Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2008-1249(GST)I

ENTRE :

GREGORY L. NIKEL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 18 août 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelant :

Guymond Fortin

Avocat de l'intimée :

Me Frédéric Morand

 

JUGEMENT MODIFIÉ

          Attendu que le jugement et le paragraphe 47 des motifs du jugement comportaient une erreur dans le nom de famille du représentant de l’appelant;

 

          Ce jugement modifié et ces motifs du jugement modifiés sont émis en remplacement du jugement et des motifs du jugement signés le 14 octobre 2008. À tout autre égard, le jugement et les motifs du jugement demeurent inchangés.

 

          Selon les motifs du jugement modifiés ci-joints, l’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l’avis est daté du 12 janvier 2007 et porte le numéro 08CP0200138 pour la période du 30 mai 2003 au 31 décembre 2005, est accueilli, sans frais, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que la taxe nette visée par la cotisation n’aurait pas dû être augmentée de 5 172,93 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de novembre 2008.

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré


 

 

Référence : 2008 CCI 540

Date : 20081104

Dossier : 2008-1249(GST)I

ENTRE :

GREGORY L. NIKEL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

Le juge Jorré

 

La question en litige

 

[1]              L’appelant a acquis un condominium[1] dans un complexe de villégiature au Cap Tremblant, à Mont-Tremblant, au Québec.

 

[2]              La Cour doit se demander s’il y a eu un changement dans l’utilisation du bien et, dans l’affirmative, elle doit quantifier l’importance de ce changement.

 

[3]              Plus précisément, il s’agit de mesurer les proportions de l’utilisation commerciale et de l’utilisation personnelle du condo pendant les périodes en cause  soit les périodes de déclaration comprises entre le 30 mai 2003 et le 31 décembre 2005.

 

[4]              S’il y a un changement de plus de 10 % dans l’utilisation, il y aura une fourniture réputée du bien, ce qui entraînerait un assujettissement à la TPS (taxe sur les produits et services) proportionnel à la réduction de son utilisation commerciale.

 

Les faits

 

[5]              L’appelant a acquis le condo le 13 juin 2003 pour la somme de 241 500 $.

 

[6]              Au moment de l’acquisition, l’appelant avait l’intention d’utiliser le condo presque totalement à des fins locatives dans le cadre d’activités commerciales. L’appelant a demandé et reçu un crédit de taxe sur les intrants de 16 905 $, soit une somme égale au montant de la TPS payée à l’achat du condo[2].

 

[7]              Le complexe dans lequel se trouve le condo est exploité comme centre de villégiature. Il est ouvert douze mois par année, 24 heures par jour, et il offre l’hébergement et des locaux à la fois aux touristes et aux personnes souhaitant y tenir des réunions. Depuis 2005 le complexe est appelé « Wyndham Cap Tremblant ».

 

[8]              Les installations comprennent un restaurant italien, des salles de conférence pouvant accueillir plus de 200 personnes, deux simulateurs de golf, trois courts de tennis, des piscines et des spas. L’une des piscines est ouverte toute l’année.

 

[9]              L’appelant a conclu deux ententes successives avec Tremblant Sunstar Properties et, après avril 2005, avec Cap Tremblant Mountain Resorts Inc., détenteur d’une franchise de Wyndham. Tremblant Sunstar ou Cap Tremblant (ci‑après l’« exploitant ») louait, exploitait et gérait le condo de l’appelant lorsqu’il ne l’utilisait pas.

 

[10]         Selon les ententes, l’exploitant est responsable de la commercialisation, de la publicité, des réservations, du service d’accueil, du service à la clientèle, de l’établissement des tarifs, de l’entretien ménager du condo et du service du linge de maison (sauf lorsque le propriétaire occupe le condo); l’exploitant se charge en outre des réparations et des remplacements en raison de l’usure. Dès l’entrée en vigueur de la deuxième entente, Wyndham Cap Tremblant et ses condos ont été inscrits dans le système de réservations de Wyndham.

 

[11]         L’appelant avait notamment les obligations suivantes : fournir l’ameublement; payer le coût des réparations et de l’entretien du condo et des meubles, de même que remplacer ceux‑ci lorsque nécessaire; fournir les services de téléphone et de câblodistribution de base; fournir l’assurance (y compris une assurance responsabilité civile de deux millions de dollars, une assurance en cas d’interruption de la location, une assurance incendie et une assurance relative aux biens meubles); veiller à l’aménagement du paysage et au déneigement ainsi que payer pour le grand nettoyage du printemps et de l’automne.

 

[12]         Suivant les ententes, l’exploitant conserve 45 % ou 48 % du « revenu de location net ». Le « revenu de location net » correspond au revenu de location brut moins les commissions versées à un agent, les remises promotionnelles et les redevances payées par le propriétaire à Intersite Real Estate Development Corporation. L’appelant doit couvrir l’ensemble de ses coûts avec la part de 55 % ou de 52 % qu’il reçoit.

 

[13]         À partir du 3 avril 2005, date d’entrée en vigueur de l’entente conclue avec Cap Tremblant Mountain Resorts, les redevances payées à Wyndham et les frais de carte de crédit étaient également déduits du revenu de location brut pour calculer le « revenu de location net ». L’entente prévoit en outre que l’appelant doit payer tous les services publics[3]. (L’entente intervenue avec Sunstar ne précise pas expressément qui assume le coût des services publics.)

 

[14]         Les ententes prévoient que le propriétaire peut réserver un maximum de 36 jours par année et qu’il ne peut réserver le condo s’il fait déjà l’objet d’une réservation de la part d’un client.

 

[15]         Il est difficile de savoir exactement ce qu’il advient si le propriétaire passe plus de 36 nuits dans le condo. L’entente avec Sunstar prévoit que si le propriétaire reste dans le condo une nuit de plus que 36 nuits, le propriétaire doit payer à l’exploitant le tarif quotidien en vigueur[4]. L’entente avec Cap Tremblant ne comporte aucune stipulation sur ce point.

 

[16]         Une autre disposition de l’entente avec Sunstar est la clause 4m). Celle‑ci oblige l’exploitant à assurer des services de réception 24 heures par jour, à l’exception des jours de la semaine où le taux d’occupation des condos qu’il gère est inférieur à 20 %[5].

 

[17]         Les trois tableaux suivants montrent l’utilisation du condo de l’appelant :


2003 Utilisation (en jours)

 

 

Total

Personnel

Entretien

Location

Non utilisé

 

 

 

 

 

 

Janvier

0

0

0

0

0

Février

0

0

0

0

0

Mars

0

0

0

0

0

Avril

0

0

0

0

0

Mai

0

0

0

0

0

Juin

18

0

1

2

15

Juillet

31

16

1

9

5

Août

31

0

0

15

16

Septembre

30

0

0

7

23

Octobre

31

0

0

8

23

Novembre

30

0

0

3

27

Décembre

31

0

0

9

22

 

 

 

 

 

 

 

202

16

2

53

131

 

2004 Utilisation (en jours)

 

 

Total

Personnel

Entretien

Location

Non utilisé

 

 

 

 

 

 

Janvier

31

0

0

8

23

Février

29

0

0

13

16

Mars

31

0

0

17

14

Avril

31

6

0

0

25

Mai

30

0

0

2

28

Juin

30

5

0

0

25

Juillet

31

22

0

0

9

Août

31

0

0

12

19

Septembre

30

0

0

6

24

Octobre

31

0

0

6

25

Novembre

30

0

0

3

27

Décembre

31

0

0

8

23

 

 

 

 

 

 

 

366

33

0

75

258

 


2005 Utilisation (en jours)

 

 

Total

Personnel

Entretien

Location

Non utilisé

 

 

 

 

 

 

Janvier

31

0

0

12

19

Février

28

0

0

15

13

Mars

31

0

0

14

17

Avril

31

0

0

0

31

Mai

30

2

0

0

28

Juin

30

0

0

2

28

Juillet

31

21

0

1

9

Août

31

0

0

16

15

Septembre

30

0

0

7

23

Octobre

31

0

0

2

29

Novembre

30

0

0

3

27

Décembre

31

0

0

2

29

 

 

 

 

 

 

 

365

23

0

74

268

 

Aucun élément de preuve n’a été présenté quant au revenu tiré par l’appelant de ces locations ni quant à la taxe sur les extrants perçue sur les locations[6].

 

[18]         Pendant la période en cause, le taux d’occupation du condo lorsque ce dernier était disponible pour la location a été faible :

 

Année

Taux d’occupation approximatif[7]

 

 

2003 (environ 6,5 mois)

29 %

2004

23 %

2005

22 %

 

[19]         Si on exclut juin 2003, mois où l’appelant n’a été propriétaire du condo que pendant 18 jours, ainsi que juillet de chacune des trois années, mois où l’appelant a utilisé le condo pendant 16, 22 et 21 jours respectivement, il reste 27 mois.

 

[20]         Durant ces 27 mois, l’appelant n’a utilisé le condo qu’au cours de trois mois pendant six jours, cinq jours et deux jours, respectivement. Pendant 11 de ces 27 mois, le condo était soit non loué, soit loué pendant trois jours ou moins. En d’autres termes, pendant 11 de ces 27 mois, le condo était loué 10 % du temps ou moins.

 

[21]         Les parties m’ont remis quatre tableaux[8]. Le premier tableau montre le nombre total de nuits par mois où des condos étaient occupés pendant les exercices se terminant le 30 avril 2006, le 30 avril 2007 et le 30 avril 2008. Le premier exercice présenté compte neuf mois qui chevauchent les neuf derniers mois visés par la cotisation. Au cours de ce premier exercice se terminant le 30 avril 2006, le mois le plus achalandé est juillet, alors que des condos étaient occupés dans le complexe pendant 1 903 nuitées[9].

 

[22]         Le mois le moins occupé de cette même année est novembre puisque les condos n’ont servi que pour 227 nuitées. Nous ne connaissons pas le nombre de condos que comportait le complexe à ce moment mais, selon la preuve, il compte maintenant ou comptera un jour 400 unités[10].

 

[23]         Le deuxième tableau présente le taux d’occupation pour les trois mêmes exercices. Il est reproduit ci-dessous. Il révèle le même caractère hautement saisonnier que le premier tableau. Les mois de juillet et d’août sont les plus populaires  le taux d’occupation le plus élevé étant d’environ 60 % en août 2006[11]. Les mois de novembre et d’avril sont particulièrement calmes et la saison de ski semble très variable.



[24]         Le troisième tableau montre le taux d’occupation pour l’année civile plutôt que pour l’exercice financier. Le quatrième tableau présente le revenu mensuel pour les trois mêmes exercices financiers que les premier et deuxième tableaux. On y constate encore une fois le caractère très saisonnier de la location, les mois de novembre et d’avril étant fort calmes au chapitre du revenu pour toutes les années. Le mois avec les revenus les plus élevés est décembre 2006[12]  probablement en raison de la période de Noël et du Nouvel An.

 

[25]         Les points fondamentaux suivants ressortent de ces tableaux :

 

a)    Le caractère hautement saisonnier de la location, certains mois pouvant être fort calmes et ne donner lieu qu’à de très faibles revenus. Pendant l’année où les revenus ont été les plus élevés selon le quatrième tableau après la période en cause  les six meilleurs mois constituent environ les trois quarts du revenu tandis que les trois pires mois correspondent à environ 6 % du revenu;

b)    Le taux d’occupation global relativement faible.

 

Il convient de signaler que, parmi les 36 mois figurant dans les premier, deuxième et troisième tableaux, seuls les neuf premiers mois chevauchent la période frappée d’appel.

 

Analyse

 

[26]         L’appelant fait valoir que la façon appropriée de mesurer la part d’utilisation personnelle par opposition à la part d’utilisation commerciale consiste simplement à établir le rapport entre le nombre de jours d’utilisation personnelle et le nombre de jours où le condo était disponible pour la location. Selon l’appelant, l’application de cette méthode révèle que la proportion d’utilisation personnelle n’a jamais excédé 10 %.

 

[27]         Lorsqu’elle a établi la cotisation, l’intimée a pour sa part estimé qu’il était plus raisonnable d’utiliser le rapport entre le nombre de jours ayant réellement servi à une utilisation personnelle et le nombre réel de jours de location.

 

[28]         Le paragraphe 141.01(5) de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la TPS) est ainsi rédigé :


Méthodes de mesure de l’utilisation

 

(5) Seules des méthodes justes et raisonnables et suivies tout au long d’un exercice peuvent être employées par une personne au cours de l’exercice pour déterminer la mesure dans laquelle :

 

[…]

 

b) des biens ou des services sont consommés ou utilisés en vue de la réalisation d’une fourniture taxable pour une contrepartie ou à d’autres fins.

[Je souligne.]

 

Il s’agit donc pour l’essentiel de savoir si la méthode choisie par l’appelant est « juste et raisonnable ».

 

[29]         Dans la décision Magog (Ville de) c. Canada, 2001 CAF 210, le juge Noël de la Cour d’appel fédérale mentionne, au nom du tribunal, que le juge de première instance, lorsqu’il applique le paragraphe 141.05(1) de la TPS, a pour rôle de déterminer si la méthode employée par le contribuable est juste et raisonnable. Il peut y avoir plus d’une méthode juste et raisonnable et il n’appartient pas au juge de première instance de choisir la meilleure.

 

[30]         Il ne fait aucun doute que le condo de l’appelant est loué en vertu d’une entente permettant de réaliser un revenu durant toute l’année. Le complexe est ouvert 365 jours par année et les installations, y compris les salles de réunion, sont conçues pour tenter d’attirer des clients pendant toute l’année.

 

[31]         Si l’appelant ne se servait pas du condo, il n’y aurait aucun doute que l’utilisation constituerait une activité commerciale à 100 %.

 

[32]         À la lumière de ce qui précède, il semble de prime abord étonnant de laisser entendre que le fait de retirer le condo du marché pendant 33 jours en 2004 pour l’utiliser à des fins personnelles (soit environ 9 % de l’année) puisse se traduire par une réduction d’utilisation au titre de l’activité de location d’environ 71 %, comme l’a calculé[13] le ministre, plutôt que de 91 %, comme l’avance l’appelant.

 

[33]         En revanche, compte tenu du faible taux réel d’occupation dans le cadre de l’activité commerciale et du caractère hautement saisonnier de la location malgré les efforts déployés pour attirer une clientèle toute l’année, je suis réticent à accepter qu’on doive simplement attribuer tous les jours pendant lesquels le condo est loué ou disponible pour la location à l’activité de location, soit l’activité commerciale.

 

[34]         La meilleure façon d’expliquer cette réticence est la suivante. La valeur du condo est tributaire d’un certain nombre de facteurs qui influeront sur la demande de location visant l’unité :

 

a)    la dimension et l’aménagement du condo  ce qui lui permet d’accueillir un certain nombre de personnes  ainsi que certaines autres caractéristiques touchant l’utilisation inhérente susceptible d’en être faite  par exemple, la présence ou l’absence d’une cuisine;

b)    sa situation dans un complexe de villégiature offrant certaines installations et dans un lieu de villégiature, Mont-Tremblant, qui offre un certain nombre d’activités et de services;

c)    la période de l’année.

 

[35]         La preuve présentée en l’espèce montre sans équivoque que le taux d’occupation possible et le revenu possible varient beaucoup d’une période à l’autre de l’année. À titre d’exemple, dans le deuxième tableau à l’onglet 5 de la pièce I‑2, le rapport entre le taux d’occupation pendant le meilleur mois et le taux d’occupation pendant le pire mois pour chacune des trois années est de l’ordre de cinq ou six pour un. Le revenu paraît varier davantage[14].

 

[36]         Si le condo était divisé en tranches mensuelles et que chacune de ces périodes était vendue séparément, le prix varierait énormément pour chacun des mois. Par exemple, compte tenu de la demande relative, il ne fait aucun doute que les personnes qui achèteraient chaque mois de juillet ou chaque mois d’août à perpétuité devraient débourser davantage qu’une personne achetant chaque mois de novembre ou d’avril.

 

[37]         L’appelant utilise principalement le condo en juillet. Manifestement, cette utilisation en juillet réduit les possibilités de revenu du bien davantage qu’une utilisation pendant un mois se situant dans la moyenne, et beaucoup plus qu’une utilisation pendant un mois très calme, comme novembre. Même si cette situation est quelque peu équilibrée par l’utilisation restreinte du condo en avril pendant une année et en mai pendant une autre  deux mois où la demande est faible  la méthode choisie par l’appelant ne tient nullement compte de ce fait et paraît sous‑estimer considérablement l’utilisation personnelle par rapport à son incidence sur le revenu de location.

 

[38]         Toutefois, l’approche choisie par le ministre ne me paraît pas pour autant plus appropriée  en particulier si on tient compte du fait que le condo est géré par des spécialistes, qu’il se trouve dans un complexe ouvert toute l’année et que l’appelant engage certaines dépenses qu’il n’engagerait pas s’il ne voulait pas le louer. En d’autres termes, cette approche ne semble pas reconnaître que le condo sert à des activités de location lorsque l’appelant ne l’utilise pas. Cette méthode omet également de prendre en compte le fait que l’exploitation d’un établissement de type hôtelier implique toujours un certain taux de chambres non louées. Enfin, je signale que la méthode employée par le ministre pourrait entraîner des résultats étonnants si on considère qu’une personne qui utiliserait toujours le condo pendant les mêmes quatre semaines tous les étés verrait sa proportion d’utilisation personnelle varier chaque année en fonction du nombre changeant de locations d’une année à l’autre[15].

 

[39]         Ni l’une ni l’autre des méthodes choisies par les parties ne semble appropriée. En théorie, s’il était possible de déterminer adéquatement la répartition relative du prix du condo pour les différents jours de l’année, l’utilisation personnelle correspondrait alors à la somme des prix de chaque jour d’utilisation personnelle divisée par la valeur totale du bien pour l’année.

 

[40]         Bien qu’elle ne soit pas dénuée de valeur sur le plan théorique, cette approche n’est pas pratique. Il est difficile d’imaginer comment les contribuables pourraient s’y conformer ou comment le ministre pourrait l’appliquer.

 

[41]         La question demeure celle de savoir si la méthode choisie par l’appelant est juste et raisonnable. Il convient de s’interroger sur la facilité d’utilisation de la solution retenue, à savoir que les méthodes employées doivent être relativement simples pour que le contribuable puisse s’y conformer et le ministre les appliquer.

 

[42]         Étant donné qu’il n’est pas évident qu’il existe une méthode d’attribution pratique susceptible de donner lieu à une répartition plus raisonnable[16], que le complexe est géré par des spécialistes, que le condo est toujours disponible pour la location lorsque l’appelant ne s’en sert pas, que le complexe comporte des installations visant à attirer des clients toute l’année, et compte tenu des dépenses qu’engage l’appelant pour veiller à ce que le condo demeure sur le marché pendant toute l’année et malgré le fait que la méthode choisie par l’appelant comporte des faiblesses importantes[17], je conclus qu’il s’agit d’une méthode juste et raisonnable.

 

[43]         La conséquence de cette conclusion est qu’il n’y a pas eu de changement d’utilisation de 10 % ou plus. En vertu de l’article 197 de la TPS, il n’y a donc pas de fourniture réputée par le paragraphe 207(2) de la TPS et il n’y a pas de TPS payable.

 

[44]         Je dois ajouter qu’il importe de prendre en considération, dans le calcul de l’utilisation personnelle, non seulement les jours d’utilisation personnelle, mais aussi les jours où le propriétaire a retiré le condo du marché de la location en le réservant ou autrement.

 

[45]         Les faits des autres causes auxquelles on m’a renvoyé sont différents des faits ici[18].

 

Conclusion

 

[46]         Par conséquent, l’appel sera accueilli, sans frais, et l’affaire sera renvoyée au ministre pour qu’il l’examine à nouveau et établisse une nouvelle cotisation sur le fondement que la taxe nette visée par la cotisation n’aurait pas dû être augmentée de 5 172,93 $.


 

[47]         J’aimerais remercier M. Fortin et Me Morand pour la façon organisée et efficace avec laquelle ils ont présenté la cause.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de novembre 2008.

 

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré


RÉFÉRENCE :                                      2008 CCI 540

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :         2008-1249(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                  GREGORY L. NIKEL c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     Le 18 août 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :          L'honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                       Le 14 octobre 2008

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :       Le 4 novembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelant :

Guymond Fortin

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Frédéric Morand

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]       Plus précisément, l'appelant a acheté une unité résidentielle d'un immeuble en copropriété divise selon le chapitre troisième, titre troisième, livre quatrième, du Code civil du Québec.

[2]       Voir les paragraphes 141(2) et 169(1), partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la TPS).

[3]       Ce qui paraît comprendre le chauffage puisque ce service n’est mentionné nulle part.

[4]       Voir la clause 8g) à l’onglet 1 de la pièce I-2.

[5]       Onglet 1, pièce I-2.

[6]       Il aurait été utile d'avoir ces renseignements ainsi qu'une idée de ce qu’auraient pu être les revenus potentiels pendant les périodes où l'appelant a utilisé le condo particulièrement en juillet.

[7]       Le calcul est le suivant : [(jours loués) ÷ (jours où le condo était disponible pour la location plus jours loués)].

[8]       Onglet 5, pièce I-2.

[9]       Même si l’axe gauche du premier tableau de l’onglet 5 ne porte pas d’inscription, la seule signification logique que peut avoir le nombre « 1 903 » est le nombre total de nuits pendant lesquelles les condos ont été occupés.

[10]     Selon les renseignements donnés à l’onglet 6 de la pièce I-2, où on fait mention d’un complexe de 400 unités. Le document figurant à l’onglet 6 n’est pas daté; nous savons uniquement qu’il a été imprimé le 12 août 2008. On peut conclure, au moyen du nombre de nuitées en novembre 2005 selon le premier tableau et le pourcentage d’occupation montré au deuxième tableau figurant à l’onglet 5 de la pièce I‑2, qu’il doit y avoir eu moins de 200 unités à ce moment, compte tenu du fait que peu de propriétaires seraient présents en novembre.

[11]     Août 2006 fait partie de l’exercice se terminant le 30 avril 2007.

[12]     Décembre 2006 fait partie de l’exercice se terminant le 30 avril 2007.

[13]     Le calcul effectué par le ministre est le suivant : utilisation à des fins de location = (75 jours de location) ÷ (75 jours + 33 jours d’usage personnel).

[14]     Dans le quatrième tableau au même onglet, le rapport entre le revenu de décembre et de novembre des exercices 2005, 2006 et 2007 est d’environ neuf pour un, 16 pour un et dix pour un, respectivement.

[15]     Cette méthode donnerait aussi lieu à une évaluation fort erronée de l’utilisation si l’appelant se réservait toujours le condo en novembre.

[16]     L’intimée n’a invoqué aucune approche de rechange à la méthode employée dans la cotisation. La question de savoir si l’existence d’une méthode d’attribution dont l’application serait à la fois raisonnable et pratique dans des circonstances semblables à celles-ci, si une telle méthode existe, aurait un impact sur le résultat est une question qui devra être résolue dans une autre cause.

[17]     Il est intéressant de remarquer que, même si aucun élément de preuve autre que le quatrième tableau figurant à l’onglet 5 n’a été présenté en ce qui a trait aux revenus, un calcul des plus sommaires permet de penser qu’il faudrait de nombreuses années avant que la TPS nette remise par l’appelant puisse égaler le remboursement de taxe sur les intrants du montant de 16 905 $ qu’a reçu l’appelant.

[18]     L’affaire Morris c. La Reine, 2006 CCI 502, intéresse l’impôt sur le revenu et un chalet individuel qui ne faisait pas partie d’un complexe et dont la location n’était pas gérée par des spécialistes. Dans la décision Navaho Inn c. Canada, [1995] A.C.I. no 338 (QL), il s’agissait de savoir comment attribuer les chambres libres compte tenu du fait que l’auberge effectuait à la fois des fournitures exonérées et des fournitures taxables. Comme la majorité des fournitures était exonérée, la Cour a rejeté l’assertion de l’appelante voulant que les chambres libres doivent toujours être attribuées aux fournitures taxables. Enfin, dans l’affaire Légion Royale Canadienne (filiale Vincent Massey ‑ 164) c. Canada, [1996] A.C.I. no 1402 (QL), le ministre a attribué à des fournitures exonérées 15 % de la TPS sur des coûts indirects. La décision reposait sur l’utilisation possible de l’étage inférieur pour effectuer des fournitures taxables par opposition à des fournitures exonérées. La Cour a conclu que le sous‑sol ne pouvait faire l’objet d’une utilisation accrue.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.