été établi que les pertes n’étaient pas considérées comme des pertes en 1999. Une lettre datée du 22 août 2006, provenant du cabinet Deloitte and Touche (le cabinet « Deloitte ») agissant pour le compte du Dr Hoffman et adressée au bureau de district de l’ARC à Halifax, commence ainsi :

 

[traduction]

 

Pour faire suite à nos discussions antérieures, et aux propositions que vous avez formulées à cet égard, nous aimerions présenter les observations suivantes pour le compte de notre client susmentionné relativement à son année 2000 : [Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

Deloitte poursuit ainsi dans sa lettre :

[traduction]

[…]

 

Par conséquent, le Dr Hoffman souhaite maintenant produire sa dernière déclaration de revenus pour 2000 en tant qu’émigrant, afin de se conformer aux exigences concernant sa période de résidence canadienne.

 

[…]

 

Deloitte décrit ensuite les pertes, bien qu’il s’agisse maintenant des pertes de 2000. Et, plus loin dans la lettre, Deloitte fait la déclaration suivante :

[traduction]

          […]

 

Nous accusons réception de vos avis de nouvelle cotisation pour les deux années d’imposition 1998 et 1999, dont chacun est daté du 10 avril 2006. Notre client admet que les impôts à payer à l’égard de chaque avis sont de manière générale exacts, avant les rajustements supplémentaires demandés dans cette lettre. [Non souligné dans l’original.]

 

Les rajustements demandés sont les reports rétrospectifs des pertes.

 

[…]

 

[5]             À la suite de la lettre susmentionnée, le Dr Hoffman a produit une déclaration de revenus pour 2000 en novembre 2006 dans laquelle il a déduit les pertes. Cela a donné lieu à la cotisation établie le 10 juillet 2007 portant qu’aucun impôt n’est à payer.

 

[6]             Deloitte a encore une fois écrit au bureau de district de l’ARC à Halifax, après d’autres communications avec l’ARC, cette fois‑ci en décembre 2007. Voici en partie la teneur de sa lettre :

 

[traduction]

 

[…] Malgré cette cotisation, la perte en capital nette au moment de l’émigration […] n’a pas fait l’objet d’un report rétrospectif aux années 1998 et 1999, comme cela avait été demandé. Nous aimerions donc demander l’établissement d’une nouvelle cotisation visant à reporter rétrospectivement les pertes aux années 1998 et 1999. [Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

[7]             Par la suite, Deloitte a [traduction] « présent[é] une demande au titre du paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour qu’une nouvelle cotisation soit établie, avec le consentement du contribuable, à l’égard des années d’imposition 1998 et 1999 ».

 

[8]             Le 14 avril 1999, quinze mois plus tard, l’ARC a répondu et a avisé le Dr Hoffman que le délai pour l’établissement de nouvelles cotisations pour 1998 et 1999 était expiré et qu’elle [traduction] « ne [pouvait] pas maintenant établir de nouvelles cotisations à l’égard des déclarations de revenus pour 1998 et 1999 relativement à une perte déduite dans la déclaration de revenus pour 2000 ». L’ARC estimait qu’en l’absence d’autres documents, elle ne pouvait pas conclure que les pertes avaient été subies en 2000 et que, en tout état de cause, si pertes il y avait, elles ne pourraient maintenant qu’être déduites dans les années subséquentes, non en 1998 et en 1999. Il ne faisait aucun doute pour personne que le souhait du Dr Hoffman était de demander la déduction des pertes en 2000 afin de pouvoir obtenir un report rétrospectif de ces pertes aux années d’imposition 1998 et 1999.

 

[9]             Plus tard, en avril 2009, le Dr Hoffman a fourni d’autres renseignements à l’ARC, auxquels celle‑ci a répondu le 17 juin 2009, en réitérant qu’il était trop tard pour procéder à un report rétrospectif des pertes et en précisant que l’ARC n’avait pas reçu suffisamment de documents pour étayer les pertes et que la déduction des pertes supplémentaires demandée dans la déclaration T1 pour 2000 était refusée. L’ARC a déclaré qu’elle avait [traduction] « terminé [son] examen relativement aux renseignements supplémentaires que [le Dr Hoffman avait] présentés afin d’établir [s’il avait] subi des pertes dans l’année d’imposition 2000, qui pourraient faire l’objet d’un report prospectif à des années ultérieures ». [Non souligné dans l’original.]

 

[10]        Le 25 août 2009, le Dr Hoffman a répondu à Mme Mead, une vérificatrice de l’ARC au bureau de district de l’ARC à Halifax et a souligné les sujets de désaccord. Par la suite, le Dr Hoffman a présenté une demande en septembre en vue d’obtenir que sa lettre du 25 août 2009 soit considérée comme son avis d’opposition.

 

[11]        La position de l’intimée est claire :

 

1.       On ne peut en appeler d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est à payer.

 

2.       L’avis d’opposition du 25 août 2009, énoncé comme tel en septembre 2009, accuse un retard de plus de deux ans et est donc présenté hors délai, étant donné que le délai pour s’opposer à la cotisation établie le 10 juillet 2007 se terminait le 8 octobre 2007.

 

3.       Aucune demande de détermination de perte n’a été présentée, et le ministre du Revenu national (le « ministre ») n’a délivré aucun avis de détermination de perte. L’intimée soutient que l’appelant n’a demandé que le report rétrospectif des pertes, et non une détermination de perte.

 

4.       En se fondant sur la récente décision Fonds Fidelity Potentiel Mondial c. La Reine[2], rendue par la juge Valerie Miller, l’intimée affirme que l’avis d’opposition ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 165(2) de la Loi en ce sens qu’il doit être adressé au chef des Appels d’un bureau de district ou d’un centre fiscal, et qu’il ne suffit pas de simplement l’adresser au bureau de district.

 

[12]        Avant de me pencher sur chacun des arguments susmentionnés, j’aimerais faire des observations au sujet de quelque chose que cette affaire met malheureusement en évidence : les dispositions d’une haute technicité et d’une haute complexité, qui sont censées servir de lignes directrices aux contribuables qui tentent de régler des désaccords qu’ils pourraient avoir avec le gouvernement, se transforment trop souvent en des obstacles infranchissables pour les contribuables, sapant ainsi l’objet même de leur existence. Le contribuable a certainement la responsabilité de bien comprendre comment il faut procéder ou, à tout le moins, il doit en savoir assez pour demander l’aide de professionnels. Pourtant, en l’espèce, nous sommes en présence d’une personne qui a une énorme dette à payer à son départ du Canada, laquelle dette a été, à son avis, placée dans la mauvaise année par le gouvernement, mais, plus important encore, d’une personne qui croit que la dette peut en quelque sorte être compensée par les pertes qu’elle a subies à son départ. Elle a recours aux services de professionnels. Elle demeure constamment en communication avec l’ARC. Elle semble suivre les propositions de l’ARC et consent à ce qu’il soit considéré que la date de son départ soit le 1er janvier 2000, bien qu’elle sache pertinemment qu’elle est partie en 1999. Elle fait preuve de collaboration avec l’ARC et fournit tous les renseignements qu’elle peut. L’ARC lui fait subir des retards considérables. Elle précise clairement qu’elle cherche à obtenir que l’ARC admette les pertes, de telle sorte que celles‑ci puissent être appliquées à ses années d’imposition 1998 et 1999. Et maintenant, voilà qu’après dix ans, on lui dit qu’elle n’a pas subi de pertes, qu’elle n’a plus le droit d’interjeter appel et que, même si elle arrivait à obtenir gain de cause à la Cour relativement à son année d’imposition 2000, elle ne pourrait toujours pas effectuer de report rétrospectif des pertes. Il y a quelque chose qui ne va pas ici.

 

[13]        Il ne semble pas que cette situation soit liée à quelques difficultés que ce soit causées par un agent de l’ARC en particulier : en effet, Mme Mead de l’ARC semble avoir été méticuleuse pour traiter les préoccupations du Dr Hoffman. À mon avis, là où le bât blesse, c’est que le système est devenu tellement compliqué que, non seulement le contribuable est désorienté, mais aussi les conseillers et les personnes chargées d’appliquer la Loi se creusent la tête pour savoir quelle voie prendre. Lorsqu’il faut appliquer des règles complexes, édictées par le gouvernement, pour remplir comme il faut les coffres du gouvernement au moyen de la perception des impôts, tous les participants devraient se serrer les coudes pour y arriver. Le Dr Hoffman, Deloitte et l’ARC savaient tous quels étaient les objectifs du Dr Hoffman : obtenir que les pertes puissent être appliquées à ses années d’imposition 1998 et 1999. Si l’ARC n’était pas convaincue (et manifestement, elle ne l’était pas) que le Dr Hoffman avait subi des pertes, celui‑ci, dans le cours normal des choses, aurait eu la possibilité de demander à la Cour d’examiner la question. Pourquoi le Dr Hoffman semble-t-il maintenant être dans une situation où il a perdu ce droit?

 

[14]        À mon sens, le Dr Hoffman et ses conseillers ont choisi la voie administrative, plutôt que la voie judiciaire, comme voie de recours, dans l’espoir qu’une explication raisonnable serait acceptable par l’ARC et que les déclarations seraient simplement rajustées en conséquence. Aux yeux du Dr Hoffman, si l’ARC a accepté sans conteste le gain de plusieurs centaines de milliers de dollars qu’il a déclaré, pourquoi n’accepterait‑elle pas les pertes allant de 150 000 $ à 200 000 $ accompagnées d’une explication raisonnable et de documents à l’appui? Eh bien, l’ARC ne les a pas acceptées. Le Dr Hoffman ne pouvait pas fournir suffisamment de pièces justificatives pour convaincre l’ARC et le délai imparti pour interjeter appel a expiré. C’est dans cette situation, je crois, qu’une meilleure compréhension de la procédure et une meilleure collaboration peuvent permettre à un contribuable de préserver ses droits d’obtenir une réponse satisfaisante.

 

[15]        À présent, comme j’ai fini de donner mon point de vue sur les lacunes d’un système compliqué, je me penche sur les arguments de l’intimée.

 

[16]        Pour ce qui est de l’argument concernant la cotisation portant qu’aucun impôt n’est à payer, oui, le gouvernement a absolument raison de dire qu’on ne peut pas interjeter appel à l’encontre d’une telle cotisation, mais, malheureusement, le Dr Hoffman a présenté cet appel comme étant un appel interjeté à l’encontre d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est à payer. Mais il ne s’agit certainement pas de cela. Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre de la détermination selon laquelle le gouvernement a établi que le Dr Hoffman n’avait subi aucune perte en 2000, ou d’un appel interjeté à l’égard des années d’imposition 1998 et 1999 dans lequel le Dr Hoffman fait valoir que les impôts devraient être revus à la baisse en raison du report rétrospectif des pertes subies en 1999 ou en 2000. Le gouvernement a également raison quant au fait que, s’il s’agit simplement d’un appel interjeté à l’encontre de la cotisation portant qu’aucun impôt n’est à payer établie pour l’année 2000, alors l’avis d’appel du Dr Hoffman daté d’août ou de septembre 2009 est hors délai.

 

[17]        Toutefois, il faut considérer le présent appel comme un appel portant sur la détermination de perte établie par le gouvernement. L’intimée soutient qu’une telle détermination n’a jamais été établie, et qu’une demande en ce sens n’a jamais été formulée. L’intimée renvoie aux observations suivantes faites par le juge Sarchuk dans la décision Inco Ltd. c. La Reine[3], selon lesquelles une détermination de perte valide exige trois mesures :

 

[…] le paragraphe 152(1.1) de la Loi envisage et établit clairement une procédure comportant une série de mesures ou de faits qui doivent avoir lieu pour qu’il y ait une détermination de pertes valide. Ces mesures sont les suivantes:

 

a)         le ministre établit le montant de la perte autre qu’en capital du contribuable pour une année d’imposition qui est différent du montant indiqué par ce contribuable dans sa déclaration de revenus;

 

b)         le contribuable demande au ministre de déterminer le montant de la perte;

 

c)                 le ministre détermine à ce moment‑là le montant de la perte et délivre un avis de détermination de perte au contribuable. […]

 

[18]        Premièrement, le ministre a‑t‑il établi que la perte du Dr Hoffman était différente de celle indiquée dans sa déclaration de revenus? Le Dr Hoffman a inclus les pertes dans sa déclaration de revenus pour 2000 produite en novembre 2006, dans laquelle il a demandé un report rétrospectif des pertes aux années 1998 et 1999. L’intimée a établi la cotisation portant qu’aucun impôt n’est à payer en juillet 2007, mais elle n’a pas procédé au report rétrospectif des pertes. Il pourrait s’agir du premier établissement des pertes par le ministre : il est évident que les pertes n’ont pas été acceptées.

 

[19]        Deuxièmement, le contribuable a‑t‑il demandé au ministre de déterminer le montant de la perte? Dans sa lettre du 20 décembre 2007, Deloitte a demandé l’établissement d’une nouvelle cotisation concernant les pertes pour que celles‑ci puissent faire l’objet d’un report rétrospectif. Cela ressemble manifestement à une demande. Est-ce que c’est parce que le terme « détermination » n’a pas été utilisé que les efforts du Dr Hoffman sont niés? Cela ne suffit pas.

 

[20]        Qu’en est‑il de la troisième mesure? Le ministre a‑t‑il établi le montant de la perte et a‑t‑il délivré un avis de détermination de perte? Il n’y a pas eu d’avis sous la forme d’un avis de détermination de l’ARC, mais il y a eu une réponse de l’ARC, 14 mois après la demande de Deloitte, dans laquelle l’ARC faisait la déclaration suivante :

 

[traduction]

 

[…]

 

En résumé, en l’absence d’autres documents :

 

1)                L’ARC ne peut pas conclure que vous avez subi une perte en capital nette;

2)                L’ARC ne peut pas conclure que vous avez peut-être droit à une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise.

 

[21]        Encore une fois, en juin 2009, l’ARC a précisé qu’elle avait terminé l’examen et que les pertes étaient toujours nulles. L’intimée m’a renvoyé à l’arrêt Burnet c. Canada[4] quant à la manière dont le ministre établit le montant d’une perte. Toutefois, rien dans l’arrêt Burnet ne m’empêche de considérer les lettres de l’ARC comme l’établissement des pertes en l’espèce.

 

[22]        Je conclus que les trois mesures énoncées dans la décision Inco ont été respectées, et qu’il était loisible au Dr Hoffman de signifier un avis d’opposition.

 

[23]        Cela m’amène à l’argument de l’intimée selon lequel le Dr Hoffman n’a pas adressé son avis au chef des Appels. L’intimée renvoie aux observations suivantes formulées par la juge Valerie Miller dans la décision Fidelity :

 

[10]      Le paragraphe 165(2) de la Loi dispose qu’un avis d’opposition doit être signifié au chef des Appels d’un bureau de district ou d’un centre fiscal. Le libellé du paragraphe 165(2) indique qu’il s’agit d’une obligation et une lettre adressée au Centre de technologie d’Ottawa ne satisfait pas aux exigences de cette disposition.

 

[11]      Il existe de bonnes raisons pour lesquelles le paragraphe 165(2) précise qu’un avis d’opposition doit être signifié au chef des Appels. C’est la Direction générale des appels qui est chargée d’examiner les oppositions. Si les avis d’opposition n’étaient pas signifiés conformément au paragraphe 165(2), il serait presque impossible pour l’Agence du revenu du Canada d’enregistrer comme il faut la date de réception des demandes et de veiller à les traiter « avec diligence », comme l’exige le paragraphe 165(3) de la Loi.

 

[12]      Je me rends bien compte que le paragraphe 165(6) confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d’accepter un avis d’opposition qui n’a pas été signifié conformément au paragraphe 165(2). Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire relève du ministre plutôt que de la Cour.

 

[24]        Il existe des différences importantes entre la décision Fidelity et la présente affaire. Dans la décision Fidelity, l’avis d’opposition ne révélait pas à première vue qu’il s’agissait d’un avis d’opposition, bien que la juge Valerie Miller ait conclu que c’en était un. Plus important encore, dans la décision Fidelity, la lettre (l’avis d’opposition) a été livrée au Centre de technologie d’Ottawa, non à un bureau de district ou à un centre fiscal. En l’espèce, l’avis d’opposition, que le Dr Hoffman a clairement dit être un avis d’opposition, a été livré au bureau de district de l’impôt à Halifax, bien qu’il n’ait pas été adressé au chef des Appels. Est-il exagéré de s’attendre à ce qu’un bureau de district qui reçoit un avis d’opposition le transmette au bureau des Appels? Cela me ramène à l’idée que j’ai exprimée plus tôt de faire preuve de collaboration afin de veiller à ce que le contribuable puisse trouver l’issue dans ce labyrinthe inextricable que constituent les procédures fiscales. Autrement dit, le contribuable perd-il son droit de faire opposition s’il envoie un document désigné comme étant un avis d’opposition à l’adresse du chef des Appels d’un bureau de district, même si la mention « chef des Appels » ne figure pas sur le document? Le paragraphe 165(6) de la Loi insiste sur le fait que le ministre peut faire preuve d’une certaine souplesse pour accepter un avis d’opposition valide. Cela doit être tellement décourageant pour le Dr Hoffman, dans les circonstances en l’espèce, de voir que le gouvernement du Canada se fonde sur cette question de libellé mineure pour mettre fin à la détermination opiniâtre, mais empreinte de collaboration, dont il a fait preuve en vue de faire aboutir sa demande. Si le ministre refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour accepter l’avis d’opposition dont il est question, alors il me faut chercher ailleurs. Je suis réticent à m’écarter des observations formulées par la juge Miller. Pourtant, l’affaire dont elle était saisie concernait un avis d’opposition à une cotisation. En l’espèce, je suis appelé à me prononcer sur une opposition à une détermination. Il est intéressant de souligner la différence de formulation entre le paragraphe 165(1) de la Loi, qui traite de l’opposition à une cotisation et qui énonce que le contribuable « peut signifier au ministre, par écrit, un avis d’opposition », et le paragraphe 165(1.1) de la Loi, qui prévoit simplement que le contribuable peut faire opposition au montant déterminé. Ainsi, le paragraphe 165(2) de la Loi s’applique‑t‑il aussi aux oppositions aux déterminations ou se limite‑t‑il aux avis d’opposition signifiés par écrit, comme le prescrit le paragraphe 165(1) de la Loi? Je n’ai pas l’intention de tirer quelque conclusion rigoureuse que ce soit sur cette question, mais j’aimerais simplement ajouter cette observation aux observations que j’ai faites plus tôt concernant l’importance à accorder à l’absence de la mention « chef des Appels » dans le présent appel en particulier, et conclure que le Dr Hoffman n’a pas à subir les conséquences désastreuses de cette omission : il a déposé une opposition valide.

 

[25]        Comme je suis arrivé au stade où je peux accepter l’avis d’appel du Dr Hoffman, ce qui exige donc que le ministre dépose une réponse, je demeure préoccupé par le fait que le Dr Hoffman n’a remporté qu’une victoire à la Pyrrhus, étant donné que l’ARC a déclaré à maintes reprises qu’il était trop tard pour le Dr Hoffman d’obtenir que les pertes (si la Cour conclut finalement qu’il y en eu) fassent l’objet d’un report rétrospectif aux années 1998 et 1999. À l’audience de la requête, le Dr Hoffman a exprimé son opinion selon laquelle il croit qu’il peut faire valoir avec succès que la prescription n’est pas acquise à l’égard de l’année d’imposition 1999, et peut‑être aussi à l’égard de l’année d’imposition 1998. Mais devant quelle tribune? Le présent appel dont la Cour est saisie est un appel interjeté à l’encontre d’une détermination de pertes pour l’année d’imposition 2000 – c’est tout. La Cour n’est saisie de rien en ce qui a trait aux années d’imposition 1998 et 1999. J’avais envisagé de considérer l’avis d’appel comme un appel interjeté à l’égard des années d’imposition 1998 et 1999, mais le Dr Hoffman a tout simplement trop d’obstacles à surmonter pour faire valoir sa position.

 

[26]        La période normale de nouvelle cotisation est prolongée de trois ans (voir le paragraphe 152(4) de la Loi) pour faciliter les reports rétrospectifs. En outre, il existe une disposition (le paragraphe 152(4.2) de la Loi) qui permet à un contribuable de demander l’établissement d’une nouvelle cotisation dans les dix ans suivant la fin de l’année d’imposition en question. En effet, Deloitte s’est fondée sur cette disposition pour demander que de nouvelles cotisations soient établies pour les années d’imposition 1998 et 1999. Il est intéressant de noter que, dans sa lettre d’août 2006, Deloitte a renvoyé à de nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 1998 et 1999 datées du 10 avril 2006, un moment qui se situe longtemps après la période de cotisation prolongée.

 

[27]        Ainsi, en l’espèce, le Dr Hoffman a demandé que de nouvelles cotisations soient établies pour les années 1998 et 1999 dans le délai de dix ans prévu au paragraphe 152(4.2) de la Loi. L’ARC n’a jamais été convaincue qu’il y avait eu des pertes. J’ai maintenant conclu que le Dr Hoffman doit avoir la possibilité de prouver devant la Cour qu’il a subi ces pertes. J’espère que l’ARC maintiendra active la demande du contribuable visant à obtenir que de nouvelles cotisations soient établies (présentée dans le délai prévu par la Loi) jusqu’à ce que la Cour tranche la question de savoir s’il y a eu quelques pertes que ce soit. Malheureusement, mes désirs ne sont pas des ordres. La Cour fédérale offre peut-être une voie pour régler la question, bien que le fait de proposer une autre procédure judiciaire au Dr Hoffman constitue, pour emprunter le langage du football, une empilade. Tout ce que je peux recommander, c’est que les parties continuent leurs pourparlers et que, si le Dr Hoffman décide d’aller de l’avant, il tienne compte des aspects pratiques de la situation.

 

[28]        J’ordonne que le Dr Hoffman dépose un avis d’appel modifié dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance pour préciser que l’appel n’est pas interjeté à l’encontre de la cotisation portant qu’aucun impôt n’est à payer établie pour l’année 2000, mais, conformément au paragraphe 169(2) de la Loi, qu’il est interjeté à l’encontre de la détermination selon laquelle le ministre a établi que ses pertes pour 2000 étaient nulles. Ce délai de 30 jours permettra au Dr Hoffman d’avoir du temps pour discuter davantage avec l’intimée de la question du report rétrospectif. L’intimée dispose de 60 jours suivant le dépôt de l’avis d’appel modifié pour déposer une réponse. Si le Dr Hoffman ne dépose pas un avis d’appel modifié dans le délai de 30 jours, il sera présumé qu’il ne souhaite pas continuer la procédure et son avis d’appel sera annulé.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de mai 2010.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9jour de mai 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                 2010 CCI 267

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2010-329(IT)G

                                                         

INTITULÉ :                                      BENJAMIN R. HOFFMAN c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 5 mai 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge Campbell J. Miller

 

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       Le 13 mai 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

 

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

MMartin Hickey

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

      

             Nom :                                  s/o    

 

             Cabinet :                             

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1]               2007 CAF 151.

 

 

[2]           2010 CCI 108.

 

[3]           2004 CCI 373.

 

[4]           98 D.T.C. 6205, [1998] A.C.F. no 364 (QL) (CAF).

 

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