Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2007-2125(IT)G

2007-2126(GST)G

 

ENTRE :

DONNA HEINIG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appels entendus les 3, 4, 5 et 6 mai 2010, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Franklyn Cappell

 

 

Avocats de l'intimée :

Mes Bobby Sood et

Paolo Torchetti

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2000, 2001, 2002 et 2003 ainsi qu'en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2003 sont rejetés, les dépens étant adjugés à l'intimée selon le tarif B des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2010.

 

 

« Lucie Lamarre »

Le juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour d'octobre 2010.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 351

Date : 20100709

Dossiers : 2007-2125(IT)G

2007-2126(GST)G

 

ENTRE :

DONNA HEINIG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Lamarre

 

[1]              Il s'agit d'appels de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR ») pour les années d'imposition 2000, 2001, 2002 et 2003 de l'appelante ainsi qu'en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA ») pour la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2003.

 

[2]              En établissant les nouvelles cotisations de l'appelante en vertu de la LIR, le ministre a ajouté au revenu de celle‑ci un montant de 136 999 $ pour l'an 2000, de 135 799 $ pour 2001, de 125 197 $ pour 2002 et de 89 625 $ pour 2003 au titre de frais non déclarés que lui avait versés Heather Mailow (s/n Mailow Enterprises), et il a imposé des pénalités, conformément au paragraphe 163(2) de la LIR, à l'égard de ces montants additionnels. Le ministre a également établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante par suite de l'omission de verser 62 103,67 $ au titre de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») se rapportant aux frais reçus de Heather Mailow, ainsi que des pénalités, conformément à l'article 280 de la LTA, telle qu'elle était libellée à ce moment‑là.

 

[3]              L'appelante ne conteste pas qu'elle a omis de verser la TPS se rapportant aux frais reçus de Heather Mailow, mais elle s'oppose aux nouvelles cotisations établies par le ministre à l'égard du revenu additionnel qui lui a été attribué et, par conséquent, à l'égard des pénalités. Toutefois, l'avocat de l'appelante a déclaré que si la Cour confirme les nouvelles cotisations quant au revenu additionnel établi, il ne contestera pas les pénalités.

 

[4]              Comme les deux avocats l'ont soutenu, et comme nous le verrons dans les présents motifs du jugement, seule une question de fait se pose en l'espèce. Il s'agit principalement de la crédibilité des deux protagonistes qui sont à l'origine des événements dans lesquels l'appelante, qui doit maintenant faire face aux nouvelles cotisations ici en cause, a été prise. Ces deux protagonistes sont Earl Heinig, l'époux de l'appelante, et Heather Mailow, qui, comme nous le verrons, a pris en charge l'entreprise d'Earl Heinig (ci‑après désignée comme étant l'entreprise « Silhouette ») au cours des années en question. Le noeud du litige se rapporte à l'assertion de Heather Mailow qui affirme avoir versé en espèces à Earl Heinig, au cours des années en question, un montant de 5 000 $ par semaine, jusqu'à concurrence d'un maximum de 20 000 $ par mois, et à la réponse d'Earl Heinig, qui affirme avoir tout au plus reçu de Heather Mailow un montant de 2 000 $ par semaine et qui dit que son épouse, l'appelante, a déclaré le montant reçu au complet dans ses déclarations de revenus des années visées par les appels. Nous verrons qu'à cette époque, l'appelante était titulaire du permis aux termes duquel Heather Mailow exploitait l'ancienne entreprise d'Earl Heinig et que c'est la raison pour laquelle elle a déclaré le revenu reçu de Heather Mailow dans sa déclaration de revenus. Cela dit, je résumerai maintenant du mieux que je la comprends la preuve qui m'a été présentée au cours de l'audience de quatre jours.

 

[5]              L'avocat de l'appelante a cité Earl Heinig, Donna Heinig, John Agostinelli (le teneur de comptes) et Gerald Robert Pettle (un ami) à la barre des témoins. Heather Mailow, Jeffrey Mailow (le frère de Mme Mailow) et Liz Mailow (la mère de Mme Mailow) ont été cités comme témoins de l'intimée.

 

Les faits

 

[6]              L'appelante est mariée à Earl Heinig depuis 40 ans. Earl Heinig, dont le père est inconnu, est né dans une réserve indienne. Son nom de naissance était Joe Solomon. Lorsque sa mère s'est remariée, il a adopté le nom de famille de son beau‑père, Heinig, et il a par la suite été connu sous le nom d'Earl Heinig. Earl Heinig est mécanicien qualifié de profession. Son épouse, l'appelante, a travaillé comme assistante dentaire pendant 13 ans et ensuite comme acheteuse pour des librairies pendant quatre ans. Elle a deux enfants, la première une fille d'une union précédente, et le second un fils dont le père est Earl Heinig.

 

[7]              En 1980, toute la famille s'est installée en Floride, où la fille de l'appelante étudiait. Earl Heinig a commencé à exploiter une laverie avec l'aide de l'appelante. En 1984, ils sont tous revenus au Canada. L'appelante a ensuite travaillé comme adjointe administrative dans une maison de courtage pendant trois ans et finalement comme assistante de laboratoire, à l'université York, également pendant trois ans. Elle a cessé de travailler en 1990, sauf pour effectuer du bénévolat. Quant à Earl Heinig, il a ouvert un atelier de réparation et il a essayé pendant trois ans d'acheter un garage et un poste d'essence, ce qui ne s'est finalement jamais produit. En 1986, Earl Heinig a rencontré un certain Billy Carr qui exploitait, à Mississauga (Ontario), un salon de massage dénommé Silhouette Health Club (« Silhouette ») et qui voulait vendre son entreprise.

 

[8]              Earl Heinig a initialement refusé l'offre de vente, mais il a finalement acheté l'entreprise trois ans plus tard, en 1989, au prix de 60 000 $. Selon le témoignage d'Earl Heinig, Billy Carr gagnait alors un revenu brut hebdomadaire de 4 000 $ et avait dix filles, effectuant deux quarts de travail différents, qui fournissaient des services de massage aux clients six jours par semaine, de 11 h à minuit. Monsieur Carr louait, pour l'entreprise, deux unités dans un centre industriel. Les revenus bruts étaient inscrits sur des feuilles quotidiennes (une feuille par quart, de sorte qu'il y avait deux feuilles par jour) et les filles touchaient une commission de 35 p. 100 du chiffre d'affaires brut. John Agostinelli, qui était le teneur de comptes de M. Carr et qui a continué à agir à ce titre pour Earl Heinig, a confirmé tout cela devant la Cour, sauf qu'il a témoigné que Billy Carr versait une commission de 30 p. 100, que M. Heinig a portée à 35 p. 100.

 

[9]              Earl Heinig a témoigné que lorsqu'il a acquis l'entreprise, le chiffre d'affaires est passé à 7 000 $ ou à 8 000 $ par semaine. Il a expliqué la chose en disant qu'il avait changé la façon dont on répondait au téléphone et qu'il avait nettoyé les locaux. John Agostinelli a témoigné que la publicité coûtait chaque année environ 20 000 $ (transcription, volume 3, pages 646 et 647). Earl Heinig a demandé un compte pour accepter les paiements par cartes de crédit, qui étaient utilisées par environ 20 p. 100 des clients. D'autres clients payaient comptant et, en général, ils ne demandaient pas de reçu. Earl Heinig a également agrandi les locaux de deux à trois unités, d'une superficie d'environ 4 500 pieds carrés, pour lesquelles il versait un loyer mensuel de 5 700 $. Silhouette comptait alors 18 filles effectuant les massages.

 

[10]         Earl Heinig a déclaré que Heather Mailow avait joint l'entreprise en 1994 (Heather Mailow a déclaré que cela s'était produit en 1992); elle travaillait comme chef de quart de travail, ce qui consistait principalement à agir comme réceptionniste, à inscrire les clients aux feuilles quotidiennes, à percevoir l'argent et à le déposer dans un coffre‑fort situé sur les lieux, ainsi qu'à répondre au téléphone. Je crois comprendre qu'il y avait en tout trois chefs de quart de travail travaillant pour l'entreprise. Quant à Heather Mailow, elle était rémunérée tous les jours en espèces et elle touchait 100 $ par quart pour cinq ou six quarts par semaine. Elle gagnait donc environ 600 $ par semaine. Earl Heinig a délivré à Heather Mailow, aux fins de sa déclaration de revenus, un feuillet T4 indiquant un salaire annuel de 29 000 $. Les filles qui fournissaient les services de massage étaient rémunérées par chèque tous les jeudis. La paie et les chèques étaient préparés par John Agostinelli à l'aide des feuilles quotidiennes. Selon M. Agostinelli, les feuilles quotidiennes étaient fiables parce que les filles rendaient compte de chaque client et que leur rémunération était directement liée au montant qui était exigé de chaque client.

 

[11]         En 1993, Earl Heinig a été déclaré coupable d'avoir tenu une maison de débauche et il s'est vu imposer une amende de 2 000 $. C'était la première fois qu'il était reconnu coupable à l'égard d'une telle accusation. En 1995, la municipalité a commencé à exiger un permis d'exploitation.

 

[12]         Selon Earl Heinig, l'entreprise a réalisé, en 1998, de 500 000 $ à 600 000 $. Au cours de son interrogatoire principal, Earl Heinig a témoigné qu'il gagnait lui‑même environ 140 000 $ par année. Il a pu placer son argent, mais il a fondamentalement tout perdu. Apparemment, il a initialement fait l'objet d'une nouvelle cotisation en 1997, au montant d'environ 900 000 $, à l'égard de ces placements, et il a fait une cession de faillite en 1999 ou au début de l'an 2000. Au début de l'an 2000, il a été déclaré coupable une seconde fois à l'égard de Silhouette. Il a plaidé coupable et il s'est vu imposer une amende de 5 000 $ ainsi qu'une année de probation. Il lui était totalement interdit de se rendre au salon de massage au cours de cette année‑là.

 

[13]         Devant cette nouvelle situation, Earl Heinig a consulté diverses personnes, et on lui a conseillé de transférer le permis à son épouse, qui recevrait alors les gains fort intéressants de l'entreprise. Toutefois, on a informé Earl Heinig qu'il n'avait pas le droit de transférer son permis d'exploitation directement à son épouse. Earl Heinig a donc pris des dispositions pour que le permis soit temporairement transféré, sans contrepartie, au petit ami de la fille de son épouse à cette époque, lequel s'appelait Robert Leach. Une entente juridique a apparemment été préparée par un ami de l'appelante qui était avocat (Me Shelley Pettle). Cette entente indiquait apparemment que M. Leach avait versé une contrepartie pour obtenir le permis (Earl Heinig ne se rappelait pas si le montant indiqué était de 500 $ ou de 5 000 $). Ce document n'a pas été produit devant la Cour. Lors du contre‑interrogatoire, Earl Heinig a reconnu que ce document juridique ne correspondait pas à la réalité et qu'il s'agissait d'un leurre qui avait été préparé afin de conserver dans la famille le revenu tiré du permis (transcription, volume 2, page 320).

 

[14]         Robert Leach a par la suite transféré à son tour le permis à l'épouse d'Earl Heinig, l'appelante en l'espèce.

 

[15]         Au début de l'an 2000, Earl Heinig a demandé à Heather Mailow de diriger l'entreprise à sa place. Il a témoigné qu'il avait demandé à Heather Mailow de lui remettre en échange 2 000 $ par semaine. Apparemment, il gagnait 2 500 $ par semaine lorsqu'il exploitait lui‑même l'entreprise. En chargeant Heather Mailow de s'occuper de l'exploitation, il réduirait son propre revenu de 500 $ par semaine, et ce montant serait ajouté au montant de 600 $ par semaine que Heather Mailow gagnait à titre de chef de quart de travail. Earl Heinig a témoigné qu'à compter de ce moment‑là, il avait cessé de prendre part à l'exploitation de l'entreprise, puisqu'il n'était pas autorisé à s'y rendre et que Heather Mailow exploitait l'entreprise d'une façon indépendante, en utilisant son propre compte pour accepter les paiements par cartes de crédit et en utilisant ses propres comptes bancaires. Aucun document écrit formel n'attestait leur entente.

 

[16]         Earl Heinig a témoigné qu'à ce moment‑là, il travaillait pour le frère de son avocat, Gerry Pettle (qui exploitait une entreprise d'éclairage), moyennant une rémunération quotidienne de 100 $.

 

[17]         Earl Heinig a témoigné que Heather Mailow envoyait l'argent chez lui, en utilisant les services de Purolator, dans une enveloppe marquée à son nom, mais qu'elle payait fort rarement les 2 000 $ au complet (transcription, volume 1, page 116). Il a dit qu'il arrivait parfois que Heather Mailow fasse un dépôt direct dans le compte bancaire de l'appelante (transcription, volume 1, page 123). Earl Heinig a déclaré qu'il comptait l'argent reçu et qu'il le remettait à son épouse (l'appelante), qui le déposait dans son compte bancaire. Il a dit qu'il ne conservait aucune partie de l'argent destiné à son épouse (transcription, volume 1, page 125). Earl Heinig a témoigné que c'était Heather Mailow qui avait décidé d'envoyer l'argent en espèces (transcription, volume 1, page 126). Il a également dit qu'il n'avait jamais utilisé l'argent à des fins personnelles (transcription, volume 1, page 126).

 

[18]         Earl Heinig a témoigné que l'entente qu'il avait conclue avec Heather Mailow a pris fin au mois de mai 2006, lorsqu'il a reçu un appel du propriétaire des locaux occupés par Silhouette, qui lui a dit que Heather Mailow lui devait 30 000 $ au titre du loyer. Il l'a ensuite remplacée par un autre chef de quart de travail, Gary Bolt (transcription, volume 1, page 155).

 

[19]         Earl Heinig a reconnu que sa famille avait acheté un condominium en Floride en 2003 au prix de 135 000 $ et qu'elle avait dépensé 30 000 $ pour le rénover, ce montant ayant apparemment été payé à l'aide de la ligne de crédit de l'appelante. Le condominium a été vendu à perte en 2009. L'épouse d'Earl Heinig a également loué une Mercedes neuve en 2001 et, en 2005 ou en 2006, elle a acheté un appartement en multipropriété à Hawaï au prix de 35 000 $ en utilisant une ligne de crédit.

 

[20]         Lors du contre‑interrogatoire, Earl Heinig a reconnu qu'il avait antérieurement déclaré sous serment, lors de son interrogatoire préalable, que le revenu brut de l'entreprise, en 1999, était de 800 000 $ et que ce revenu avait augmenté au cours des années ultérieures (pièce R‑1, onglet 19, et transcription, volume 1, pages 174 à 180). Un montant de 800 000 $ par année représentait environ 15 000 $ par semaine.

 

[21]         L'avocat de l'intimée a passé en revue les dépenses d'entreprise de cette année‑là, soit l'année 1999, avec Earl Heinig. Les filles touchaient une commission de 35 p. 100 (35 % x 800 000 $ = 280 000 $), les trois chefs de quart de travail gagnaient ensemble 1 200 $ par semaine (12 quarts par semaine à 100 $ par quart multiplié par 52 semaines, soit 62 400 $ par année), le loyer mensuel était de 5 700 $ (68 400 $ pour l'année), les frais annuels de permis étaient de 5 000 $ et les services publics s'élevaient à 30 000 $ pour l'année, de sorte qu'il restait un montant net de 354 000 $ dans l'entreprise. On a demandé à Earl Heinig pourquoi il avait uniquement déclaré 140 000 $ au titre du revenu de l'année. Il a répondu devant la Cour que l'entreprise ne générait pas un revenu brut de 800 000 $, mais qu'il n'avait pas avec lui l'état des résultats de cette année‑là afin de prouver qu'il en était ainsi. Il a affirmé avoir [TRADUCTION] « mal estimé » le revenu brut annuel lors de l'interrogatoire préalable (transcription, volume 1, pages 182 à 188).

 

[22]         Lors du contre‑interrogatoire, Earl Heinig a également témoigné que lorsqu'il s'était entendu avec Heather Mailow pour qu'elle prenne l'entreprise en charge, eux seuls étaient présents lorsqu'il avait été question des conditions de l'entente. Earl Heinig a catégoriquement déclaré que personne d'autre n'était présent lors de cette rencontre (transcription, volume 1, pages 201 à 206). Il a reconnu ne pas avoir exigé au départ quoi que ce soit de Heather Mailow pour qu'elle prenne l'entreprise en charge parce qu'il ne lui avait pas transféré le permis. Heather Mailow était autorisée à exploiter l'entreprise moyennant un paiement hebdomadaire de 2 000 $[1] (transcription, volume 1, page 210).

 

[23]         Earl Heinig a également dit qu'à ce moment‑là, il ne croyait pas qu'il était nécessaire de consigner l'entente conclue avec Heather Mailow par écrit. Toutefois, un an et demi plus tard, soit le 18 avril 2001, l'appelante et Heather Mailow ont signé une entente rédigée à la main par l'appelante, autorisant Heather Mailow à exploiter l'entreprise sous le nom de Mailow Enterprises [TRADUCTION] « selon un calendrier de paiement à établir, jusqu'à nouvel avis » (pièce R‑2, onglet 21). Earl Heinig et son épouse ont témoigné que cela avait été fait à la demande de Heather Mailow. Earl Heinig a dit que les frais que Heather Mailow devait lui verser n'avaient pas été stipulés par écrit parce que l'année précédente, elle n'avait pas versé 2 000 $ par semaine. Le montant payé fluctuait (transcription, volume 1, page 221).

 

[24]         Earl Heinig affirme avoir reçu de Heather Mailow le montant déclaré dans la déclaration de revenus de l'appelante. L'avocat de l'appelante a produit un document (pièce A‑5) indiquant que l'appelante avait déclaré 67 500 $ en l'an 2000 (pour une période de dix mois), 75 000 $ en 2001, 80 775 $ en 2002 et 91 500 $ en 2003. S'ils avaient reçu 2 000 $ par semaine, soit le montant sur lequel Earl Heinig affirme s'être entendu avec Heather Mailow, ils auraient dû recevoir 104 000 $ par année. Selon le témoignage d'Earl Heinig, même si Heather Mailow n'effectuait pas les paiements au complet, il le lui pardonnait toujours, et ce jusqu'au moment où il l'a congédiée, en 2006. Earl Heinig n'avait pas renvoyé Heather Mailow plus tôt parce qu'il estimait recevoir, somme toute, un bon montant sans faire quoi que ce soit (transcription, volume 1, page 229). De fait, il semble qu'après l'an 2000, Earl Heinig ait exécuté pour Silhouette des réparations et des travaux d'entretien pour lesquels il ne recevait aucune contrepartie, selon ce qu'il a déclaré (transcription, volume 2, page 296; voir cependant la pièce R‑2, onglet 10).

 

[25]         Lors du contre‑interrogatoire, Earl Heinig a également témoigné que son épouse n'était pas présente lorsqu'il ouvrait les enveloppes contenant l'argent qu'il recevait de Purolator et lorsqu'il comptait l'argent (transcription, volume 1, page 241), et qu'il ne conservait pas de registre écrit de l'argent reçu. Il a également reconnu avoir de temps en temps consenti des prêts à des amis, de 2000 à 2003, et avoir joué au casino peut‑être une fois par mois. L'argent utilisé à ces deux fins provenait des enveloppes reçues de Heather Mailow. Earl Heinig a gagné au jeu un montant d'environ 28 000 $, mais il a également perdu de l'argent. Il n'avait de toute évidence pas remis cet argent, qui provenait des enveloppes reçues de Heather Mailow, à son épouse pour qu'elle le dépose dans le compte de banque. Toutefois, lorsque les prêts étaient remboursés, Earl Heinig remettait l'argent à son épouse (transcription, volume 1, pages 242 à 247).

 

[26]         Lors du contre‑interrogatoire, on a signalé à Earl Heinig une autre contradiction. Il avait initialement dit qu'en l'an 2000, il n'avait pas de pouvoir de signature sur un compte bancaire (transcription, volume 2, page 258). Toutefois, l'avocat de l'intimée lui a montré des chèques qu'il avait signés en 2000, tirés sur le compte de Silhouette à la Banque de Montréal à l'égard duquel il avait encore un pouvoir de signature (pièce R‑2, onglet 32). Ces chèques se rapportaient à des virements de fonds en faveur de Standard Securities à l'égard de son portefeuille de placement personnel. Devant la Cour, Earl Heinig a expliqué qu'il avait ouvert ce compte pour Silhouette pour y déposer les paiements effectués par les clients à l'aide de cartes de crédit MasterCard. Il ressort de la documentation qui a été produite que ce compte était actif jusqu'au 31 août 2001 et qu'il a alors été fermé (pièce R‑3).

 

[27]         Earl Heinig avait antérieurement témoigné que Heather Mailow ne pouvait pas accepter les paiements par cartes de crédit et qu'il avait annulé le compte MasterCard à la fin du mois de février 2000, mais la pièce R‑3 indique des dépôts et des retraits après le mois de février 2000. La seule explication qu'Earl Heinig a donnée à ce sujet était qu'il aurait accordé à Heather Mailow l'accès à ce compte aux fins de l'exploitation de l'entreprise. Earl Heinig n'a tiré aucun chèque sur ce compte après le mois de février 2000. Il semble que les dépôts effectués dans ce compte variaient de 10 000 $ à 15 000 $ par mois en 2000 et qu'ils avaient presque cessé après le mois de mars 2001.

 

[28]         Earl Heinig a également reconnu qu'en 1999, il avait ouvert un compte de banque sous son nom de naissance, Joseph Solomon, parce que l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») avait saisi tous ses comptes de banque. Il devait à l'ARC environ un million de dollars à ce moment‑là. Il avait frauduleusement demandé et reçu un second numéro d'assurance sociale, qu'il a utilisé pendant un an tant que l'État n'ait pas découvert la fraude (transcription, volume 2, pages 333 et 334).

 

[29]         Les déclarations de revenus d'Earl Heinig n'ont pas été produites. Toutefois, il semble qu'Earl Heinig ait déclaré 19 800 $ en 2000, 15 000 $ en 2001, 23 000 $ en 2002 et 28 500 $ en 2003 (voir la lettre de John Agostinelli du 5 janvier 2005, pièce R‑2, onglet 23). Le revenu global déclaré de la famille (c'est‑à‑dire de l'appelante et d'Earl Heinig ensemble) était de 87 300 $ en 2000, de 88 500 $ en 2001, de 103 775 $ en 2002 et de 120 000 $ en 2003 (pièce A‑5).

 

[30]         Dans son témoignage, l'appelante a déclaré avoir rencontré Heather Mailow uniquement une fois lorsque cette dernière, dans sa décapotable noire BMW, était apparemment allée la chercher quelque part le long de l'autoroute 401 afin de la conduire au bureau des permis, à Mississauga, pour faire transférer le permis de l'entreprise à l'appelante (transcription, volume 2, pages 401 et 402). Cette déclaration a été contredite par Heather Mailow, qui a témoigné avoir rencontré l'appelante au bureau des permis, à Mississauga, et ne pas l'avoir amenée à cet endroit (transcription, volume 4, pages 814 et 815).

 

[31]         L'appelante a témoigné que Heather Mailow avait pris en charge l'entreprise Silhouette au mois de mars 2000 et qu'elle avait depuis lors déclaré au titre du revenu tout l'argent reçu de Heather Mailow en contrepartie du droit d'utiliser le permis, la somme en cause devant s'élever à 2 000 $ par semaine (transcription, volume 2, pages 404, 405 et 411).

 

[32]         Lors de l'interrogatoire principal, l'appelante a déclaré qu'à maintes reprises, elle avait vu son époux ouvrir les enveloppes que Heather Mailow lui envoyait et qu'en général, celui‑ci lui remettait l'argent et elle le déposait dans son compte de banque. Elle notait les montants reçus sur un calendrier qu'elle jetait habituellement par la suite. Elle a déclaré que Heather Mailow effectuait régulièrement les paiements, mais qu'elle ne payait pas au complet le montant dont il avait été convenu (transcription, volume 2, pages 412 à 417).

 

[33]         L'appelante a examiné avec son avocat le relevé de son compte de chèques chez TD Canada Trust (compte no 502466) pour les années 2000 à 2003. Elle a identifié les dépôts des paiements effectués par Heather Mailow, lesquels s'élevaient en tout à 64 900 $ en 2000, à 76 000 $ en 2001 et à environ 98 000 $ en 2002 (pièce A‑6 et pièce A‑8, onglets 173, 174 et 175). En 2003, elle a pris de l'argent (143 000 $) de sa ligne de crédit afin d'acheter un condominium en Floride (pièce A‑6 pour l'année 2003, page 13 de 20 pages), lequel avait coûté 135 000 $ et a été vendu en 2009 au prix de 125 000 $. L'appelante a également témoigné avoir un autre compte, un compte d'épargne, à la même banque (compte no 502467). La pièce A‑8, onglet 177, montre qu'il y avait dans ce compte un solde de 1 282 $ le 3 mars 2000. La pièce A‑7 est une copie du relevé de ce compte pour la période allant du 1er janvier 2000 au 31 juillet 2007. Toutefois, ce document indique uniquement des frais d'administration du 23 juillet 2001 au 5 février 2004. Cette documentation ne permet pas d'établir s'il y a eu des dépôts dans ce compte entre le 3 mars 2000 et le 23 juillet 2001. Toutefois, les livrets de banque du compte de chèques indiquent certains virements de ce compte d'épargne après le mois de mars 2000 et en 2001 (pièce A‑8, onglets 173 et 174). L'appelante a affirmé ne pas avoir pu obtenir de la banque d'autres documents que ceux qu'elle a produits en preuve.

 

[34]         Lors du contre‑interrogatoire, l'appelante a reconnu ne pas avoir participé à l'entente qui avait été conclue avec Heather Mailow et ne pas savoir quel était le revenu brut de Silhouette. Elle avait uniquement connaissance de ce que son époux lui disait. Elle a également reconnu ne jamais avoir vu son époux prendre l'argent des enveloppes que Heather Mailow envoyait par l'entremise de Purolator et compter cet argent (transcription, volume 2, page 478). Elle croyait bien que son époux lui remettait tout l'argent qui était dans les enveloppes pour le déposer dans le compte de banque. Elle savait que son époux consentait des prêts de temps en temps, mais elle a affirmé que ces prêts avaient été remboursés et que ces montants avaient également été déposés dans son compte de banque. Toutefois, elle ne savait pas que M. Heinig prenait de l'argent des enveloppes pour ses activités de jeu.

 

[35]         L'appelante a également reconnu que son analyse des comptes de banque n'avait pas été effectuée en même temps que les dépôts, mais qu'elle avait été effectuée plusieurs années par la suite, en préparation de la présente instruction. Elle avait examiné les inscriptions figurant dans le livret de banque et avait déterminé les montants qui pouvaient représenter les remboursements de prêts, les dépôts provenant de l'entreprise de Heather Mailow, ou les dépôts de fonds provenant d'autres sources. Elle s'est également vue obligée d'admettre que l'argent que son époux avait conservé pour le jeu n'était pas inclus dans les dépôts effectués dans son compte de banque, mais elle était néanmoins d'avis que son sommaire des dépôts établissait d'une façon passablement fiable le montant du revenu reçu de Heather Mailow.

 

[36]         Toutefois, l'appelante n'a pas pu dire d'où provenait l'argent qui avait été viré de son compte d'épargne (compte no 502467) à son compte de chèques (compte no 502466) parce qu'elle n'avait pas les documents se rapportant aux dépôts dans le compte d'épargne. Comme l'avocat de l'intimée l'a signalé lors du contre‑interrogatoire de l'appelante, et comme le montre la pièce A‑6, dans laquelle les dépôts sont identifiés comme étant de [TRADUCTION] « soi‑même », les montants virés du compte d'épargne étaient assez élevés.

 

[37]         Ainsi, au mois d'août 2000 seulement, l'appelante a viré 12 800 $ de son compte d'épargne à son compte de chèques, mais elle ne se rappelait pas quelle était la source de ces fonds (transcription, volume 2, pages 511 et 512).

 

[38]         En fait, l'historique du compte d'épargne montre qu'à compter du moment où le compte a été ouvert, au mois de septembre 1993, et jusqu'au mois de mars 1998, il n'y avait jamais plus de 200 $ dans ce compte. Entre le mois de mars et le mois de septembre 1998, le solde est passé à environ 7 000 $; par la suite, il a fluctué et, le 3 mars 2000, il s'élevait à 1 282 $ (pièce A‑8, onglet 177). Une analyse des dépôts de ce compte d'épargne effectuée par la vérificatrice de l'ARC montrait qu'en 2000, il y avait en tout des dépôts de 59 555 $ (pièce R‑5). L'appelante n'a pas pu expliquer d'où provenaient les dépôts et, bien que l'avocat de l'appelante eût initialement déclaré que cette analyse n'était pas fiable, il n'a pas cité la vérificatrice pour la contre‑interroger sur ce point.

 

[39]         L'appelante a également reconnu avoir ouvert un compte chez ING au mois de janvier 2001 et elle a admis que le solde d'ouverture était de 17 133 $ (pièce R‑6). Lorsqu'on lui a demandé d'où provenaient les 17 000 $, l'appelante a répondu qu'ils provenaient de ses épargnes. Toutefois, elle n'a pas nié qu'elle n'avait pas eu de revenu en 1999 (transcription, volume 2, page 529) et que son époux avait fait faillite au mois de février 2000 (transcription, volume 2, page 530). Pourtant, elle a affirmé avec insistance que son époux et elle avaient épargné ce montant entre le mois de février 2000 et le mois de janvier 2001 (transcription, volume 2, page 531).

 

[40]         L'appelante a également déclaré que Heather Mailow joignait une note à l'argent lorsqu'elle n'envoyait pas tout le montant convenu, mais elle a dit qu'elle ne conservait pas ces notes. Elle n'a jamais remis de reçu à l'égard de l'argent versé (transcription, volume 2, pages 555 et 556).

 

[41]         Monsieur John Agostinelli a témoigné que lorsqu'Earl Heinig avait acheté Silhouette, le chiffre d'affaires brut hebdomadaire était immédiatement passé à 6 500 $ et qu'il avait continué à augmenter jusqu'à 7 500 $ ou 8 000 $ par semaine (transcription, volume 3, page 589). Monsieur Heinig avait demandé à M. Agostinelli de se rendre aux locaux de l'entreprise une fois par semaine afin de préparer les sommaires hebdomadaires (ce qu'il faisait en additionnant le chiffre d'affaires global inscrit sur les feuilles quotidiennes) ainsi que le compte de paie, y compris les retenues à la source. Monsieur Agostinelli se rendait aux locaux de l'entreprise tous les jeudis pour rémunérer les filles, et il touchait lui‑même 75 $ par semaine. Selon M. Agostinelli, l'entreprise était ouverte du lundi au samedi (six jours par semaine). Monsieur Agostinelli a également dit que le revenu brut inscrit sur les feuilles quotidiennes devait être fort exact parce que chaque fille savait combien de clients elle avait au cours d'une semaine donnée et qu'elle s'attendait à toucher sa commission de 35 p. 100 sur chaque vente. Monsieur Agostinelli tenait également un grand livre pour l'entreprise en utilisant, pour y faire les inscriptions, les chèques oblitérés, les reçus des dépenses effectuées en espèces et le résumé des ventes. Ce grand livre était finalement utilisé aux fins de l'impôt.

 

[42]         Monsieur Agostinelli a témoigné qu'à la fin des années 1990, le chiffre d'affaires brut moyen de l'entreprise était de 13 000 $ à 15 000 $ par semaine. Il est arrivé une fois que les ventes de la semaine atteignent 20 000 $, et elles ont été d'environ 17 000 $ à quelques autres reprises (transcription, volume 3, page 599). Monsieur Agostinelli a déclaré qu'il établissait les déclarations de revenus de monsieur et madame Heinig. En 1998 et en 1999, Earl Heinig aurait gagné de 135 000 $ à 150 000 $ une fois déduites les dépenses et ainsi de suite (transcription, volume 3, page 600).

 

[43]         Monsieur Agostinelli a témoigné qu'un bon jeudi, au début de l'an 2000, lorsqu'il s'était rendu chez Silhouette, comme d'habitude, Earl Heinig l'avait rencontré avant qu'il entre dans le bureau et lui avait dit qu'il lui était interdit d'entrer dans les locaux pour un certain temps. Cette nouvelle a surpris M. Agostinelli. Monsieur Heinig lui a dit que Heather Mailow dirigerait l'entreprise comme si elle lui appartenait, qu'elle serait responsable de toutes les dépenses et qu'elle verserait à M. Heinig 5 000 $ par semaine. Monsieur Agostinelli a témoigné qu'il avait par la suite demandé à Heather Mailow (et que la chose avait mis Earl Heinig en colère) si elle allait réellement le faire, étant donné que 5 000 $ était un montant passablement élevé. Selon ce qu'il savait de Silhouette, il ne croyait pas que l'entreprise soit en mesure de verser 5 000 $ par semaine (voir la transcription, volume 3, pages 602 et 603). On lui a dit peu de temps après que le montant du paiement à effectuer à M. Heinig avait changé, de sorte que le paiement ne serait pas effectué chaque semaine. Au cours des mois où il y avait cinq paiements à effectuer, M. Heinig ne recevrait des paiements que pour quatre semaines, c'est‑à‑dire 48 semaines par année, soit en tout 240 000 $ par année.

 

[44]         De l'avis de M. Agostinelli, il s'agissait d'un montant élevé qui représentait beaucoup plus que ce qu'Earl Heinig gagnait lorsqu'il dirigeait lui‑même l'entreprise. Monsieur Agostinelli ne connaissait pas le montant exact que Heather Mailow versait à M. Heinig après son départ (transcription, volume 3, pages 602 à 606).

 

[45]         Monsieur Agostinelli a continué de travailler pour Heather Mailow en la même qualité que celle qu'il avait lorsqu'il travaillait auparavant pour M. Heinig. Au bout d'un certain temps, l'ARC a procédé à une vérification de la paie et Heather Mailow lui avait alors dit qu'elle voulait changer de méthode aux fins de la perception de l'argent. Auparavant, les clients payaient à la réception, et les commissions étaient ensuite versées aux filles, mais dorénavant les clients paieraient les filles directement et ne verseraient à Silhouette que les frais d'utilisation des pièces et des fournitures (ce qui représentait environ la moitié des frais antérieurement exigés). Cela voulait dire qu'il n'y aurait plus de compte de paie, puisque les filles n'avaient plus le statut d'employées (transcription, volume 3, pages 608 et 609). Monsieur Agostinelli croyait que le changement, quant au statut d'employé, avait probablement eu lieu au cours de la première ou de la deuxième année après que Mme Mailow eut pris l'entreprise en charge, mais il n'en était pas certain (transcription, volume 3, page 611). Une fois le changement effectué, il y avait encore des feuilles quotidiennes indiquant les frais exigés à la réception pour l'utilisation d'une pièce. Monsieur Agostinelli a déclaré que les nouvelles feuilles quotidiennes devaient également être fiables étant donné que c'était la seule source de renseignements qu'il avait à sa disposition au sujet du revenu (transcription, volume 3, page 613). Toutefois, il a par la suite déclaré que les feuilles quotidiennes n'étaient peut‑être pas aussi fiables qu'auparavant (transcription, volume 3, page 615).

 

[46]         Une fois le changement effectué, M. Agostinelli n'avait plus à se rendre aux locaux de l'entreprise une fois par semaine puisqu'il n'y avait pas de compte de paie à préparer. Il se rendait donc aux locaux une douzaine de fois par année.

 

[47]         Monsieur Agostinelli établissait les déclarations de revenus de Heather Mailow à l'aide du grand livre qu'il tenait. La déclaration de revenus de l'année 2001 de Heather Mailow a été produite au mois de décembre 2002, un montant de 361 660 $ étant déclaré au titre du revenu brut et un montant de 28 887 $ au titre du revenu net. Dans l'état des résultats des activités de l'entreprise de cette année‑là, Heather Mailow avait déduit 72 667 $ pour les commissions versées aux filles. Pour l'année 2002, elle avait déclaré un revenu brut de 301 588 $ et un revenu net de 29 679 $. Au cours de cette année‑là, il n'y a pas eu de déduction au titre des commissions versées aux filles. La déclaration de revenus de Heather Mailow pour l'année 2003 a été produite le 6 avril 2005. Apparemment, Heather Mailow avait fait faillite à ce moment‑là (transcription, volume 3, page 624). Heather Mailow avait déclaré un revenu brut de 500 499 $ et un revenu net de 186 727 $. Encore une fois, aucune déduction n'était effectuée au titre des commissions (voir la pièce A‑10, onglets 57, 58 et 59). Heather Mailow a fait l'objet d'une nouvelle cotisation pour chacune de ces années. Pour l'année 2001, le revenu brut a été augmenté de 351 994 $, mais un montant de 240 000 $, soit les frais qu'elle déclarait avoir versés à Earl Heinig, avait été admis à titre de déduction. Le revenu net de Heather Mailow pour cette année‑là selon la nouvelle cotisation était de 139 385 $ (pièce A‑10, onglet 57, T7W‑C). Pour l'année 2002, Heather Mailow a également fait l'objet d'une nouvelle cotisation et le revenu brut a été augmenté de 417 314 $, mais une déduction de 245 000 $ représentant les frais versés à Earl Heinig cette année‑là a été admise. Le revenu net de Heather Mailow a été établi à 222 730 $ (pièce A‑10, onglet 58, T7W‑C). Pour l'année 2003, Heather Mailow a encore une fois fait l'objet d'une nouvelle cotisation et son revenu brut a été établi à 588 131 $; les dépenses d'entreprise admises s'élevaient à 419 679 $ et le revenu net était de 166 649 $ (pièce A‑10, onglet 59, T7W‑C).

 

[48]         Monsieur Agostinelli a confirmé qu'il préparait lui‑même le grand livre de l'entreprise. Les dépenses étaient établies à l'aide des factures de chaque fournisseur qui avaient été acquittées, lesquelles étaient conservées par Heather Mailow. Monsieur Agostinelli a dit que Heather Mailow était fort bien organisée lorsqu'il s'agissait de classer les factures de l'entreprise (transcription, volume 3, page 632). Certaines dépenses étaient payées par chèque, alors que d'autres étaient payées en espèces (transcription, volume 3, page 644). Les ventes étaient calculées à l'aide des feuilles quotidiennes. Certains paiements préautorisés, comme les paiements se rattachant à la location de la voiture et les frais bancaires, étaient établis à l'aide des relevés bancaires.

 

[49]         En ce qui concerne le grand livre qui a été produit pour l'année 2002 (pièce A‑11, onglet 194), M. Agostinelli a témoigné que les frais de téléphone avaient été réduits de beaucoup par rapport à ce qu'ils avaient été lorsqu'Earl Heinig exploitait l'entreprise parce que Heather Mailow avait éliminé ou réduit la publicité dans les Pages jaunes. Monsieur Agostinelli a également dit que les ventes inscrites, s'élevant en tout à 546 588 $ en 2002 (pièce A‑11, onglet 194, page 16), étaient fiables en grande partie parce que les employées (les filles) touchaient une commission sur ce montant et qu'elles tenaient des comptes à cet égard. Toutefois, M. Agostinelli n'a pas pu dire à quel moment le changement s'était produit en ce qui concerne les frais d'utilisation des pièces (transcription, volume 3, page 650). Il a reconnu que le chiffre d'affaires de 546 588 $ était inférieur à ce qu'il était lorsque M. Heinig exploitait l'entreprise. Selon M. Agostinelli, la chose était attribuable à l'élimination de la publicité dans les Pages jaunes et à l'expérience de Mme Mailow, qui n'était pas comparable à celle de M. Heinig (transcription, volume 3, page 651). Lors du contre‑interrogatoire, il a été signalé à M. Agostinelli que, dans sa déclaration de revenus de l'année 2002, Heather Mailow n'avait pas déduit de montant au titre de commissions qui auraient été versées, ce qui tend à indiquer que le chiffre d'affaires brut n'incluait pas les montants gagnés par les filles, contrairement à ce qui avait été le cas lorsque c'était Earl Heinig qui s'occupait de l'entreprise.

 

[50]         Dans sa déclaration de revenus, Heather Mailow a déclaré un montant de 301 588 $ au titre du revenu brut, alors que le chiffre d'affaires brut inscrit dans le grand livre était de 546 588 $. Monsieur Agostinelli a témoigné que ce dernier chiffre était le bon (transcription, volume 3, page 655). Lors du contre‑interrogatoire, il a encore une fois été signalé à M. Agostinelli que la différence de 245 000 $, qui est désignée dans le grand livre comme se rapportant à des frais de consultation, n'avait pas été demandée à titre de déduction dans la déclaration de revenus de Mme Mailow.

 

[51]         Monsieur Agostinelli a témoigné que le grand livre de l'année 2002 n'était pas en équilibre et que l'écart était d'environ 300 000 $ (transcription, volume 3, page 660), ce qui voulait dire que les ventes moins les dépenses facturées donnaient une différence d'environ 300 000 $. Sur ces 300 000 $, un montant de 46 800 $ était imputé aux [TRADUCTION] « frais payés comptant à la réception » (pièce A‑11, onglet 194, page 17) pour les chefs de quart de travail, et un montant de 245 000 $ était imputé aux [TRADUCTION] « frais de consultation » qui auraient été versés comptant à M. Heinig. C'était Heather Mailow qui avait ainsi imputé ces montants, et M. Agostinelli les avait inscrits dans le grand livre.

 

[52]         Quant au grand livre de l'année 2003 (pièce A‑11, onglet 196), il est incomplet puisqu'il ne semble pas s'appliquer à toute l'année. Monsieur Agostinelli a déclaré que le grand livre ne semblait pas fiable (transcription, volume 3, pages 664 à 667). Heather Mailow a fait faillite au début de l'année 2004.

 

[53]         Dans une lettre qu'il avait envoyée à l'ARC le 4 janvier 2005 (pièce R‑2, onglet 23), M. Agostinelli déclarait que les déductions que Mme Mailow avait faites à l'égard des montants versés aux Heinig, soit 240 000 $ en 2000 et en 2001 et 245 000 $ en 2002, étaient inexactes. Dans une autre lettre envoyée à l'ARC le 6 janvier 2005 (pièce R‑2, onglet 24), M. Agostinelli déclarait que les frais versés aux Heinig devaient être remplacés par 103 775 $ pour l'année 2002 et par 90 000 $ pour l'année 2001.

 

[54]         Devant la Cour, M. Agostinelli a déclaré avoir été pris au beau milieu d'un différend entre les Heinig et Heather Mailow et avoir eu tort de soumettre des observations à l'ARC tant pour les Heinig que pour Heather Mailow (transcription, volume 3, page 680).

 

[55]         Monsieur Agostinelli avait établi la déclaration de revenus de l'appelante en utilisant les renseignements qu'Earl Heinig lui avait fournis. Il avait erronément déclaré le montant reçu de Heather Mailow à titre de revenu d'emploi et il n'avait pas tenu compte de la TPS.

 

[56]         Monsieur Agostinelli a conclu son interrogatoire principal en disant que les montants qui avaient fait l'objet d'une nouvelle cotisation en 2002 au titre d'un revenu additionnel, tant pour l'appelante (205 972 $, pièce R‑2, onglet 1) que pour Heather Mailow (222 730 $ selon le T7W‑C de 2002, pièce A‑10, onglet 58), lesquels s'élèvent en tout à environ 429 000 $, n'étaient pas réalistes s'il était tenu compte des ventes de cette année‑là — qui avaient été inscrites dans le grand livre comme s'élevant à 546 588 $ — étant donné toutes les autres dépenses inscrites dans le grand livre (transcription, volume 3, page 697).

 

[57]         Lors du contre‑interrogatoire, l'avocat de l'intimée a montré à M. Agostinelli la déclaration de revenus de l'an 2000 de Heather Mailow (pièce R‑2, onglet 33), dont il n'avait pas été question lors de l'interrogatoire principal. Monsieur Agostinelli a reconnu que, dans cette déclaration, le revenu brut de 691 579 $ était exact et qu'il se rapportait à une période de dix mois, ce qui représentait 15 717 $ par semaine (transcription, volume 3, pages 722 et 723). Dans cette déclaration de revenus, un montant de 241 307 $ a été déduit pour les commissions versées aux filles, ainsi que des frais de consultation de 240 000 $, qui étaient les frais versés aux Heinig pour le permis. Monsieur Agostinelli a inscrit cette dépense dans l'état des résultats des activités de l'entreprise sans avoir vu de reçu car le montant avait été payé en espèces (transcription, volume 3, page 727). Monsieur Agostinelli ne se rappelait pas à quel moment Heather Mailow avait changé de méthode à l'égard des frais, mais il convenait qu'elle l'avait fait pour que ses pratiques commerciales soient conformes à celles de l'industrie dans son ensemble.

 

[58]         Monsieur Agostinelli s'est vu obligé d'admettre qu'à cause de ce changement, les revenus de l'entreprise auraient baissé de moitié si le nombre de clients était demeuré le même (transcription, volume 3, pages 732 et 733). L'avocat de l'intimée a montré à M. Agostinelli l'état des résultats des activités de l'entreprise de l'année 2002. Les revenus bruts indiqués s'élèvent à 301 588 $, mais aucune commission n'avait été versée aux filles, et le montant versé aux Heinig n'est pas indiqué dans cet état.

 

[59]         Pour l'année 2003, le grand livre préparé par M. Agostinelli indique des frais de consultation de 224 299 $. Monsieur Agostinelli a dit que ces frais avaient été payés en espèces et qu'ils auraient été payés aux Heinig (transcription, volume 3, pages 741 et 742). Monsieur Agostinelli a soumis à l'ARC des observations écrites disant que Heather Mailow n'avait pas versé ce montant aux Heinig. Il a écrit la lettre après que M. Heinig lui eut dit qu'il n'avait pas reçu ce montant. Monsieur Agostinelli l'a simplement cru sur parole et n'a pas vérifié ces nouveaux renseignements. Il a témoigné que les deux versions différentes que lui avaient données Heather Mailow et Earl Heinig avaient suscité de la confusion dans son esprit (transcription, volume 3, page 750). En réalité, a‑t‑il dit, il ne savait vraiment pas ce qu'Earl Heinig avait reçu (transcription, volume 3, page 751). Il n'avait pas procédé à une vérification des relevés bancaires et il n'avait pas personnellement additionné les chiffres en vue de déterminer ce que Heather Mailow avait en fait versé à M. Heinig. Voici ce qu'il a dit :

 

[TRADUCTION]

 

[...] En réalité, je ne sais vraiment pas ce qui a été versé. Je n'ai jamais vu le moindre bout de papier dans le bureau de Mme Mailow ou dans le bureau de Silhouette — je l'appellerai le bureau de Mme Mailow — indiquant le montant qu'elle avait réellement versé. L'autre partie ne m'a pas non plus fourni quoi que ce soit qui indique ce qu'elle avait reçu.

 

(Transcription, volume 3, pages 752 et 753)

 

[60]         Monsieur Agostinelli a établi les déclarations de revenus de l'appelante en utilisant les renseignements qu'Earl Heinig, en qui il avait entièrement confiance, lui avait fournis.

 

[61]         L'avocat de l'appelante a également cité Gerald Robert Pettle comme témoin. Monsieur Pettle a déclaré qu'Earl Heinig avait travaillé comme homme à tout faire pour son entreprise d'éclairage de 1998 à 2001 ou 2002 et qu'il gagnait peut‑être 1 000 $ ou 1 500 $ par mois. Il a déclaré avoir ensuite changé la vocation de son entreprise, qui s'est alors consacrée à l'achat et à la vente de liquidations. Il avait besoin d'argent pour de brèves périodes afin de conclure les marchés. C'est la raison pour laquelle il empruntait de l'argent d'Earl Heinig, qu'il remboursait assez rapidement au moyen de chèques payables à l'appelante. Il a également dit que Heather Mailow avait brièvement été mariée à un réfugié qui lui avait donné de l'argent pour qu'elle l'épouse. Heather Mailow n'a pas nié avoir épousé un réfugié, mais elle a affirmé que celui‑ci ne lui avait pas remis d'argent. Elle a également admis avoir épousé cet homme à la demande d'Earl Heinig afin de l'aider à immigrer et que le mariage n'avait pas duré longtemps (transcription, volume 4, pages 850 à 852).

 

[62]         Lors de l'interrogatoire principal, Heather Mailow a témoigné que, contrairement à ce que M. Agostinelli avait dit, l'entente avec Earl Heinig avait été conclue lors d'une réunion qui avait eu lieu au bureau de M. Agostinelli, à Toronto, et que son frère et M. Heinig étaient présents (transcription, volume 4, page 800).

 

[63]         Au cours de cette réunion, il avait été question des dispositions financières se rapportant au montant que Heather Mailow devait envoyer chaque semaine à M. Heinig. Il a été décidé qu'elle enverrait chaque vendredi 5 000 $ en espèces à la résidence d'Earl Heinig par l'entremise du service de messagerie Purolator. Elle était autorisée à conserver l'argent du cinquième vendredi de chaque mois comprenant cinq vendredis, et une fois effectués les paiements en faveur d'Earl Heinig, elle pouvait conserver le reste afin d'exploiter l'entreprise. Contrairement à ce qu'Earl Heinig a affirmé devant la Cour, Heather Mailow a déclaré que c'était lui qui avait décidé qu'elle enverrait l'argent par le service de messagerie Purolator (transcription, volume 4, pages 801 et 802). Earl Heinig lui avait dit qu'il voulait qu'elle s'occupe des finances de l'entreprise de la même façon qu'il l'avait fait par le passé et qu'il voulait que le montant déclaré soit le même que celui qu'il avait déclaré par le passé, de façon à ne pas éveiller de soupçons de la part de l'ARC (transcription, volume 4, pages 802 à 805).

 

[64]         Heather Mailow était également chargée d'acquitter toutes les dépenses d'entreprise et elle était autorisée à conserver le reste, ce qui comprenait le montant qu'elle aurait gagné en sa qualité de chef de quart de travail, soit 600 $ par semaine. En fait, elle ne retirait pas 600 $ par semaine lorsqu'elle avait commencé à gérer l'entreprise parce qu'elle faisait suffisamment d'argent avec ce qui restait.

 

[65]         C'était également Earl Heinig qui avait proposé qu'elle utilise son propre nom commercial, Mailow Enterprises, afin d'exploiter l'entreprise Silhouette (transcription, volume 4, pages 805 et 806). Heather Mailow a déclaré que, la plupart du temps, elle comptait personnellement l'argent et le mettait dans l'enveloppe destinée à M. Heinig (les deux seules autres personnes qui le faisaient étaient son frère, Jeffrey Mailow, et sa mère, Liz Mailow). Elle faisait cinq liasses de 1 000 $ (en billets de 20 dollars). Les liasses étaient placées à plat dans l'enveloppe, ce qui donnait l'impression qu'elle envoyait des documents (transcription, volume 4, pages 807 et 808). Earl Heinig lui avait demandé d'inscrire le mot [TRADUCTION] « documents » comme contenu sur la lettre de transport, puisqu'ils n'étaient pas autorisés à envoyer de l'argent (transcription, volume 4, pages 823 et 824). Heather Mailow a déclaré qu'elle avait envoyé chaque semaine le montant de 5 000 $ au complet, ainsi qu'il avait été convenu, pendant les trois premières années et demie. Par la suite, il est devenu plus difficile d'envoyer chaque semaine 5 000 $ au complet, étant donné que l'entreprise éprouvait certains problèmes. Elle envoyait donc 3 000 $ le vendredi et utilisait l'argent des ventes conclues pendant la fin de semaine pour envoyer le reste le lundi. Elle a déclaré que lorsqu'elle était à court d'argent et qu'elle n'informait pas Earl Heinig de la chose, celui‑ci était très fâché et l'appelait pour l'injurier (transcription, volume 4, page 815). L'entente qu'elle avait conclue avec M. Heinig n'avait pas été consignée par écrit parce qu'ils se faisaient mutuellement confiance. L'entente était avantageuse pour les deux parties. Toutefois, un an après qu'elle eut commencé à gérer l'entreprise, on lui avait demandé de signer une entente rédigée par Donna Heinig (l'appelante) l'autorisant à exploiter Silhouette (pièce R‑2, onglet 21). Cela a été fait afin que soit légitime l'exploitation de l'entreprise en application du permis détenu par l'appelante, lequel devait être conservé dans les locaux de Silhouette.

 

[66]         Heather Mailow a également témoigné que, lorsqu'elle a commencé à exploiter Silhouette, les clients pouvaient payer à l'aide d'une carte de crédit et les paiements étaient déposés dans le compte bancaire d'Earl Heinig. Elle n'avait pas accès à cet argent (transcription, volume 4, page 817). En 2003, elle a obtenu un nouveau terminal de paiement d'une autre société pour son propre usage. Elle avait également un guichet automatique à sa disposition.

 

[67]         Heather Mailow estimait que, pendant les trois premières années, l'entreprise gagnait 20 000 $ si la semaine était bonne. En 2003, les revenus ont commencé à baisser. Heather Mailow a déclaré qu'en 2005, Gary Bolt était entré dans les locaux et lui avait demandé de prendre ses effets personnels et de partir. C'est ainsi qu'elle a été évincée de l'entreprise (transcription, volume 4, pages 825 à 827).

 

[68]         Heather Mailow a fait faillite au mois de mars 2004. C'était la seconde fois qu'elle faisait faillite, la première fois étant dix ans plus tôt.

 

[69]         Lors du contre‑interrogatoire, Heather Mailow a catégoriquement déclaré qu'elle n'avait jamais utilisé une carte de débit de TD Canada Trust afin d'effectuer des dépôts dans le compte bancaire de l'appelante (transcription, volume 4, pages 836 et 872). Le compte de Heather Mailow était à la Banque Royale.

 

[70]         Heather Mailow a témoigné qu'elle versait un loyer mensuel de 1 680 $ pour sa résidence personnelle et un montant de 1 000 $ pour sa voiture Cadillac Escalade louée. Elle avait deux enfants, qui étaient d'âge mineur au cours de la période en question. Son fils fréquentait une école privée qui lui coûtait 200 $ par mois et son oncle payait la différence (transcription, volume 4, pages 847 à 850). Elle allait également en Jamaïque afin de visiter sa famille et elle était allée voir son frère une fois, à Hawaï. Lors du contre‑interrogatoire, Heather Mailow a également déclaré que l'entreprise était toujours ouverte sept jours sur sept, même lorsque c'était Earl Heinig qui l'exploitait, mais que celui‑ci n'avait pas déclaré les revenus ou n'avait pas tenu les livres pour les dimanches (transcription, volume 4, page 854).

 

[71]         L'avocat de l'appelante a demandé à Mme Mailow de faire des remarques au sujet du grand livre de 2002 (pièce R‑2, onglet 36). Madame Mailow a confirmé que toutes les dépenses en espèces qui y étaient inscrites correspondaient aux reçus qu'elle avait conservés. Elle a également confirmé que Kathryn Medland, l'une des chefs de quart de travail, gagnait 650 $ par semaine et qu'elle était rémunérée par chèque étant donné qu'elle ne voulait pas être rémunérée en espèces. Les autres chefs de quart de travail étaient rémunérés en espèces, et le montant ainsi versé s'élevait à 46 800 $ en 2002 (pièce R‑2, onglet 36, page 17). Madame Mailow a confirmé que le montant de 245 000 $ inscrit au titre des frais de consultation représentait le total, pour l'année, de l'argent mis dans les enveloppes envoyées à Earl Heinig chaque semaine (transcription, volume 4, page 861).

 

[72]         Madame Mailow a reconnu que la prise en charge de l'entreprise de M. Heinig avait sans aucun doute été avantageuse pour elle, mais elle a déclaré ne pas savoir quel était son revenu annuel. Elle a admis avoir uniquement déclaré un montant d'environ 28 000 $ en 2000, en 2001 et en 2002, ce qui correspondait à peu près à ce qu'elle gagnait avant de prendre l'entreprise en charge. Elle a affirmé qu'Earl Heinig lui avait demandé de déclarer le même revenu que celui qu'elle avait toujours déclaré par le passé (transcription, volume 4, page 869). Earl Heinig lui avait demandé de mentir dans sa déclaration de revenus et elle l'avait fait parce qu'elle voulait conserver son emploi (transcription, volume 4, page 873). Elle a affirmé que John Agostinelli [TRADUCTION] « était au courant de la conversation portant sur les conditions de la prise en charge de l'entreprise » et que John Agostinelli, Earl Heinig et elle‑même savaient tous que le montant versé à Earl Heinig s'élevait à 245 000 $. Monsieur Agostinelli avait inscrit ce montant au titre des frais de consultation dans le grand livre et, puisqu'il était constamment en contact avec Earl Heinig, ce dernier lui aurait également dit que ce montant était juste (transcription, volume 4, pages 873 et 874). Heather Mailow a confirmé avoir changé de système de paie; elle croyait l'avoir fait en 2003. Elle a nié avoir été congédiée parce que le loyer n'état pas payé. Elle a affirmé que, lorsqu'elle dirigeait Silhouette, elle avait toujours payé le loyer (transcription, volume 4, page 893).

 

[73]         Heather Mailow a également déclaré que le revenu brut hebdomadaire de 20 000 $ était celui d'une semaine de grande activité, et qu'un revenu brut hebdomadaire de 15 000 $ en moyenne était plus exact (transcription, volume 4, page 896).

 

[74]         Lors du réinterrogatoire, l'avocat de l'intimée a signalé à Mme Mailow que, dans sa déclaration de revenus de l'an 2000, elle avait déclaré un montant de 241 307 $ au titre des commissions versées aux filles (pièce R‑2, onglet 33) et de 72 667 $ dans sa déclaration de revenus de 2001 (pièce R‑2, onglet 34). Elle a reconnu que le [TRADUCTION] « changement de politique à la réception » (le changement apporté au système de paie) avait peut‑être eu lieu en 2001 (transcription, volume 4, page 903). Lors du réinterrogatoire, elle a également dit qu'Earl Heinig avait été très mécontent du fait qu'elle avait déclaré les frais de consultation qu'elle lui avait versés dans sa déclaration de revenus de l'an 2000 (transcription, volume 4, pages 902 et 903).

 

[75]         Enfin, l'avocat de l'intimée a signalé à Mme Mailow qu'elle avait payé le loyer au complet (66 676 $) en 2002, comme le montre le grand livre de cette année‑là (pièce R‑2, onglet 36, page 22).

 

[76]         Monsieur Jeffrey Mailow a également témoigné. Il a déclaré que sa soeur Heather lui avait demandé d'assister à la réunion au cours de laquelle il avait été question des conditions de l'entente conclue avec M. Heinig. Selon ce qu'il se rappelait, Heather Mailow devait verser chaque mois à M. Heinig un montant de 20 000 $ (5 000 $ par semaine, jusqu'à concurrence de 20 000 $ par mois). C'était M. Heinig qui avait établi le calendrier de paiement. Monsieur Mailow a témoigné que M. Heinig avait également déclaré, lors de cette réunion, que les bénéfices de l'année précédente s'élevaient à 800 000 $ et que les dépenses hebdomadaires variaient de 5 000 $ à 6 000 $ (ce qui comprenait le loyer, les salaires, les fournitures et les services publics).

 

[77]         Jeffrey Mailow a témoigné que sa soeur lui demandait de temps en temps de la remplacer lorsqu'elle prenait des vacances ou qu'elle s'absentait pour une autre raison. Il avait accès au coffre‑fort et, à sa connaissance, seuls lui et sa soeur y avaient accès. Lorsqu'il remplaçait Mme Mailow, c'était lui qui mettait les 5 000 $ dans une enveloppe et qui envoyait l'enveloppe à M. Heinig le lundi. Il l'avait peut‑être fait jusqu'à neuf fois au fil des ans. Il comptait les 5 000 $ en prenant les billets de cent dollars et de cinquante dollars en premier lieu, et ensuite des billets de vingt dollars au besoin (transcription, volume 4, pages 922 et 923).

 

[78]         Jeffrey Mailow a déclaré qu'il arrivait parfois qu'il mette moins de 5 000 $ dans une enveloppe destinée à M. Heinig. Cela se produisait lorsqu'il n'y avait pas suffisamment d'argent ou, à une occasion, lorsque sa soeur lui avait dit qu'elle avait déjà remis 3 000 $ et qu'il fallait envoyer le solde de 2 000 $ pour compléter le montant (transcription, volume 4, pages 924 et 925). Monsieur Mailow n'a pas vu sa soeur compter l'argent et le mettre dans une enveloppe.

 

[79]         Madame Liz Mailow, la mère de Heather Mailow, a également témoigné. Elle a déclaré que Heather Mailow envoyait tous les jours de l'argent à M. Heinig par l'entremise du service de messagerie Purolator (transcription, volume 4, page 935). Elle avait vu sa fille compter les 5 000 $ en liasses de 1 000 $ chacune et les placer dans une enveloppe que la mère avait à plusieurs reprises apportée au bureau de Purolator. Elle a déclaré avoir vu sa fille le faire une cinquantaine de fois peut‑être au fil des ans.

 

[80]         Lors du contre‑interrogatoire, Liz Mailow a déclaré croire que l'argent était envoyé tous les jours, quoiqu'elle n'ait pas été là tous les jours.

 

[81]         Lors du réinterrogatoire, Liz Mailow a déclaré que lorsqu'elle était là, les enveloppes étaient envoyées, que c'était quelque chose qui était fait tout le temps et qu'elle avait vu l'argent être mis dans les enveloppes.

 

Les arguments des avocats

 

[82]         Dans son argumentation, l'avocat de l'appelante a déclaré que Heather Mailow avait confirmé que le changement apporté au système de paie avait eu lieu après l'année 2002. Monsieur Agostinelli a affirmé que cela s'était produit en 2003, mais il n'en était pas certain.

 

[83]         En même temps, l'avocat de l'appelante a signalé que Heather Mailow, qu'il a qualifiée de menteuse invétérée ou de menteuse naïve, n'était pas crédible. Il a soutenu qu'elle mentait tout le temps et il a signalé son audace lorsqu'elle a déclaré le même montant au titre du revenu, et ce, peu importe le revenu qu'elle gagnait.

 

[84]         Selon l'avocat de l'appelante, l'unique grand livre qui est fiable est celui de l'année 2002. Il indique le seul fait indéniable dans l'ensemble de la preuve, à savoir que les ventes de cette année‑là s'élevaient à un peu plus de 546 000 $. L'avocat a dit que tant que Heather Mailow n'avait pas confirmé que le changement avait été apporté au système de paie en 2003, il existait peut‑être un léger doute au sujet de la fiabilité de ce montant de 546 000 $, mais en se fondant sur cette partie du témoignage de Heather Mailow, il a soutenu qu'il était fermement établi que les ventes de l'année 2002, selon les feuilles quotidiennes, s'élevaient à 546 000 $.

 

[85]         Selon l'avocat de l'appelante, il n'y avait qu'un seul témoin indépendant en l'espèce, soit John Agostinelli, puisque celui‑ci n'avait rien à perdre ou à gagner de son témoignage, ni rien à craindre. L'avocat a déclaré que M. Agostinelli et M. Heinig s'entendaient sur un fait pertinent essentiel, à savoir que le revenu d'Earl Heinig au cours de la dernière année où il avait exploité l'entreprise était de l'ordre de 140 000 $. C'est probablement pourquoi M. Agostinelli avait immédiatement dit à Heather Mailow qu'un montant hebdomadaire de 5 000 $ n'était pas réaliste, et l'avocat a souligné que, de fait, ce montant n'était pas réaliste puisque le chiffre d'affaires brut s'élevait à 546 000 $.

 

[86]         L'avocat de l'appelante a soutenu que nous pouvons conclure des ventes de l'année 2002, ainsi que du fait qu'Earl Heinig gagnait chaque année 140 000 $ et Heather Mailow 30 000 $ avant les années ici en cause, qu'il serait raisonnable de dire que M. Heinig acceptait un paiement d'environ 100 000 $ de l'entreprise après avoir fait l'objet d'une déclaration de culpabilité en 2000, ce qui aurait peut‑être laissé un montant d'environ 70 000 $ à Heather Mailow. Si le chiffre d'affaires annuel s'élevait à 546 000 $, il n'était certes pas possible de verser des frais de 240 000 $ aux Heinig, compte tenu du loyer (65 000 $), des commissions versées aux filles (environ 185 000 $) et de toutes les autres dépenses.

 

[87]         L'avocat de l'intimée a soutenu non seulement que John Agostinelli n'avait rien à perdre ou à gagner en témoignant, mais aussi que cela était également vrai dans le cas de Heather Mailow, de Jeffrey Mailow et de Liz Mailow, puisque la décision rendue par la Cour en l'espèce n'aura pour eux aucune incidence.

 

[88]         Les quatre témoins ont déclaré que le montant convenu qui devait être versé à M. Heinig était de 5 000 $ par semaine. L'appelante n'a jamais vu l'argent lorsqu'on le mettait dans l'enveloppe, et elle ne l'a jamais compté avec son époux. Seul Earl Heinig a témoigné qu'il n'avait jamais demandé un montant de 5 000 $ par semaine. L'avocat de l'intimée est d'avis qu'Earl Heinig s'est avéré non crédible de bien des façons, ou du moins qu'il n'avait pas honte de mentir. Le faux transfert du permis en faveur de Robert Leach visant à éviter de perdre le permis par suite de la faillite et l'acte malhonnête qui consistait à obtenir illégalement deux numéros d'assurance sociale différents n'en constituent que deux exemples. L'avocat a rappelé à la Cour qu'Earl Heinig avait admis être prêt à contourner les règles et à ne pas tenir compte de la loi, dans la mesure où cela servait ses intérêts financiers. L'entreprise d'Earl Heinig faisait des affaires au comptant, et il pouvait vouloir déclarer des revenus inférieurs aux revenus réels, afin de payer moins d'impôt. Le fait de faire des affaires au comptant entraîne une absence de documents, de sorte qu'il est plus difficile de suivre le revenu.

 

[89]         Earl Heinig s'est contredit en ce qui concerne le revenu brut de l'entreprise. L'avocat de l'intimée a déclaré que l'état des résultats des activités de l'entreprise de l'an 2000, qui avait été présenté avec la déclaration de revenus de Heather Mailow de l'an 2000 (pièce R‑2, onglet 33), constituait une mesure indépendante du revenu brut. Pour une période de dix mois, le revenu brut déclaré était de 691 579 $, soit 15 717 $ par semaine, ce qui donnerait un montant de 817 000 $ pour douze mois. Ce chiffre est compatible avec les chiffres indiqués par Earl Heinig lors de la réunion avec Heather et Jeffrey Mailow.

 

[90]         L'appelante a témoigné qu'Earl Heinig lui avait remis tout l'argent envoyé par Heather Mailow, et elle ne savait pas qu'il conservait une partie de l'argent pour ses activités de jeu.

 

[91]         En outre, si Earl Heinig a raison de dire que Heather Mailow effectuait constamment des paiements insuffisants, il est inconcevable qu'il ait simplement renoncé aux sommes manquantes tout en fournissant à Heather Mailow des services d'entretien et en effectuant des réparations gratuitement et en lui permettant de continuer à exploiter l'entreprise pendant cinq ou six ans, compte tenu du fait qu'il lui avait été interdit d'entrer dans les locaux pendant un an seulement.

 

[92]         Quant à l'appelante elle‑même, elle n'a pas pu expliquer d'où provenaient les sommes déposées dans son compte de banque, prétendument à l'aide de ses épargnes. Elle n'a pas pu préciser la source de ses épargnes. Son analyse des relevés de son compte de chèques n'a pas été effectuée au moment où les dépôts avaient été faits; elle a été effectuée bien longtemps par la suite, en raison du présent litige. L'avocat a soutenu que cette analyse est fort peu fiable, et qu'elle est loin d'être impartiale.

 

[93]         Quant au revenu brut de 546 588 $ de l'année 2002, voici ce que l'avocat de l'intimée a dit :

 

[TRADUCTION]

 

C'était le chiffre qui était inscrit dans le grand livre de 2002, et ce, une fois qu'il avait été tenu compte des commissions, parce que ce grand livre ne renferme aucune inscription pour les commissions versées aux filles. Il s'agit d'un chiffre une fois les commissions payées, ou encore il s'agit du chiffre d'affaires brut après la transition, lorsque l'entreprise ne versait plus de commissions aux filles. (Transcription, volume 4, page 963)

 

[94]         Par conséquent, le chiffre de 546 588 $ ne doit pas être réduit du montant des commissions à verser aux filles, puisque nous pouvons déduire du grand livre qu'en 2002, le système de paie n'était plus le même. Par conséquent, le montant de 546 588 $ aurait été suffisant pour permettre le paiement de 240 000 $ aux Heinig, et il restait un montant suffisant pour Heather Mailow.

 

Analyse

 

[95]         Dans ses actes de procédure, l'intimée a supposé que l'appelante n'avait pas inclus dans son revenu des années d'imposition 2000, 2001, 2002 et 2003 tous les frais que Heather Mailow (s/n Mailow Enterprises) lui avait versés et qu'elle avait omis de déclarer 136 999 $ en 2000, 135 799 $ en 2001, 125 197 $ en 2002 et 89 625 $ en 2003. Il ne semble pas être contesté que l'appelante a déclaré un revenu tiré de cette source s'élevant à 67 500 $ en 2000, à 75 000 $ en 2001, à 80 775 $ en 2002 et à 91 500 $ en 2003 (pièce A‑5 et pièce R‑2, onglets 5, 6, 7 et 8).

 

[96]         Par conséquent, le ministre a supposé que le revenu global que l'appelante avait reçu de Mailow Enterprises était la somme de ce qu'elle avait déclaré et du montant à l'égard duquel il avait établi une nouvelle cotisation. Si nous additionnons ces montants, le total que l'appelante a reçu de Mailow Enterprises serait de 204 499 $ en 2000, de 210 799 $ en 2001, de 205 972 $ en 2002 et de 181 125 $ en 2003. Cela ne figurait pas dans les hypothèses du ministre, mais j'ai fait un calcul rapide et ces chiffres représentaient environ 4 000 $ par semaine.

 

[97]         Dans l'arrêt Amiante Spec inc. c. La Reine, 2009 CAF 139, aux paragraphes 15, 23 et 24, la Cour d'appel fédérale nous rappelle le fonctionnement du fardeau de la preuve en matière fiscale. Ces paragraphes sont libellés comme suit :

 

15                L'affaire Hickman [Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336] nous a rappelé que le ministre se fonde sur des présomptions pour établir une cotisation et que la charge initiale de démolir les présomptions exactes formulées par celui‑ci est imposée au contribuable. Ce dernier s'acquitte de ce fardeau initial lorsqu'il présente au moins une preuve prima facie démolissant l'exactitude des présomptions formulées dans la cotisation. Enfin, lorsque le contribuable s'est déchargé de son fardeau initial, le fardeau de la preuve passe au ministre qui doit alors réfuter la preuve prima facie faite par celui-là et prouver les présomptions (Hickman, supra aux paragraphes 92‑93‑94).

 

[...]

 

23        Une preuve prima facie est celle qui est « étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la Cour doit l'accepter si elle y ajoute foi, à moins qu'elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé. Une preuve prima facie n'est pas la même chose qu'une preuve concluante, qui exclut la possibilité que toute conclusion autre que celle établie par cette preuve soit vraie » (Stewart c. Canada, [2000] T.C.J. No. 53 au paragraphe 23) [C.C.I., assurance‑emploi].

 

24        Bien qu'il ne s'agisse pas d'une preuve concluante, « le fardeau de la preuve imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement » considérant « qu'il s'agit de l'entreprise du contribuable » (Voitures Orly inc. c. Canada, 2005 CAF 425 au paragraphe 20). Cette Cour a précisé que c'est le contribuable « qui sait comment et pourquoi son entreprise fonctionne comme elle le fait et pas autrement. Il connaît et possède des renseignements dont le ministre ne dispose pas. Il possède des renseignements qui sont à sa portée et sur lesquels il exerce un contrôle » (ibid.).

 

[98]    Par conséquent, l'appelante avait la charge initiale de prouver qu'elle n'avait pas sous‑estimé le revenu qu'elle avait reçu de Mailow Entreprises des montants établis par le ministre dans les nouvelles cotisations. Elle devait démontrer au moyen d'une preuve prima facie que les hypothèses du ministre n'étaient pas exactes. Il s'agit donc de savoir si elle a réussi à établir avec un degré suffisant de probabilité qu'elle n'a pas reçu les montants établis par le ministre au titre du revenu. Cela n'est pas une tâche facile dans un cas comme celui‑ci où les paiements ont tous été effectués en espèces, sans aucun reçu ou sans entente écrite. Comme la Cour d'appel l'a dit dans l'arrêt Amiante Spec, le contribuable possède normalement des renseignements que le ministre n'a pas à sa disposition et c'est la raison pour laquelle il existe pour le contribuable un lourd fardeau qui ne doit pas être « renversé à la légère ou arbitrairement » (voir Les Voitures Orly inc. / Orly Automobiles Inc. c. La Reine, 2005 CAF 425).

 

[99]    La tâche est d'autant plus difficile en l'espèce parce que les témoins se sont contredits sur un grand nombre de points.

 

[100]  Comme je l'ai dit au début des présents motifs, les deux protagonistes, Earl Heinig et Heather Mailow, ont présenté deux versions contraires. Il semble que le ministre ait été davantage porté à accepter la version de Heather Mailow, étant donné que l'appelante a fait l'objet d'une cotisation comme si elle avait reçu de Mailow Entreprises plus de 200 000 $ par année. Le résultat est que l'appelante a maintenant la charge de démontrer que Heather Mailow se trompe, et que son époux et elle ont raison. Bien qu'elle soit mariée à Earl Heinig depuis 40 ans, l'appelante ne semblait pas savoir beaucoup de choses au sujet de l'entreprise Silhouette. Elle donnait du moins l'impression qu'elle n'était pas au courant des bénéfices tirés de cette entreprise.

 

[101]  En outre, il y a un point qui ne semble pas être contredit dans la preuve et c'est le fait que l'appelante n'était pas partie à l'entente qui avait été conclue entre Earl Heinig et Heather Mailow.

 

[102]  Néanmoins, l'appelante a certes démontré une certaine partialité en faveur de son époux lorsqu'elle a témoigné qu'elle déposait dans son compte de banque tout le montant que celui‑ci recevait de Heather Mailow et qu'ils n'avaient pas reçu plus d'argent. Il lui a été difficile d'expliquer la source des autres dépôts, bien qu'il se soit agi de montants passablement élevés; elle s'est contentée de déclarer que son époux et elle avaient des épargnes, même si Earl Heinig avait fait faillite en 2000 et même si elle ne travaillait pas. Pourtant, son époux et elle avaient un très bon niveau de vie.

 

[103]  L'appelante n'a pas aidé sa cause en détruisant le calendrier sur lequel elle notait les sommes reçues de Heather Mailow. Elle n'avait pas non plus conservé les notes que Heather Mailow rédigeait lorsqu'un envoi ne renfermait pas tout le montant convenu. L'appelante a consenti à acquérir le permis afin d'aider son époux. Elle a même rédigé l'entente par laquelle elle autorisait Heather Mailow à exploiter l'entreprise et dans laquelle elle ne précisait pas le montant que Heather Mailow devait verser.

 

[104]  L'avocat de l'appelante a mis l'accent sur le manque de crédibilité de Heather Mailow. En même temps, il s'est fondé sur son témoignage lorsqu'elle déclarait que le changement de système de paie avait peut‑être eu lieu en 2003 afin de démontrer que le chiffre d'affaires brut de Silhouette était de 546 588 $ en 2002 et que les commissions des filles devaient encore provenir du revenu brut en 2002. L'avocat de l'appelante a signalé qu'une fois que les commissions et toutes les autres dépenses d'entreprise avaient été payées, il n'y avait aucune façon pour Silhouette de verser à Earl Heinig un montant de 240 000 $ cette année‑là.

 

[105]  Ma propre analyse des documents produits en preuve m'amène à conclure que le changement de système de paie a eu lieu à un moment donné en 2001. Il a été démontré que les commissions versées aux filles avaient considérablement baissé, d'environ 241 000 $ en 2000 à 72 667 $ en 2001, et qu'en 2002, aucune commission n'avait été versée. À l'audience, M. Agostinelli ne savait pas trop à quel moment le changement avait été effectué, et Heather Mailow a reconnu, lors du contre‑interrogatoire, que cela s'était peut‑être produit en 2001.

 

[106]  Par conséquent, si Silhouette n'avait pas à payer les filles à l'aide du revenu de 546 588 $ en 2002, et comme les autres dépenses d'entreprise étaient d'environ 5 000 $ par semaine, ou de 260 000 $ par année (comme le montrent le grand livre et l'état des résultats), il resterait un montant de 286 588 $ à partager entre Heather Mailow et Earl Heinig. Dans son témoignage, Earl Heinig a déclaré qu'il avait calculé qu'après avoir pris l'entreprise en charge, Heather Mailow pouvait gagner 500 $ en plus de la rémunération hebdomadaire de 600 $ qu'elle gagnait antérieurement à titre de chef de quart de travail. Cela lui aurait donné 1 100 $ par semaine, ou de 57 200 $ par année, de sorte qu'il restait un montant de 229 388 $ pour lui‑même. Dans la nouvelle cotisation relative à l'année 2002, le ministre a conclu que le revenu global que l'appelante tirait de Silhouette était de 205 972 $, ce qui est inférieur au montant calculé susmentionné.

 

[107]  Objectivement, il est fort difficile d'établir le revenu réel d'une entreprise faisant des affaires au comptant. J'ai fait le calcul qui précède afin d'établir si l'argument de l'avocat de l'appelante lui‑même était valable. Malheureusement, ce n'est pas le cas. En fait, le ministre a conclu que le revenu brut de Silhouette s'élevait à 718 902 $ lorsqu'il a effectué une vérification à l'égard de Heather Mailow pour l'année 2002 (voir la pièce A‑10, onglet 58). Toutefois, la preuve ne révélait pas la façon dont le ministre était arrivé à cette conclusion. La preuve mise à ma disposition n'est pas très utile lorsqu'il s'agit d'établir si le chiffre du ministre est trop élevé. Néanmoins, à mon avis, ce chiffre cesse d'être pertinent en l'espèce, étant donné que même avec le chiffre fourni par l'appelante, il est encore possible de conclure, selon moi, qu'Earl Heinig a reçu les montants visés par les nouvelles cotisations. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Earl Heinig n'a pas, lui non plus, beaucoup aidé la cause de son épouse.

 

[108]  De fait, le témoignage d'Earl Heinig indique clairement son manque de scrupules lorsqu'il s'agissait de s'occuper de ses obligations financières et de ses obligations fiscales. Il n'a pas hésité à transférer le permis indirectement à son épouse, même s'il savait qu'il contournait ainsi les règles, afin de conserver le revenu considérable qu'il tirait de Silhouette. Il n'a pas hésité à utiliser un second nom afin d'obtenir un second numéro d'assurance sociale, même s'il savait parfaitement que cela était illégal. Il n'a pas hésité à donner des versions contradictoires au sujet du revenu brut de Silhouette à Heather et à Jeffrey Mailow, à l'ARC ou devant la Cour. Il n'a pas hésité à s'adonner à des activités de jeu avec l'argent reçu de Heather Mailow, et ce, sans le dire à son épouse.

 

[109] De son côté, Heather Mailow n'a pas hésité à déclarer un faible revenu dans sa déclaration de revenus, alors qu'elle savait parfaitement bien que le chiffre qu'elle déclarait n'était pas exact. De fait, elle a fait l'objet de nouvelles cotisations et elle a eu à subir les conséquences de ses propres actes. Toutefois, son témoignage est conforme à ceux de John Agostinelli et de Jeffrey Mailow en ce qui concerne le montant convenu qui devait être versé à Earl Heinig. Il est vrai que M. Agostinelli a témoigné qu'il ne croyait pas que Silhouette avait les moyens de verser ce montant. Toutefois, le témoignage de M. Agostinelli semblait plutôt faible étant donné qu'il a reconnu qu'il faisait confiance à tout le monde sans vérifier quoi que ce soit. Il a d'abord accepté la version de Heather Mailow, en préparant le grand livre et l'état des résultats des activités de l'entreprise. Il a par la suite changé d'idée après avoir parlé à Earl Heinig. Il a finalement reconnu devant la Cour qu'il n'avait pas la moindre idée des montants que Heather Mailow versait à Earl Heinig. Il s'est rendu compte un peu trop tard qu'il faisait face à un conflit d'intérêts.

 

[110]  S'il est vrai qu'Earl Heinig ne gagnait pas plus de 140 000 $ par année avant l'an 2000, il est pour le moins surprenant que John Agostinelli, qui avait préparé les livres de Silhouette par le passé, n'ait pas vérifié plus attentivement si Earl Heinig recevait réellement 240 000 $, comme Heather Mailow le lui avait dit.

 

[111]  Il m'est presque impossible de connaître la vérité dans ce cas‑ci. Je ne crois pas qu'Earl Heinig ait reçu uniquement ce que son épouse, l'appelante, a déclaré dans sa déclaration de revenus. J'ai l'impression qu'en fait, l'entreprise de Silhouette a toujours été sous le contrôle d'Earl Heinig pendant toutes les années en question. Earl Heinig a organisé les choses de façon à recevoir le bénéfice de cette entreprise sans courir le risque d'être déclaré coupable une troisième fois. Heather Mailow a accepté d'assumer ce risque à sa place; une raison évidente pour cela était qu'elle tirait également parti de l'entente. En fin de compte, Earl Heinig l'a renvoyée, ce qui m'amène à croire qu'elle n'a jamais exercé de contrôle sur quoi que ce soit. Le revenu global tel qu'il a été établi dans les nouvelles cotisations correspond à un montant hebdomadaire de 4 000 $ reçu de Silhouette.

 

[112]  À mon avis, le montant en question n'est pas déraisonnable, compte tenu des déclarations qu'Earl Heinig a faites avant la présente instruction, à savoir que son entreprise rapportait un revenu brut annuel de 800 000 $, ce qu'a confirmé M. Agostinelli. Quoi qu'il en soit, l'appelante n'a pas établi en sa faveur un degré de probabilité m'amenant à croire qu'elle n'avait pas sous‑estimé son revenu des montants établis par le ministre dans les nouvelles cotisations. L'appelante n'a pas réussi à me convaincre selon la prépondérance des probabilités que les nouvelles cotisations sont erronées.

 

[113]  Puisque l'avocat de l'appelante a reconnu que la TPS est payable sur le revenu tiré de Silhouette et puisqu'il a fait savoir que les pénalités ne seraient pas contestées si les cotisations relatives au revenu additionnel étaient confirmées, je rejetterai les appels, les dépens étant adjugés à l'intimée selon le tarif B des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale).

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2010.

 

 

« Lucie Lamarre »

Le juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour d'octobre 2010.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 351

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2007-2125(IT)G et 2007-2126(GST)G

 

INTITULÉ :                                       DONNA HEINIG c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :               Les 3, 4, 5 et 6 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 9 juillet 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Franklyn Cappell

Avocats de l'intimée :

Mes Bobby Sood et

Paolo Torchetti

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelante :

 

                   Nom :           Franklyn Cappell

 

                   Cabinet :      Cappell Parker LLP

                                       Toronto (Ontario)

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous‑procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 



[1] Je note qu'Earl Heinig a déclaré, lors de l'interrogatoire principal, que Heather Mailow devait recevoir environ 500 $ en plus des 600 $ par semaine qu'elle avait antérieurement reçus, ce qui correspond à une rémunération globale hebdomadaire de 1 100 $, et non à une rémunération de 2 000 $.

 

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