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Dossier : 2009-941(EI)

ENTRE :

JULIE PERRY,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

SILVERTON RESORT LTD.,

intervenante.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 8 avril 2010, à Nelson (Colombie‑Britannique)

 

 Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

 Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocat de l’intimé :

Me Matthew W. Turnell

 

Représentant de l’intervenante :

M. Greg C. Horton

____________________________________________________________________

 


JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 19e jour de mai 2010.

 

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de novembre 2010.

 

 

 

François Brunet, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 266

Date : 20100519

Dossier : 2009-941(EI)

ENTRE :

JULIE PERRY,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

SILVERTON RESORT LTD.,

intervenante.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     En l’espèce, l’appelante a interjeté appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre »), datée du 29 janvier 2009, selon laquelle l’emploi exercé par l’appelante pour Silverton Resort Ltd. (« Silverton » ou la « société ») pendant la période allant du 1er janvier 2008 au 31 mai 2008 n’était pas un emploi assurable aux termes de l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »). Après avoir examiné toutes les modalités de cet emploi, le ministre n’a pas conclu  que l’appelante et Silverton auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[2]     Julie Perry a témoigné qu’elle réside à Silverton, en Colombie‑Britannique, une petite municipalité riveraine du lac Slocan, au nord de Castlegar. Greg Horton, le père de Mme Perry, est président de Silverton et a représenté cette société dans la présente procédure. Mme Perry est gestionnaire d’un centre de villégiature (le « Centre ») de 8 logements composé d’un chalet riverain de 3 chambres à coucher, de 4 chalets‑lofts et d’une maison de 3 chambres à coucher. Le Centre peut accueillir un maximum de 30 à 35 clients. Les clients peuvent louer des canoés et des kayaks et ils ont accès à un terrain de jeu pour les enfants. Mme Perry a commencé à gérer le Centre en 2004, lorsque la propriété et l’entreprise ont été achetées par la Horton Family Trust (la « Fiducie Horton »). Durant 15 ans, Mme Perry a résidé à temps plein dans une maison située près du Centre et, pendant plusieurs années, elle a été employée comme enseignante suppléante à l’école locale. Ainsi, elle connaissait très bien le Centre. Après que Silverton eut acquis le Centre, des rénovations ont été apportées aux immeubles. Mme Perry a affirmé qu’elle [traduction] « joue plusieurs rôles » et s’occupe de tâches administratives et de bureau, notamment assurer la mise à jour du site Web, répondre aux courriels et régler diverses questions ayant trait aux réservations. En tant que gestionnaire, elle supervise une équipe d’entretien ménager de deux ou trois personnes et est responsable de l’entretien de la pelouse et des jardins. Mme Perry transporte aussi les matières recyclables à un entrepôt. Pendant la période en cause, elle accomplissait ces tâches et se rendait aussi à Nelson pour acheter des fournitures à des intervalles de quelques semaines, un déplacement qui lui prenait toute la journée. Mme Perry a dit que, pendant la période en cause (et aujourd’hui encore), sa principale charge était de traiter avec les clients. Au Centre, elle travaillait pendant de longues heures et devait être disponible en tout temps pour s’occuper des clients qui voulaient s’enregistrer d’avance ou en retard. Mme Perry a affirmé que la haute saison va de la longue fin de semaine de mai à la fin octobre et que 87 % – plutôt que 93 %, comme l’a présumé le ministre – des revenus annuels du Centre sont générés pendant cette saison. Toutefois, le lac Slocan ne gèle pas durant l’hiver et les clients, y compris les familles, font des retraites au Centre et certains y font du ski de fond. Le tarif de haute saison – de 205 $ à 350 $ la nuitée, selon le logement – entre en vigueur le 1er juin. Le tarif de basse saison est de 155 $ la nuitée. Mme Perry a dit que son salaire, 30 000 $ par année, est resté le même depuis 2004 et qu’il lui est payé par versements mensuels de 2 500 $. Au besoin, Mme Perry engageait du personnel d’entretien ménager et, lorsque cela était nécessaire, elle faisait appel aux services spécialisés d’ouvriers qualifiés. Elle était signataire autorisée du compte bancaire de Silverton et signait ses propres chèques de paye. Mme Perry a dit que, pendant la basse saison, les clients font des séjours moins longs et les frais de chauffage des logements sont élevés. Elle devait déneiger à la pelle les places de stationnement et les sentiers. Pendant l’hiver, les canoés et les kayaks étaient laissés sur la plage – les kayaks étaient cependant couverts – et les gilets de sauvetage, les pagaies et les autres accessoires étaient rangés dans une remise. Mme Perry a dit qu’habituellement, pendant la saison allant de mai à octobre, elle commençait à travailler à 10 h et s’occupait de l’équipe d’entretien ménager et de l’enregistrement et du départ des clients, y compris de certains clients qui n’avaient pas fait de réservation. Elle a expliqué que, généralement, les clients arrivaient en après‑midi ou en début de soirée, mais qu’elle cessait de travailler à 21 h et marchait 2 kilomètres pour se rendre chez elle. Mme Perry a donné naissance à une fille le 26 novembre 2007. Pendant l’hiver – jusqu’à la fin février 2008 –, elle accomplissait la plupart de ses tâches à la maison, mais elle allait au Centre avec son enfant si nécessaire. Les tâches de Mme Perry incluaient notamment la préparation des déclarations mensuelles de taxe sur les produits et services (la « TPS ») et de rapports mensuels remis au comptable de Silverton. Elle s’occupait aussi de verser la taxe sur les chambres d’hôtel au trésorier de la Province de la Colombie‑Britannique et produisait la déclaration afférente. Elle était tenue de produire une déclaration même si aucune taxe n’avait été perçue pendant une période donnée. Mme Perry réglait tous les comptes relatifs à l’exploitation du Centre, elle répondait aux courriels et aux autres demandes de renseignements au sujet des activités de Silverton et elle s’occupait du site Web. Elle inspectait les chalets au moins deux fois par semaine pour s’assurer que le chauffage électrique et l’eau courante fonctionnaient bien. Mme Perry inspectait les disjoncteurs, vérifiait si les immeubles avaient été vandalisés et posait des pièges à souris. Elle ne consignait pas ses heures de travail et pouvait aménager elle‑même son horaire de travail. Mme Perry a dit qu’elle se faisait un chèque de paye chaque mois, mais pas toujours le même jour. Elle a cependant dit que ces petits retards n’étaient pas attribuables à des problèmes de liquidités de Silverton. Mme Perry a reconnu avoir reçu une prime de 5 000 $ en 2007. Selon elle, cette prime était due à l’augmentation des revenus commerciaux de Silverton cette année‑là. De 2004 à 2007, Silverton consignait la rémunération de Mme Perry comme honoraires de gestion, et celle-ci traitait ces sommes comme des revenus d’entreprise dans ses déclarations de revenus. Pendant cette période‑là, elle a aussi gagné des revenus en travaillant comme enseignante suppléante à l’école locale, où l’on accueillait des élèves allant de la maternelle à la douzième année. Mme Perry a dit que le comptable de Silverton avait émis un avis selon lequel Mme Perry devait être considérée comme une employée de Silverton et que les retenues à la source normales pour l’assurance‑emploi, le régime de pension du Canada et l’impôt sur le revenu devaient être faites sur la paye de Mme Perry. Suivant cet avis – qui concorde d’ailleurs avec l’hypothèse de fait énoncée par le ministre à l’alinéa 5w) de la réponse à l’avis d’appel –, des retenues à la source ont été faites sur la paye de mai 2008 de Mme Perry et ont été appliquées rétroactivement au 1er janvier. Mme Perry a dit qu’elle avait quitté son emploi auprès de Silverton le 31 mai 2008 parce qu’il lui était devenu trop difficile de travailler et de s’occuper de son bébé, qui avait 7 mois. Elle avait conclu que, même si elle pouvait s’occuper de son enfant tout en travaillant pour Silverton en accomplissant la plupart de ses tâches à la maison, cela devenait difficile quand il lui fallait se rendre régulièrement au Centre pour mener les préparations pour la haute saison (et pendant cette saison). En prévision du départ de Mme Perry, Angelina Simpson a été engagée en avril. Mme Simpson a commencé à travailler pour Silverton le 1er mai. Mme Simpson habitait dans la région et connaissait l’entreprise et son fonctionnement. Mme Perry a dit qu’elle avait travaillé avec Mme Simpson en mai pour lui montrer comme gérer l’entreprise. Pendant cette période, Mme Perry a continué de s’occuper de la pelouse et des jardins et d’aller chercher des fournitures. M. Simpson vivait dans un des chalets du Centre. Son salaire de base était de 1 500 $ par mois, en plus du logement fourni. Cependant, pendant qu’un chalet était préparé pour que Mme Simpson y emménage, elle a habité quelques semaines dans une résidence privée située de l’autre côté de la rue, et c’est Silverton qui payait le loyer. En plus de son salaire de base, Mme Simpson recevait 12 $ l’heure pour des tâches d’entretien ménager, et elle était rémunérée pour ce travail en fonction des feuilles de temps qu’elle présentait à Silverton. Mme Perry a déclaré que, lorsqu’elle s’occupait de l’entretien ménager, elle ne consignait pas son temps, car elle considérait que ce travail faisait partie des tâches générales pour lesquelles elle recevait un salaire mensuel. Mme Simpson ne conduisait pas le tracteur à pelouse. De plus, elle n’avait aucun véhicule automobile pour aller chercher des fournitures à Nelson. Après le 31 mai, Mme Perry a continué à aller chercher des fournitures pour Silverton à Nelson, et ce, même si Mme Simpson pouvait parfois le faire en se rendant à Nelson avec quelqu’un d’autre. Mme Perry a dit que, lorsqu’elle allait chez des grossistes et d’autres commerçants à Nelson, elle achetait aussi des articles pour chez elle. Mme Perry a continué à faire et à signer des chèques de paye pour Mme Simpson (aux deux semaines) et les autres personnes qui fournissaient des services au Centre. De temps à autre, Mme Perry allait au Centre avec sa fille, car on y trouve une jolie plage et il s’agit d’un bon endroit pour passer du temps avec un enfant. Mme Perry a dit qu’elle n’était pas administratrice ou dirigeante de Silverton. Mme Perry a estimé qu’après le 31 mai 2008, elle avait passé de 15 à 20 minutes par jour à aider le Centre et s’était rendue acheter des fournitures à Nelson 4 fois. Mme Simpson s’occupait des courriels et de la boîte vocale relativement aux réservations. Pendant la période où Mme Simpson a travaillé pour le Centre, le site Web n’a jamais dû être modifié. Mme Perry a dit avoir recommencé à travailler au Centre le 1er janvier 2009 et que ses conditions d’emploi n’avaient pas changé depuis 2004, y compris pendant la période en cause.

 

[3]     Mme Perry a été contre‑interrogée par l’avocat de l’intimé. Lorsque la Fiducie Horton a fait un investissement en achetant le Centre en 2004 et qu’elle a demandé à Mme Perry de le gérer, cette dernière a réduit sa charge de travail comme enseignante suppléante à une journée par semaine pendant l’été. Elle enseignait cependant plus souvent pendant l’hiver. Mme Perry n’a pas enseigné pendant la période en cause. Pendant les années antérieures à cette période, elle travaillait 10 heures par jour et 7 jours par semaine pendant la haute saison et de 20 à 25 heures par semaine pendant la basse saison. Toutefois, Mme Perry devait travailler plus souvent pendant la saison intermédiaire (d’avril à juin) que pendant la basse saison. Mme Perry a estimé que, si elle avait été rémunérée en fonction d’un taux horaire, son salaire aurait varié entre 10 $ et 30 $ l’heure, selon la saison. Elle a dit qu’elle était satisfaite de son salaire et de ses conditions d’emploi parce qu’ils correspondaient à ses besoins et que le paiement mensuel de son salaire lui permettait de n’avoir qu’un seul emploi, ce qui lui donnait la possibilité de gagner des revenus supplémentaires en travaillant comme enseignante suppléante. Mme Perry a reconnu qu’elle était [traduction] « pratiquement son propre patron », mais qu’elle consultait ses parents pour certaines questions, notamment la décoration des chalets. Mme Perry a dit qu’elle avait surtout travaillé de la maison en janvier et février 2008, mais qu’elle avait passé plus de temps au Centre en mars, en avril et en mai pour préparer la haute saison qui approchait. L’époux de Mme Perry était capable de s’occuper des imprévus au Centre, et il y avait déjà fait des travaux d’entretien, pour lesquels il était rémunéré au cas par cas. Au début février, pendant une rencontre avec le comptable de Silverton, Mme Perry a été informée qu’elle devait être rémunérée comme une employée. Mme Perry a affirmé qu’elle n’avait pas l’intention de demander des prestations d’assurance‑emploi au titre du congé parental, mais, qu’au début avril, elle s’était rendu compte qu’elle était incapable de s’occuper de son enfant tout en gérant le Centre. Pour continuer son travail, il aurait fallu qu’elle engage quelqu’un pour s’occuper de sa fille. Mme Perry a affirmé que les hypothèses du ministre selon lesquelles elle [traduction] « pouvait aménager elle‑même son horaire de travail » et [traduction] « prenait congé à sa guise » (respectivement, les alinéas 5p) et 5q) de la réponse à l’avis d’appel) tiennent seulement pour les mois de janvier et de février, quand la plus grande partie des tâches pouvaient être faite à la maison. Silverton payait les services publics pour sa résidence. Pour ce qui est de l’hypothèse selon laquelle Mme Perry et Mme Simpson [traduction] « étaient rémunérées selon des conditions d’emploi différentes » (alinéa 5ee) de la réponse à l’avis d’appel), Mme Perry a dit que sa rémunération et celle de Mme Simpson étaient comparables si l’on tenait compte de la valeur du logement et des services publics fournis et de l’écart entre leurs responsabilités respectives – Mme Simpson n’avait pas à s’occuper du recyclage ou de l’entretien de la pelouse et des jardins. Mme Perry a dit que, même si on avait demandé à Mme Simpson de rester au Centre pendant l’hiver, elle avait néanmoins décidé de partir à la fin octobre. Par conséquent, le Centre a dû être fermé jusqu’à ce que Mme Perry recommence à travailler, en janvier 2009.

 

[4]     C’est sur ces paroles que s’est conclu le témoignage de Mme Perry.

 

[5]     Gregory Horton a dit être comptable agréé depuis 1965, mais il a expliqué qu’au lieu de pratiquer cette profession, il avait exploité une entreprise de promotion immobilière à Calgary. En novembre 2004, la Fiducie Horton a acquis toutes les actions de Silverton. M. Horton, son épouse et son beau‑frère sont les fiduciaires de la Fiducie Horton. Mme Perry est l’une des quatre bénéficiaires subsidiaires de la Fiducie Horton, mais ceux‑ci ne contrôlent pas la fiducie, et ce sont les fiduciaires qui ont le pouvoir discrétionnaire de faire des versements. M. Horton a dit que, lorsque Mme Perry avait commencé à gérer le Centre, elle était rémunérée au moyen d’honoraires de gestion; un compte de paye n’était donc pas écessaire. Les fiduciaires ont décidé que des honoraires de 30 000 $ étaient raisonnables, ce que Mme Perry a accepté. M. Horton a dit que l’examen des documents comptables du Centre pour la période où il était exploité par un couple qui en était en partie propriétaire avait révélé que ce couple réussissait à en tirer une rémunération annuelle allant de 28 000 $ à 38 000 $. M. Horton a reçu une lettre (pièce I‑1), datée du 13 février 2008, du comptable de Silverton, lettre dans laquelle celui‑ci l’informait qu’après vérification de la déclaration de revenus de Mme Perry, le ministre avait établi une cotisation à l’égard de Silverton pour des cotisations au régime de pensions du Canada. Dans sa lettre, le comptable expliquait aussi que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») soutenait que Silverton aurait dû remettre un feuillet T‑4 à Mme Perry et faire des retenues au titre du régime de pensions du Canada. Le comptable a conseillé à Silverton de cesser de verser des honoraires de gestion à Mme Perry et de plutôt la traiter comme une employée en créant un compte de paye ordinaire. M. Horton a dit être en désaccord avec la thèse du ministre selon laquelle il existait un écart important entre la rémunération de Mme Perry et celle de Mme Simpson. M. Horton a exprimé sa position dans une lettre (pièce I‑2) datée du 16 octobre 2008 et adressée au chef des appels de Surrey. Dans cette lettre, M. Horton a affirmé que la valeur du logement fourni à Mme Simpson était de 800 $ par mois (9 600 $ par année) et que les services publics payés par le Centre valaient environ 100 $ par mois (1 200 $ par année). Le salaire de base de Mme Simpson était de 1 500 $ par mois, et, selon M. Horton, elle pouvait gagner environ 700 $ par mois en faisant des travaux d’entretien ménager pour lesquels elle recevait 12 $ l’heure. M. Horton a dit que son estimation de la valeur des travaux d’entretien ménager était fondée sur les renseignements produits par Mme Perry, laquelle connaissait le volume de travail nécessaire, et tenait compte du fait que, pendant la basse saison, Mme Simpson aurait seulement pu gagner 250 $ par mois en faisant ces travaux. M. Horton a affirmé qu’il pensait que Mme Perry était membre de la direction de Silverton parce qu’elle avait signé certains documents que la société était tenue de produire. Pour les réservations faites par les clients du Centre, Mme Perry exigeait un dépôt correspondant à 50 % de la facture prévue, 3 mois avant l’arrivée des clients. M. Horton a dit que la prime de 5 000 $ versée à Mme Perry en 2007 était justifiée parce que les revenus annuels générés par le Centre avaient augmenté de 29 000 $ par rapport aux années précédentes.

 

[6]     M. Horton a été contre‑interrogé par l’avocat de l’intimé. M. Horton a admis que Mme Perry prenait les décisions courantes pour la gestion du Centre, mais il a dit que les fiduciaires de la Fiducie Horton prenaient les décisions importantes pour des questions comme les travaux de rénovations et de construction et qu’ils conservaient le contrôle général de l’entreprise. M. Horton a dit que les fiduciaires avaient établi la rémunération annuelle de Mme Perry en tenant compte des salaires tirés, sous forme de prélèvements, par les anciens gestionnaires du Centre, qui en étaient aussi propriétaires en partie et vivaient dans la maison. M. Horton a dit que la nature de la propriété exigeait la présence d’un gestionnaire tout au long de l’année, et qu’il était entendu que cette personne devait travailler plus longtemps pendant la haute saison. M. Horton ne savait pas que le Centre était resté fermé en novembre et décembre 2008, mais Mme Perry l’aurait su, car elle vivait non loin du Centre. M. Horton pensait que Mme Perry était membre de la direction de Silverton parce qu’elle avait signé certaines déclarations annuelles de la société, mais il ne connaissait pas précisément son titre et ne savait pas si elle occupait un poste déterminé.

 

[7]     C’est sur ces paroles qu’a conclu son témoignage M. Horton, à titre de représentant de l’intervenante.

 

[8]     Mme Perry a soutenu que le travail qu’elle avait effectué pendant la période en  cause était similaire à celui qu’aurait fait une personne non liée. Selon son analyse de la preuve, la rémunération versée à Mme Simpson était comparable à la sienne, à condition qu’il soit tenu compte des divers éléments composant la rémunération de Mme Simpson et du fait que celle-ci avait moins de tâches à faire que Mme Perry. Cela mis à part, Mme Perry et Mme Simpson avaient des horaires de travail souples et pouvaient prendre congé si les exigences courantes de l’entreprise étaient remplies. Mme Perry a reconnu que, de novembre 2004 au 31 décembre 2007, elle avait assuré ses services en contrepartie d’honoraires de gestion payés annuellement, mais elle a expliqué que cette pratique avait été modifiée lorsque le comptable de Silverton avait informé la société des exigences d’un vérificateur de l’ARC.

 

[9]     Selon M. Horton, les éléments de preuve confirment que Mme Perry était une employée qui assurait ses services de façon normale, compte tenu de la nature de l’entreprise, laquelle, bien que saisonnière, exigeait une supervision constante à plusieurs égards, notamment l’inspection et l’entretien des biens matériels.

 

[10]    L’avocat de l’intimé a affirmé que, au sens du sous‑alinéa 251(2)b)(iii) de la Loi de l’impôt sur le revenu, les parties sont des personnes liées, car le père de Mme Perry, M. Horton, était membre du groupe lié qui contrôlait Silverton. L’avocat de l’intimé a soutenu que le ministre avait bien joué son rôle de vérificateur et qu’il avait tenu compte de tous les facteurs pertinents, y compris la composition et l’importance de la rémunération versée à Mme Simpson, qui avait assumé les tâches de gestion de Mme Perry. Selon l’avocat de l’intimé, Mme Perry n’a pas démontré que le ministre avait ignoré des facteurs pertinents ou avait tenu compte de faits non pertinents, ou encore que le ministre avait été surpris par des éléments de preuve produits relativement à la nature générale de la relation de travail. L’avocat de l’intimé a soutenu que, dans l’ensemble, les hypothèses de faits sur lesquelles le ministre s’était fondé étaient valides, et que la décision du ministre n’était pas fondée sur une mauvaise compréhension de la situation. Le ministre avait considéré qu’à plusieurs égards, une personne non liée n’aurait pas profité d’autant de souplesse, mais que, d’autre part, cette personne n’aurait probablement pas accepté de devoir être disponible 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Le ministre a admis que le travail fait par Mme Perry était important, surtout pendant la haute saison. Cependant, les services assurés pendant les périodes moins occupées étaient moins importants et les circonstances relatives à l’ensemble du travail effectué correspondaient à celles qui avaient eu cours de novembre 2004 au 31 décembre 2007, alors que Silverton rémunérait Mme Perry au moyen d’honoraires annuels fixes. L’avocat de l’intimé à souligné que Silverton avait attendu jusqu’en mai 2008 pour reconnaître que Mme Perry était une employée et pour faire des retenues à la source rétroactives au 1er janvier. L’avocat de l’intimé a soutenu que les éléments de preuve produits par l’appelante et l’intervenante ne justifient pas l’intervention de la Cour et que la décision doit être confirmée. Il a aussi soutenu que, même si la Cour décidait d’intervenir, aucun fait nouveau d’importance n’avait été divulgué et que l’application de critères pertinents par une personne indépendante la mènerait à confirmer la décision du ministre.

 

[11]    Voici le texte des dispositions pertinentes, les alinéas 5(1)a) et 5(2)i) et le paragraphe 5(3) de la Loi :

 

5(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

 

[…]

 

(2) N’est pas un emploi assurable :

 

[…]

 

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[12]    Dans l’affaire Quigley Electric Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2003] A.C.F. no 1789; 2003 CAF 461 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a entendu une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt, décision dans laquelle la Cour avait confirmé la décision du ministre selon laquelle l’emploi exercé par l’appelante auprès d’un employeur auquel elle était liée n’était pas un emploi assurable. Aux paragraphes 7 et suivants de cet arrêt, le juge Malone s’est exprimé en ces termes au nom de la Cour d’appel fédérale :

 

[7]        Il est également allégué que le juge a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique énoncé dans les arrêts Légaré c. Canada (Ministre du Revenu national) (1999) 246 N.R. 176 (C.A.F.) et Pérusse c. Canada (2000) 261 N.R. 150 (C.A.F.). Ce critère consiste à déterminer si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, la décision du ministre était raisonnable.

 

[8]        Plus précisément, il est allégué que le juge a limité la portée de sa fonction de contrôle lorsque, après avoir conclu que le ministre ne disposait manifestement pas de tous les faits, il a déclaré ce qui suit :

 

[traduction] […] Cela ne veut pas dire que, à la suite de l’examen de nouveaux renseignements, je ne peux conclure que le ministre n’avait pas, après tout, toute l’information nécessaire pour exercer son mandat, comme il l’a fait, sans mon intervention. Cela veut tout simplement dire que j’ai conclu que les nouveaux facteurs, qui n’ont pas été examinés, ne sont pas pertinents.

 

[9]        Selon la demanderesse, il ne s’agit pas de savoir si le ministre disposait d’assez de renseignements pour rendre une décision, malgré le témoignage de Mme Quigley; il s’agissait plutôt de savoir, compte tenu de l’ensemble de la preuve, si la décision du ministre semblait toujours raisonnable. Au contraire, la demanderesse affirme que le juge a effectué un examen non pertinent en tentant de savoir si Mme Quigley était une « patronne » ou une « subalterne » chez Quigley Electric Ltd.

 

[10]      Selon mon analyse, le juge a correctement suivi l’approche retenue par la Cour dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Jencan Ltd., [1998] 1 C.F. 187 (C.A.), notamment que la décision résultant de l’exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire prévu à l’alinéa 5(3)b) ne peut être modifiée que s’il a agi de mauvaise foi, a omis de tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes ou a tenu compte d’un facteur non pertinent.

 

[11]      Il n’y a pas eu mauvaise foi de la part du ministre en l’espèce.

 

[12]      Bien que les motifs de la décision soient longs, il est clair que le juge a analysé le témoignage de Jean Quigley à la lumière de l’alinéa 5(3)b), à savoir, notamment, si, compte tenu de l’ensemble de circonstances de l’emploi, notamment la rétribution versée, les modalités de l’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, l’employeur et l’employée auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. Après avoir examiné d’autres décisions rendues par la Cour de l’impôt, le juge a rejeté toute idée que Mme Quigley puisse être qualifiée de « patronne » chez Quigley Electric Ltd., puis il a rejeté les exemples qu’elle a donnés pour tenter de démontrer que le traitement spécial dont elle jouissait au sein de la société était dû à la relation personnelle qu’elle entretenait avec l’actionnaire majoritaire et non pas à son contrat d’emploi.

 

[13]      Il a conclu en affirmant que les facteurs dont le ministre avait tenu compte, facteurs qu’il avait exposés précédemment dans ses motifs, étaient les facteurs pertinents dont il devait tenir compte pour sa propre décision. Cela, dans le contexte de la présente affaire, ne peut que signifier que la décision du ministre était raisonnable compte tenu de l’ensemble de la preuve. Je ne vois aucune erreur de droit dans la présente analyse ou conclusion.

 

[14]      Je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

[13]    Parmi les hypothèses de faits exposées dans la réponse à l’avis d’appel, celles que Mme Perry ou l’intervenante ont contestées, en tout ou en partie, sont les suivantes :

 

          [traduction]

 

[…]

 

h)                  93 % des revenus annuels du Centre sont générés pendant la période allant de mai à octobre;

 

i)                    avant 2008, le Centre n’avait aucun employé, car tous les travailleurs, y compris les personnes responsables du nettoyage et de l’entretien, étaient engagés comme entrepreneurs indépendants;

 

[…]

 

q)                  l’appelante prenait congé à sa guise;

 

r)                   le plus souvent, l’appelante travaillait de chez elle;

 

[…]

 

z)                   [Mme Simpson] était obligée d’effectuer toutes ses tâches au Centre et elle ne pouvait pas travailler de chez elle;

 […]

 

ee)       l’appelante et [Mme Simpson] étaient rémunérées selon des conditions d’emploi différentes.

 

[14]    Dans la présente instance, Mme Perry a témoigné que seulement 87 % – plutôt que 93 % – des revenus annuels du Centre étaient générés pendant la période allant de mai à octobre. Pour ce qui est du versement régulier du salaire, Mme Perry a dit qu’elle se faisait un chèque de paye chaque mois, mais pas toujours le même jour. Cependant, elle a dit que ces petits retards n’étaient pas attribuables à des problèmes de liquidités de Silverton. Mme Perry a dit qu’elle pouvait seulement prendre congé lorsque le travail nécessaire avait été fait et que, bien souvent, ses temps libres dépendaient du moment où les clients arrivaient et partaient. Pour ce qui est de l’hypothèse selon laquelle elle travaillait le plus souvent chez elle, Mme Perry a dit que cela était vrai de janvier à la mi‑mars, mais qu’après cette période, la préparation de la haute saison exigeait une présence plus fréquente au Centre. Mme Perry était sur les lieux le 1er avril pour former la gestionnaire remplaçante, Mme Simpson, et elle a continué d’y travailler jusqu’à la fin mai. Mme Perry et M. Horton ont témoigné que, comme Mme Simpson résidait dans un chalet du Centre, il n’était pas nécessaire qu’elle travaille à partir d’un autre lieu. Pour ce qui est de l’hypothèse du ministre selon laquelle Mme Perry et Mme Simpson étaient rémunérées selon des conditions d’emploi différentes, Mme Perry a répondu que, si l’on tenait compte de la valeur du logement fourni et du salaire de 12 $ l’heure pour des travaux d’entretien ménager, la différence n’était pas importante.

 

[15]    Il est manifeste que le ministre savait que Mme Perry occupait son emploi en contrepartie d’un salaire annuel de 30 000 $, payé en 12 versements égaux de 2 500 $. Mme Simpson recevait un salaire de base de 1 500 $ par mois et elle devait consigner ses heures de travail et présenter des feuilles de temps pour ses travaux d’entretien ménager. Bien qu’une estimation des revenus que Mme Simpson aurait pu tirer de cette activité ait été présentée au chef des appels (voir la lettre de M. Horton, pièce I‑2), aucun élément preuve de n’a été produit pour établir l’importance des sommes ainsi versées à Mme Simpson. Mme Perry a témoigné qu’il n’était pas nécessaire de consigner le temps qu’elle passait à s’occuper de l’entretien ménager, car elle était déjà rémunérée pour ce travail au moyen de son salaire annuel. Le ministre a tenu compte du fait que Mme Perry avait assuré des services au Centre sans être rémunérée, notamment en signant les chèques de paye de Mme Simpson et des employés occasionnels. Mme Perry n’a pas contesté ce fait‑là. La preuve révèle que Mme Perry s’était rendue à Nelson au moins quatre fois pour acheter des fournitures pour le Centre et qu’elle avait fait des achats personnels au même moment. Chacun de ces déplacements prenait une journée complète. Mme Perry a estimé qu’après être partie en congé parental le 31 mai, elle passait de 15 à 20 minutes par jour à aider Mme Simpson en faisant des tâches pour le Centre. Pendant les cinq mois suivants, jusqu’au départ de Mme Simpson à la fin octobre et à la fermeture du Centre, le travail bénévole ainsi effectué par Mme Perry a totalisé entre 40 et 50 heures. En plus de faire les chèques de paye de Mme Simpson et des autres employés et, au besoin, de payer les comptes des ouvriers qualifiés et des fournisseurs, Mme Perry préparait chaque mois la déclaration de TPS et la déclaration fiscale provinciale. Il n’y a aucun élément de preuve concret indiquant que le pouvoir de signature de Mme Perry provenait d’un poste précis au sein de Silverton plutôt que des pouvoirs généraux qu’elle détenait à titre de gestionnaire. Le ministre a tenu compte du fait que Mme Perry ne consignait pas ses heures de travail, qu’elle pouvait aménager son horaire en fonction des exigences de sa grossesse et qu’après son accouchement, elle pouvait travailler au Centre ou de chez elle, selon les besoins de sa fille qui venait de naître. De plus, Mme Perry pouvait aller et venir librement, et, pendant la période en cause, elle accomplissait la plupart de ses tâches à partir de sa résidence, non loin du Centre.

 

[16]    Dans la décision Forget v. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), [2003] T.C.J. No. 575; 2003 TCC 733, le juge Campbell a conclu que la contribuable avait accepté de suspendre le paiement de son salaire jusqu’à ce que la société ait les moyens de la payer, et qu’elle avait agi ainsi seulement parce qu’elle était mariée à son employeur.

 

[17]    Dans l’affaire Samson c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] A.C.I. no 290; 2005 CCI 383, le juge Little a instruit un appel où l’appelante avait fait 135 dépôts bancaires et fait et signé 623 chèques pendant une période où son nom ne figurait pas sur la feuille de paye du payeur. Elle avait aussi signé un certain nombre de factures. Le juge Little a conclu que, manifestement, une personne non liée avec le payeur n’aurait pas rempli des fonctions « de cette importance et de cette nature ». Le juge Little a conclu que le ministre était justifié de décider que l’emploi exercé par l’appelante n’était pas un emploi assurable. 

 

[18]    En l’espèce, le travail effectué par Mme Perry après qu’elle eut cessé d’exercer son emploi n’était pas aussi important que dans l’affaire Samson. De plus, contrairement à l’affaire Forget, les retards occasionnels dans la signature des chèques de paye de Mme Perry n’étaient pas attribuables à un manque de liquidités de Silverton.

  

[19]    Dans la décision Birkland c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] A.C.I. no 195; 2005 CCI 291,  le juge Bowie a présenté un résumé de la jurisprudence et s’est exprimé de la sorte à la fin du paragraphe 4 de ses motifs :

 

[4]        […] Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l’impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l’appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l’appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d’emploi prévalant dans l’industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l’appelant et l’employeur peuvent évidemment être produits également. À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l’opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, ne pas conclure que l’employeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. Si je comprends bien, c’est là le degré de retenue judiciaire accordé à l’avis du ministre du fait de l’emploi, par le législateur, de l’expression « […] si le ministre du Revenu national est convaincu […] » à l’alinéa 5(3)b).

 

[20]    Dans l’affaire Glacier Raft Co. Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national M.R.N.), 2003 CCI 559; [2003] A.C.I. no 450, le juge Bowie a entendu un appel interjeté par trois travailleurs à l’égard d’une décision du ministre selon laquelle les travailleurs, qui étaient des enfants du propriétaire du payeur, avaient un lien de dépendance avec le payeur et que, par conséquent, leurs emplois n’étaient pas des emplois assurables. Aux paragraphes 8 et 9 de ses motifs, le juge Bowie s’est exprimé en ces termes :

 

[8]        Les trois appelantes ont pris entente avec leur père qui leur verserait un salaire de 7 000 $ chacune pour la saison. Il était entendu que les appelantes auraient droit à certains versements qui seraient effectués pendant l’été et que le solde leur serait remis à la fin de la saison. En fait, elles ont chacune reçu un chèque de 5 000 $ daté du 9 août 2000, et un deuxième chèque au montant de 2 000 $, pour le règlement du solde, à la fin de la saison. Rien ne semble indiquer que cette méthode de paiement, plutôt que les chèques de paye hebdomadaires ou mensuels habituels, soit une pratique courante dans l’industrie. Je reconnais les avantages de cet arrangement pour Glacier et pour chacune des trois appelantes. Glacier, n’ayant à payer les travailleuses que tard dans la saison, a pu conserver un fonds de roulement probablement limité. Anne et Elizabeth ont pu éviter les risques d’une saison tranquille au cours de laquelle leur revenu aurait pu être bien en dessous de 7 000 $. Je suppose que Bridget aurait pu, elle aussi, être mise à pied ou travailler moins d’heures si le volume d’achalandage avait été moins bon que prévu. Je n’ai pas oublié le fait que chacune des appelantes a affirmé qu’elle aurait travaillé pour une autre entreprise selon des conditions semblables à celles que lui offrait Glacier. Toutefois, la question que se posait le ministre était de savoir si Glacier et une personne n’ayant pas de lien de dépendance avec elle auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable. Le ministre n’en était pas convaincu et, selon la preuve qui m’a été présentée, je ne peux pas dire qu’il avait tort. Je dois rejeter les appels.

 

[9]        Je dois expliquer clairement que, bien que je doive rejeter les appels, vos témoignages m’ont impressionné, surtout celui d’Anne Duquette (tel est son nom maintenant), d’Elizabeth Murphy et de James Murphy. Je ne doute absolument pas qu’Anne et Elizabeth travaillaient tout autant, sinon plus, que les autres guides. Il ne fait également aucun doute que M. Murphy comptait beaucoup sur leur expérience, non seulement lorsqu’il a acquis l’entreprise en 1995, mais plus tard également. Il ne s’agit certainement pas d’une situation ou l’on crée des emplois pour des raisons de commodité, afin d’avantager des membres de la famille qui pourraient ainsi profiter du système d’assurance-emploi sans y être admissibles. Néanmoins, la Loi est raisonnablement claire et, lorsque des parties ayant un lien de dépendance entre elles concluent des contrats de travail, elles doivent veiller scrupuleusement à ce que les modalités ne diffèrent pas de celles utilisées par l’employeur lorsqu’il embauche d’autres travailleurs ou de celles qui inciteraient les travailleurs à trouver du travail ailleurs s’ils désirent que leur emploi soit assurable en vertu de la Loi.

 

[21]    S’il s’était agi d’un appel de novo, j’aurais pu me prononcer dans un sens différent; cependant, en l’espèce, si je modifiais la décision du ministre, je me trouverais à substituer mon jugement au sien. Après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve, je conclus que la décision du ministre était raisonnable. Le ministre a tenu compte de certains faits et, conformément à la loi, il les a ensuite analysés en suivant les critères pertinents. Au cours de ce processus, le ministre n’a tiré aucune conclusion déraisonnable pour établir les hypothèses de faits sur lesquelles il a fondé sa décision. Les éléments de preuve produits par Mme Perry ne réfutent pas ces hypothèses, lesquelles, dans leur ensemble, restent valables, pour l’essentiel.

 

[22]    La décision du ministre est confirmée.

 

[23]    L’appel est donc rejeté.

 

 

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 19e jour de mai 2010.

 

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de novembre 2010.

 

 

 

François Brunet, jurilinguiste

 



RÉFÉRENCE :

2010 CCI 266

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2009-941(EI)

 

INTITULÉ :

Julie Perry et le ministre du Revenu national et Silverton Resort Ltd.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Nelson (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 avril 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 19 mai 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocat de l’intimé :

Me Matthew W. Turnell

 

Représentant de l’intervenante :

M. Greg C. Horton

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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