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Dossier : 2008-3919(EI)

ENTRE :

COLONIALE MAID SERVICE LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Coloniale Maid Service Ltd., 2008-3920(CPP),

les 26, 27 et 28 janvier 2010, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelante :

Carole Rutwind

 

Avocat de l’intimé :

Me Gregory Perlinski

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 10e jour de mars 2010.

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2010.

 

Claude Leclerc, LL.B.

 


 

 

 

 

Dossier : 2008-3920(CPP)

ENTRE :

COLONIALE MAID SERVICE LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Coloniale Maid Service Ltd., 2008-3919(EI),

les 26, 27 et 28 janvier 2010, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelante :

Carole Rutwind

 

Avocat de l’intimé :

Me Gregory Perlinski

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 10e jour de mars 2010.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2010.

 

Claude Leclerc, LL.B.


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 115

Date : 20100310

Dossiers : 2008-3919(EI)

2008-3920(CPP)

ENTRE :

COLONIALE MAID SERVICE LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L’appelante interjette appel de deux décisions distinctes, chacune datée du 14 octobre 2008, par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a confirmé – sous réserve de la radiation, de la cotisation établie au titre du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») de Dionne Danyk-Purcell (« Dionne ») au motif qu’elle n’a réalisé aucun gain cotisable du 1er novembre 2006 au 30 septembre 2007 – des cotisations antérieures datées du 20 novembre 2007 (relativement à la période du 1er novembre au 31 décembre 2006) et du 30 novembre 2007 (relativement à la période du 1er janvier au 30 septembre 2007) établies au titre de cotisations au RPC et de cotisations d’assurance‑emploi (AE) à l’égard de certaines travailleuses désignées dans l’annexe A jointe aux décisions en cause. Le ministre a décidé que ces travailleuses avaient été employées par Coloniale Maid Service Ltd. (« Coloniale » ou le « payeur ») dans le cadre d’un contrat de louage de services au sens des dispositions pertinentes de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), respectivement. L’appelante a formé un appel distinct – 2008‑3920 (RPC) – à l’égard de la décision rendue en application du Régime. La représentante agissant pour l’appelante et l’avocat de l’intimé ont reconnu que les deux appels pouvaient être entendus ensemble.

 

[2]     Les présents appels intéressent les travailleuses désignées à l’annexe A et à l’annexe B de chacune des réponses à l’avis d’appel (les « réponses ») concernant les périodes précisées en 2006 et en 2007. Le montant de la rémunération payée à chacune des travailleuses désignées pendant les périodes en cause figure à l’annexe C de chaque réponse.

 

[3]     Madame Carole Rutwind, représentante de Coloniale, a informé la Cour que Dionne était l’unique dirigeante, administratrice et actionnaire de la société appelante.

 

[4]     Dans son témoignage, Kayla Markiwsky (« Mme Markiwsky ») a mentionné qu’elle réside à Beaumont (Alberta), collectivité voisine d’Edmonton, et qu’elle travaille actuellement chez Coloniale. En mai 2005, elle a rencontré Dionne afin d’offrir ses services de nettoyage à Coloniale, société dont les activités consistent principalement à nettoyer des résidences, mais aussi certains établissements commerciaux. Mme Markiwsky a déclaré que Dionne l’avait informée qu’elle travaillerait à son propre compte, comme entrepreneure indépendante, et que les paiements pour les services rendus étaient versés à la réception d’une facture. Mme Markiwsky a affirmé qu’elle avait informé Dionne quant au moment où elle serait disponible pour travailler et lui avait fait part des endroits qu’elle préférait. Elle a commencé à travailler en mai 2005 et est demeurée au service de Coloniale pendant la plus grande partie de la période pertinente, même si elle a quitté avant la vérification effectuée par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). Elle a ajouté qu’elle avait initialement été formée par Dionne, mais qu’ultérieurement plus personne chez Coloniale ne vérifiait son travail de façon périodique. Elle savait toutefois que, si un aspect du travail de nettoyage n’était pas satisfaisant, il lui incombait de corriger le problème, faute de quoi son paiement pour ce travail pouvait être retenu en tout ou en partie. Mme Markiwsky conduisait son propre véhicule pour se rendre aux lieux de travail et elle payait tous les frais connexes. Elle a précisé qu’elle avait la possibilité de refuser de travailler à certains endroits et de refuser des affectations pour certaines raisons et qu’elle croyait que ce privilège était offert à d’autres travailleuses de Coloniale. Même si elle ne l’a pas fait, elle croyait pouvoir offrir de son propre chef des services de nettoyage à d’autres, à la condition qu’il ne s’agisse pas de clients de Coloniale. Selon elle, le processus habituel consistait à se présenter à 8 h 45 à la résidence de Dionne, à Beaumont, où cette dernière attribuait les tâches aux travailleuses présentes. Elle remettait à chaque équipe de nettoyage une planchette à pince sur laquelle était fixée une feuille mentionnant le nom du client, l’adresse de la résidence et la composition de l’équipe – habituellement constituée de deux membres – désignée pour fournir le service de nettoyage. Tout le matériel de nettoyage, comme les seaux, les genouillères, les produits de nettoyage, les raclettes et un aspirateur, au besoin, provenait des stocks que Dionne conservait dans son garage. Si une tâche prenait plus ou moins de temps que prévu, les membres de l’équipe de nettoyage communiquaient avec Dionne par téléphone et soit ils obtenaient l’aide d’autres travailleuses, soit ils étaient envoyés ailleurs pour aider une autre équipe à terminer le travail. Mme Markiwsky se souvenait d’avoir brisé un objet dans la maison d’un client, mais elle n’avait pas été obligée de le payer. Lorsqu’elle n’était pas en mesure de travailler pendant une journée donnée, elle communiquait avec Dionne, qui faisait appel aux services d’un remplaçant, et elle n’avait pas à se préoccuper d’engager elle‑même un remplaçant. Elle a précisé qu’elle était payée par Coloniale – toutes les deux semaines, par chèque – selon un taux horaire, et les pourboires offerts par les clients étaient versés directement à Coloniale. Avant de travailler pour le payeur, Mme Markiwsky était propriétaire de son propre téléphone cellulaire. Les endroits où les tâches de nettoyage devaient être effectuées à Beaumont se trouvaient à environ de deux à cinq minutes les uns des autres, mais les affectations aux résidences situées dans le sud d’Edmonton nécessitaient de plus longs déplacements et Coloniale payait à Mme Markiwsky et à certaines autres travailleuses la somme de 20,00 $ par mois à titre d’indemnité pour l’usage de leur propre véhicule. Mme Markiwsky a déclaré qu’il lui était impossible de réaliser un profit dans le cadre d’une affectation donnée ou d’une série d’affectations puisqu’elle était payée à l’heure. Pour les années d’imposition en cause, elle a produit ses déclarations de revenus sur le fondement qu’elle avait gagné un revenu d’entreprise à titre de personne à son compte. Cependant, elle n’était pas inscrite aux fins de la taxe sur les produits et services (TPS), elle n’annonçait pas ses services et elle n’avait pas de numéro de téléphone autre que celui de son téléphone cellulaire personnel.

 

[5]     Pendant le contre‑interrogatoire par l’avocat de l’intimé, Mme Markiwsky a affirmé qu’au début, elle avait demandé à Dionne de lui enseigner les meilleures méthodes pour nettoyer une résidence, en particulier la salle de bains.

 

[6]     En réponse à une question du tribunal, Mme Markiwsky a ajouté qu’elle et d’autres membres des équipes de nettoyage suivaient une liste de contrôle fournie par Coloniale, mais qu’ils se conformaient aussi aux instructions que les propriétaires des résidences leur donnaient en personne ou au moyen d’une note écrite.

 

[7]     Dans son témoignage, Irina Orlova (« Mme Orlova ») a déclaré qu’elle est étudiante et qu’elle réside à Beaumont. Elle a erronément été désignée comme Irina Orlove dans la décision du ministre relative à la période en cause en 2007 et cette erreur a été reproduite à l’annexe B et à l’annexe C de chaque réponse. Mme Orlova a quitté la Russie avec ses parents pour s’établir au Canada et elle vivait à Beaumont lorsque sa mère a vu une annonce placée par Coloniale dans le journal local. Elle a alors communiqué avec Dionne. Mme Orlova a affirmé qu’elle avait rencontré Dionne et avait compris qu’elle ne serait pas une employée lorsqu’elle rendrait ses services de nettoyage, mais qu’elle agirait plutôt en tant que travailleuse autonome. Elle étudiait à l’école secondaire pendant la période de novembre 2006 à septembre 2007. Dans le cadre de son travail, elle devait se rendre à un cabinet dentaire deux fois par semaine et fournir certains services de nettoyage conformément aux instructions laissées par le dentiste ou les membres de son personnel. Habituellement, elle travaillait tous les mardis soir de même que le samedi ou le dimanche. Mme Orlova ne pouvait modifier cet horaire qu’en communiquant avec Dionne et non directement avec le dentiste ou son personnel. Le cabinet fournissait tout le matériel de nettoyage, mais Mme Orlova achetait ses propres gants. Elle utilisait le véhicule de ses parents ou elle parcourait à pied les quelques pâtés de maisons séparant sa résidence du cabinet dentaire. Comme elle ne pouvait travailler que les fins de semaine ou après l’école, Dionne ne lui offrait pas d’autres travaux. La mère de Mme Orlova préparait et envoyait des factures à Coloniale pour chaque période à facturer en fonction du nombre d’heures approprié et du taux horaire applicable. Mme Orlova a mentionné que, lorsque Dionne a retenu ses services, elle a fait un « essai » au cabinet dentaire et elle a constaté que deux heures avaient été nécessaires pour y faire le nettoyage. Elle s’est donc fondée sur cette durée pour facturer un total de quatre heures par semaine pour deux déplacements. Elle facturait ces heures même si parfois le dentiste ou son personnel lui demandait d’effectuer certaines tâches qu’elle pouvait accomplir en moins de temps que les deux heures habituelles.

 

[8]     Pendant le contre-interrogatoire, Mme Orlova a affirmé qu’elle n’avait jamais embauché quelqu’un pour la remplacer. Elle a précisé qu’elle était payée 16,00 $ l’heure et non selon un taux forfaitaire. À sa connaissance, son travail n’a jamais fait l’objet d’aucune plainte. Les travaux de nettoyage du mardi prenaient moins de temps parce qu’il n’était pas nécessaire de laver les planchers. Mme Orlova a précisé qu’elle n’avait ni téléphone d’affaires ni assurance commerciale. Elle n’était pas inscrite aux fins de la TPS et elle n’annonçait pas ses services de nettoyage.

 

[9]     Dans son témoignage, Dionne Danyk-Purcell a déclaré qu’elle réside à Beaumont et qu’en plus d’être l’unique actionnaire de Coloniale, elle est musicienne à son compte. Coloniale recrutait son personnel par le bouche à oreille et au moyen d’annonces placées dans le Beaumont News, le journal local. Elle a mentionné que, lorsqu’elle faisait passer une entrevue aux candidats, elle leur précisait clairement que les services à fournir à Coloniale devaient être rendus à titre d’entrepreneur indépendant, ce qui signifiait qu’ils seraient responsables de payer leur propre impôt sur le revenu et qu’ils ne feraient pas l’objet de surveillance au moment de nettoyer une résidence. Dionne a ajouté qu’elle informait ses éventuels clients au cours de leurs discussions initiales que, si elle ne nettoyait pas elle‑même leur maison, les nettoyeurs qui s’en chargeraient seraient des sous‑traitants de Coloniale. Dionne inscrivait sur une feuille de papier les exigences précises du client, notamment les heures auxquelles le client préférait que le nettoyage soit fait et les instructions de nettoyage relatives à certains endroits particuliers, comme les planchers en bois dur ou les objets tels les miroirs. Dionne a affirmé que la plupart des propriétaires occupants ne voulaient pas être à la maison lorsque les nettoyeurs y travaillaient de sorte que les équipes y étaient affectées à des périodes respectant l’horaire du client. De façon générale, une même équipe – habituellement composée de deux personnes, mais de trois dans le cas de grandes maisons – n’était pas envoyée à la même maison, mais les travailleuses pouvaient demander des affectations répétées à un endroit. Les plaintes des clients étaient formulées directement à Coloniale et, même si Dionne connaissait la composition de l’équipe de nettoyage, elle ignorait quel membre de l’équipe était responsable de l’erreur ou de l’omission. Il incombait donc à cette équipe de retourner à la résidence et de corriger le problème. Lorsqu’il fallait envoyer une autre travailleuse pour rendre le service, les travailleuses de l’équipe initiale n’étaient pas payées pour le temps passé à remédier à leur erreur. Il arrivait très rarement que des objets soient brisés mais, à une occasion, une travailleuse a cassé un vase et a payé la somme de 60,00 $ pour rembourser le client de Coloniale. Dionne a déclaré qu’elle voulait que les travailleuses se rencontrent au garage de sa résidence à 8 h 50. Elle les informait alors des affectations de la journée, elle envoyait les diverses équipes aux endroits pertinents, elle leur remettait des planchettes à pince auxquelles étaient fixés les contrats des clients ainsi que des feuilles d’instruction précisant les exigences propres à certains clients. Ces exigences étaient parfois si particulières que certaines travailleuses refusaient de nettoyer la résidence. Les travaux à effectuer à Beaumont nécessitaient une demi‑journée tandis qu’une journée entière était requise pour ceux d’Edmonton, y compris le temps de déplacement non payé. Dionne a ajouté qu’elle était mère chef de famille, et qu’elle travaillait seule dans certains cas pour répondre à des demandes précises ou en tant que membre d’une équipe de deux personnes, mais qu’elle n’agissait ni comme « patron » ni comme superviseur. Les travailleuses devaient se rendre aux lieux de travail par leurs propres moyens et certaines d’entre elles ne pouvaient travailler que le soir ou certains jours de la semaine. En conséquence, les jours de travail de certaines se terminaient à 13 h et d’autres travailleuses précisaient les heures et les jours où elles étaient disponibles, compte tenu de leurs autres engagements professionnels ou de leurs obligations parentales. Dionne a précisé qu’elle ne supervisait pas les nettoyeuses et que chaque membre de l’équipe vérifiait le travail effectué par sa collègue. À l’occasion, des travailleuses nettoyaient la maison de Dionne suivant les méthodes de nettoyage habituelles utilisées pour les résidences des clients de Coloniale. Dionne a reçu un appel de l’ARC l’informant que Coloniale faisait l’objet d’une vérification des feuilles de paie. Elle a communiqué avec l’expert‑comptable dont Coloniale avait alors retenu les services et ce dernier lui a conseillé de préparer un contrat écrit prévoyant les conditions de l’entente verbale antérieurement conclue entre elle, à titre de présidente de Coloniale, et chacune des travailleuses et confirmant la situation préexistante d’entrepreneure indépendante de celles‑ci. Il lui a également conseillé de demander aux travailleuses de lui envoyer des factures pour les services rendus ainsi que des factures de remplacement puisque certains de ces documents étaient manquants en raison des lacunes dans la façon dont Dionne tenait les comptes. Dionne a affirmé que l’une des travailleuses, Kimberley Chiasson (« Mme Chiasson »), avait refusé de signer l’entente écrite qui lui était présentée et avait été bouleversée par l’incident. Dionne a précisé que, pendant les périodes pertinentes en 2006 et en 2007, aucune travailleuse ne lui a jamais posé de questions relativement à l’absence, sur les paiements bimensuels pour services rendus, de retenues au titre de l’AE, du RPC et de l’impôt sur le revenu. Coloniale recevait des primes de Noël sous forme de chèques et Dionne tentait de répartir la somme totale entre les travailleuses qui avaient nettoyé les maisons à l’origine de ces primes. Ni Coloniale ni Dionne ne retenait aucune partie de celles‑ci.

 

[10]    Dionne a été contre‑interrogée par l’avocat de l’intimé. Elle a reconnu qu’elle avait formé quelques travailleuses à certaines tâches, principalement en demandant aux nouvelles travailleuses de nettoyer sa maison, en les observant et en leur prodiguant des conseils, le cas échéant. Les travailleuses pouvaient par ailleurs s’en remettre à leurs propres habiletés et méthodes. Dionne a ajouté que les travailleuses pouvaient lui faire part des endroits où elles préféraient travailler – et des personnes pour lesquelles elles préféraient travailler – et lui suggérer une collègue donnée pour former une équipe. Elle a convenu que, jusqu’à ce que l’ARC débute sa vérification, Coloniale fournissait aux travailleuses la plus grande partie du matériel de nettoyage. Sur le conseil de son expert‑comptable, elle a subséquemment commencé à faire payer les travailleuses pour le matériel et l’outillage. Dionne a déclaré que, pendant toutes les périodes en cause, les travailleuses pouvaient utiliser leur propre matériel ou outillage si elles le préféraient. Si une équipe prenait du retard à un endroit, les travailleuses pouvaient directement appeler les membres d’une autre équipe et leur demander de les aider sans avoir à communiquer avec Dionne. Lors des rares occasions où un objet quelconque était brisé ou légèrement abîmé, la travailleuse concernée en informait Dionne, laquelle discutait de la question avec le client. Coloniale ne s’est vue qu’une seule fois dans l’obligation de rembourser un occupant puisque, dans les autres cas, on a renoncé à d’éventuelles demandes, probablement parce que la perte ou le dommage était négligeable. Coloniale ne lavait pas les vitres car elle n’avait ni le matériel ni l’assurance de responsabilité civile nécessaire. Dionne a mentionné que certaines travailleuses l’avaient d’abord informée qu’elles pouvaient uniquement travailler d’avril à septembre tandis que d’autres lui avaient précisé qu’elles n’étaient pas disponibles certains jours ou pendant certaines heures. Lorsqu’une travailleuse était malade ou autrement incapable de se présenter, Dionne trouvait un remplaçant et le payait directement au moyen d’un chèque émis par Coloniale. Au cours de la période antérieure à la vérification de l’ARC, aucune travailleuse n’avait elle‑même engagé un remplaçant ou un assistant. Dionne a précisé que, même si elle se fondait sur un taux horaire, la rémunération était fonction du délai d’exécution raisonnable habituellement requis pour terminer le nettoyage d’une résidence donnée. Il arrivait parfois que le nombre de travailleuses qui se présentaient le matin à l’extérieur du garage de Dionne soit plus élevé que le nombre d’endroits à nettoyer; certaines travailleuses offraient alors de retourner chez elles pour permettre à d’autres d’être affectées aux travaux de nettoyage. On a renvoyé Dionne à un questionnaire (pièce R‑1) daté du 5 mai 2008 qui avait été signé par Rutwind & Associates pour le compte de Coloniale. Il ressort de la réponse dactylographiée, jointe à titre d’annexe, à la question 23 relative aux taux horaires payés aux travailleuses, que certaines d’entre elles gagnaient un taux horaire plus élevé, soit de 14,00 $ à 14,50 $, tandis que d’autres recevaient un taux horaire moindre, soit de 11,50 $ ou 12,00 $, la somme la plus élevée étant dans chaque cas payée lorsque les travaux étaient effectués à Edmonton plutôt qu’à Beaumont. Dionne a mentionné que les écarts découlaient de négociations qui ont eu lieu avec les travailleuses et qui se fondaient dans une certaine mesure sur la nature des lieux à nettoyer puisque certains clients fixaient la somme maximale qu’ils étaient disposés à payer pour le nettoyage tandis que d’autres payaient Coloniale pour le nombre d’heures, quel qu’il soit, requis pour accomplir la tâche. Dionne a reconnu qu’avant la vérification de l’ARC, la plupart des travailleuses ne présentaient pas de factures à Coloniale et elle a dit regretter de ne pas avoir insisté pour qu’on lui envoie une facture avant qu’elle n’émette un chèque en paiement des services rendus. Cependant, elle était par ailleurs occupée à régler diverses autres questions et la qualité de la tenue des comptes en a souffert. Dionne a mentionné que quelques travailleuses nettoyaient des maisons ou accomplissaient d’autres travaux de nettoyage pour des personnes qui n’avaient aucune relation d’affaires avec Coloniale. Au début de la relation de travail avec chacune des travailleuses, Dionne avait demandé si la TPS serait ajoutée à la somme réclamée à Coloniale à titre de paiement, mais aucune d’entre elles ne s’était inscrite afin d’obtenir un numéro de taxe de sorte qu’il n’en a plus été question par la suite. Toutes les travailleuses, à l’exception de Mme Chiasson, ont signé un document d’un seul paragraphe, dont des copies étaient jointes à la réponse au questionnaire. Le titre et le texte de ce document étaient ainsi libellés :

 

[TRADUCTION]

 

Contrat pour

(espace en blanc réservé au nom)

en qualité de sous‑traitant

 

Je, (espace en blanc réservé au nom), reconnaît être embauché à titre de sous‑traitant et être responsable pour la remise et le paiement de mes propres retenues à la source (RPC, AE et impôt sur le revenu). Coloniale Maid Service Ltd. n’effectue aucune retenue à la source en mon nom.

 

[11]    Comme l’avait demandé Dionne, tous les documents étaient datés du 1er novembre 2006 pour tenter de confirmer et de ratifier la situation de travail qui, selon elle, existait depuis le début de la relation entre chacune des travailleuses et Coloniale. Dionne a mentionné que la plupart des travailleuses lui avaient fournis des factures de remplacement pour les services rendus antérieurement de sorte qu’elle puisse mettre ses comptes à jour pour les besoins de la vérification de l’ARC. Dionne a reconnu un courriel (pièce R‑2, daté du 5 novembre 2007) qu’elle a envoyé à Brenda Hinse (« Mme Hinse ») et dans lequel elle énumérait les dates et les sommes devant figurer dans les factures que Mme Hinse devait établir et présenter à Coloniale. Dionne a reconnu un autre courriel (pièce R‑3), qui aurait vraisemblablement été adressé à Mme Chiasson à la demande du vérificateur de l’ARC. Ce courriel énumérait les chèques que Coloniale avait envoyés à cette travailleuse à divers moments en 2007 et comprenait une évaluation de l’argent également gagné en octobre. Dionne a reconnu un imprimé (pièce R‑4) faisant état des sommes payées à Jacqueline McCormick (« Mme McCormick ») où figurait une inscription datée du 15 décembre 2006 voulant que cette dernière ait reçu 40,00 $ lorsque Dionne avait attribué les primes de Noël reçues des clients. Dionne a déclaré qu’elle n’obligeait pas les travailleuses à se présenter à sa maison avant 9 h et que, si leur nombre était insuffisant pour s’acquitter de tous les travaux, elle travaillait elle‑même ou elle trouvait quelqu’un disposé à travailler ce jour‑là. Il n’était pas inhabituel qu’une personne donne sa démission sans lui donner un avis préalable. Selon Dionne, Mme McCormick avait commencé à débaucher des clients de Coloniale, ce qui a donné lieu à une confrontation qui s’est soldée par la fin de leur relation de travail. Dionne a renvoyé à une annonce (pièce A‑1) parue dans le journal de Beaumont et où Natalia Parsons (« Mme Parsons ») annonçait ses services de nettoyage sous le nom de Sparkle Cleaning Services. Dionne croit se souvenir que l’annonce a été publiée pendant la première ou la deuxième semaine de septembre 2007. À un certain moment, lorsque le prix de l’essence est passé à plus de 1,40 $, Mme Parsons a demandé une contribution au titre de l’essence. Dionne a décidé de lui verser 20,00 $ par mois et elle a offert la même somme à d’autres travailleuses qui utilisaient leur propre véhicule pour se rendre, seule ou avec des collègues, aux lieux à nettoyer. Dionne a affirmé qu’elle avait acheté un logiciel comptable, qu’elle apprenait peu à peu à s’en servir par ses propres moyens et qu’elle avait fait de son mieux, mais que cet aspect de son entreprise était loin d’être prioritaire en raison de tout le temps qu’elle devait passer à prendre soin de sa famille.

 

[12]    En réponse à certaines questions du tribunal, Dionne a précisé qu’à un moment donné, Coloniale a augmenté les tarifs qu’elle demandait aux clients, que les travailleuses ont réclamé plus d’argent, que les taux horaires de ces dernières ont donc été augmentés et que ces nouveaux taux avaient peut‑être été pris en compte dans la réponse à la question 23 du questionnaire (pièce R‑1). Dionne a déclaré que Coloniale payait toutes les cotisations au Workers’ Compensation Board (« WCB ») conformément au droit provincial, selon lequel seuls les services que rendent des particuliers par l’intermédiaire d’une société sont visés par une exemption. La plupart des contrats de nettoyage étaient exécutés à Beaumont de sorte que les conditions météorologiques défavorables ne constituaient pas un facteur préoccupant bien qu’il ait été nécessaire d’annuler certains travaux à Edmonton en raison du mauvais état des routes. La police d’assurance de responsabilité souscrite par Coloniale ne couvrait que la responsabilité découlant de la prestation des services fournis par Dionne elle‑même et ne visait pas les travailleuses, lesquelles elle considérait être des sous‑traitantes. Même si cela se produisait rarement, il arrivait que des travaux doivent être annulés en raison du nombre insuffisant de travailleuses rassemblées le matin à son garage. Habituellement, il y avait assez de travailleuses pour satisfaire à la demande. Il était en outre possible, à Beaumont, de téléphoner à des remplaçants et de les affecter rapidement à un lieu à proximité et Dionne travaillait également au besoin pour respecter les contrats de nettoyage.

 

[13]    L’appelante a clos sa preuve.

 

[14]    L’avocat de l’intimé a appelé Amy Holstein (« Mme Holstein ») à témoigner. Cette dernière a déclaré qu’elle avait vu l’annonce placée par Coloniale dans le journal de Beaumont. Mme Holstein n’a signé aucun contrat écrit avant de fournir ses services de nettoyage à Coloniale en 2007. Elle a été formée par Dionne, avec laquelle elle a travaillé pendant ses [TRADUCTION] « premières périodes de travail ». Mme Holstein a mentionné que la journée de travail débutait à 9 h et se terminait habituellement à 17 h, mais que certaines maisons nécessitaient davantage de temps. Les équipes de nettoyage demeuraient sur place tant que le travail n’était pas fini. Lorsqu’on terminait plus tôt que prévu, un membre de l’équipe téléphonait à Dionne, laquelle donnait parfois des instructions pour que l’équipe se rende à un autre endroit pour épauler l’équipe s’y trouvant déjà. Selon Mme Holstein, il était possible, dans une certaine mesure, de choisir l’endroit où l’on souhaitait travailler, mais les équipes avaient l’obligation de suivre l’ordre des lieux de travail indiqué sur la feuille fixée à la planchette à pince. Les travailleuses se rassemblaient avant 9 h à la résidence de Dionne, où elles recevaient le matériel et l’outillage nécessaires. Une fois affectées aux équipes, les travailleuses se rendaient aux lieux de travail où le nettoyage se faisait sans surveillance. Au début, Mme Holstein a dû retourner à une maison pour refaire une tâche quelconque, mais elle ne se rappelle pas si elle a été payée pour ce travail supplémentaire. Elle n’utilisait pas un véhicule pour se rendre aux lieux de travail et elle recevait 13,50 $ l’heure pour le nettoyage. Elle ne présentait pas de facture à Coloniale avant d’être payée conformément aux renseignements figurant sur la facture du client de Coloniale qui leur était remise le matin avec la planchette à pince. Mme Holstein a précisé qu’elle n’avait pas la possibilité de tirer un quelconque profit de la prestation de ses services et qu’elle pouvait augmenter son revenu uniquement en travaillant un plus grand nombre d’heures. Elle n’offrait ses services à aucune autre société de nettoyage ni de son propre chef. Elle n’était pas inscrite aux fins de la TPS et elle n’annonçait pas ses services. Elle a mentionné qu’après le début de la vérification de l’ARC, les travailleuses ont commencé à acheter leurs propres seaux et balais à laver.

 

[15]    La représentante de l’appelante a contre‑interrogé Mme Holstein. Cette dernière a déclaré que, pendant les sept ou huit mois qu’elle a travaillé comme nettoyeuse pour Coloniale, elle voyageait avec ses collègues ou marchait (si le temps le permettait) pour se rendre aux lieux de travail. Dionne ne lui a jamais interdit d’offrir ses services à d’autres entreprises de nettoyage, et elle savait que certaines de ses collègues faisaient des ménages ailleurs. Une fois le travail terminé à un endroit donné, le nombre d’heures pertinent était inscrit dans l’espace réservé à cet effet sur la facture de Coloniale qui avait été établie au nom de client précis. Il est arrivé à Mme Holstein de refuser un travail particulier qui lui était attribué. Dionne respectait sa décision et l’affectait alors à un autre endroit.

 

[16]    Dans son témoignage, Natalia Parsons – également connue comme Natasha – a mentionné qu’elle a lu, dans le journal de Beaumont, une petite annonce placée par Coloniale pour recruter des nettoyeurs auxquels on offrait 12,00 $ l’heure. Elle n’a signé aucun contrat écrit avant de commencer à faire des ménages pour Coloniale et elle a été formée par des collègues faisant partie de l’équipe à laquelle Dionne l’avait affectée. Elle n’a jamais refusé de faire équipe avec quiconque. Mme Parsons a affirmé que le groupe se rassemblait à la maison de Dionne avant 9 h et que, si une travailleuse n’était pas en mesure de se présenter, on s’attendait à ce qu’elle communique avec Dionne. Habituellement, le travail se terminait au plus tard à 15 h, mais l’équipe de nettoyage avait l’obligation de demeurer sur place jusqu’à ce que le ménage soit terminé. Les travailleuses étaient affectées aux divers endroits par Dionne et Mme Parsons ne savait pas si elle avait la possibilité de refuser de travailler dans une résidence donnée. À sa connaissance, son travail et celui de son équipe n’ont jamais été une source de mécontentement pour quiconque, mais elle était au courant de situations où un client avait appelé Dionne pour se plaindre du travail effectué et la question avait fait l’objet de discussions avec les travailleuses présentes le lendemain matin. Mme Parsons se souvenait qu’à un certain moment, il y avait eu une augmentation générale du taux horaire versé aux travailleuses. Avant de recevoir paiement, par chèque, de Coloniale, elle n’envoyait jamais de factures et l’ensemble du matériel et des produits était distribué par Dionne. Mme Parsons a déclaré qu’elle n’avait aucune possibilité de tirer un profit et qu’elle ne courait aucun risque de perte par suite des services qu’elle rendait à Coloniale. Pendant plusieurs mois, lorsque le prix de l’essence était excessif, elle a reçu une somme de 20,00 $ par mois de Coloniale à titre de contribution pour l’achat de carburant. En mai 2008, Mme Parsons a lancé sa propre entreprise de nettoyage, mais elle n’a pas travaillé pour d’autres pendant sa relation de travail avec Coloniale, qu’elle avait considérée comme son employeur. Elle n’était pas inscrite aux fins de la TPS. Une fois la vérification de l’ARC terminée, elle a signé un [TRADUCTION] « document » dans lequel elle était désignée comme sous‑traitante et il a fallu, par la suite, payer une partie du matériel de nettoyage à Coloniale. Mme Parsons a reconnu un questionnaire (pièce R‑5) qu’elle avait rempli et signé le 20 avril 2008. En réponse à la question 32 de ce questionnaire, elle a écrit que Coloniale l’avait informée du nombre d’heures nécessaire pour faire le ménage de chaque maison. Cependant, malgré ces évaluations, elle et d’autres travailleuses étaient payées selon le temps réellement passé dans chaque résidence ou chaque endroit. Elle a précisé qu’il n’y avait jamais eu d’entente avec Dionne quant à la nature de la relation de travail.

 

[17]    Pendant le contre-interrogatoire, Mme Parsons a mentionné que la formation, quelle qu’elle soit, était offerte par les autres travailleuses à la demande, elle le supposait, de Dionne. Selon Mme Parsons, Dionne l’avait informée pendant l’entrevue initiale qu’elle voulait qu’elle communique avec elle pour lui faire savoir si elle n’était pas en mesure de travailler un jour donné, mais cette situation ne s’est jamais produite. Comme Mme Parsons ne maîtrisait pas bien la langue anglaise à cette époque, son mari l’accompagnait. Même s’il n’a jamais été question de retenues à la source avec Dionne, Mme Parsons a précisé que son mari avait ultérieurement mentionné que ses chèques de paie auraient dû faire l’objet de telles retenues. Mme Parsons a déclaré qu’elle ne connaissait pas bien le système canadien et qu’elle avait parlé de ce point avec les autres travailleuses, mais qu’elle était satisfaite de simplement avoir une source de revenu. Elle savait qu’à la fin de l’année, elle serait tenue de calculer son revenu total et de payer le montant approprié d’impôt. Elle a signalé que l’allocation de 20,00 $ par mois destinée aux achats de carburant était acceptable. Avant la vérification de l’ARC, Coloniale mettait à la disposition des travailleuses les balais à laver, les produits de nettoyage et tout le matériel nécessaire. À sa connaissance, outre Mme McCormick, qui, à un certain moment, travaillait pour une autre entreprise de nettoyage, aucune travailleuse n’offrait ses services à d’autres entreprises de nettoyage ni à des clients pour leur propre compte. Dionne ne l’avait pas informée qu’il lui était interdit de travailler pour d’autres entreprises de nettoyage ou de trouver des clients pour son propre compte.

 

[18]    Brenda Hinse a dit pendant son témoignage qu’elle réside à Beaumont et qu’elle occupe un poste d’aide‑enseignante. Elle a répondu à une annonce parue dans le journal de Beaumont dans laquelle Coloniale offrait 10,00 $ l’heure aux travailleuses pour leurs services de nettoyage. Lorsqu’elle a rencontré Dionne, cette dernière ne lui a pas mentionné qu’il s’agissait d’une possibilité d’affaires plutôt que d’un emploi. Dionne lui a enseigné certaines méthodes de nettoyage en insistant sur la façon dont il convenait de s’occuper des parties plus difficiles des résidences. Dionne attribuait les affectations aux travailleuses présentes avant 9 h, puis elle distribuait le matériel ainsi que les instructions particulières des clients et les codes de sécurité donnant accès à la résidence. Une équipe demeurait sur place tant que le travail n’était pas terminé et, en cas de retard, une travailleuse appelait Dionne, qui envoyait d’autres travailleuses en renfort. Si le ménage était accompli plus rapidement que prévu, on procédait de la façon inverse. Mme Hinse a affirmé qu’elle n’avait pas la possibilité de refuser du travail et que Dionne établissait l’ordre de priorité des travaux devant être effectués un jour donné. Elle a déclaré qu’elle avait voulu travailler avec Mme McCormick, mais que Dionne avait refusé. À une occasion, Dionne a pris de courtes vacances et Mme Hinse s’est vu confier un rôle de gestion afin que Coloniale puisse continuer à rendre ses services aux clients. Même si ce ne fut jamais son cas, Mme Hinse savait qu’il était arrivé que Dionne fasse des reproches à une ou plusieurs des travailleuses rassemblées chez elle le matin. Mme Hinse supposait que soit Dionne, par l’intermédiaire de Coloniale, avait payé pour les objets brisés ou endommagés dans une résidence, soit les clients avaient renoncé à leur demande de remboursement. Mme Hinse n’avait pas l’obligation de trouver quelqu’un pour la remplacer et, même si elle voulait embaucher sa sœur comme assistante, Dionne ne le permettait pas. Elle était payée par chèque deux fois par mois en fonction du nombre d’heures travaillées, multiplié par le taux horaire applicable, lequel a été augmenté à un certain moment. Chaque planchette distribuée le matin comportait deux factures. L’une de ces factures était laissée dans la résidence tandis que l’autre était remise à Dionne à la fin de la journée de travail lorsqu’on rangeait dans le garage le matériel qui restait et qu’on laissait sur les marches de sa résidence la planchette à pince. Mme Hinse utilisait son propre véhicule et recevait 20,00 $ par mois pour les achats de carburant. Elle payait une prime d’assurance automobile supplémentaire de 158,00 $ parce qu’elle transportait des collègues aux lieux de travail. Elle a mentionné qu’elle ne fournissait pas de matériel ni d’outillage. Elle n’avait pas la possibilité de réaliser un profit et ne courait pas le risque de subir une perte. Parallèlement aux services qu’elle rendait à Coloniale, Mme Hinse était employée à titre d’aide‑enseignante dans une école, mais elle ne travaillait pas pour d’autres entreprises de nettoyage. Elle a précisé que, même si elle avait été informée au début par Dionne qu’elle était une personne à son compte, elle a ultérieurement commencé à douter de la nature de sa situation pour diverses raisons, notamment le manque de contrôle sur les lieux de travail et la relation avec ses collègues. Elle n’était pas inscrite aux fins de la TPS et elle n’annonçait pas ses services de nettoyage. Mme Hinse a mis fin à sa relation de travail avec Coloniale le 26 octobre 2007. À ce moment, chacune des travailleuses devait fournir son propre matériel ainsi que ses propres seaux et balais à laver. Mme Hinse a rempli et retourné un questionnaire (pièce R‑6) daté du 16 avril 2008 dans lequel elle affirme, en réponse à la question 30, qu’elle ne présentait pas de facture pour être payée et que Coloniale payait les remplaçants, le cas échéant. Elle ne se souvenait pas d’avoir eu la possibilité de choisir ou de refuser un lieu ou des travaux de nettoyage en particulier.

 

[19]    Pendant son contre‑interrogatoire, Mme Hinse a confirmé qu’elle avait clairement compris, dès sa première entrevue avec Dionne, soit en mars 2006, qu’elle offrait ses services à Coloniale à titre d’entrepreneure indépendante. Elle a reconnu qu’elle avait ultérieurement abordé la question avec Dionne. Elle a néanmoins continué de présumer qu’à un moment ou à un autre, des retenues à la source seraient effectuées, même si ses chèques n’ont jamais fait l’objet d’aucune retenue. Mme Hinse a déclaré qu’elle a commencé à travailler pour la commission scolaire en mars 2007, à titre occasionnel, comme remplaçante, de sorte que, lorsqu’on l’appelait pour aller travailler dans une école, elle devait communiquer avec Dionne pour l’informer qu’elle n’était pas disponible pour faire des ménages. Mme Hinse a ajouté que le taux horaire payé par la commission scolaire était plus élevé que celui offert par Coloniale et qu’elle pouvait accepter du travail comme aide‑enseignante chaque fois que l’occasion se présentait. Même si certains ménages ne se terminaient pas avant 15 h, la plupart étaient achevés à 13 h et Mme Hinse pouvait, au besoin, demander une affectation de plus courte durée pour lui permettre de respecter d’autres engagements, lesquels avaient habituellement trait à sa famille. Les appels de l’école concernant la disponibilité pour le travail étaient faits à 7 h et, si Mme Hinse décidait d’accepter, elle téléphonait à Dionne pour l’informer qu’elle ne pouvait travailler pour elle ce matin‑là. Mme Hinse a mentionné qu’elle avait produit ses déclarations de revenus relatives aux années d’imposition 2006 et 2007 à titre de personne à son compte et qu’elle avait fourni à son spécialiste en déclarations de revenus des reçus pour les primes d’assurance supplémentaires, le téléphone cellulaire et les achats de carburant ainsi que certains renseignements au sujet d’un bureau à domicile. Elle a précisé qu’elle n’avait pas fourni d’outillage ni de matériel. Même si certaines travailleuses avaient quitté sans donner de préavis, Dionne avait informé Mme Hinse de vive voix qu’elle devait lui donner un avis de deux semaines de son intention de démissionner. Elle n’avait pas l’obligation de remettre des factures à Coloniale avant d’être payée pour les services rendus, mais Dionne lui a toutefois demandé ultérieurement de fournir des factures correspondant à une liste de chèques que Coloniale avait émis à son ordre. Elle a déclaré qu’elle s’était conformée à cette demande, même si elle n’en comprenait pas l’objet, et qu’elle avait alors remarqué certaines erreurs dans les sommes et les dates, lesquelles elle a corrigées dans sa réponse. Elle a ajouté qu’elle voulait simplement mettre un terme à sa relation avec Dionne.

 

[20]    Au cours du contre‑interrogatoire effectué par l’avocat, Mme Hinse a déclaré qu’elle estimait tout naturel de transporter des collègues aux lieux des travaux et que sa situation à la commission scolaire était celle d’employée. À son avis, il ne serait pas inhabituel pour un employé de demander un congé pour s’occuper d’un enfant.

 

[21]    Dans son témoignage, Jacqueline McCormick a affirmé qu’elle réside à Beaumont et qu’elle travaille à la fois comme nettoyeuse et comme serveuse. Elle a répondu à l’annonce placée dans le journal local par Coloniale, qui cherchait des nettoyeurs acceptant de travailler de 9 h à 15 h pour 10 $ l’heure. Pendant son entrevue avec Dionne, cette dernière l’a informée qu’elle fournirait des services à Coloniale à titre de personne à son compte. Dans le cadre de la formation initiale, qu’elle estimait obligatoire, Dionne montrait la meilleure méthode pour nettoyer une salle de bains. Les travailleuses se rassemblaient à la résidence de Dionne avant 9 h. Les équipes étaient affectées aux divers travaux, puis on leur distribuait le matériel et les planchettes à pince auxquelles étaient fixées les feuilles pertinentes. N’ayant pas de jeunes enfants, Mme McCormick pouvait terminer plus tard que 15 h et aider d’autres équipes au besoin. Elle a mentionné que, malgré son refus de nettoyer une maison particulière, Dionne avait insisté pour qu’elle s’y rende et effectue le travail. Les plaintes formulées par les clients étaient traitées par Dionne, qui vérifiait la qualité du travail et réglait le problème. Mme McCormick a déclaré qu’elle croyait savoir que Dionne avait déduit une somme du chèque d’une collègue, Mme Holstein, en raison du nettoyage insatisfaisant effectué dans une résidence. Mme McCormick n’a pas engagé d’assistant ni retenu les services d’un remplaçant. Elle était payée selon un taux horaire qui a ultérieurement été augmenté. Lorsqu’elle rendait ses services, elle ne présentait pas de facture à Coloniale pour être payée. Avant la vérification de l’ARC, tout le matériel était fourni par Coloniale et distribué par Dionne. Mme McCormick parcourait environ 50 km par semaine avec son propre véhicule pour son travail et elle recevait la somme de 20,00 $ par mois pour acheter du carburant. À son avis, il n’y avait aucune possibilité de tirer un profit de la prestation de ses services et le seul risque de perte éventuel tenait à l’usure de son véhicule puisqu’elle ne payait pas de prime d’assurance automobile supplémentaire. Mme McCormick, qui travaillait aussi dans un restaurant à Beaumont, a affirmé qu’avec le temps, elle avait commencé à [TRADUCTION] « se sentir comme une employée » de Coloniale. Elle a quitté l’entreprise en novembre 2007, mais elle a par la suite fourni à Dionne des factures antidatées, comme on le lui avait demandé. Elle a précisé qu’elle n’avait reçu son dernier chèque – pour des travaux exécutés en octobre – que le 27 décembre et qu’elle s’était plainte au ministère provincial compétent. Elle a reconnu un questionnaire (pièce R‑7)  qu’elle a rempli et signé le 16 avril 2008. Elle n’était pas inscrite aux fins de la TPS pendant les périodes en cause.

 

[22]    La représentante de l’appelante a contre‑interrogé Mme McCormick. Cette dernière a affirmé qu’elle travaillait dans un bar à partir de 17 h 30, qu’elle ne travaillait donc pas pour Coloniale après 16 h et qu’elle terminait toujours plus tôt que cela. Elle travaillait comme nettoyeuse trois jours par semaine pour Coloniale et n’avait pas d’autre travail à ce titre. Elle a déclaré qu’elle voulait faire équipe avec Mme Hinse, qu’elle considérait comme une [TRADUCTION] « travailleuse efficace », mais que Dionne avait refusé parce qu’elle préférait assortir une nettoyeuse chevronnée avec une autre qui était moins compétente ou expérimentée. Mme McCormick et d’autres travailleuses suivaient une liste de contrôle et il arrivait parfois que Dionne soit présente à un lieu de travail. Lorsqu’elle faisait partie d’une équipe, Mme McCormick était responsable de la vérification finale des lieux. De temps à autre, le propriétaire voulait que des services supplémentaires soient rendus et, si ces derniers nécessitaient davantage de temps, on le précisait sur la facture et Mme McCormick et l’autre membre de son équipe étaient payés en conséquence. Mme McCormick a déclaré qu’elle a produit ses déclarations de revenus pour 2006 et 2007 à titre de personne à son compte et qu’elle ne sait pas si des dépenses ont été déduites puisque c’est son mari qui a rempli les déclarations. Elle n’avait pas de bureau à domicile. Elle travaillait à nettoyer des maisons les lundis à Edmonton et, même si elle n’a jamais refusé ces affectations, elle avait l’impression qu’elle aurait pu le faire sans en subir de conséquences défavorables, sous réserve, peut‑être, du mécontentement de Dionne. Elle avait refusé de nettoyer une certaine maison et Dionne avait accepté sa décision. Mme McCormick a admis qu’à un moment donné en 2007, elle avait nettoyé deux autres maisons de son propre chef. Elle a identifié sa signature sur un document (pièce A‑2) que Dionne voulait qu’elle signe pour qu’elle reconnaisse qu’elle rendait ses services à Coloniale à titre de sous‑traitante. Bien qu’il ait été daté du 1er novembre 2006, ce document a été signé en octobre 2007. Mme McCormick a mentionné qu’elle ignorait si Dionne avait retenu son dernier chèque de Coloniale dans l’attente d’une facture visant cette dernière période. Elle a convenu qu’elle n’avait jamais posé de questions à Dionne au sujet de l’absence de retenues sur son chèque.

 

[23]    Dans son témoignage, Kimberley Chiasson a affirmé qu’elle avait répondu à l’annonce que Coloniale avait placée dans le journal de Beaumont pour trouver du personnel de nettoyage à un taux de 11,00 $ ou 12,00 $ l’heure. Au cours de sa première conversation téléphonique avec Dionne, cette dernière lui a dit de rappeler la semaine suivante et, lorsqu’elle a téléphoné à nouveau, Dionne lui a demandé de se présenter au garage de sa résidence avant 9 h. Mme Chiasson a informé Dionne qu’elle pouvait travailler les lundis, les mercredis et les vendredis de chaque semaine, sauf si ses enfants n’étaient pas à l’école, mais qu’elle n’était pas disponible pour travailler pendant les vacances scolaires estivales. Les enfants de Dionne et ceux de la plupart des autres nettoyeuses de Coloniale fréquentaient la même école, à Beaumont. Au cours des rencontres subséquentes, qui débutaient à 8 h 45, Dionne distribuait le matériel et les planchettes à pince sur lesquelles étaient fixées une facture et une feuille précisant l’ordre des différentes affectations ainsi que la composition des équipes de nettoyage. Mme Chiasson a déclaré qu’elle avait refusé de nettoyer une résidence en raison de circonstances exceptionnelles, mais qu’elle s’estimait par ailleurs tenue de se conformer aux affectations attribuées par Dionne. Quant à la composition de l’équipe de nettoyage, Mme Chiasson a affirmé qu’elle ne choisissait pas ses collègues, mais qu’elle avait une fois demandé à Dionne de lui assigner une personne particulièrement expérimentée pour travailler avec elle au nettoyage d’une maison précise. Mme Chiasson se souvenait d’une occasion où un client, insatisfait du travail accompli, s’était plaint auprès de Dionne. Cette dernière en avait discuté avec le groupe mais, à sa connaissance, cette plainte n’avait entraîné aucune conséquence, financière ou autre. Dès le début, Mme Chiasson avait réussi à respecter l’horaire établi par Dionne et elle n’a jamais engagé de remplaçant ou d’assistant. Elle était payée selon un taux horaire qui ne tenait pas compte du déplacement devant être effectué pour se rendre à un lieu de travail. À un certain moment, son salaire, comme celui de l’ensemble des travailleuses, a fait l’objet d’une hausse générale de 0,50 $ l’heure. Elle ne présentait pas de facture pour être rémunérée et, lorsqu’elle a utilisé son propre véhicule pendant une courte période, elle a reçu une allocation de 20,00 $. Elle a mentionné qu’elle n’avait aucune occasion de tirer un profit et qu’elle ne courait pas de risque de perte dans le cadre de la prestation de ses services de nettoyage à Coloniale. Son dernier jour de travail était le 31 octobre 2007 mais, le 3 novembre, Dionne l’a appelée pour lui demander de revenir. Quelques jours plus tard, Dionne a demandé à Mme Chiasson de signer un document dans lequel elle reconnaissait avoir fourni ses services à titre d’entrepreneure indépendante et on lui a remis une liste énumérant les chèques que Coloniale avait émis à son ordre. Mme Chiasson a déclaré qu’elle avait demandé du temps pour réfléchir et examiner les conséquences liées à la signature de ce document. Dionne a informé Mme Chiasson qu’elle avait besoin de sa signature sur ce document en raison d’une vérification de l’ARC. Après la vérification, Dionne a avisé les travailleuses du fait qu’elles devaient dorénavant acheter leur propre matériel. Selon Mme Chiasson, pendant toute la durée de sa relation de travail avec Dionne, cette dernière a agi comme un employeur ou un [TRADUCTION] « patron » quant à tous les aspects des services rendus aux clients de Coloniale.

 

[24]    Pendant le contre-interrogatoire, Mme Chiasson a affirmé que, lorsqu’elle avait décidé d’essayer de travailler pour Coloniale, Dionne lui avait donné des instructions et l’avait envoyée, avec deux autres travailleuses, à une maison dont le nettoyage avait nécessité cinq heures de travail. Plus tard, tout naturellement, on leur a fourni une liste de contrôle, qui comprenait parfois des instructions supplémentaires. Mme Chiasson a déclaré que les affectations à Beaumont étaient en grande partie terminées à 15 h, mais que celles à Edmonton prenaient davantage de temps. Même si Mme Chiasson n’avait pas refusé d’affectations à Edmonton, elle préférait travailler à Beaumont. Elle a ajouté que, pendant les trois premiers jours de travail, Dionne lui avait donné des instructions et lui avait enseigné les méthodes de nettoyage privilégiées selon les politiques de Coloniale. Dionne n’a vérifié son travail qu’une seule fois, soit lorsqu’elles avaient travaillé ensemble en équipe, ce qui était considéré comme habituel puisqu’elle vérifiait le travail de toutes les autres collègues lors de travaux particuliers. Il était entendu que le client devait être satisfait de la qualité du travail. Il n’y avait aucune exigence quant au port d’un uniforme et les travailleuses pouvaient se vêtir d’un tee‑shirt et d’un pantalon de survêtement pourvu que leur aspect soit propre et ordonné. Mme Chiasson utilisait son propre téléphone cellulaire et l’usage de son véhicule était restreint. Elle a remis à son expert‑comptable une liste des chèques de paie qu’elle avait reçus et Brenda Woo (« Mme Woo »), fonctionnaire de l’ARC, lui a ultérieurement conseillé de déclarer son revenu comme un revenu d’emploi dans sa déclaration de revenus relative à 2007. Mme Chiasson a précisé qu’elle ne nettoyait pas de maisons de son propre chef et que ses seules autres activités liées à un travail consistaient à échanger la garde d’enfants avec une voisine. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas posé de questions à Dionne au sujet de l’absence de retenues sur ses chèques de paie et que cela n’avait pas d’importance particulière puisqu’elle n’avait travaillé pour Coloniale que pendant un total de dix semaines avant les vacances d’été scolaires et de huit semaines par la suite. À une occasion, elle est tombée malade au travail; on a appelé Dionne et des ambulanciers paramédicaux, arrivés sur les lieux, lui ont donné de l’oxygène. On l’a envoyée à la maison et elle a reçu paiement pour la totalité des heures allouées à cette affectation. Elle n’a plus jamais travaillé dans cette maison.

 

[25]    Dans son témoignage, Brenda Woo a déclaré qu’elle travaillait pour l’ARC depuis onze ans et qu’elle occupait le poste d’agente des appels RPC/AE depuis 2005. On lui a confié le dossier relatif à Coloniale et elle a examiné les divers éléments de preuve qu’il comportait. Des questionnaires ont été envoyés à la plupart des personnes intéressées et, lorsqu’elle trouvait d’autres travailleuses, elle les appelait au téléphone et leur posait des questions qui ressemblaient à celles des questionnaires imprimés. On a communiqué avec toutes les travailleuses de Coloniale pour les périodes pertinentes, sauf quatre. Mme Woo a reconnu le questionnaire (pièce R‑8) reçu de Morgan Lapointe, laquelle avait rendu des services à Coloniale en 2006 et en 2007. Mme Woo a établi un rapport relatif à un appel, CPT110 (pièceR‑9), auquel elle a joint l’annexe « A ». Sarah Burns (« Mme Burns »), qui a fourni des services à Coloniale en 2006, a rempli et retourné un questionnaire (pièce R‑10), auquel elle a joint des imprimés des fiches de paie. Mme Woo a reconnu ses notes sur deux formules T2020 (pièce R‑11 et pièce R‑12) relatives à ses communications avec Mme Burns et Mme Markiwsky, respectivement. Mme Markiwsky a informé Mme Woo qu’elle et son mari exploitaient une entreprise de pose de parements, mais qu’elle travaillait en outre chez Coloniale, pour laquelle elle nettoyait des maisons au taux de 12,00 $ l’heure. Elle a précisé que d’autres travailleuses la conduisait aux lieux de travail, qu’elle ne fournissait pas d’outillage ni de matériel et qu’elle n’engageait aucune dépense liée au travail. Le temps passé à nettoyer une maison était consigné sur les feuilles ou les factures fournies par Dionne chaque matin. Mme Markiwsky a déclaré le revenu qu’elle tirait de Coloniale à titre de revenu d’entreprise pour les années d’imposition 2006 et 2007. Mme Woo a communiqué avec Lisa Longmire (« Mme Longmire ») et elle a consigné certains renseignements dans une formule T2020, produite sous la cote R‑13. Mme Longmire a rendu ses services en 2007 et elle a informé Mme Woo qu’elle était payée 13,50 $ l’heure, somme qui est ultérieurement passée à 14,00 $. Dionne lui avait dit qu’elle travaillait pour Coloniale à titre de sous‑traitante et qu’il n’y aurait aucune retenue sur ses chèques de paie. Mme Longmire a mentionné à Mme Woo qu’elle fournissait ses propres genouillères, mais que le reste du matériel et de l’outillage était distribué par Dionne. Elle a informé Mme Woo qu’elle n’avait présenté de soumission pour aucune des affectations et qu’elle procédait aux travaux selon les lieux et l’ordre fixés par Dionne. Lorsqu’elle utilisait son propre véhicule pour se rendre aux lieux de travail, elle recevait 20,00 $ par mois. Mme Woo a renvoyé à la formule T2020 pertinente (pièce R‑14) concernant Merridee Dykstra, laquelle a rendu des services de nettoyage à Coloniale entre juin et octobre 2007. Conformément aux instructions sur sa situation de travail qu’elle a reçues de Dionne dès le départ, elle a déclaré son revenu comme revenu d’entreprise pour cette année d’imposition. Elle ne participait pas à la recherche de clients pour Coloniale et elle ne fournissait pas de matériel ni d’outillage. Mme Woo a parlé avec Susan McDade (« Mme McDade ») et les renseignements relatifs à sa conversation téléphonique ont été consignés dans une formule T2020 (pièce R‑15). Mme McDade estimait qu’elle avait été une employée de Coloniale, et Ressources humaines et Développement des compétences Canada (« RHDCC ») a présenté une demande de décision visant sa situation. Par suite de cette demande, on a conclu qu’elle était une employée de Coloniale. Cette décision est à l’origine de la vérification qui a été effectuée par un examinateur des fiducies de l’ARC et qui a donné lieu aux cotisations établies à l’égard de Coloniale relativement aux travailleuses désignées pour les années 2006 et 2007. Une autre demande de décision avait été présentée relativement à Mme Chiasson. Mme Woo a parlé à Mme Holstein et elle a noté dans la formule T2020 (pièce R‑16) que cette dernière se souvenait que des retenues au titre de l’AE et du RPC avaient été faites sur deux chèques de paie, mais que ces sommes avaient par la suite été remboursées, vraisemblablement après que Dionne eut obtenu certains conseils en matière comptable. Mme Woo a consigné certaines notes (pièce R‑17) touchant sa conversation avec Mme Chiasson. À l’aide de la base de données de l’ARC, Mme Woo a recueilli des renseignements qui lui ont permis de découvrir les éléments suivants : l’année d’imposition visée par la déclaration; la méthode de déclaration du revenu; le point de savoir si des dépenses avaient été déduites ainsi que d’autres détails pertinents relatifs à un particulier précis. Dans ce contexte, Mme Woo a déclaré ce qui suit :

 

 

Nom

Année(s)

Méthode de déclaration

Observations

Sarah Burns

2007

Revenu d’entreprise et d’emploi

 

Kimberley Chiasson

2007

Revenu d’entreprise

Aucune dépense déduite

Merridee Dykstra

2007

Revenu d’entreprise

Ignore s’il y a eu compensation au titre des dépenses

Brenda Hinse

2006

 

 

 

2007

Revenu d’entreprise

 

 

 

Revenu d’entreprise

Revenu net inférieur, mais aucune précision sur les dépenses

 

Dépenses 4 000 $, mais aucune précision

Amy Holstein

2007

Revenu T4

Source inconnue

Morgan Lapointe

 

 

2006

 

 

2007

Ligne 101, revenu d’emploi

 

Ligne 101, revenu d’emploi

Peut-être qu’aucun T4 n’a été produit

 

Peut-être qu’aucun T4 n’a été produit

Lisa Longmire

2007

Revenu d’entreprise

Aucune dépense déduite

Louise Markiwsky

2007

Revenu d’entreprise, deux sources

Aucune dépense déduite

Jacqueline McCormick

s.o.

 

Aucune déclaration produite

Susan McDade

2007

Revenu d’emploi

Somme supérieure à celle payée par Coloniale

Natasha Parsons

2006

 

2007

Inconnu

 

Inconnu

 

Kayla Markiwsky

2006

 

2007

Revenu d’entreprise

 

Revenu d’entreprise

Aucune dépense déduite

 

Aucune dépense déduite

Christine Begin

2006

 

2007

Revenu d’emploi

 

Revenu d’emploi

 

Lisa Coltman

2007

Revenu d’emploi

 

Rachel Eck

s.o.

 

Aucune déclaration produite pour 2007

Jill Ellis

2006

 

2007

Revenu d’entreprise

 

 

Aucune dépense déduite

 

Aucune donnée

Kristina McLean

2006

 

2007

Revenu d’emploi

 

 

 

 

Aucune donnée

Amanda Ryan

2006

Revenu d’emploi

Seulement 416,07 $ de Coloniale

Laura Van Walleghem

2007

Revenu d’entreprise

Aucun relevé des dépenses

 

[26]    Madame Woo a mentionné qu’elle avait analysé tous les renseignements recueillis relativement à l’affaire Coloniale et qu’elle était arrivée à la conclusion que Dionne avait décidé des lieux de travail, de l’ordre dans lequel les nettoyages devaient être effectués et de la composition des équipes en plus d’offrir de la formation à certaines travailleuses. Mme Woo a tenu compte des facteurs touchant au contrôle, ce dont elle fait état dans son rapport CPT110 (pièce R‑9) sous la rubrique intitulée [TRADUCTION] « Degré de contrôle ». Quant à la fourniture du matériel, Mme Woo a conclu qu’à l’exception de rares cas visant des éléments de moindre importance, l’ensemble de l’outillage et du matériel était fourni par Coloniale. En ce qui concerne la possibilité d’engager des assistants ou de confier le travail à des sous‑traitants, Mme Woo a estimé que cette situation ne s’est pas présentée et n’a pas été soulevée par Dionne lors de ses discussions avec les travailleuses, lesquelles croyaient qu’elles devaient rendre leurs services en personne. Au besoin, Dionne se chargeait de trouver des remplaçants ou d’autres travailleurs. Au chapitre des questions financières liées à la prestation des services de nettoyage, Mme Woo était d’avis que les travailleuses n’étaient pas tenues d’engager leur propre capital et les dépenses supplémentaires pour l’essence étaient compensées par les paiements de Coloniale. Mme Woo a soiligné qu’on aurait pu déduire les dépenses supplémentaires liées à l’emploi en joignant une formule T2200 aux déclarations de revenu au moment de la production de celles‑ci. À la lumière des éléments dont elle disposait et des renseignements recueillis subséquemment, Mme Woo a décidé que les clients étaient ceux de Coloniale et que cette entreprise était, en définitive, responsable de la qualité du travail. Même si une travailleuse refusait de refaire des travaux de nettoyage à un endroit donné, Dionne envoyait quelqu’un afin de corriger le problème ou elle s’en chargeait elle‑même. Mme Woo a conclu que les travailleuses n’assumaient aucune responsabilité au titre des mises de fonds et de la gestion et que Dionne, en sa qualité d’unique actionnaire de Coloniale, était responsable de l’exploitation de l’entreprise. Compte tenu des faits dont elle avait connaissance, Mme Woo a décidé que les travailleuses n’avaient pas la possibilité de gagner un profit puisque Dionne fixait le taux horaire que Coloniale était disposée à payer et qu’il y avait peu de place à la négociation. Les travailleuses ne couraient aucun risque réel de perte puisque Coloniale payait les cotisations au WCB et assumait les pertes ou les dommages touchant la maison ou les biens des clients. Mme Woo a fait observer que seule Mme Markiwsky avait une quelconque expérience de l’exploitation d’une entreprise car elle avait exploité une entreprise de pose de parements avec son mari. De l’avis de Mme Woo, les autres travailleuses désignées ne fournissaient pas des services pour leur propre compte, même si certaines d’entre elles ont déclaré des revenus reçus de Coloniale comme des revenus d’entreprise. Dans son rapport CPT110 (pièce R‑9), Mme Woo recommandait que le ministre décide que les cotisations établies en 2006 et en 2007 à l’égard de Coloniale au titre des cotisations au RPC et à l’AE relativement aux travailleuses soient confirmées, à l’exception des cotisations au RPC pour Dionne visant la période du 1er novembre 2006 au 30 septembre 2007 parce que cette dernière n’avait aucun gain cotisable et que la cotisation devrait donc être réduite en conséquence.

 

[27]    La représentante de Coloniale a contre‑interrogé Mme Woo. Celle‑ci a affirmé que, lorsqu’elle avait interrogé les travailleuses par téléphone, elle s’était servie du questionnaire comme guide, mais qu’elle avait posé d’autres questions en fonction des réponses et de la situation du particulier. Selon elle, les entrevues ont duré chacune de 20 à 60 minutes. Elle a ajouté que ses imprimés des renseignements relatifs aux déclarations de revenus produites par Mme Hinse en 2006 et en 2007 ne permettaient pas d’étayer l’observation faite par celle‑ci lors de l’entrevue téléphonique voulant que Dionne ait, à un certain moment, effectué des retenues au titre de l’AE et du RPC.

 

[28]    Dionne a été autorisée à témoigner en contre‑preuve. Elle a affirmé que, lorsque les autres travailleuses l’avaient informée que Mme McCormick offrait ses services, à un taux moindre, aux clients existants de Coloniale, elle avait interrogée Mme McCormick à ce propos et cette dernière lui avait dit que ces clients n’étaient pas satisfaits des services de Coloniale. Dionne a ajouté que Mme McCormick se rendait en Angleterre et lui avait dit que son mari irait chercher son dernier chèque. Cependant, Dionne avait obtenu des conseils selon lesquels il ne devrait y avoir paiement que sur réception d’une facture. Lorsque Mme McCormick est revenue à Beaumont, Dionne lui a envoyé un chèque en paiement d’une facture qui lui avait été présentée pour du travail effectué à la fin octobre ou au début novembre. Quant à Mme Hinse, Dionne a déclaré qu’elle ne vérifiait le travail de cette dernière que lorsqu’elles formaient une équipe de nettoyage. Même s’il aurait plus facile que les travailleuses trouvent elles‑mêmes un remplaçant, aucune ne l’avait fait malgré les demandes en ce sens. Pendant des vacances d’une semaine de Dionne, Mme Hinse a accepté de se charger des rencontres matinales habituelles et notamment de répartir les travailleuses en équipe. Elle n’a pas reçu de rémunération supplémentaire. Au cours des périodes en cause, Coloniale n’a jamais eu à défrayer des dommages causés par les travailleuses.

 

[29]    La représentante de Coloniale, Mme Rutwind, a soutenu que l’ensemble de la preuve permettait d’affirmer que les travailleuses recevaient paiement en leur qualité d’entrepreneures indépendantes qui fournissaient des services de nettoyage. Mme Rutwind a invoqué l’absence de contrôle et de supervision ainsi que la possibilité pour les travailleuses de refuser une affectation donnée ou de refuser du travail pour diverses raisons, y compris leur propre horaire personnel. Selon elle, la souplesse que permettait le choix des heures et des jours de travail et la possibilité de se présenter au dernier moment, ou de ne pas se présenter du tout, au garage de Dionne un jour donné conjugué à la possibilité de refuser des ménages pour consacrer davantage de temps à un emploi mieux rémunéré, constituaient des facteurs jouant en faveur de la situation d’entrepreneur indépendant plutôt que de celle d’employé. Si aucune travailleuse n’était présente au garage de Dionne à 8 h 50, cette dernière ne pouvait faire des réprimandes ni prendre les autres mesures disciplinaires auxquelles on peut habituellement recourir dans le cadre d’une relation employeur‑employé. La méthode du rassemblement matinal était une manière efficace d’exploiter l’entreprise et elle permettait à Dionne d’assortir les équipes et les affectations de la journée. Les clients de Coloniale fixaient certaines normes de qualité et la majorité des travailleuses étaient en mesure de satisfaire à ces exigences sans recevoir de formation de Dionne. Mme Rutwind a admis que, sauf pour Mme Orlova, qui nettoyait le cabinet dentaire, presque tout l’outillage et le matériel était fourni par Coloniale. Elle a reconnu qu’il n’y avait pas un grand risque de perte, en particulier à la lumière du fait que les travailleuses qui utilisaient leur propre véhicule recevaient des allocations mensuelles de 20,00 $ pour l’achat de carburant. Cependant, certaines travailleuses ont réussi à négocier un taux horaire plus élevé. Mme Rutwind a avancé que Dionne avait clairement précisé, au cours de chaque entrevue initiale avec une travailleuse potentielle, que celle‑ci rendrait ses services à titre d’entrepreneure indépendante et que Coloniale n’effectuerait aucune des retenues à la source habituelles sur leurs paiements. Les travailleuses rendaient leurs services dans ce contexte et aucune d’elles n’a mis sa situation en doute ni ne s’est plainte de l’absence de telles retenues. De nombreuses travailleuses ont produit des déclarations de revenus compatibles avec la situation de sous‑traitante et elles ont déclaré leur revenu soit comme revenu d’entreprise, soit comme revenu d’un travail indépendant. D’après Mme Rutwind, la nature particulière de l’entreprise, les circonstances précises liées à la prestation des services de nettoyage et l’intention commune des parties suffisaient à établir que les décisions du ministre étaient inexactes et que les appels devaient être accueillis.

 

[30]    L’avocat de l’intimé a fait valoir que la preuve permettait de conclure que les travailleuses avaient fourni leurs services dans le cadre d’un contrat de louage de services. Les critères et les indices découlant de la jurisprudence établie, y compris le volet relatif au contrôle, justifiaient les décisions du ministre. L’avocat a renvoyé aux témoignages des travailleuses et de Dionne, lesquels ont révélé que les nettoyeuses se rassemblaient à un moment précis chaque matin au garage de Dionne où elles recevaient des instructions et les affectations pour la journée. Les travailleuses étaient réparties en équipe et, en de rares occasions, une équipe était formée de trois nettoyeuses. Même si certaines d’entre elles avaient réussi à convaincre Dionne de ne pas les envoyer à une résidence donnée, les travailleuses n’avaient le choix, dans la plupart des cas, ni du lieu de travail ni de leur coéquipière. Une travailleuse, Mme Hinse, avait demandé une coéquipière particulière, ce qui lui a été refusé. L’avocat a soutenu que même un employé peut faire front dans des circonstances exceptionnelles s’il ne peut vraiment pas s’accommoder d’une personne ou d’une situation donnée lorsqu’il est tenu de remplir une tâche particulière. Il semble qu’une propriétaire mentionnée à plusieurs occasions par différents témoins soit en quelque sorte entrée dans la légende au sein des travailleuses et qu’aucune d’elles ne voulait nettoyer sa maison. La preuve étaye l’assertion selon laquelle les travailleuses, si elles terminaient le travail avant 15 h, se sentaient obligées d’aider les autres à finir leurs tâches. Une fois les travaux terminés, les travailleuses se rendaient à la maison de Dionne où elles retournaient l’outillage et le matériel et laissaient leurs planchettes à pince et les factures sur lesquelles était précisé, dans l’espace approprié, le nombre d’heures de travail accomplies pour chaque client. L’avocat a renvoyé au témoignage des travailleuses que Dionne avait formées en leur enseignant certaines méthodes privilégiées pour les endroits éventuellement plus difficiles à nettoyer d’une maison, à savoir la cuisine et la salle de bains, et au fait que les travailleuses chevronnées étaient appelées à faire équipe avec les travailleuses nouvelles ou moins expérimentées. Le membre le plus expérimenté de l’équipe effectuait l’inspection finale et Dionne pouvait toujours visiter n’importe quel lieu pour vérifier la qualité du travail, ce qu’elle faisait lorsqu’il y avait eu une plainte d’un client. L’avocat a signalé que l’outillage et le matériel étaient fournis par Coloniale et que les seuls éléments fournis par les travailleuses étaient d’ordre accessoire, comme les genouillères. Les travailleuses étaient déjà propriétaires de leurs propres téléphones cellulaires et véhicules à moteur avant de fournir des services au payeur. En ce qui touche la possibilité de réaliser un profit, l’avocat a soutenu qu’il n’y en avait pas puisque les travailleuses étaient payées selon un taux horaire. La seule façon d’augmenter leur revenu consistait à travailler un plus grand nombre d’heures et il était impossible de négocier avec Dionne un taux forfaitaire applicable à une maison donnée. Dionne assortissait une travailleuse plus rapide avec une autre moins expérimentée et les deux étaient rémunérées selon un taux horaire, bien que certaines travailleuses aient pu gagner environ 10 pour 100 de plus que d’autres à certains moments pendant les périodes en cause. Quant au risque de perte, l’avocat a affirmé que celui‑ci était minime puisque Coloniale remboursait le carburant consommé par les véhicules personnels des travailleuses et le risque d’une autre perte, quelle qu’il soit, n’a pas été chiffré dans la preuve présentée par l’appelante. La seule travailleuse ayant pu exploiter sa propre entreprise était Mme McCormick et il s’agissait du nettoyage de deux maisons vers la fin de sa relation de travail avec Dionne. Une seule travailleuse a tenté d’engager son propre assistant, mais Dionne a refusé et les autres travailleuses n’avaient pas envisagé cette possibilité. Les travailleuses n’étaient pas tenues de présenter des factures avant de recevoir paiement pour leurs services. L’avocat a invoqué l’absence de preuve susceptible d’étayer l’assertion voulant que l’une ou l’autre des travailleuses désignées ait fourni des services dans le cadre de sa propre entreprise. Aucune d’elles n’était inscrite aux fins de la TPS, n’annonçait ses services ou n’agissait d’une manière compatible avec l’exploitation d’une entreprise. Selon l’avocat, il ressort de l’ensemble de leurs témoignages que les travailleuses étaient sous le contrôle de Dionne, unique actionnaire de Coloniale. L’avocat a admis que la situation de Mme Orlova était différente en ce qu’elle se rendait directement au cabinet dentaire et que tout le matériel était fourni sur les lieux. Cependant, selon l’avocat, la preuve a établi que Mme Orlova communiquait avec Dionne dans l’éventualité d’un changement à l’horaire de nettoyage et que le dentiste était un client existant de Coloniale et qu’il n’avait pas été sollicité par Mme Orlova. Cette dernière avait plutôt été embauchée pour rendre des services de nettoyage à ce client précis. L’avocat a affirmé que les décisions du ministre étaient fondées et que les cotisations dans chaque cas devaient être confirmées.

 

[31]    Dans plusieurs affaires récentes, dont Wolf c. Canada, 2002 CAF 96, 2002 DTC 6853, The Royal Winnipeg Ballet c. Le ministre du Revenu national – M.R.N., 2006 CAF 87, 2006 DTC 6323, Vida Wellness Corp. (faisant affaires sous le nom de Vida Wellness Spa) c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.I. no 570, et City Water International Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.F. no 1653, les parties avaient manifesté une intention réciproque claire voulant que le fournisseur des services agisse comme entrepreneur indépendant et non comme employé. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Rien dans la preuve ne permet de conclure que l’une ou l’autre des travailleuses s’est opposée à cette situation avant de fournir ses services. Cependant, les témoignages ont établi qu’il n’y avait eu qu’un simple consentement, ou qu’une acceptation réticente, de la part de la majorité des travailleuses face à la déclaration unilatérale relative à leur situation de travail faite par Dionne lors de l’entrevue initiale ou avant qu’elles ne commencent à travailler. Il n’existait aucun contrat écrit entre Coloniale et les travailleuses, à l’exception du document (pièce A‑2) que Mme McCormick et les autres travailleuses ont signé après septembre 2007 et qui est antidaté au 1er novembre 2006. Dionne a préparé ce document sur le conseil de l’expert‑comptable d’alors de Coloniale pour tenter de prouver au vérificateur de l’ARC que les paiements versés aux travailleuses l’ont été en leur qualité de nettoyeuses à leur propre compte plutôt que d’employées. Diverses raisons ont poussé les travailleuses à signer ce document. Mme McCormick l’a signé afin d’être rémunérée, en décembre 2007, pour du travail effectué en octobre ou au début novembre parce que Dionne avait insisté que Coloniale reçoive une facture visant cette période. Mme Chiasson n’a pas signé la supposée entente ou ratification relative à la supposée situation de travail. D’autres encore ont signé le document pour mettre un terme à leur relation avec Coloniale tandis que certaines l’ont fait par loyauté ou par respect envers Dionne, avec laquelle elles entretenaient une relation courtoise et agréable. Même dans les affaires mentionnées plus haut, où les parties avaient clairement manifesté une intention réciproque voulant que le travailleur fournisse ses services à titre d’entrepreneur indépendant, le tribunal a examiné leur conduite subséquente pour déterminer si elle avait été pour l’essentiel compatible avec cette situation voulue, pendant toute la durée de la relation de travail. Dans les présents appels, Dionne n’a nullement contraint les travailleuses à accepter la supposée situation d’entrepreneure indépendante, elle a simplement affirmé que tel était le cas. Certaines travailleuses étaient satisfaites de cette qualification et ont produit leurs déclarations de revenus en conséquence. Cependant, la simple acceptation de l’affirmation du payeur quant à la nature de la situation et la méthode subséquente de déclaration du revenu gagné par la travailleuse ne constituent pas des indices probants de l’existence d’un travail indépendant puisqu’il ressort sans équivoque de la jurisprudence que les parties ne peuvent déterminer leur situation par un choix fondé sur leur préférence ou sur des raisons pratiques.

 

[32]    Dans l’arrêt Standing c. Canada (Ministre du Revenu national) (C.A.F.), [1992] A.C.F. no 890, le juge Stone a tenu les propos suivants :

 

[…] Rien dans la jurisprudence ne permet d’avancer l’existence d’une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l’arrêt Wiebe Door. […]

 

[33]    Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (« Sagaz »), la Cour suprême du Canada était saisie d’une affaire de responsabilité du fait d’autrui et, dans le cadre de son examen de diverses questions pertinentes, elle devait en outre se demander ce qu’est un entrepreneur indépendant. Le jugement de la Cour a été prononcé par M. le juge Major, qui s’est penché sur l’évolution de la jurisprudence quant à l’importance de la différence qui existe entre un employé et un entrepreneur indépendant au regard de la responsabilité du fait d’autrui. Après avoir renvoyé aux motifs rendus par M. le juge MacGuigan de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1986] 3 C.F. 553, [1986] 2 C.T.C. 200, dans lesquels on renvoie au critère d’organisation énoncé par lord Denning et à la synthèse faite par le juge Cooke dans la décision Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, le juge Major s’est exprimé en ces termes aux paragraphes 47 et 48 de son jugement :

                                                                                                                           

47                Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48        Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

           

[34]    J’examinerai les faits des présents appels à la lumière des critères énoncés par le juge Major dans l’arrêt Sagaz.

 

Degré de contrôle

 

[35]    Il ne fait aucun doute que la nature de l’entreprise exploitée par Coloniale offrait de la souplesse sur le plan des heures de travail et des jours de la semaine. Elle donnait en outre à certaines des travailleuses l’occasion de passer les vacances scolaires avec leurs enfants et à d’autres la possibilité de planifier la prestation de leurs services à Coloniale en fonction de leur emploi ou de leurs autres activités. Les annonces placées dans le journal de Beaumont précisaient qu’on cherchait des nettoyeurs pouvant travailler entre 9 h et 15 h, même si ce n’était que trois jours par semaine, entre le lundi et le vendredi. La preuve a montré qu’une certaine formation relative au nettoyage des maisons avait été offerte à quelques personnes inexpérimentées dans ce domaine. On remettait à toutes les nettoyeuses une liste de contrôle faisant état de la politique générale de Coloniale ainsi que des instructions particulières formulées par un client donné. Il ressort de l’ensemble de la preuve que les travailleuses ne pouvaient choisir ni les résidences à nettoyer ni la personne avec laquelle elles formeraient une équipe. Dans certaines circonstances exceptionnelles, Dionne acceptait un refus définitif et catégorique de l’une ou plusieurs travailleuses de nettoyer une maison particulière, mais il est manifeste, à la lumière de la preuve, que les travailleuses avaient reçu instruction de se rassembler à la résidence de Dionne chaque matin vers 8 h 45 pour savoir à quels lieux de travail précis elles étaient affectées. Toutes les travailleuses qui ont témoigné ont affirmé clairement que, si une équipe de nettoyage terminait plus rapidement que prévu ou prenait du retard, elles se sentaient obligées de communiquer avec Dionne et d’offrir de l’aide à une autre équipe ou de demander de l’assistance, selon le cas. Dionne n’a procédé qu’à de rares vérifications, mais elle se réservait le droit d’en faire à n’importe quel moment, en particulier si une équipe comptait une nouvelle travailleuse ou si un client s’était plaint. Les travailleuses ne traitaient pas directement avec le client pour les questions touchant l’entente commerciale prise entre ce dernier et Coloniale.

 

Matériel et assistant

 

[36]    La preuve montre clairement que, pour la plus grande partie ou la totalité de la période en cause, l’outillage, le matériel et les produits nécessaires pour exécuter les travaux étaient fournis par Coloniale. La seule exception visait la travailleuse (Mme Orlova) qui utilisait le matériel fourni par le client de Coloniale lorsqu’elle nettoyait le cabinet dentaire. À un certain moment, après avoir obtenu des conseils par suite de la vérification entreprise par l’ARC, Coloniale a commencé à exiger que les travailleuses payent pour tout ce matériel, mais la preuve n’a pas permis de déterminer quand cette pratique a été instaurée, bien qu’il semble que ce soit vers le mois de septembre 2007. Or, la période en cause en 2007 dans les présents appels se terminait le 30 septembre. Les travailleuses devaient aviser Dionne lorsqu’elles n’étaient pas en mesure de travailler un jour donné, mais certaines ne le faisaient pas. Lorsqu’il manquait des travailleuses, Dionne travaillait elle‑même ou trouvait un remplaçant. La preuve a révélé que la seule fois où une travailleuse a tenté d’engager un assistant, Dionne a refusé.

 

Risque financier et responsabilité en matière de mises de fonds et de gestion

 

[37]    Aucune des travailleuses n’a fait de mise de fonds au titre de la prestation des services de nettoyage visés en l’espèce. La plupart des travailleuses n’utilisaient pas leur propre véhicule pour se déplacer d’un lieu de travail à l’autre. Celles qui le faisaient recevaient en remboursement une somme apparemment suffisante pour couvrir le coût, ou à tout le moins le coût supplémentaire, du carburant pendant la période où il était particulièrement élevé, surtout en Alberta. La plupart des maisons nettoyées par les travailleuses étaient situées dans la ville de Beaumont et se trouvaient entre trois et cinq kilomètres l’une de l’autre. Les affectations à Edmonton nécessitaient de plus longs déplacements, mais la somme de 20 $ suffisait pour acheter environ 15 litres d’essence à cette époque, ce qui aurait permis de parcourir de 120 à 150 kilomètres entre les divers lieux de travail. Les travailleuses qui utilisaient leur propre véhicule pour se rendre, seule ou avec des collègues, de la résidence de Dionne aux lieux de travail et en revenir à la fin de la journée de travail le faisaient par choix et non par suite de directives en ce sens de Dionne. Les véhicules et les téléphones cellulaires utilisés par les travailleuses dans le cadre du travail avaient été achetés pour leur usage personnel et je ne suis saisi d’aucun élément de preuve permettant d’évaluer dans quelle proportion ces biens servaient pour le travail. Vraisemblablement, les dépenses, si elles étaient prouvées, pour deux ou trois travailleuses, tout au plus, seraient minimes par rapport au revenu gagné. À l’exception de Mme Hinse, qui supervisait les activités de Coloniale pendant les vacances d’une semaine prises par Dionne, les fonctions de gestion exercées par les travailleuses se limitaient à veiller à ce que leur propre équipe de nettoyage ait rempli toutes les tâches de manière satisfaisante avant de quitter un lieu de travail. Dionne assortissait des travailleuses moins expérimentées avec des travailleuses plus expérimentées ou compétentes, mais aucune d’elles n’avait la responsabilité de surveiller les membres d’autres équipes.

 

Possibilité de tirer un profit de l’exécution des tâches

 

[38]    La preuve a établi qu’à aucun moment pendant les périodes en cause, les travailleuses n’ont eu la possibilité de tirer un profit de l’exécution de leurs tâches de nettoyage. Chacune était payée selon un taux horaire et les primes reçues de Coloniale pendant les fêtes de fin d’année étaient distribuées par Dionne aux travailleuses concernées en signe de courtoisie et d’estime, sans qu’elle‑même ni Coloniale ne retienne aucun pourboire.

 

[39]    La principale question en litige est celle de savoir si l’une ou l’autre des travailleuses désignées dans les cotisations a rendu ses services à titre de personne exploitant une entreprise pour son propre compte. Aucune des travailleuses n’était inscrite aux fins de la TPS et seules deux d’entre elles fournissaient des services de nettoyage autres que ceux rendus à Coloniale. La preuve touchant Mme McCormick n’est pas claire, mais les travaux de nettoyage qu’elle a effectués pour d’autres que Coloniale ont eu lieu vers la fin de la période en cause en 2007 ou, éventuellement, après le mois d’octobre lorsqu’un différend sur ce point entre elle et Dionne s’est soldé par la cessation de leur relation de travail. Si Mme Parsons a exploité une entreprise de nettoyage, ce n’est pas avant mai 2008. Aucune des travailleuses n’annonçait ses services en 2006 ou en 2007 ni ne remplissait l’un quelconque des critères permettant de conclure au caractère commercial de leur fonction à titre de nettoyeuses de résidences ou d’autres lieux. Mme Orlova ne participait pas aux rassemblements des travailleuses à la maison de Dionne en matinée les jours de semaine, mais le dentiste dont elle nettoyait le cabinet était déjà un client de Coloniale et les heures et les journées où elle devait travailler lui convenaient puisqu’elle était étudiante à cette époque. Il ressort sans équivoque de la preuve que l’entreprise de nettoyage appartenait entièrement à Coloniale. Il n’était pas question d’exploiter deux entreprises distinctes – l’une par Coloniale et l’autre par chacune des travailleuses lorsqu’elles rendaient les services de nettoyage à un client – dans un cadre général mutuellement avantageux. Dans l’arrêt Precision Gutters Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.F. no 771, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il y avait deux entreprises : la fabrication des gouttières et la pose de celles‑ci.

 

[40]    J’arrive à la conclusion que les travailleuses désignées dans les cotisations ont fourni leurs services de nettoyage dans le cadre d’un contrat de louage de services et qu’elles étaient des employées de Coloniale. Les décisions rendues par le ministre relativement à chaque cotisation sont donc confirmées.

 

[41]    Les deux appels sont rejetés.

 

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 10e jour de mars 2010.

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2010.

 

Claude Leclerc, LL.B.


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 115

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2008-3919(EI); 2008-3920(CPP)

 

INTITULÉ :                                       Coloniale Maid Service Ltd. et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 26, 27 et 28 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT                

MODIFIÉS :                                    L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT

MODIFIÉ :                                       Le 10 mars 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelante :

Carole Rutwind

 

Avocat de l’intimé :

Me Gregory Perlinski

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :                 

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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