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Référence : 2010CCI294

Date : 20100607

Dossier : 2008-2245(IT)I

ENTRE :

S. ROSS KEUS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Dossier : 2008-2246(IT)I

ENTRE :

T. BRUCE KEUS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Dossier : 2008-2248(IT)I

ENTRE :

CORNELIUS KEUS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience le 9 avril 2010 à Halifax (Nouvelle-Écosse).)

La juge V.A. Miller

 

[1]             À l’audition des appels, Cornelius Keus s’est désisté de son appel. Les appels de Ross Keus (Ross) et de Bruce Keus (Bruce) ont été entendus sur preuve commune.

 

[2]             Les questions à trancher en l’espèce étaient de savoir si les dépenses suivantes ont été effectuées ou engagées par les appelants en vue de tirer un revenu d’une entreprise :

 

 

2000

2001

2002

Tenue de livres

 

10 498,75 $

2 000 $

Intérêts

15 308,28 $

15 508,48 $

16 178,31 $

 

 

[3]             La seule disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu sur laquelle l’intimée se fondait est l’alinéa 18(1)a), ainsi libellé :

 

18(1) Exceptions d’ordre général -- Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a) Restriction générale -- les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

 

[4]             Ross et Bruce sont frères. Ils font la pêche commerciale et travaillent comme associés depuis le 1er avril 1996 sous le nom de Keus Brothers (la « société de personnes »). Ils affirment qu’en avril 1996, ils ont acheté l’entreprise de pêche de Garfield Robbins pour 200 000 $.

 

[5]             Les frères n’avaient pas l’argent pour conclure l’achat, et leurs parents les ont aidés à acquérir les fonds nécessaires. Ils ont témoigné que leur père et leur mère, Cornelius et Elizabeth Keus, leur ont versé approximativement 135 000 $ qu’ils ont réunis en hypothéquant leur résidence auprès de la CIBC à hauteur d'environ 100 000 $ et en obtenant auprès de la CIBC un prêt à vue d’environ 35 000 $. Ross et Bruce ont utilisé le bateau de pêche et l’équipement en garantie pour emprunter les 65 000 $ restants nécessaires pour conclure l’achat. Leur témoignage n’a pas été mis en doute au contre-interrogatoire et a été confirmé par Cornelius Keus.

 

[6]             Avant 2001, le cabinet Yonker et Roche préparait les déclarations de revenus des appelants. Marian Scriven est devenue responsable de la tenue de livres de la société de personnes en février 2001. Elle a déclaré avoir été embauchée pour tenir les livres de la société de personnes, parce que les services de Yonker et Roche n’avaient été retenus que pour préparer les déclarations de revenus. Le cabinet n’avait jamais fait de tenue de livres pour la société de personnes. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle a préparé et produit les déclarations modifiées des appelants pour les années d’imposition 1996, 1997, 1998 et 1999 et  a préparé et produit les déclarations initiales des appelants pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002.

 

[7]             Mme Scriven a déclaré que ses honoraires pour préparer les livres et les déclarations de revenus étaient de 2 000 $ pour chaque année. Elle a précisé qu’elle avait reçu 10 000 $ en 2001. Elle avait demandé aux appelants de lui faire un versement initial de 4 000 $. Elle a reçu 4 000 $ en février 2001 et le reste, 6 000 $, plus tard en 2001. Pour la majorité, les paiements lui ont été versés par virements bancaires. Elle a témoigné qu’elle ne voulait pas de chèque, car cela posait problème d’encaisser des chèques d’une autre province. Les appelants résident à l’Île-du-Prince-Édouard et Mme Scriven, en Nouvelle-Écosse.

 

[8]             En plus de s’occuper des livres et des déclarations de revenus, Mme Scriven a préparé pour les appelants deux documents en 2001, à savoir un contrat de société et un document intitulé [traduction] « Confirmation de financement ». Elle a déclaré qu’elle avait établi ses honoraires à 498,75 $ pour la préparation de ces deux documents.

 

[9]             La seule preuve documentaire présentée au tribunal pour attester que les appelants ont versé des honoraires à Mme Scriven était constituée de deux chèques. Les deux chèques étaient datés du 13 décembre 2001, le premier établi au montant de 500 $ et le second, au montant de 498,75 $. Mme Scriven a déclaré que le chèque de 500 $ faisait partie de ses honoraires pour avoir fait la tenue du grand livre général et préparé les déclarations de revenus pour l’année d’imposition 2002.

 

[10]        Je note qu’en 2000 et en 2002, aucuns frais de comptabilité n’ont été déduits dans le calcul du revenu de la société de personnes. Mme Scriven a déclaré avoir inscrit les frais de comptabilité dans la catégorie [traduction] « Divers » de l’État des résultats des activités d’une entreprise de pêche. En 2001, la société de personnes a demandé une déduction de 2 498,50 $ au titre de frais de comptabilité.

 

[11]        J’ai examiné l’État des résultats des activités d’une entreprise de pêche préparé par Mme Scriven et le grand livre général tenu par celle‑ci pour la société de personnes pour chaque année en cause. J’estime que, pour chacune de ces années, l'État des résultats des activités d’une entreprise de pêche et le grand livre général sont criblés d’erreurs.

 

[12]        À titre d’exemple, les frais de comptabilité versés à Yonker & Roche en 2000 étaient inscrits dans la catégorie « Divers » de et du grand livre général. En 2000, les frais d’intérêts et les frais bancaires inscrits au grand livre étaient de 7 389,02 $, tandis qu’ils étaient de 15 389,02 $ dans l’État des résultats des activités d’une entreprise de pêche. Mme Scriven a estimé que la société de personnes avait engagé des frais d’intérêts supplémentaires de 8 000 $. En 2001, le total des frais d’intérêts et bancaires inscrits au grand livre était de 8 557,61 $. Dans l’État des résultats des activités d’une entreprise de pêche pour 2001, la société de personnes a déclaré des frais d’intérêts de 15 557,61 $. Ce montant comprenait des montants d’intérêts dont la déduction a été demandée deux fois, des frais d’intérêts non admissibles et des frais d’intérêts estimatifs.

 

[13]        L’avocate de l’intimée a déclaré que Mme Scriven n’a pas fait preuve de diligence raisonnable dans la tenue des grands livres et la préparation des états des résultats de la société de personnes. J’en conviens. Toutefois, les appelants ne devraient pas subir les conséquences des erreurs de Mme Scriven. Je crois que la société de personnes a bel et bien demandé à Mme Scriven de produire des déclarations modifiées. Je crois également que la société de personnes lui a versé 2 000 $ pour tenir le grand livre général et préparer les déclarations de revenus de chaque année. La société de personnes a le droit de déduire les montants de 10 498,75 $ et de 2 000 $ respectivement pour 2001 et 2002.

 

[14]        Les appelants ont produit en preuve des documents qui me convainquent que Cornelius et Elizabeth Keus avaient grevé leur résidence d’une hypothèque et que les appelants ont effectué les paiements hypothécaires en avril, mai, juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2000 et en juin 2001.

 

[15]        Dans le document intitulé « Confirmation de financement », les appelants ont attesté qu’il leur incombait d’effectuer les versements de remboursement du prêt obtenu grâce à la créance hypothécaire sur la résidence de leurs parents. La difficulté à laquelle les appelants sont confrontés est que les frais d’intérêts à l’égard des prêts de 100 000 $ et de 35 000 $ n’ont pas été engagés par les appelants comme l’exige l’alinéa 18(1)a) de la Loi, mais par Cornelius et Elizabeth Keus, et les appelants ne peuvent donc pas les déduire.

 

[16]        Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je conclus que la société de personnes a reçu un prêt (no 4565150) de 65 000 $ de la CIBC en 1996. Je conclus également que le produit de ce prêt a servi à l’achat de l’entreprise de pêche auprès de Garfield Robbins en 1996. Aucun élément de preuve n’a été présenté concernant le montant des intérêts versés sur ce prêt en 2000. Pour 2001 et 2002, la société de personnes a le droit de déduire à l’égard de ce prêt des frais d’intérêts de 3 127,29 $ et de 2 549,48 $ respectivement.

 

[17]        L’intimée a reconnu a) que la société de personnes a emprunté 100 980 $ en 2002 pour acheter un nouveau bateau de pêche et un moteur; b) que la société de personnes a engagé des frais d’intérêts de 1 718,49 $ à l’égard de ce prêt (no 4565355) et c) que la société de personnes a également engagé des dépenses de 150 $ pour enregistrer ce prêt.

 

[18]        La société de personnes a demandé une déduction de 171,14 $ à l’égard de frais de services bancaires pour 2001. Le montant est raisonnable et est accordé.

 

[19]        En 2001 et en 2002, la société de personnes a demandé une déduction pour frais d’intérêts sur un prêt (no 9052928208) utilisé pour acheter un camion. Il ressort de la preuve établie à l’audition des appels que ledit camion a été acheté par Ross et non par la société de personnes. D’après la preuve également, le camion était utilisé par Ross dans l’entreprise de pêche. Dans la réponse à l’avis d’appel, l’intimée a précisé que les véhicules utilisés dans l’entreprise de pêche par les appelants étaient utilisés à 100 % à des fins commerciales. J’ai conclu que Ross a droit à une déduction des frais d’intérêts engagés à l’égard du camion. Ces frais d’intérêts étaient de 752,36 $ en 2001 et de 922,33 $ en 2002.

 

[20]        En conclusion, la société de personnes a le droit de déduire des frais de tenue de livres de 10 498,75 $ pour 2001 et de 2 000 $ pour 2002. Elle a également le droit de déduire des frais d’intérêts et des frais bancaires de 3 298,43 $ et de 4 417,97 $.

 

[21]        Bruce et Ross ont chacun le droit de déduire 50 % des dépenses de la société de personnes.

 

[22]        Pour tous les motifs mentionnés ci-dessus, les appels sont accueillis de sorte que :

 

a)                Pour 2001 et 2002 respectivement, Bruce a le droit de déduire des frais de tenue de livres de 5 249,38 $ et de 1 000 $, ainsi que des frais d’intérêts et des frais bancaires de 1 649,22 $ et de 2 208,99 $.

 

b)      Pour 2001 et 2002 respectivement, Ross a le droit de déduire des frais de tenue de livres de 5 249,37 $ et de 1 000 $, ainsi que des frais d’intérêts et des frais bancaires de 2 401,58 $ et de 3 131,31 $.

 

[23]        Chaque partie assumera ses propres frais.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2010.

 

            « V.A. Miller »

            La juge V.A. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de janvier 2014.

 

S. Tasset

 


RÉFÉRENCE :                                 2010CCI294

 

No DE DOSSIER DE LA COUR :    2008-2245(IT)I

 

INTITULÉ :                                      S. ROSS KEUS ET

                                                          LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 avril 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 9 avril 2010

 

DATE DES MOTIFS ÉCRITS
DU JUGEMENT :                            Le 7 juin 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

M. Joe Cooper

Avocate de l’intimée :

Me Shannon Williams

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                       Nom :                         Joe Cooper

                  Cabinet :                         Blackburn English

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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