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Dossier : 2008-4125(IT)I

ENTRE :

GARAGE GILLES GINGRAS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Gilles Gingras (2008-4127(IT)I),

le 5 octobre 2009, à Sherbrooke (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Richard Généreux

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003, 2004 et 2005 sont accueillis en partie, en ce qu’il devra être tenu compte des changements qui devront être apportés dans le dossier personnel de Gilles Gingras, dossier 2008-4127(IT)I. Quant aux pénalités, elles sont confirmées, sujet aux divers changements.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce  2e  jour de juillet 2010.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

Dossier : 2008-4127(IT)I

ENTRE :

GILLES GINGRAS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Garage Gilles Gingras, (2008-4125(IT)I)

le 5 octobre 2009, à Sherbrooke (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Richard Généreux

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003, 2004 et 2005 sont accueillis en partie et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que :

 

-                la conjointe de l’appelant lui donnait 200 $ par mois en remboursement d’une part indivis de la roulotte, et ce, pour les années 2003, 2004 et 2005;

 

-                l’appelant a hérité d’un montant de 4 500 $ qui lui a été payé comptant, gonflant ainsi ses actifs pour un montant équivalent;

 

-      finalement, un montant de 1 000 $ devra être soustrait du coût de vie de l’appelant pour les années d’imposition en question.

 

Les pénalités sont confirmées, sujet aux changements à être apportés, le tout, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juillet 2010.

 

 

« Alain Tardif»

Juge Tardif


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 343

Date : 20100702

Dossiers : 2008-4125(IT)I

2008-4127(IT)I

ENTRE :

GARAGE GILLES GINGRAS,

GILLES GINGRAS,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Tardif

 

[1]              Il s’agit de deux appels où les parties ont convenu de procéder au moyen d’une preuve commune au motif que l’appelant détenait la totalité des actions de l’appelante. Dans le dossier de l’appelant, soit le numéro 2008-4127(IT)I, les questions en litige sont les suivantes :

 

a)                  Pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005, le ministre était justifié d’ajouter aux revenus de l’appelant, les montants respectifs de 22 836 $, 14 667 $ et 1 072 $ à titre d’avantage imposable lui ayant été conféré par la Société;

 

b)                  Pour les années d’imposition 2004 et 2005, le ministre était justifié d’ajouter aux revenus de l’appelant, les montant respectifs de 2 760 $ et 2 619 $ à titre d’avantage imposable lui ayant été conféré par la Société;

 

c)                  Pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005, le ministre était justifié d’ajouter aux revenus de l’appelant, les montants respectifs de 1 545 $, 1 956 $ et 1 892 $ à titre d’avantage imposable pour utilisation de véhicules de la Société;

 

d)                  Pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005, le ministre était justifié d’imposer à l’appelant des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

 

[2]              Pour établir les nouvelles cotisations, l’intimée s’est fondée sur les hypothèses de fait suivantes énumérées dans le dossier Gilles Gingras, 2007‑4127(IT)I :

 

a)                  Au cours des années d’imposition en litige, l’appelant était l’unique actionnaire et administrateur de la société « Garage Gilles Gingras » (ci‑après, la « Société »);

 

b)                  Au cours des années d’imposition en litige, l’appelant était aussi employé de la Société;

 

c)                  L’exercice financier de la Société se terminait le 31 août de chaque année;

 

d)                  Selon les registres du ministre, au cours des années d’imposition en litige, la Société exploitait une entreprise de réparations générales de véhicules automobiles;

 

e)                  Au cours des années d’imposition en litige, la Société opérait sous la bannière « Autopro »;

 

f)                    La majorité des clients de la Société étaient des particuliers;

 

g)                  Une vérification de l’appelant et de la Société a été effectuée par la vérificatrice du ministre (ci-après, la « vérificatrice »), pour les années d’imposition en litige;

 

h)                  La vérificatrice a procédé à :

 

i)           Une vérification générale du dossier de la Société;

ii)          Une vérification des factures d’achats et des retours de chèques;

iii)                 Une vérification par échantillonnage des factures de ventes;

iv)                 Une analyse des dépôts bancaires dans les comptes de la Société;

v)                  Une analyse des dépôts bancaires dans le compte bancaire personnel de l’appelant;

vi)                 L’établissement d’une esquisse d’avoir net de l’appelant;

 

i)                    Concernant le contrôle interne de l’entreprise de la Société, lors de sa vérification des années d’imposition en litige, la vérificatrice a constaté que :

 

i)           La sœur de l’appelant effectuait la tenue des livres et registres de la Société;

ii)          L’appelant établissait certaines factures de ventes quand sa sœur ne travaillait pas;

iii)                 En fin d’année, l’appelant remettait la tenue des livres et registres à son comptable, afin que ce dernier puisse établir les états financiers et les déclarations de revenus T-2 de la Société;

iv)                 L’appelant approuvait les états financiers et les déclarations de revenus T-2 de la Société;

 

j)                    Lors de sa vérification des années d’imposition en litige, la vérificatrice a aussi constaté que :

 

i)                    Les revenus déclarés étaient plus élevés que les montants déposés;

ii)                   Des dépôts étaient demeurés inexpliqués;

iii)                 L’appelant effectuait l’achat et la vente de véhicules usagés;

iv)                 Aucune tenue de livres n’était effectuée concernant l’achat et la vente de véhicules usagés;

v)                  Aucun revenu provenant de cette activité n’a été déclaré ni par la Société, ni par l’appelant;

vi)                 Les transactions mentionnées à l’alinéa 18. j) iii) s’effectuaient en argent comptant, aucun montant de revenu n’a été déposé dans les comptes bancaires et aucun montant n’a été sorti des comptes bancaires pour acquérir les véhicules;

vii)               L’esquisse d’avoir net a démontré des écarts;

 

k)                  Compte tenu de ce qui précède, la vérificatrice a procédé par la méthode indirecte de vérification de l’« écart par avoir net », pour vérifier les dossiers de la Société et de l’appelant pour les années d’imposition en litige;

 

l)                    La vérificatrice a établi le coût de vie de l’appelant pour les années d’imposition en litige, à partir des retraits bancaires des comptes de ce dernier;

 

m)                Par la méthode indirecte de vérification de l’« écart par avoir net », la vérificatrice a déterminé des revenus non déclarés pour les montants respectifs de 22 836 $, 14 667 $ et 1 072 $, pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 de l’appelant (voir détails en annexes I et II);

 

n)                  Compte tenu que, au cours des années d’imposition en litige, la seule source de revenus « active » de l’appelant était la Société, la vérificatrice a considéré que les revenus non déclarés établis par la méthode indirecte de vérification de l’« écart par avoir net », étaient des revenus non déclarés de la Société;

 

o)                  Suite à sa vérification, la vérificatrice a apporté les modifications suivantes, aux revenus de l’appelant pour les années d’imposition en litige :

 

 

Description

2003

2004

2005

 

AJOUT/(DÉDUCTION)

Avantage imposable

‑ autos

 

 

 

1 545 $

 

 

 

1 956 $

 

 

 

1 892 $

Avantage à

L’actionnaire

 

0 $

 

2 760 $

 

2 619 $

 

Avantage à

L’actionnaire

 

 

22 836 $

 

 

14 667 $

 

 

1 072 $

 

TOTAL

 

24 381 $

 

19 383 $

 

5 583 $

 

 

[3]              Dans le dossier de l’appelante,  Garage Gilles Gingras, dont le numéro de dossier est le 2008-4125(IT)I, les questions en litige sont les suivantes :

 

a)                  Pour l’année d’imposition 2003, le ministre était autorisé à établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation;

 

b)                  Pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005, le ministre était justifié d’ajouter aux revenus nets d’entreprise de l’appelante, les montants respectifs de 15 203 $, 17 398 $ et 5 616 $;

 

c)                  Pour les années d’imposition 2004 et 2005, le ministre était justifié de refuser à l’appelante les montants respectifs de 2 760 $ et 2 619 $ réclamés par celle-ci à titre de dépenses d’entreprise;

 

d)                  Pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005, le ministre était justifié d’imposer à l’appelante des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

 

[4]              Pour établir les nouvelles cotisations, l’intimée s’est fondée sur les hypothèses de fait suivantes énumérées dans le dossier Garage Gilles Gingras, 2008-4125(IT)I :

 

a)                  Au cours des années d’imposition en litige, monsieur Gilles Gingras était l’unique actionnaire (ci après, l’« actionnaire ») et administrateur de l’appelante;

 

b)                  Au cours des années d’imposition en litige, l’actionnaire était aussi employé de l’appelante;

 

c)                  L’exercice financier de l’appelante se terminait le 31 août de chaque année;

 

d)                  Selon les registres du Ministre, au cours des années d’imposition en litige, l’appelante exploitait une entreprise de réparations générales de véhicules automobiles;

 

e)                  Au cours des années d’imposition en litige, l’appelante opérait sous la bannière « Autopro »;

 

f)                    La majorité des clients de l’appelante étaient des particuliers;

 

g)                  Une vérification de l’appelante et de l’actionnaire a été effectuée par la vérificatrice du Ministre (ci-après, la « vérificatrice »), pour les années d’imposition en litige;

 

h)                  La vérificatrice a procédé à :

 

i)           Une vérification générale du dossier de l’appelante;

ii)          Une vérification des factures d’achats et des retours de chèques;

vii)               Une vérification par échantillonnage des factures de ventes;

viii)              Une analyse des dépôts bancaires dans les comptes de l’appelante;

ix)                 Une analyse des dépôts bancaires dans le compte bancaire personnel de l’actionnaire;

x)                  L’établissement d’une esquisse d’avoir net de l’actionnaire;

 

i)                    Concernant le contrôle interne de l’entreprise de l’appelante, lors de sa vérification des années d’imposition en litige, la vérificatrice a constaté que :

 

i)           La sœur de l’actionnaire effectuait la tenue des livres et registres de l’appelante;

ii)          L’actionnaire établissait certaines factures de ventes quand sa sœur ne travaillait pas;

v)                  En fin d’année, l’actionnaire remettait la tenue des livres et registres de l’entreprise de l’appelante à son comptable, afin que ce dernier puisse établir les états financiers et les déclarations de revenus T-2 de l’appelante;

vi)                 L’actionnaire approuvait les états financiers et les déclarations de revenus T-2 de l’appelante;

 

j)                    Lors de sa vérification des années d’imposition en litige, la vérificatrice a aussi constaté que :

 

i)                    Les revenus déclarés étaient plus élevés que les montants déposés;

ii)                   Des dépôts étaient demeurés inexpliqués;

iii)                 L’actionnaire effectuait l’achat et la vente de véhicules usagés;

iv)                 Aucune tenue de livre n’était effectuée concernant l’achat et la vente de véhicules usagés;

v)                  Aucun revenu provenant de cette activité n’a été déclaré ni par l’actionnaire, ni par l’appelante;

vi)                 Les transactions mentionnées à l’alinéa 19. j) iii) s’effectuaient en argent comptant, aucun montant de revenu n’a été déposé dans les comptes bancaires et aucun montant n’a été sorti des comptes bancaires pour acquérir les véhicules;

vii)               L’esquisse d’avoir net a démontré des écarts;

 

k)                  Compte tenu de ce qui précède, la vérificatrice a procédé par la méthode indirecte de vérification de l’« écart par avoir net », pour vérifier les dossiers de l’actionnaire et de l’appelante pour les années d’imposition en litige;

 

l)                    La vérificatrice a établi le coût de vie de l’actionnaire pour les années d’imposition en litige, à partir des retraits bancaires des comptes de ce dernier;

 

m)                Par la méthode indirecte de vérification de l’« écart par avoir net », la vérificatrice a déterminé des revenus non déclarés pour les montants respectifs de 22 836 $, 14 667 $ et 1 072 $, pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 de l’actionnaire (voir détails en annexes I et II);

 

n)                  Compte tenu que, au cours des années d’imposition en litige, la seule source de revenus « active » de l’actionnaire était l’appelante, la vérificatrice a considéré que les revenus non déclarés établis par la méthode indirecte de vérification de l’« écart par avoir net », étaient des revenus non déclarés de l’appelante;

 

o)                  La vérificatrice a réparti l’« écart par avoir net », obtenu pour chacune des années d’imposition de l’actionnaire, en tenant compte des exercices financiers de l’appelante (voir détails en annexe III);

 

p)                  Suite à sa vérification, la vérificatrice a apporté les modifications suivantes, aux revenus nets d’entreprise de l’appelante pour les années d’imposition en litige :

 

Description

2003

2004

2005

 

AJOUT/(DÉDUCTION)

 

 

 

Revenus d’entreprise

Non déclarés

15 203 $

17 398 $

5 616 $

 

Frais de déplacements

Refusés

 

 

0 $

 

 

2 760 $

 

 

2 619 $

 

TOTAL

 

15 203 $

 

20 158 $

 

8 235 $

 

 

[5]              L’intimée a soutenu que les faits colligés lors de la vérification, à savoir plusieurs actes de négligence et marques d’indifférence quant à l’obligation de respecter les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (« Loi »), justifiaient l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

 

[6]              Le principal fondement, quant à l’imposition des pénalités, est le fait que les écarts entre les montants déclarés et ceux qui auraient dû l’être, étaient importants.

 

[7]              La preuve soumise par les appelants a principalement pris la forme de griefs faits à l’endroit de l’intimée quant à la façon et aux moyens d’établir les cotisations, dont il est fait appel.

 

[8]              Les appelants ont soutenu que le recours à la méthode de l’avoir net était injustifiée, et ce, pour les motifs suivants : tout d’abord, l’Agence a fait ce choix avant même de procéder à l’analyse et à la vérification sur place, sous prétexte que l’appelant avait payé comptant un véhicule récréatif et qu’il s’agissait-là d’un montant particulièrement important, eu égard aux revenus modestes que ce dernier avait déclarés cette année-là.

 

[9]              En second lieu, les appelants ont fait valoir que l’Agence avait conclu trop rapidement et, à tort, que l’appelant, à titre personnel, avait exploité une entreprise d’achat et de vente de véhicules d’occasion. À cet égard, l’appelant a soutenu qu’il n’avait jamais exploité une entreprise visant l’achat et la vente de plusieurs automobiles répondant exclusivement aux besoins familiaux en cette matière.

 

[10]         Finalement, les appelants ont affirmé que la société avait une comptabilité et une gestion tout à fait irréprochable. Quant à l’appelant personnellement, il a affirmé qu’il n’avait aucune obligation de tenir des registres ou une quelconque comptabilité, étant donné qu’il n’exploitait pas et n’avait pas exploité une entreprise. En d’autres termes, l’appelant a soutenu qu’aucune disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu ne l’obligeait à tenir une comptabilité pour ses affaires personnelles.

 

[11]         Dans un premier temps, la vérificatrice a fait l’objet d’un long interrogatoire par le procureur des appelants. Elle a dû expliquer en détail le travail qu’elle avait effectué et qui avait mené aux cotisations, dont il est fait appel.

 

[12]         Elle a notamment affirmé avoir été intriguée par le fait qu’il y avait beaucoup d’opérations en argent comptant dont une, particulièrement importante, soit l’achat d’une roulotte.

 

[13]         Elle a aussi affirmé que la décision de procéder à la méthode de l’avoir net avait été prise avant le début de la vérification lorsqu’elle a constaté que des opérations ont été effectuées au comptant pour faire l’acquisition de biens, dont notamment, la roulotte.

 

[14]         Lors de son témoignage relatif au dossier de l’appelante, la société Garage Gilles Gingras, la vérificatrice a reconnu que les livres étaient bien tenus et qu’elle n’avait pas remarqué d’irrégularités, si ce n’est que les revenus déclarés étaient plus élevés que les montants déposés et que des dépôts étaient inexpliqués.

 

[15]         L’appelant a indiqué avoir hérité, le 12 août 2005, lors du décès de sa mère; sa part de la succession lui a été payée en argent comptant; il s’agissait d’un montant, soit 4 500 $. Un écrit signé par sa sœur en date du 25 août 2005 a confirmé cette affirmation. Il a aussi affirmé avoir reçu une somme de 3 850 $ en remboursement du coût des réparations à son auto effectuées à la suite d’un accident survenu pendant que sa fille était au volant. Ce montant n’a aucun effet étant donné qu’il a été déboursé pour les réparations, à un montant sans doute équivalent.

 

[16]         L’auto était immatriculée au nom de l’appelant parce que sa fille profitait ainsi de primes d’assurance plus avantageuses.

 

[17]         Par conséquent, le chèque de remboursement du coût des réparations a été libellé au nom de l’appelant. La question de la propriété de certains véhicules immatriculés au nom de l’appelant, dont le coût d’acquisition et les frais d’utilisation étaient assumés par d’autres, soit sa conjointe ou ses filles, n’a pas été questionnée ou contestée.

 

[18]         Il a aussi expliqué le genre de transactions qu’il effectuait et qu’il payait comptant.

 

[19]         Pour l’appelant, c’était une façon normale, courante et utile étant donné la nature de ses activités; il s’agit d’un trait de sa personnalité et de culture familiale. Il a expliqué qu’il avait pris l’habitude d’avoir gardé des sommes importantes en comptant pour des motifs d’ordre pratique et d’efficacité.

 

[20]         L’appelant a aussi fait valoir que sa conjointe lui remettait la plupart des chèques qu’elle recevait, mais, en retour, il devait payer les dépenses du ménage. Il a aussi affirmé que la roulotte acquise au mois de juin 2003 au montant de 26 900 $ avait été acquise en copropriété avec cette dernière conformément à la mention inscrite à la main sur le contrat d’achat, au montant de son échange pour une nouvelle roulotte. La preuve a été silencieuse quant à la propriété de la roulotte donnée en échange, ayant une valeur attribuée de 15 000 $.

 

[21]         Il a fortement nié avoir dit à la vérificatrice qu’il n’avait généralement en poche que quelques centaines de dollars, étant donné qu’il avait toujours de plus importants avoirs liquides en sa possession. De plus, il a laissé entendre qu’il gardait également des sommes importantes en comptant ailleurs.

 

[22]         Quant à l’importance des opérations où il payait en espèces, un des éléments déterminants retenus par le fisc pour justifier le recours à la méthode de l’avoir net, l’appelant a soutenu que, pour lui, cette justification ne tenait pas, puisqu’il dépensait peu et, conséquemment, qu’il accumulait rapidement des sommes qui pouvaient s’élever à quelques milliers de dollars qu’il gardait généralement en comptant disponible, concluant ainsi qu’il avait déclaré la totalité de ses revenus.

 

[23]         Il a également affirmé n’avoir jamais exploité d’entreprise et ce, bien qu’il reconnaissait avoir acheté et vendu plusieurs automobiles durant les trois années visées par les appels.

 

[24]         Il a ainsi expliqué qu’il s’occupait d’acheter et de vendre les véhicules utilisés par ses filles et sa conjointe : sa conjointe et lui utilisaient une voiture décapotable, qu’ils remisaient durant la période hivernale. Ils utilisaient en hiver des « bazous » pour leurs propres besoins, mais aussi pour accommoder certains clients.

 

[25]         Compte tenu du nombre de personnes concernées, soit ses filles, sa conjointe et lui, ils avaient besoin de plusieurs automobiles, notamment en raison de son habitude de remiser sa décapotable chaque hiver. Comme il s’agissait de véhicules de peu de valeur, il les remplaçait souvent. Conséquemment, il achetait et vendait plusieurs automobiles.

 

[26]         Malgré le fait que sa conjointe et ses deux filles étaient des parties intéressées à ce chapitre, ces dernières n’ont pas témoigné. Il eut été fort intéressant d’obtenir certaines précisions et informations de leur part, puisqu’elles ont été souvent associés aux explications soumises par l’appelant; l’appelant a notamment affirmé à quelques reprises que sa conjointe lui remettait la presque totalité des chèques qu’elle recevait.

 

[27]         Pour ce qui est du dossier de la société, l’appelant, qui en était l’unique actionnaire, a fait valoir que la gestion et la comptabilité de la société étaient adéquates et irréprochables. À cet effet, il a indiqué que, puisqu’il n’avait pas les connaissances requises, il avait recours aux services de deux personnes pour s’occuper de la comptabilité de la société et veiller à ce que celle-ci se conforme à toutes ses obligations fiscales. Les deux personnes en question ont témoigné sur la nature de leur travail.

 

[28]         Le contre-interrogatoire de l’appelant a permis à la Cour de constater que l’appelant avait une grande maîtrise des deux dossiers, soit celui de la société et le sien. À certains moments, il a fait preuve d’une certaine arrogance pour éviter de répondre ou faire diversion, le sujet devenant plutôt brûlant.

 

[29]         L’appelant a admis que le chiffre d’affaires de la société, dans laquelle il détenait la totalité des actions, était demeuré au fil des années sensiblement le même, soit 415 000 $, 422 000 $, 411 000 $, 423 000 $, 400 000 $ et 397 000 $, respectivement.

 

[30]         Par contre, en ce qui concerne les revenus nets, pour les mêmes années, soit 2003, 2004, 2005, 2006, 2007 et 2008, ceux-ci  ont progressé de manière significative, se chiffrant à 33 000 $, 30 000 $, 25 000 $, 70 692 $, 69 671 $ et 54 397 $, respectivement. Les augmentations importantes des revenus nets à compter de 2007 n’ont pas été expliquées, ni justifiées.

 

[31]         Quant à la question de savoir si l’appelant a effectivement exploité une entreprise, dont la vocation était l’achat et la vente d’automobiles, la preuve a révélé que l’appelant avait acquis et vendu plusieurs automobiles non pas dans un but commercial, mais à des fins personnelles ou familiales; il achetait des autos pour ses deux filles, sa conjointe et pour lui.

 

[32]         Généralement, il s’agissait de voitures d’occasion altérées par un usage prolongé de plusieurs années, ce qui explique pourquoi elles devaient faire l’objet de remplacements continuels. L’appelant et sa conjointe avaient également la passion des cabriolets, qu’ils remisaient l’hiver, ce qui les obligeait à se trouver un véhicule de remplacement expliquant ainsi le grand nombre de véhicules en leur possession.

 

[33]         Après avoir entendu les explications de l’appelant et surtout vu le tableau préparé par ce dernier, la vérificatrice, madame Chantal Boisvert, a admis qu’elle aurait probablement conclu qu’il ne s’agissait pas d’une activité commerciale, si les explications soumises à l’audience lui avaient été données au moment de la vérification.

 

[34]         Sur la question de l’existence d’une entreprise, la volte-face de la vérificatrice est assez particulière, puisque la preuve n’a rien révélé de nouveau, si ce n’est que l’appelant avait préparé un tableau permettant de visionner rapidement et efficacement le nombre et la nature des transactions automobiles.

 

[35]         Lors de la vérification, la vérificatrice était, de toute évidence, inconfortable avec sa conclusion à l’effet que l’appelant avait exploité personnellement une entreprise, dont la vocation était l’achat et la vente d’automobiles puisqu’elle a, dès ce moment, considéré le profit réalisé lors de l’une des opérations portant sur la vente d’une automobile comme étant un gain en capital, validant ainsi la thèse de l’appelant à savoir que l’achat et la vente d’automobiles ne constituait pas une entreprise.

 

[36]         Je rappelle que la preuve n’a rien apporté de neuf, si ce n’est que les données disponibles ont été soumises de manière plus épurée. Ainsi, il y a incohérence entre la conclusion à l’effet que l’appelant avait exploité une entreprise et la conclusion à l’effet que le profit réalisé lors de l’une des opérations avait été traité comme un gain en capital.

 

[37]         En réplique au reproche qui lui a été fait, la vérificatrice a affirmé qu’il s’agissait-là d’un débat inutile, puisque sa première interprétation était sans effet sur la cotisation étant donné qu’elle avait accepté les explications soumises à savoir que, généralement, le prix payé pour les véhicules correspondait au prix auquel ils avaient été vendus, ce qui fait que ces opérations n’ont laissé aucun profit.

 

[38]         La vérificatrice a accepté les explications de l’appelant concernant l’absence de profit ou d’avantage dans le cadre de ces diverses opérations portant sur des automobiles. En d’autres termes, elle a conclu que les diverses opérations ont eu un effet nul sur le patrimoine de l’appelant, sauf une, où il a été décidé que la plus profitable constituait un gain en capital.

 

[39]         Elle a accepté les explications de l’appelant à ce sujet mais n’a pas tenu compte de la mention relative à la copropriété de la roulotte au motif qu’il s’agissait d’un ajout à la main auquel elle ne prêtait pas foi.

 

[40]         L’appelant s’est décrit comme ayant peu ou n’ayant pas de connaissance en matière de comptabilité. C’est pour cette raison qu’il s’en remettait à deux personnes pour respecter ses obligations en matière fiscale. D’ailleurs, ces deux personnes, dont sa sœur, Rita Bergeron, qui travaillait généralement en raison de trois jours-semaine, et monsieur Benoit Rochette, dont le mandat était de réviser et de préparer les résultats sur lesquels étaient fondées les déclarations annuelles, ont témoigné confirmant le témoignage de l’appelant quant à la nature du mandat qu’ils avaient.

 

[41]         L’appelant a nié avoir dit à la vérificatrice qu’il n’avait en poche généralement que quelques centaines de dollars, affirmant avoir plutôt dit qu’il portait toujours sur lui des montants substantiellement plus élevés.

 

[42]         Même si l’appelant a insisté sur son manque de connaissance en matière fiscale; il a insisté sur l’importance de balancer les comptes et il avait l’air confiant, très perspicace et à l’aise. Il m’a semblé évident qu’il ne répondait qu’aux questions qui lui permettaient de soutenir sa thèse, esquivant les questions auxquelles il ne voulait pas répondre ou en donnant des réponses générales et un peu confuses lorsqu’il croyait que les réponses ne soutiendraient pas sa thèse.

 

[43]         L’appelant n’a pas fourni d’explications ou de justifications précises; son talent à esquiver certaines questions, sa très grande assurance et finalement, une certaine arrogance ont fait qu’il n’a révélé que ce qu’il a bien voulu révéler.

 

[44]         L’appelant est une personne qui ne dit et n’affirme que ce qu’il veut bien dire et affirmer. Il a manifestement compris que l’utilisation d’argent comptant laisse généralement moins de pistes; cette façon de faire lui confère une certaine latitude, surtout la possibilité de fournir une multitude d’explications, tant au niveau de la source qu’au niveau de son utilisation de manière à rendre compatible les diverses données étayant l’hypothèse de l’augmentation des actifs.

 

[45]         L’appelant a soutenu que la méthode de calcul utilisée par l’intimée pour déterminer l’écart sur lequel les cotisations sont fondées le pénalisait puisqu’elle faisait en sorte que certains ajouts étaient comptabilisés en double, soit une première fois pour le calcul du coût de la vie et une deuxième fois au niveau des avoirs en terme d’augmentation de l’actif.

 

[46]         Le sujet de la roulotte a soulevé plusieurs questions, notamment en ce qui concerne le droit de propriété de l’unité donnée en échange établi à 15 000 $.

 

[47]         L’appelant a affirmé avoir acquis la roulotte en 2003; questionné sur le titre de propriété de la roulotte en question, rien de précis n’a été dit, si ce n’est que sa conjointe lui donne 200 $ par mois. Le début du paiement n’a pas été établi, mais la mention manuscrite sur le contrat suggère que le paiement a commencé à ce moment.

 

[48]         Sur la question du droit de propriété, la vérificatrice a affirmé qu’elle avait tenu pour acquis que seul l’appelant était propriétaire de la roulotte et ce, à partir du titre de propriété enregistré; elle a ainsi laissé sous-entendre que le nom de la conjointe avait été ajouté après coup, puisque le nom n’apparaissait pas sur le certificat d’immatriculation.

 

[49]         La conjointe de l’appelant était-elle co-propriétaire de la roulotte donnée en échange dont la valeur a été établie à 15 000 $, soit 7 500 $ pour sa part indivise. Bien qu’importante est cette question, elle n’a pas reçu de réponse, si ce n’est l’explication générale qu’elle payait 200 $ par mois, et ce, pour la durée des périodes visées par les cotisations.

 

[50]         Le premier grief, dont il a été question était que la méthode de l’avoir net était injustifiée et inappropriée, voire abusive; selon les appelants, cette seule allégation était suffisante pour conclure à l’annulation tant des cotisations que des pénalités. En d’autres termes, les appelants ont soutenu que le recours à la méthode de l’avoir net, pour établir de nouvelles cotisations sans motif ou justification, doit être sanctionné par l’annulation pure et simple des cotisations qui en ont découlé.

 

[51]         S’appuyant sur la jurisprudence, notamment sur une décision de l’ancien juge en chef de cette Cour, l’honorable Donald Bowman, les appelants ont soutenu avec vigueur que le recours à la méthode de l’avoir net pour l’établissement d’une nouvelle cotisation était une méthode particulière, voire exceptionnelle, devant être utilisée exclusivement dans les dossiers où une entreprise est exploitée et où il était tout à fait impossible de procéder à l’établissement des revenus autrement.

 

[52]         À cet effet, l’appelant a ainsi fait valoir que n’ayant jamais exploité d’entreprise d’achat et de vente d’automobiles, il n’avait aucune obligation de tenir des registres en vertu de l’article 230 de la Loi.

 

[53]         Tenant pour acquis que l’appelant avait effectivement exploité une telle entreprise, l’intimée lui a reproché l’absence de données fiables et crédibles à propos de cette activité.

 

[54]         Par ailleurs, la preuve a établi qu’avant même d’avoir vérifié s’il existait des registres et une comptabilité adéquate, l’Agence avait déjà fait son lit quant à la façon de procéder pour la vérification qui ciblait d’abord la société.

 

[55]         La stratégie des appelants a principalement constitué à déplorer, à critiquer et à contester avec emphase la façon de faire de l’Agence. En d’autres termes, les appelants ont fait valoir qu’il n’y avait aucune raison, ni motif de recourir à la méthode de l’avoir net, lors de la vérification des dossiers tant de l’appelante que de l’appelant.

 

[56]         Selon les appelants, la méthode de l’avoir net était injustifiée dans le dossier de la société, puisque la preuve a démontré que la gestion était adéquate, ce qui d’ailleurs a été validé par la vérificatrice. Quant au dossier de l’appelant, comme il ne s’agissait pas d’une entreprise, il n’avait aucune obligation d’avoir des registres comptables ou autres documents pour établir la justesse de ses revenus. Toujours selon l’appelant, la Loi n’oblige aucunement un individu à tenir une comptabilité s’il n’exploite pas une entreprise.

 

[57]         Les appelants voudraient en quelque sorte que la Cour s’inspire de la façon de faire en matière pénale et criminelle où une irrégularité entachant le déroulement d’une enquête, notamment au niveau de l’obtention ou l’exécution d’un mandat est souvent sanctionnée par l’acquittement ou la libération de l’accusé.

 

[58]         En fiscalité, cette rigueur n’existe pas, l’État dispose d’une vaste gamme de moyens, dont le recours à la méthode de l’avoir net, pour vérifier si une personne s’est correctement acquittée de ses obligations fiscales.

 

[59]         La compétence de la Cour canadienne de l’impôt se limite à décider si la cotisation est fondée ou non. Certes, il est préférable que la vérification se fasse selon les règles de l’art habituelles en matière de comptabilité. Certes, le professionnalisme et la transparence sont de mise en matière de vérification. Effectivement, il va sans dire qu’il faut déplorer tout manquement à ces grands principes.

 

[60]         Toutefois, je ne crois pas que la sanction ou le remède à des manquements, voire même importants, soit l’annulation de la cotisation. En effet, une cotisation ne peut pas être annulée ou même diminuée s’il s’avère que les seuls motifs de la contestation sont le comportement du vérificateur et la méthode d’évaluation retenue par ce dernier. En d’autres termes, une cotisation doit avoir comme seul fondement la Loi et non le comportement, voire même les abus du ou des vérificateurs.

 

[61]         La Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence pour sanctionner les abus de comportement, sauf évidemment si le ou les abus ont déformé, modifié et même falsifié le calcul de la cotisation ou l’un de ses fondements.

 

[62]         Quant au pouvoir de recourir à la méthode de l’avoir net, j’ai répertorié un certain nombre de décisions. Il s’agit d’abord de décisions où il n’y avait pas d’entreprise.

 

Hsu c. Canada 2001 CAF 240

 

[63]         Un contribuable ayant immigré au Canada en 1992, avait déclaré détenir une propriété et des actions ayant une valeur de 3 millions de dollars. Or, dans ses déclarations de revenu pour les années 1993 et 1994, il avait déclaré respectivement 1 207 $ et 636 $. Le ministre a demandé au contribuable de fournir de la documentation justifiant ses revenus. Celui-ci a refusé et le ministre a donc établi une cotisation selon la méthode de l’avoir net en estimant les revenus du contribuable à 10% de 3 millions. Les paragraphes pertinents de cette décision sont les suivants :

 

[29]      Les évaluation de la valeur nette sont une solution de dernier recours communément employée dans les cas où le contribuable refuse de produire une déclaration de revenus, qu’il a produit une déclaration fort inexacte ou qu’il refuse de fournir des documents qui permettraient à Revenu Canada de vérifier le rendement (V. Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax Law, 5e éd. (Toronto : Carswell, (1995) à la page 1089). La méthode de la valeur nette est fondée sur l’hypothèse selon laquelle une augmentation de la richesse d’un contribuable au cours d’une certaine période peut être imputée au revenu pour cette période à moins que le contribuable ne démontre le contraire (Bigayan, précité, à la page 1619). Cette méthode vise à libérer le ministre de l’obligation ordinaire qui lui incombe de prouver l’existence d’une source imposable de revenu. Le ministre est uniquement tenu de démontrer que la valeur nette du contribuable a augmenté entre deux dates. En d’autres termes, une évaluation de la valeur nette ne se rapporte pas à la détermination de la source ou de la nature de l’augmentation de la richesse du contribuable. Une fois qu’il est démontré qu’il y a eu augmentation, il incombe entièrement au contribuable de séparer son revenu imposable des gains provenant de sources non imposables (Gentile c. La Reine, [1988] 1 C.T.C. 253, à la page 256 (C.F. 1re inst.)).

 

[30]      Par sa nature, une évaluation de la valeur nette est une estimation arbitraire et imprécise du revenu du contribuable. Toute iniquité perçue se rapportant à ce genre d’évaluation est réglée en reconnaissant que le contribuable est celui qui est le mieux placé pour connaître son revenu imposable. Lorsque le fondement factuel de l’estimation du ministre est inexact, il devrait être simple pour le contribuable de corriger à la satisfaction de la Cour l’erreur que le ministre a commise.

 

[…]

 

[33]      Je tiens à ajouter qu’il était loisible au juge de la Cour de l’impôt de conclure que la méthode que le ministre avait employée pour déterminer le revenu de l’appelant était raisonnable et logique eu égard aux circonstances de l’espèce. Les nouvelles cotisations établies par le ministre étaient clairement arbitraires, mais il ne faut pas oublier que cette approche était directement attribuable au refus de l’appelant de divulguer des renseignements ou documents financiers. Dans la décision Dezura, précitée, aux pages 1103 et 1104, le président de la Cour de l’Échiquier du Canada a donné les explications suivantes :

 

[TRADUCTION]

 

La cotisation vise à permettre de déterminer le montant du revenu imposable du contribuable et à fixer le montant de sa dette conformément aux dispositions de la Loi. Si le contribuable ne produit pas de déclaration ou donne des renseignements inexacts dans sa déclaration ou de quelque autre façon, il ne peut à bon droit se plaindre de la façon dont le ministre a déterminé le montant de l’impôt qu’il devrait payer, à condition qu’il ait un droit d’appel à cet égard et qu’il ait la possibilité de démontrer que le montant que le ministre a déterminé est en fait inexact. Le contribuable qui a produit une déclaration exacte n’a pas non plus à craindre le pouvoir de ministre s’il a un droit d’appel. Les intérêts du Revenu sont donc protégés et les droits des contribuables sont pleinement maintenus. Habituellement, le contribuable connaît mieux que toute autre personne le montant de son revenu imposable et devrait être en mesure de l’établir à la satisfaction de la Cour. S’il le fait et si ce montant est inférieur à celui qui est déterminé par le ministre, pareil montant doit être réduit conformément à la  conclusion tirée par la Cour. Si, d’autre part, il omet de démontrer que le montant déterminé par le ministre est erroné, il ne peut pas à juste titre se plaindre si le montant est maintenu. Si son omission de convaincre la Cour est attribuable à sa propre faute ou à une négligence telle que l’omission de conserver des comptes ou des documents appropriés lui permettant d’étayer ses propres déclarations, il ne peut imputer la chose qu’à sa propre faute.

 

[34]      Comme le juge de la Cour de l’impôt l’a fait remarquer, l’appelant n’a rien fait pour assurer une vérification exhaustive, complète et juste. L’appelant a toujours omis de fournir des éléments de preuve tendant à établir quel était son revenu réel au cours de la période en question. Il ne peut donc pas se plaindre du fait que le ministre s’est fondé sur des hypothèses.

 

[35]      Étant donné que la charge de réfuter les nouvelles cotisations incombe carrément à l’appelant, il faut se demander si celui-ci a réussi à s’acquitter de cette obligation. Dans la décision M.N.R. v. Pillsbury Holdings Ltd. ((1964), 64 D.T.C. 5184, à la page 5188 (C. de l’É.)), la Cour a expliqué que l’appelant peut s’acquitter de cette obligation :

 

a)                  en contestant l’allégation du ministre selon laquelle il a présumé ces faits;

b)                  en s’acquittant de son obligation de démontrer qu’une hypothèse ou des hypothèses étaient erronées; et

c)                  en soutenant que, même si les hypothèses étaient justifiées, elles n’étayent pas en tant que telle la cotisation.

 

[36]      L’appelant n’a pas tenté de démontrer que les hypothèses du ministre étaient en fait erronées. En outre, pour les motifs ci-dessus énoncés, j’ai rejeté la prétention de l’appelant selon laquelle le ministre a procédé autrement qu’au moyen d’une évaluation de valeur nette. Il s’agit donc uniquement de savoir si les hypothèses, telles qu’elles ont été plaidées, peuvent étayer les nouvelles cotisations établies par le ministre.

 

(Nous soulignons)

 

[64]         Cette affaire illustre le fait que la méthode de l’avoir net est communément employée en dernier ressort lorsque le contribuable ne collabore pas et ne fournit pas de documentation justifiant ses dépenses et ses revenus. Le contribuable aura alors la tâche de prouver que l’estimation du ministre est fausse notamment en étayant ses allégations par des documents appropriés. Ainsi, même le particulier n’exploitant pas une entreprise doit tenir une certaine comptabilité.

 

Landry c. La Reine 2009 CCI 399

 

[65]         Dans cette affaire, une ex-danseuse érotique avait reçu plusieurs dons d’un ancien client. Elle a été cotisée par le fisc selon la méthode de l’avoir net. Dans sa décision, le juge Hogan a expliqué que cette méthode est utilisée en dernier ressort dans les situations où le contribuable ne fournit pas de documentation :

 

[42]      La méthode de l’avoir net est une méthode arbitraire, insatisfaisante et imprécise. C’est un instrument grossier que le ministre doit cependant utiliser en dernier ressort, notamment lorsque la comptabilité du contribuable ne permet aucunement l’appréciation adéquate de son revenu et de ses dépenses pour une période donnée. Le juge Bowman (tel était alors son titre) a exprimé les propos suivants au paragraphe 6 de l’affaire CaseLaw 456145 Ramey v. R. 17 en ce qui a trait à la méthode de l’avoir net :

 

[6]        […] Une cotisation d’actif net repose sur une comparaison de l’actif net du contribuable, à savoir la valeur de l’actif moins le passif au début d’une année, avec son actif net à la fin de l’année. À la différence ainsi obtenue, on ajoute les dépenses qu’il a engagées pendant l’année. Le montant obtenu est réputé être le revenu du contribuable, sauf preuve contraire. Ces cotisations peuvent être inexactes dans une mesure indéterminée, mais elles sont valables jusqu’à preuve de leur inexactitude.

 

 

[66]         Ce passage ci-dessus montre la pertinence et la validité d’une cotisation par la méthode de l’avoir net, lorsque le particulier ne tient pas de comptabilité adéquate, et ce, même s’il n’est pas en affaires. Les paragraphes suivants, soit de 46 à 50 sont également pertinents :

 

[46]      En ce qui concerne le fardeau de la preuve, il incombe à l’appelante de réfuter les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’est fondé pour établir les cotisations pour les années d’imposition 2000 et 2001. La norme de la preuve à laquelle doit satisfaire l’appelante afin de réfuter les hypothèses du ministre est celle de la prépondérance des probabilités. Essentiellement, le fardeau de prouver l’inexactitude des cotisations, en l’espèce, repose sur l’appelante, qui doit apporter une preuve prima facie pour démontrer que les montants ainsi calculés ne représentent pas la réalité fiscale de son revenu. Il appartient à l’appelante d’identifier la source et d’établir la nature non imposable de ses revenus. Ce fardeau fut affirmé dans l’arrêt Lacroix par la Cour d’appel fédérale :

 

[19]      Cette façon de procéder a reçu l’approbation de la Cour suprême à de nombreuses reprises, dont l’affaire Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, n’est qu’un exemple. Dans cette cause, la Cour s’exprime ainsi aux paragraphes 92-93 :

 

92.              … En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions : (Bayridge Estates Ltd. C. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l’É.), à la page 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486, Kennedy c. M.N.R., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la page 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus : First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la page 6340.

 

93.              L’appelant s’acquitte de cette charge initiale de « démolir » l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie : Kamin c. M.N.R., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.N.R., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.) … Il est établi en droit qu’une preuve non contestée ni contredite « démolit » les présomptions du ministre : voir par exemple MacIsaac c. M.N.R., 74 D.T.C. 6380 (C.A.F.), à la page 6381; Zink c. M.N.R., 87 D.T.C. 652 (C.C.I.) …

 

[20]      L’application de la méthode de l’avoir net ne change rien à cette méthode de preuve. Dans la mesure où le ministre présume que le revenu constaté par l’application de la méthode de l’avoir net est un revenu imposable, il revient au contribuable de démolir cette présomption. Si celui-ci présente une preuve crédible que le montant en question n’a pas le caractère de revenu, le ministre doit alors aller au-delà de ses présomptions de fait et déposer la preuve de l’existence de ce revenu.

 

[47]      La crédibilité de l’appelante ainsi que la suffisance de la preuve à l’encontre des calculs de l’avoir net jouent un rôle primordial. Le sort de l’appel dépendra entièrement de ces deux facteurs.

 

[48]      Le juge Bowman (tel était alors son titre) a énoncé la meilleure façon de contester de telles cotisations dans Bigayan :

 

[3]        Le meilleur moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est de produire la preuve de ce qu’est véritablement le revenu du contribuable. Un moyen moins satisfaisant, mais néanmoins acceptable, est décrit par le juge Cameron dans l’affaire Chernenkoff v. Minister of National Revenue, 49 D.T.C. 680, à la page 683 :

 

            [TRADUCTION]

 

En l’absence de documents, l’autre moyen offert à l’appelant consistait à prouver que, même après une application en règle de la formule de la valeur nette, les cotisations étaient erronées.

 

[4]        Ce moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est reconnu, mais, même après que l’on a procédé aux rajustements, on reste avec le sentiment trouble que la vérité n’a pas été pleinement découverte. Il est peu probable que l’on rende parfait en le modifiant un instrument qui, par nature, est imparfait. L’appelant a choisi d’utiliser le deuxième moyen.

 

[49]      Aussi, le juge Hamlyn dans l’arrêt CaseLaw_456051_Saikely v. Minister of National Revenue 22, avait ceci à dire en ce qui concerne les cotisations selon l’avoir net :

 

[36]      Le contribuable peut contester les cotisations de diverses manières. Il peut prouver qu’une part de l’augmentation de son avoir net est attribuable à des rentrées d’argent non imposables comme un héritage ou une somme gagnée au jeu; que son avoir net au début de la période a été sous-évalué ou que des éléments d’actif à la fin de la période ont été surévalués; que des éléments de passif existant à la fin de la période ont été omis ou sous-évalués; que l’argent avait été emprunté ou que les pertes de revenu étaient supérieures aux estimations. Quoi qu’il allègue, le contribuable doit le prouver; une simple déclaration ne suffit pas. De plus, il faut une preuve forte pour réfuter une cotisation fondée sur l’avoir net.

[Je souligne.]

 

[50]      De plus, dans l’affaire CaseLaw_808936_Morneau c. R., la Cour d’appel fédérale a constaté que les cotisations selon l’avoir net sont fréquemment annulées lorsque la preuve viva voce ou documentaire parvient à relever le fardeau qui repose sur le contribuable qui les conteste.

 

 

[67]         Tous ces extraits montrent que la documentation joue un rôle très important lorsqu’il est question de contester la cotisation établie par la méthode de l’avoir net. Dans l’affaire Landry, l’appelante a livré un témoignage convainquant et a fourni certains documents qui, satisfaisant la Cour, lui ont permis de s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui était imposé.

 

[68]         Quant aux autres décisions, elles concernent des entreprises et je me limiterai à énumérer quelques références :

 

Baker c. La Reine, [2001] CCI 98-2652(IT)I (procédure informelle);

 

Sidhu v. M.N.R., 93 D.T.C. 5453;

 

Ramey c. La Reine, [1993] 2 C.T.C. 2119;

 

Watts c. La Reine, [2006] 1 C.T.C. 2106 (procédure informelle);

 

Deschênes c. La Reine, [2009] D.T.C. 62;

 

Vigeant c. La Reine, 2009 CCI 143;

 

Chernenkoff v. Minister of National Revenue, [1949] C.T.C. 369;

 

Tremblay c. La Reine, 2009 CCI 313.

 

 

[69]         L’appelant a aussi fait valoir qu’il faisait souvent, dans le cadre de la gestion de ses affaires, tant personnelles que commerciales, des opérations en argent comptant et que cela était légitime, légal et usuel : il a affirmé qu’il a toujours fonctionné ainsi, d’ailleurs comme certains membres de sa famille.

 

[70]         Le recours à la méthode de l’avoir net pour le calcul des revenus d’une personne est généralement justifié en l’absence de données, de documents ou de registres permettant aux autorités fiscales d’effectuer une vérification des revenus au moyen de la méthode traditionnelle.

 

[71]         Il n’y a strictement rien dans la Loi de l’impôt sur le revenu qui assujettit l’utilisation de cette méthode à des conditions précises. De façon générale, il s’agit d’une méthode utilisée en tout dernier recours lorsque les registres comptables sont inexistants ou incomplets.

 

[72]         Cette méthode n’est pas idéale. Elle est très souvent critiquée parce qu’elle est imprécise, imparfaite et, à l’occasion, arbitraire. Elle constitue donc une cible facile pour les contribuables qui font face à une cotisation établie au moyen de cette méthode.

 

[73]         J’ai d’ailleurs souvent constaté et souligné que ceux qui contestent une cotisation établie à partir de cette méthode, consacrent une grande partie, sinon la totalité de leurs énergies et arguments à décrire les imperfections de la méthode plutôt qu’à la cotisation elle-même.

 

[74]         L’utilisation d’argent comptant est quelque chose de légal et de légitime. Il s’agit cependant d’une pratique qui soulève, avouons-le, un certain scepticisme du fait qu’il s’agit d’une pratique courante dans le cadre du travail au noir, de l’évitement fiscal et ainsi de suite. L’argent comptant ne laisse pas de traces ou en laisse si peu que l’on peut toujours fournir une explication vraisemblable selon le contexte.

 

[75]         La pratique de la comptabilité de caisse n’est pas illégale et elle ne mène pas nécessairement à une conclusion d’évitement fiscal. Il peut y avoir plusieurs raisons de s’y adonner, notamment des raisons pratiques, un souci d’efficacité, des avantages comme des escomptes, étant donné que les opérations au comptant ne comportent pas de frais de transaction comme les opérations effectuées par carte de crédit ou par chèque qui souvent requiert des délais ou des frais.

 

[76]         Toutefois, il peut s’agir d’un moyen de se soustraire à ses obligations fiscales que ce soit l’impôt sur le revenu ou les taxes de vente.

 

[77]         Lors d’une vérification fiscale, cette pratique peut soulever un certain nombre de question obligeant le contribuable concerné à fournir des explications claires, précises, cohérentes et crédibles sous peine que celles-ci soient rejetées ou occultées de l’analyse. Or, de telles réponses non validées par une preuve documentaire peuvent se voir qualifiées de moins fiables, sinon discutables.

 

[78]         En d’autres termes, une mémoire exceptionnelle sera requise et des explications claires et cohérentes, mais aussi raisonnables et crédibles devront être fournies; l’écoulement du temps et ses effets sur la mémoire ne peuvent être invoqués comme excuse valable; le procureur des appelants s’est d’ailleurs exprimé comme suit à cet égard :

 

« C’est un chèque non identifié, il n’a pas tout révisé, ce n’est pas un comptable puis ça aurait pris un temps fou, il aurait fallu mettre un comptable à temps plein pendant 3 mois pour réviser le travail de façon aussi minutieuse que madame l’a fait mais madame, je comprends qu’elle ne peut pas tout faire et quand il y avait un chèque puis il n’était pas identifié, on met ça au coût de vie, c’est pas grave si c’est de l’argent qui n’a pas été dépensé ou qui a été encaissé, on le met puis le 3 000 $, bien c’est ça. Alor si on met un bémol sur chèques non identifiés, compte tenu de la preuve, il n’y en a plus d’écart. »

[Je souligne.]

 

 

[79]         Compte tenu de cette réalité, la prudence et la vigilance sont de mise pour tout contribuable qui a recours aux opérations au comptant de manière courante.

 

[80]         Une vérification ou le fait de poser des questions ne sont ni des gestes abusifs, ni du harcèlement. Il s’agit d’un droit incontestable et fondamental de l’État et de leur côté, les contribuables doivent expliquer la nature de leurs revenus et dépenses. Il ne s’agit pas de pièges, mais essentiellement d’un droit incontestable de l’État de vérifier si une personne s’est correctement acquittée de ses obligations fiscales prévues par la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[81]         En bout de piste, il n’existe aucune recette magique pour déterminer d’une manière infaillible la réponse à certaines questions relatives aux revenus et aux dépenses. La seule avenue pour la Cour consiste à tirer une conclusion à partir de la prépondérance de la preuve, laquelle est toujours appréciée avec une certaine dose de subjectivité. Les risques que la conclusion de la Cour ne soit pas celle que l’on anticipe sont bien réels.

 

[82]         D’une part, l’appelant soutient qu’il n’exploitait pas d’entreprise et que toutes les opérations relatives à des automobiles étaient de nature personnelle et qu’il n’avait, somme toute, pas réalisé de profit. Il soutient également que pour des raisons de coutume, qu’il avait l’habitude d’avoir en sa possession des sommes d’argent fort importantes.

 

[83]         Une telle façon de faire est possible, voire raisonnable; chose certaine, elle est légitime et légale.

 

[84]         D’autre part, la même personne soutient qu’il lui est impossible de se souvenir précisément, de ce qu’elle a pu faire avec son argent comptant si on remonte dans le temps. Encore là, il s’agit d’une prétention raisonnable.

 

[85]         Cependant, malgré tout, dans le cadre d’un litige devant la Cour canadienne de l’impôt, le fardeau de la preuve quant au fondement de la cotisation incombe à l’appelant. Les énoncés du ministre doivent être tenus pour acquis.

 

[86]         En vertu des lois fiscales, toute personne doit déclarer la totalité de ses revenus; il ne s’agit pas d’un souhait, mais d’une obligation incontournable.

 

[87]         Il s’agit là d’une obligation absolue qui n’a rien à voir avec la raisonnabilité. Toute déclaration relative aux revenus d’une personne n’est pas une affaire de bon sens, de raisonnabilité, dont les données peuvent dépendre de la mémoire du contribuable, du contexte ou de faits particuliers. Il s’agit d’un exercice mathématique et comptable laissant peu de place à la confusion, à l’oubli ou à l’ambiguïté. À défaut d’une preuve adéquate et fiable, le bien‑fondé d’une cotisation même établie d’une manière arbitraire, risque fortement de s’avérer confirmée par la cour saisie du dossier.

 

[88]         D’ailleurs, à cet effet, l’appelant s’exprime comme suit :

 

 « Pour l’entreprise, tout est comptabilisé à la cent et il engage des professionnels pour ça. Pour l’individu, il n’y a rien qui empêche au Canada, la législation jusqu’à preuve du contraire, il n’y a rien qui empêche au Canada un individu de fonctionner sans tenir des registres que l’article 230 exige. On ne peut pas se souvenir, monsieur le juge, vous et moi, qu’est-ce qu’on a fait voilà six ans avec un retrait, qu’est-ce qu’on a payé comptant. Il faut … nécessairement retourner en arrière, sortir les registres comptables, les registres de banque puis même quand on fait ça, si on fonctionne comptant, on ne pourra pas s’en souvenir parce que les … on ne peut voir un retrait ou un chèque qui a payé tel actif ou tel bien. Alors nécessairement, lorsqu’on utilise la méthode par avoir net sur un individu qui fonctionne d’une telle façon. On va, comme le juge, essentiellement, le juge Bowman a dit, « on va le planter. Plus on va le frapper fort et sans raison. »

 

[Je souligne.]

 

 

[89]         L’appelant peut prétendre qu’aucun article précis ne l’obligeait à tenir une comptabilité élaborée et sophistiquée pour la gestion de ses affaires personnelles. Il était cependant tenu de déclarer la totalité de ses revenus et d’être en mesure de démontrer d’une manière fiable l’exactitude. Il ne s’agit pas d’un exercice au meilleur de sa connaissance ou de souvenir. La mémoire est une faculté imparfaite avec des limites où l’imagination s’avère une façon de remplir les trous, mais souvent au détriment de la fiabilité. L’évaluation et le calcul des actifs d’une personne est un exercice mathématique où la mémoire est, encore là, un outil quelque peu déficient, surtout si l’évaluation des actifs vise une période antérieure de 3 ou 4 ans.

 

 

[90]         En l’espèce, les appelants ont choisi de s’en remettre principalement à la mémoire. Il n’est donc pas surprenant de constater que les appelants ont autant insisté sur la conduite de la vérificatrice et très peu sur ce qui aurait dû être les cotisations appropriées.

 

[91]         Lorsqu’une personne fait l’objet d’une cotisation arbitraire, elle doit au moyen d’une preuve déterminante, démontrer en quoi et comment les faits tenus pour acquis devraient être écartés de l’analyse, mais aussi et surtout établir ceux qui auraient dû être considérés pour valider sa conclusion, à l’effet que la cotisation contestée soit modifiée ou même annulée. Pour ce faire, le recours à sa seule mémoire constitue un défi de haut niveau.

 

[92]         Le recours à la méthode de l’avoir net pour établir les revenus d’une personne est un choix approprié lorsque la personne ciblée n’a pas de registres comptables fiables ou, lorsqu’elle en a, qui sont incomplets, confus, ambigus ou maquillés. Le recours à la méthode de l’avoir net peut également être justifié dans les situations où une comptabilité ou des registres ne sont pas obligatoires, mais où l’actif n’est pas compatible avec les revenus déclarés. Le recours à cette méthode, caractérisée par certains arbitraires, peut également s’avérer justifié dans des situations où les registres comptables existants sont tout à fait conformes aux règles de l’art, si des indices permettent de conclure que certaines données relatives aux revenus ou aux dépenses ont été déformés ou occultés volontairement ou involontairement.

 

[93]         Toute personne physique ou morale se doit de respecter toutes les dispositions de la loi quant à l’exactitude des revenus et des dépenses. Tout manquement à cette obligation justifie le recours du fisc à une méthode arbitraire. Il se peut que le ou les manquements allégués découlent d’une perception ou d’une mauvaise interprétation auquel cas, la personne pourra facilement établir l’absence d’erreurs de sa part et la présence d’erreurs du vérificateur, si les registres et documents appropriés sont disponibles.

 

[94]         En l’espèce, je crois que l’appelant est une personne quelque peu différente de celle qu’il a décrite, à savoir une personne ayant peu ou n’ayant pas de connaissance en matière de gestion et d’administration, une personne avec très peu de scolarité et pour qui l’utilisation du comptant est une pratique cadrant avec sa personnalité particulière.

 

[95]         Je crois que l’appelant a compris que le comptant ne laisse pas ou très peu de traces et lui permet de donner toutes sortes d’explications ou de justifications verbales, difficiles à réfuter, d’autant plus qu’elles sont assujetties au test de la crédibilité.

 

[96]         Les écrits laissent des traces et permettent au fisc de déterminer les revenus d’un contribuable au moyen d’analyses plus fiables que la méthode de l’avoir net. S’acquitter du fardeau de la preuve en l’absence de documents, tels registres, est donc un défi difficile souvent insurmontable.

 

[97]         En l’espèce, l’appelant a tenté de s’acquitter du fardeau de la preuve en s’appuyant principalement sur son témoignage. Même s’il a été fait souvent mention de ses filles et de sa conjointe, ces dernières n’ont pas témoigné sur un volet important de sa preuve.

 

[98]         Très peu précis, il a contredit la vérificatrice, soutenant qu’elle avait menti notamment sur la question de l’argent qu’il portait sur lui et sur le déroulement de la vérification.

 

[99]         L’appelant a consacré plus d’énergie à attaquer la décision du ministre de choisir la méthode de l’avoir net pour établir la cotisation qu’à démontrer pourquoi et en quoi les cotisations étaient mal fondées.

 

[100]     L’appelant a soutenu et répété qu’il n’avait aucune obligation de tenir des registres. Soulever des questions ou émettre des hypothèses peut contribuer à semer le doute dans l’esprit du tribunal, mais ce n’est pas ce qui va l’amener à tirer une conclusion probante et déterminante.

 

[101]     La preuve soumise par les appelants est peu fiable, ce que les appelants ont eux-mêmes reconnu d’ailleurs. Dans un premier temps, une partie importante de la preuve de l’audience a consistée à établir que l’appelant n’avait pas, à titre personnel, exploité une entreprise, dont la vocation était l’achat et la vente d’automobiles.

 

[102]     Dans un deuxième temps, l’audience a été consacrée à discréditer la pertinence du recours à la méthode de l’avoir net. Les appelants ont soumis et répété qu’il s’agissait-là d’abus qui devaient être sanctionnés pas l’annulation pure et simple des cotisations et des pénalités s’y rattachant.

 

[103]     Je crois utile de reproduire l’extrait suivant de la transcription :

 

« Puis 2005, monsieur le juge, je ne perdrai pas plus de salive là-dessus. Les pénalités, par exemple, en 2005, 700 $. Écoutez, les montants en litige là, je vous réfère à mon avis d’appel. En 2003 pour la société en impôt là, montant de la cotisation 3 700 $; 2004, 4 500 $; 2005, 1 560 $, ça, ça incluait les pénalités, intérêts, ça ne semble pas le dossier du siècle. »

 

 

[104]     Le tribunal ne peut agir comme comptable; il ne dispose pas des ressources pour faire le travail auquel les appelants font référence dans cet extrait. Par contre, je rappelle qu’il aurait été facile de tirer des conclusions à partir de données élémentaires que toute personne prudente et sage se doit d’avoir en sa possession.

 

[105]     Il ne s’agit pas d’avoir les connaissances d’un comptable. ni de tenir des registres très sophistiqués. Il s’agit essentiellement d’agir en bon père de famille face à ses obligations fiscales. Pour ce faire, il suffit souvent d’avoir en sa possession des notes permettant de faire une présentation crédible et cohérente soutenant le bien fondée de ses prétentions.

 

[106]     La compétence de cette Cour consiste essentiellement à décider si une cotisation qui fait l’objet d’une contestation a été établie en conformité avec la Loi.

 

[107]     Les appelants reprochent à la vérificatrice certaines incohérences, voire certaines contradictions, dans le travail effectué. En s’appuyant sur ces déficiences, ces erreurs ou ces incohérences, ils voudraient que les cotisations soient réduites, sinon annulées.

 

[108]     Le fardeau de la preuve n’appartenait pas à l’Agence. J’ai été plutôt surpris d’apprendre qu’un contribuable ne pouvait plus se souvenir de ce qui s’était produit quelques années auparavant, mais que cette même personne s’attendait à ce que la vérificatrice soit en mesure de reconstituer les faits de son dossier sans avoir aucun document ou registre.

 

[109]     Un bel exemple de cette ambiguïté difficilement déchiffrable pour un tiers est la question de la roulotte. L’appelant achète une roulotte, le nom de sa conjointe est ajouté au moyen d’une inscription manuscrite sur le contrat et en guise de paiement, l’appelant donne en échange une autre roulotte et acquitte le solde au moyen d’un paiement comptant. Il affirme que la part indivise de sa conjointe découle d’un paiement mensuel de 200 $. Le paiement en question s’applique-t-il sur les deux roulottes ou seulement la nouvelle où son nom apparaît?

 

[110]     Il affirme que l’actif est un bien détenu en commun avec sa conjointe. Les modalités du paiement sont très confuses et la preuve est inexistante quant au titre de propriété de la roulotte donnée en échange. Il est question d’un montant de 200 $. Sa conjointe qui a déboursé ce montant n’a pas témoigné.

 

[111]     Un autre exemple d’ambiguïté a été la question des autos achetées et vendues par l’appelant. Certaines étaient utilisées pour le service à la clientèle, d’autres pour l’appelant, d’autres pour sa conjointe et d’autres encore pour l’une ou l’autre de ses deux filles. Sur cette question, il aurait fallu que la vérificatrice fasse la lumière sur l’usage, le titre de propriété, sur la période d’utilisation, sur le prix acheté, sur le prix vendu et ainsi de suite.

 

[112]     Le camion Silverado a été peu utilisé prétendument au motif que l’appelant voulait le garder dans un état impeccable. Or, il était la propriété de la société. L’appelant et sa conjointe sont des passionnés du camping et ils ont une roulotte. Un tel contexte milite en faveur de la thèse que le camion était plutôt utilisé à des fins personnelles.

 

[113]     Lorsqu’une cotisation est établie à partir de la méthode de l’avoir net, il est important de se rappeler que l’écart constaté fait généralement l’objet d’un projet informel de cotisation et que l’occasion est donnée au contribuable concerné de soumettre des explications ou des documents avant l’établissement de la cotisation formelle dans le but de la faire modifier ou annuler.

 

[114]     Je dois disposer des appels à partir de la preuve soumise. Or, la prépondérance de la preuve a principalement consisté à décrire et à contester le recours à la méthode de l’avoir net pour établir les cotisations. Quant au bien‑fondé des cotisations, la preuve a fait ressortir un certain nombre d’éléments affectant les cotisations dans les deux dossiers.

 

[115]     En effet, l’intimée a tenu pour acquis que les revenus non déclarés de l’appelant provenaient de la société, dont il était le seul actionnaire. Au sous‑paragraphe n) de la Réponse à l’avis d’appel, l’intimée allègue ce qui suit :

 

n)                  Compte tenu que, au cours des années d’imposition en litige, la seule source de revenus « active » de l’appelant était la Société, la vérificatrice a considéré que les revenus non déclarés établis par la méthode indirecte de vérification de l’« écart par avoir net », étaient des revenus non déclarés de la Société;

 

[116]     La preuve a établi que l’appelant avait hérité d’un montant de 4 500 $, dont il n’a pas été tenu compte. L’intimée a écarté l’explication à l’effet que la conjointe de l’appelant était copropriétaire de la roulotte en dépit de la mention sur le contrat.

 

[117]      Or, la vérificatrice avait elle-même admis que la propriété de certains véhicules n’était pas à l’appelant même si les certificats d’immatriculation démontraient le contraire; je fais référence aux automobiles de ses filles.

 

[118]      Sur la base de la même logique, j’accepte les prétentions de l’appelant, à l’effet que sa conjointe détenait une partie des droits de propriété de la roulotte et qu’elle a contribué à raison de 200 $ par mois pour la durée visée par les cotisations, c’est-à-dire, 2003, 2004 et 2005.

 

[119]     Pour ce qui est du bien‑fondé des pénalités et de la période visée par une cotisation au-delà de la période prévue par la Loi, le tribunal confirme le bien-fondé tant des pénalités que la pertinence d’établir une cotisation au-delà des délais prescrits étant donné d’une part l’importance des montants en cause, mais aussi et surtout, qu’il est apparu manifeste que l’appelant, seul intéressé dans la société, contrôlait très bien la façon de faire qui consistait à tenir de beaux et bons registres, lesquels n’étaient cependant pas conformes avec la réalité des revenus et des dépenses.

 

[120]     En effet, l’appelant a toujours été en plein contrôle de la gestion, tant de la société qu’il dirigeait que de ses affaires personnelles. Les divers constats de la vérificatrice, quant aux revenus et aux dépenses, étaient manifestement bien fondés d’où les écarts découlaient de la complicité évidente de l’appelant justifiant l’imposition des pénalités et de la cotisation pour l’année en principe prescrite.

 

[121]     La théorie de l’appelant voulant que ses seules obligations étaient d’avoir une comptabilité effectuée par des personnes spécifiques, ayant une certaine compétence pour les affaires de la société, mais aucune pour ses affaires personnelles, était correcte et acceptable, cependant en autant que le tout soit cohérent, fiable et crédible.

 

[122]     La preuve a plutôt établi que la vraie comptabilité, tant personnelle que celle de la société, était quelque chose qui lui était totalement exclusivement réservé.  Or, la preuve n’a pas permis d’y avoir accès puisqu’encore là, l’appelant contrôlait la situation.

 

[123]     La prépondérance de la preuve permet cependant de conclure que les résultats obtenus par l’approche tant de décrié et contesté sont, de toute évidence, plus fidèles à la réalité que ceux soumis par l’appelant. Conséquemment, les écarts constatés ont découlé essentiellement de la décision volontaire, voire planifiée de l’appelant, d’où les pénalités étaient bien fondées et l’intimée était justifiée de cotiser au‑delà de la limite de temps prescrite.

 

[124]     Pour toutes ces raisons, les appels sont accueillis en partie et les deux dossiers devront être retournés à l’Agence afin que de nouveaux avis de cotisation soient établis dans les deux dossiers étant donné l’étroite connexité (voir paragraphe 115).

 

[125]     Les dossiers seront retournés à l’Agence afin que des nouvelles cotisations soient établies en tenant pour acquis que :

 

-                la conjointe de l’appelant a contribué à son enrichissement à raison de 200 $ par mois pour les années 2003, 2004 et 2005;

 

-       l’appelant a hérité d’un montant de 4 500 $ qui lui a été payé comptant;

 

-       finalement, un montant de 1 000 $ devra être soustrait du coût de vie de l’appelant pour les années d’imposition en question.

 

Les pénalités imposées sont confirmées, sujet aux changements à être apportés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce  2e  jour de juillet 2010.

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 343

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2008-4125(IT)I et 2008-4127(IT)I

 

INTITULÉS DES CAUSES :             Gilles Gingras et Sa Majesté la Reine Garage Gilles Gingras et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Sherbrooke (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 5 octobre 2009

 

MOTIFS DES JUGEMENTS PAR :   L'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DES JUGEMENTS :               le 2 juillet 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Richard Généreux

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                     Nom :                            Me Richard Généreux, Avocat

 

                     Ville :                            Drummondville (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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