Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2007-3727(IT)G

 

ENTRE :

SANDY KOZAR,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus les 29, 30 et 31 mars, le 1er avril et les 9, 10 et 11 juin 2010, à Windsor (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me John Mill

Avocat de l’intimée :

Me Nicolas Simard

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001 et 2002 sont accueillis et les nouvelles cotisations sont annulées.

 

Les dépens sont adjugés à l’appelante sur la base avocat‑client.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de juillet 2010.

 

 

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 22e jour de décembre 2010.

 

 

 

François Brunet, Réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 389

Date : 20100719

Dossier : 2007-3727(IT)G

ENTRE :

SANDY KOZAR,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Pizzitelli

 

Les questions en litige

 

[1]              L’appelante interjette appel de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») à l’égard de revenus non déclarés pour les années d’imposition 2001 et 2002, lesquels s’élevaient en tout à 220 595 $ et à 135 488 $, respectivement. L’appelante conteste par ailleurs le droit du ministre d’établir une nouvelle cotisation à son égard pour l’année d’imposition 2001, qui est une année prescrite, selon le paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »); elle interjette en outre appel des pénalités établies par le ministre en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi pour les années 2001 et 2002, lesquelles s’élèvent en tout à 29 936 $ et à 17 135 $, respectivement, pour les années en question.

 

Les faits

 

[2]              L’appelante était infirmière enregistrée au cours des années en question. Dans ses déclarations de revenus, elle a déclaré un revenu de 44 659 $ pour l’année 2001 et de 42 403 $ pour l’année 2002, ces montants représentant un revenu d’emploi perçu de l’Unité sanitaire de Windsor comté d’Essex, où elle travaille depuis onze ans. Le ministre a initialement établi la dette fiscale de l’appelante pour les années en question au moyen d’avis de cotisation datés du 15 avril 2002 et du 24 mars 2003, respectivement, en se fondant sur le revenu que l’appelante avait tiré de son emploi d’infirmière tel qu’il avait été déclaré. Par des avis de nouvelle cotisation datés du 11 octobre 2005, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’obligation fiscale de l’appelante en augmentant de beaucoup le revenu de l’appelante et en imposant des pénalités pour faute lourde sur la base de cotisations de valeur nette, en application des paragraphes 152(7) et (8) de la Loi et, après que l’appelante eut déposé des avis d’opposition, le 19 décembre 2005, le ministre a de nouveau établi le revenu de l’appelante ainsi que des pénalités aux montants dont il est fait mention au premier paragraphe des présents motifs.

 

[3]              L’appelante, qui est maintenant mère célibataire de deux enfants, a repris contact avec son petit ami, qu’elle fréquentait  à l’école secondaire, Sang Nguyen, au cours de l’année 2000. Ils se sont fiancés en 2001, et, le 10 août 2002, l’appelante a épousé M. Nguyen. Au cours des années en question et jusqu’à l’échec de l’entreprise, au mois de mai 2002, (ce qui a donné lieu à la nomination de séquestres), M. Nguyen exploitait une entreprise de décodage de signaux satellite, appelée Pirate Satellite Receivers, initialement dans le cadre d’une société de personnes avec un certain P. Reid, et ensuite en tant qu’entreprise individuelle, et plus tard dans le cadre d’une société constituée en personne morale, après le mois d’octobre 2001. L’appelante n’était ni associée, ni actionnaire, ni dirigeante ou administratrice de l’entreprise de son époux, et l’intimée a affirmé que le fiancé de l’appelante était l’unique actionnaire de l’entreprise constituée en personne morale. L’appelante et son époux se sont séparés au mois d’août 2009, et celui-ci est ensuite retourné au Vietnam pour le reste de l’année, puis est revenu l’année suivante. L’appelante a témoigné ne pas être en contact avec son époux, celui‑ci se contentant de téléphoner parfois pour parler à ses enfants; elle affirme ne pas connaître l’adresse de celui-ci et qu’il ne voulait pas témoigner au procès.

 

[4]              L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a procédé à une vérification de Pirate Satellite Receivers et, à la suite de l’enquête menée sur l’entreprise de l’époux, le champ de l’enquête a été élargi pour englober l’appelante. En raison de plusieurs dépôts bancaires inexpliqués dans les comptes de l’appelante et dans des comptes lesquels, selon l’intimée, étaient des comptes de l’appelante, et parce que l’ARC alléguait que l’appelante n’avait jamais coopéré au cours de la vérification, ce que l’appelante conteste énergiquement, en plus du fait que l’entreprise faisait des affaires au comptant, ce qui la plaçait dans une catégorie à risque plus élevé, la Direction des enquêtes spéciales de l’ARC a procédé à une vérification de l’appelante et a établi à son égard une cotisation fondée sur la valeur nette. La cotisation de valeur nette est fondée sur les hypothèses de fait énoncées au paragraphe 13 de la réponse modifiée à l’avis d’appel et, en particulier, sur les alinéas suivants :

 

[traduction]

 

a)         pendant toutes les années pertinentes, l’appelante et son époux se livraient à  la programmation et à la vente de récepteurs satellites;

 

            […]

 

f)          pendant toute la période pertinente, l’appelante était une employée par l’entreprise;

 

g)         les tâches de l’appelante consistaient notamment à programmer les cartes pour récepteurs satellites;

 

h)         l’appelante était rémunérée en espèces et par chèque pour son travail;

 

i)          au cours des années d’imposition 2001 et 2002, l’appelante a perçu au moins 220 595 $ et 135 488 $, respectivement, pour son travail;

 

            […]

 

m)        les montants déclarés en moins ont été déterminés au moyen de la méthode de la valeur nette (une copie de l’état de la valeur nette personnelle est jointe à l’annexe I);

 

n)         au cours des années d’imposition 2001 et 2002, les dépenses personnelles de l’appelante étaient égales ou supérieures à 16 086 $ et à 108 248 $, respectivement.

 

La thèse des parties

 

[5]              L’appelante déclare ne pas avoir été l’employée de l’entreprise et n’avoir jamais perçu de rémunération de quelque genre que ce soit en pareille qualité, directement ou indirectement; elle affirme ne pas bien s’y connaître en matière informatique, ne pas avoir vraiment participé à l’entreprise de son ancien fiancé, s’être rarement rendue aux locaux du magasin et avoir tout au plus répondu au téléphone une fois et avoir transmis l’appel à une autre personne ou avoir peut‑être aidé à distribuer les cartes pour récepteurs satellites à quelques reprises, au cours des périodes de pointe. Elle a témoigné travailler à plein temps comme infirmière autorisée, de 8 h 30 à 16 h 30, et ne pas avoir le temps d’exercer un autre emploi, de sorte que, contrairement aux hypothèses émises par l’intimée, elle n’a jamais été l’employée de l’entreprise et elle n’a jamais perçu de rémunération de l’entreprise. Elle a fait savoir qu’elle ne s’était jamais rendue aux locaux de l’entreprise lorsque celle‑ci était située rue Shephard et elle se rappelle uniquement s’être rendue plusieurs fois aux nouveaux locaux de l’entreprise, rue Howard.

 

[6]              Selon la thèse de l’intimée, l’appelante se livrait à la programmation et à la vente de récepteurs satellites; elle était en tout temps l’employée de l’entreprise et percevait la totalité de son revenu en espèces ou par chèque, directement ou indirectement, ce revenu étant selon l’intimée un revenu non déclaré et ayant fait l’objet d’une nouvelle cotisation selon la méthode de la valeur nette.

 

La charge de la preuve et l’ordre de présentation

 

[7]              Il n’y a pas controverse sur la partie à qui incombe la charge de la preuve quant aux questions en litige. Il revient à l’intimée de prouver que le contribuable a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou qu’il a commis quelque fraude en produisant une déclaration, comme l’exige le paragraphe 152(4) de la Loi lorsque l’année prescrite, soit dans ce cas‑ci l’année d’imposition 2001 de l’appelante, est ouverte. Il incombe au contribuable de démolir les hypothèses que le ministre a émises pour établir une nouvelle cotisation à l’égard du contribuable en vertu de l’article 52. Enfin, il incombe à l’intimée d’établir les faits justifiant l’imposition des pénalités prévues au paragraphe 163(2). Je reviendrai ci‑dessous sur la charge applicable aux questions en litige dans le contexte du droit et de la preuve, mais il importe de noter qu’étant donné qu’il incombe à l’intimée de prouver qu’il y a eu présentation erronée des faits, comme le prescrit le paragraphe 152(4), l’appelante a demandé, au début de l’audience, au moyen d’une requête, que l’intimée produise d’abord sa preuve, quant à la présentation erronée des faits pour l’année 2001 qui est prescrite, ce à quoi l’intimée s’est opposée. J’ai rejeté la requête présentée par l’appelante par une décision rendue verbalement au début de l’audience; j’ai alors indiqué que je fournirais des motifs plus détaillés dans le jugement qui serait rendu en l’espèce la présente affaire; les voici.

 

Motifs à l’appui du rejet de la requête préliminaire

 

[8]              Le paragraphe 135(2) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) dispose :

 

135(2)  Sauf directive contraire du juge, les parties font valoir leurs arguments en présentant des preuves ou en présentant à la Cour les faits sur lesquels elles se fondent, dans l’ordre suivant :

 

            a)         l’appelant;

           

b)         l’intimée;

 

c)         l’appelant à l’égard d’une contre-preuve.

 

[9]              En substance, l’appelante a demandé à la Cour de [traduction] « décider le contraire » et d’exiger que l’intimée présente une preuve de la présentation erronée des faits alléguée. Elle a invoqué à cet égard la jurisprudence et elle a soutenu que cela était plus judicieux sur le plan pratique.

 

[10]         L’appelante s’est fondée sur la jurisprudence Minister of National Revenue c. Maurice Taylor, 61 DTC 1139 (C. de l’É.); la cour a  alors exigé que l’intimé présente sa preuve en premier lieu; elle cite aussi la jurisprudence 943372 Ontario Inc. c. Canada, 2007 CCI 294, 2007 DTC 1051. La décision Maurice Taylor portait uniquement sur la question de la présentation erronée des faits sans qu’une cotisation sous‑jacente soit contestée; il était donc judicieux que la Couronne présente sa preuve en premier lieu, eu égard aux circonstances, puisqu’il n’y avait qu’une charge de présentation de la preuve et que cette charge incombait à la Couronne. L’intimée a cité le paragraphe 11 de la décision 943372 Ontario Inc. dans laquelle l’ancien juge en chef Bowman a simplement fait l’observation suivante :

 

11        Étant donné que la Couronne a la charge initiale de justifier les cotisations prescrites et les pénalités, l’avocat de l’intimée a ouvert les débats [...]

 

[11]         Malheureusement, l’ancien juge en chef Bowman n’a pas procédé à un examen détaillé du droit susceptible d’aider la présente cour à décider la question; il était saisi d’une requête en non‑lieu qui a été ajournée pour que les parties puissent faire valoir des arguments supplémentaires; cette jurisprudence est donc est peu utile en l’espèce.

 

[12]         D’autre part, la jurisprudence citée par l’intimée va, à mon avis, dans le sens de sa thèse, laquelle semble donc mieux fondée. Dans la décision The Queen c. Wellington Taylor, 84 DTC 6459 (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau a décidé que, lorsque la cotisation d’impôt est en litige et que des pénalités sont par ailleurs imposées en vertu du paragraphe 163(2), le contribuable doit présenter sa preuve en premier lieu; voici ce qu’il a observé (page 6463) :

 

Lorsque chaque partie a une preuve à présenter, le contribuable doit présenter la sienne le premier. […]

 

[13]         Le juge Rouleau a fait le raisonnement suivant (page 6461) :

 

[...] En appel, il incombe au contribuable d’écarter la cotisation. La cotisation est réputée valide à cause du paragraphe 152(8) de la Loi; il s’agit de l’appel du contribuable et celui-ci doit par conséquent démontrer que la cotisation contestée n’aurait pas dû être établie [...]

 

[14]         Il serait possible de soutenir que la jurisprudence Wellington Taylor ne portait pas sur la question d’année prescrite mais, dans la décision Levy c. The Queen, 89 DTC 5385 (C.F. 1re inst.), qui portait sur une affaire semblable à celle dont je suis ici saisi, c’est‑à‑dire une année prescrite, une cotisation contestée, un revenu non déclaré et des pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2), le juge Teitelbaum a fait l’observation suivante (page 5389) :

 

Après que la question de procédure eut été soulevée, j’ai décidé que malgré le fait que la Couronne ait la charge de prouver la présentation erronée des faits à l’égard des années d’imposition 1976 et 1977, le contribuable qui a la charge de prouver qu’une cotisation d’impôt sur le revenu est invalide doit présenter sa preuve en premier. La question de la prescription est une question secondaire.

 

[15]         Dans cette affaire, la cour a également statué que la nouvelle cotisation établie en vertu du paragraphe 152(8) est réputée valide malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission, à moins que le contribuable n’établisse qu’il ne doit pas d’impôt.

 

[16]         Il importe de noter que, dans la décision Can-Am Realty Limited c. The Queen, 94 DTC 6069 (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau, à la page 6070, a conclu que l’enseignement des jurisprudences Wellington Taylor et Levy devait être retenu; dans l’arrêt Pompa v. Canada, 94 DTC 6630 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale s’est prononcée dans le même sens au paragraphe 17 :

 

17        […] les règles applicables eu égard au fardeau de la preuve du ministre lorsqu’il est question de pénalité et lorsqu’entre en jeu l’article 163 de la Loi de l’impôt sur le revenu, ont été correctement formulées par le juge Rouleau dans The Queen v. Taylor, 84 DTC 6459, [...]

 

[17]         À mon avis, cette jurisprudence confirme qu’étant donné que les cotisations établies par le ministre en vertu du paragraphe 152(8) de la Loi sont valides, la principale question qui se pose dans ce genre d’appels qui portent également sur des questions d’années prescrites et de pénalités est néanmoins de savoir si la cotisation sous‑jacente est valide. Il importe de noter que les cotisations relatives aux années prescrites à l’égard desquelles le ministre se fonde sur le paragraphe 152(4) sont des cotisations « en vertu de la présente partie », selon le paragraphe 152(8), et qu’elles sont donc réputées valides tant que le contraire n’a pas été établi, comme l’a observé le juge Teitelbaum dans la décision Levy précitée.

 

[18]         Même s’il se peut que le contribuable ne s’acquitte pas de la charge qui lui incombe de réfuter les hypothèses émises par le ministre dans une cotisation fondée sur l’article 152, il est encore possible qu’en raison de la charge qui incombe au ministre en vertu des paragraphes 152(4) et (4.01) ou du paragraphe 163(3), le contribuable réussisse néanmoins à ne pas faire rouvrir une année prescrite aux fins de l’établissement d’une nouvelle cotisation ou à ne pas se voir imposer des pénalités pour faute lourde. La cour est néanmoins tenue de décider si le ministre s’est acquitté de la charge qui lui incombait dans les deux cas. En outre, en ce qui concerne la cotisation sous‑jacente établie en vertu de l’article 152, la charge peut être inversée, comme l’enseigne clairement la décision Dick c. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), [1991] 2 C.T.C. 2034, 91 DTC 811, qui portait également sur une question de cotisation de valeur nette sans qu’un revenu non déclaré ait été admis, la Couronne pouvant avoir à prouver ses hypothèses lorsque l’appelant peut établir l’existence d’une source de fonds différente de celle qu’elle allègue.

 

[19]         Il importe également de mentionner la décision Farm Business Consultants Inc. c. Her Majesty the Queen, 95 DTC 200, sur laquelle l’intimée a attiré l’attention de la Cour, et dans laquelle l’ancien juge en chef Bowman, après avoir examiné les jurisprudences Wellington Taylor et Levy précitées, s’est prononcé en faveur de l’appelante et a ordonné à l’intimée de présenter sa preuve en premier lieu. Comme l’avocat de l’intimée l’a fait remarquer, il est également possible de faire une distinction entre cette affaire et celle dont je suis en l’espèce saisi, ainsi que les affaires susmentionnées elles‑mêmes, en ce sens qu’il n’y était pas question d’un revenu non déclaré, le différend portant plutôt sur la valeur de l’achalandage. En outre, l’ancien juge en chef Bowman s’est fondé sur la jurisprudence Maurice Taylor qui, comme il en a ci‑dessus été fait mention, portait uniquement sur une question de présentation erronée des faits et où il n’existait aucune charge concurrente quant à la cotisation sous-jacente, soit une jurisprudence qui, comme il a été conclu dans les décisions Wellington Taylor et Levy, n’était pas pertinente quant aux cas dans lesquels chacune des parties doit s’acquitter d’une charge différente.

 

[20]         L’argument secondaire que l’appelante a invoqué à l’appui de la requête était que, pour plus de commodité, il convient que la Couronne présente sa preuve en premier lieu. L’appelante a soutenu, premièrement, que si elle connaissait la preuve de la Couronne, cela l’aiderait à réfuter celle-ci plutôt que d’avoir simplement à prouver l’inexistence d’un fait; deuxièmement, que cela accélérerait le déroulement de l’instance étant donné que, si elle a gain de cause, elle n’aura pas à citer tous ses témoins; et troisièmement, que cela permettrait la présentation d’une requête en non‑lieu si la Couronne ne réussissait pas à établir qu’une présentation erronée des faits avait été faite.

 

[21]         En l’espèce, la source de revenu alléguée par l’intimée a été invoquée. De fait, sur requête présentée par l’appelante devant le juge Webb, de la présente cour, il a été ordonné à l’intimée de modifier sa réponse afin qu’elle identifie cette source. En outre, les parties ont bénéficié d’interrogatoires préalables dans ce cas‑ci. Je ne puis conclure que l’appelante ne connaît pas la preuve qu’elle doit réfuter.

 

[22]         De plus, contrairement à ce que l’avocat de l’appelante a soutenu, il ne s’agit pas, selon moi, d’une affaire dans laquelle l’appelante doit prouver l’inexistence d’un fait. L’appelante doit démolir les hypothèses émises par l’intimée, en particulier qu’elle recevait un revenu d’emploi, en espèces ou par chèque, lequel constituait la source du présumé revenu non déclaré. L’appelante a uniquement à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a reçu de tels fonds d’autres sources non imposables ou qu’il n’existait aucune source pour tout ou partie des fonds. Comme l’enseigne la décision Dick précitée, la charge passe ensuite à la Couronne, qui doit prouver le contraire. L’appelante a en fait allégué que le revenu provenait de prêts ou de cadeaux, ou encore de biens qui ne lui appartenaient pas, ou que les hypothèses émises par la Couronne au sujet des dépenses personnelles étaient inexactes. Je ne puis voir comment cela peut obliger l’appelante à prouver l’inexistence d’un fait, au sens où elle l’entend.

 

[23]         Sur le plan pratique, la Cour doit entendre l’ensemble des éléments de preuve portant sur la question du revenu de l’année prescrite afin de déterminer le montant du revenu ainsi que sa source pour l’année 2002 et de décider s’il s’agit d’une question redondante ainsi que pour déterminer s’il a été satisfait aux différentes charges. Comme il en a été fait mention dans les décisions susmentionnées, il est néanmoins possible que l’appelante ne puisse pas s’acquitter de la charge qui lui incombe de réfuter les hypothèses sous‑tendant les nouvelles cotisations, tout en n’étant pas passible de pénalités, ou qu’elle réussisse à faire annuler la nouvelle cotisation relative à l’année prescrite. La Cour est tenue, dans ses motifs de jugement, d’examiner les différentes charges et elle peut le faire.

 

[24]         Quant à la crainte de l’appelante d’être privée de la capacité de présenter une requête en non‑lieu si la Couronne n’est pas tenue de présenter sa preuve en premier lieu, il lui est toujours loisible de présenter une requête avant de produire quelque élément de preuve, si elle estime qu’il convient de le faire compte tenu des actes de procédure ou des témoignages rendus lors des interrogatoires préalables, ou encore après avoir présenté sa preuve. Quoi qu’il en soit, une telle question se serait posée dans les décisions susmentionnées, qui portaient sur la question de savoir qui doit présenter la preuve en premier lieu et le juge s’est prononcé malgré les préoccupations exprimées au sujet d’une question de procédure possible.

 

[25]         Dans l’arrêt Lennox c. Arbor Memorial Services Inc., (2001) 56 O.R. (3d) 795 (C.A.), 2001 O.J. no 4725 (C.A.) (QL), la cour a ainsi conclu au paragraphe 13 :

 

[traduction]

 

13.       Le premier juge doit en principe prendre les mesures raisonnables en vue de s’assurer que les questions en litige soient claires, que la preuve soit présentée d’une façon ordonnée et efficace et que le procès se déroule sans encombre et en temps utile et il dispose du pouvoir nécessaire. […]

 

[26]         Bref, toutes les questions qui se posent en l’espèce sont imbriquées les unes dans les autres et, à mon avis, la façon la plus efficace et la plus juste d’instruire les présents appels consiste à veiller à ce que l’appelante suive les règles ordinaires de la Cour canadienne de l’impôt, qu’elle présente sa preuve en premier lieu et qu’elle s’exprime sur la question fondamentale de la cotisation sous‑jacente.

 

Les nouvelles cotisations relatives aux années 2001 et 2002

 

La charge de la preuve

 

[27]         Comme cela est indiqué plus haut et comme la Cour suprême du Canada l’a confirmé dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, en suivant la décision qu’elle avait rendue dans l’affaire Johnston c. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), [1948] S.C.R. 486, il incombe simplement à l’appelante de démolir les hypothèses exactes que le ministre a émises à l’appui des nouvelles cotisations, et il est satisfait à cette charge initiale lorsque l’appelante présente au moins une preuve prima facie. Comme l’appelante l’a signalé, dans l’arrêt F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’il n’existe qu’une seule norme de preuve en matière civile et qu’il s’agit d’une preuve selon la prépondérance des probabilités, la norme de preuve nécessaire pour établir une preuve prima facie. Au paragraphe 49, le juge Rothstein a ajouté:

 

49        […] Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu.

 

[28]         Comme la cour l’a confirmé au paragraphe 94 de l’arrêt Hickman Motors, précité, cette charge peut être inversée :

 

94        Lorsque l’appelant a « démoli » les présomptions du ministre, le « fardeau de la preuve [...] passe [...] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie » faite par l’appelant et prouver les présomptions; [...]

 

[29]         Il n’existe entre les parties aucune controverse quant à l’application du droit susmentionné en ce qui concerne la charge de la preuve et la norme de preuve, pour ce qui est de l’année d’imposition 2002. Toutefois, pour ce qui est de l’année d’imposition 2001, l’intimée soutient que, puisque, afin de satisfaire aux exigences du paragraphe 152(4) et d’établir une cotisation en dehors de la période normale de cotisation, il lui incombe de prouver que l’appelante a fait une présentation erronée des faits, elle doit d’abord prouver que la source de revenu de l’appelante provenait était un emploi, comme elle l’a allégué, et que l’appelante n’a pas à démolir les hypothèses émises par le ministre. Il est constant que la nouvelle cotisation relative à l’année 2001 a été établie en dehors de la période normale de nouvelle cotisation, telle qu’elle est définie au paragraphe 152(3.1) de la Loi.

 

[30]         En ce qui concerne l’appelante, cela revient dans une certaine mesure à la question de « l’œuf ou la poule », qu’elle a soulevée dans sa requête préliminaire, au début de la présente audience, et à l’égard de laquelle j’ai ci‑dessus énoncé mes motifs, question qui a également été soulevée devant le juge Margeson dans la requête préalable à l’instruction. Pour les motifs qui ont ci‑dessus été énoncés, je ne suis pas tenu de conclure d’abord qu’il y a eu présentation erronée des faits, comme l’intimée l’a prouvé, avant de me pencher sur la question de la validité de la cotisation fondée sur une analyse de la valeur nette, en application du paragraphe 152(7) de la Loi, qui autorise le ministre à établir une cotisation de valeur nette, ce qui n’est pas controversé. Comme je l’ai dit dans les motifs que j’ai énoncés dans la requête présentée au début de la présente instruction, le paragraphe 152(8) dispose sur la cotisation, y compris la cotisation fondée sur le paragraphe 152(7) qui est établie en vertu de la même partie, est réputée valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission, et ce, tant que la preuve contraire n’a pas été rapportée; de plus, les décisions Wellinton et Levy susmentionnées, enseignent que la question des années prescrites est une question secondaire, la question fondamentale étant de savoir si la cotisation est valide; je suis donc appelé à examiner en premier lieu la question de l’année prescrite, comme je l’ai déjà expliqué.

 

[31]         Quant à la question de savoir si la charge est inversée lorsqu’une année prescrite est en cause, je suis convaincu qu’il incombe à l’appelante de démolir les hypothèses émises par le ministre, même dans le cas où la cotisation est fondée sur la valeur nette. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette doctrine par l’arrêt Lacroix c. Canada, 2008 CAF 241, 2009 DTC 5029 (C.A.F.), où le juge Pelletier, a suivi l’enseignent des arrêts Hickman Motors et Johnson susmentionnés, a fait les observations suivantes au paragraphe 18 :

 

18        À mon avis, cette jurisprudence n’établit pas le principe selon lequel le ministre ne peut ajouter au revenu d’un contribuable le revenu non déclaré qu’il constate à la suite de l’application de la méthode de l’avoir net que s’il est en mesure d’établir la source de ce revenu. Notre système de perception d’impôt sur le revenu est fondé sur la déclaration du contribuable quant au revenu qu’il a touché au cours d’une année d’imposition. S’il arrive que le ministre doute, pour quelque raison que ce soit, de l’exactitude de la déclaration de revenu produite par le contribuable, il peut entreprendre l’enquête qui lui semble nécessaire. Il peut par la suite établir une nouvelle cotisation. Si le contribuable s’oppose à la nouvelle cotisation par voie d’avis d’appel, le ministre n’a pas à faire la preuve des faits à l’origine de la nouvelle cotisation. Il n’a qu’à étayer dans sa réponse à l’avis d’appel les faits qu’il a tenus pour acquis en établissant la nouvelle cotisation. Le contribuable, qui sait tout ce qu’il y a à savoir au sujet de ses affaires, a le fardeau de « démolir » les présomptions du ministre sinon ces présomptions sont présumées être vraies.

 

[32]         Par l’arrêt Lacroix précité, la cour a retenu l’enseignement du juge Létourneau, de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Molenaar c. Canada, 2004 CAF 349, 2005 DTC 5307 (C.A.F.); dans cette affaire, en ce qui concerne les années prescrites, l’avocat de l’appelant avait soutenu que, lorsqu’une cotisation est fondée sur la méthode de la valeur nette, le ministre devrait être tenu de prouver que le revenu provenait d’une source imposable. Le juge Létourneau a répondu comme suit à cette thèse, aux paragraphes 2 à 4 de ses motifs :

 

[2]        […] Autrement dit, afin de circonscrire l’application de la méthode de l’avoir net, il y aurait une présomption en faveur du contribuable que les entrées de fonds non déclarées et inexpliquées proviennent de revenus non imposables.

[3]                Avec respect, une telle présomption rendrait à toute fin pratique inutile et inopérante la méthode de l’avoir net. En outre, elle saperait à la base notre système d’impôt fondé sur des déclarations volontaires puisqu’elle reviendrait à favoriser le contribuable astucieux qui parvient le mieux, le plus efficacement et le plus longtemps à dissimuler et ses revenus et ses omissions de les déclarer.

[4]                À partir du moment où le ministère établi selon des données fiables un écart, substantiel dans le cas présent, entre les actifs d’un contribuable et ses dépenses et où cet écart demeure inexpliqué et inexplicable, le ministère a assumé son fardeau de preuve. Il appartient alors au contribuable d’identifier la source et d’établir la nature non imposable de ses revenus.

 

 

[33]         La Cour d’appel fédérale a également examiné cette approche dans l’arrêt Hsu c. Canada, 2001 CAF 240, 2001 DTC 5459 (C.A.F.), où la juge Desjardins a fait les observations suivantes au paragraphe 29 :

 

29        […] La méthode de la valeur nette est fondée sur l’hypothèse selon laquelle une augmentation de la richesse d’un contribuable au cours d’une certaine période peut être imputée au revenu pour cette période à moins que le contribuable ne démontre le contraire (Bigayan, précité, à la page 1619). Cette méthode vise à libérer le ministre de l’obligation ordinaire qui lui incombe de prouver l’existence d’une source imposable de revenu. Le ministre est uniquement tenu de démontrer que la valeur nette du contribuable a augmenté entre deux dates. En d’autres termes, une évaluation de la valeur nette ne se rapporte pas à la détermination de la source ou de la nature de l’augmentation de la richesse du contribuable. Une fois qu’il est démontré qu’il y a eu augmentation, il incombe entièrement au contribuable de séparer son revenu imposable des gains provenant de sources non imposables. […]

 

[34]         Il existe bon nombre d’éléments de preuve, et les deux parties ont admis que le ministre a établi l’écart, dans la valeur nette, entre les années ici en cause en examinant et en utilisant les renseignements que l’appelante et ses banquiers avaient fournis à la suite de demandes qu’il avait faites, renseignements entièrement fiables en l’occurrence.

 

[35]         Dans l’arrêt Hsu, paragraphe 35, la cour explique que l’appelant peut s’acquitter de trois façons de la charge qui lui incombe :

 

35        […]

 

a)         en contestant l’allégation du ministre selon laquelle il a présumé ces faits;

 

b)         en s’acquittant de son obligation de démontrer qu’une hypothèse ou des hypothèses étaient erronées; et

 

c)         en soutenant que, même si les hypothèses étaient justifiées, elles n’étayent pas en tant que telles la cotisation.

 

Les faits

 

[36]         Rappelons que l’intimée soutient que l’appelante était l’employée de Pirate Satellite Receivers et que, selon les hypothèses émises par le ministre, elle a perçu, en espèces ou par chèque, directement ou indirectement, au moyen de paiements effectués en faveur de ses parents, un montant de 220 595 $ en 2001 et un montant de 135 488 $ en 2002 à titre de rémunération pour le travail qu’elle avait effectué. Les chiffres susmentionnés figurant dans les hypothèses du ministre sont fondés sur l’analyse de la valeur nette effectuée par le ministre, et selon le rapport de vérification et le témoignage du témoin de l’intimée, l’agent chargé de la vérification, ce sont des dépôts inexpliqués effectués dans les comptes bancaires de l’appelante, de 76 640,50 $ en 2001 et de 10 969,52 $ en 2002, découverts dans le cadre de l’analyse des dépôts bancaires effectuée par le ministre, qui ont amené le ministre à procéder à l’analyse de la valeur nette.

 

[37]         Comme nous le verrons plus loin, il importe de noter que le ministre a reconnu qu’en ce qui concerne les dépôts bancaires inexpliqués de 10 969,52 $ effectués en 2002, un montant de 9 900 $ était un mandat reçu en cadeau de mariage, de sorte qu’il semble y avoir peu d’explications à donner au sujet de l’année d’imposition 2002. Selon certains éléments de preuve, l’appelante aurait reçu de ses parents des cadeaux en argent, ce qui expliquerait sans aucun doute la différence; de plus, il n’existe pas le moindre élément de preuve permettant d’établir un lien entre le reste et tout montant reçu de Pirate Satellite Receivers. En fait, l’entreprise a mis fin à ses activités au début de l’année 2002.

 

[38]         Quant à l’année 2001, des dépôts s’élevant en tout à 23 475 $ ont été effectués dans le compte 526177, à la TD Canada Trust, lequel était un compte conjoint au nom de l’appelante et de sa mère.

 

[39]         Selon la thèse de l’intimée, ces fonds appartenaient à l’appelante et non à sa mère et il ne pouvait donc pas s’agir d’un cadeau ou d’un prêt. L’intimée se fonde sur le fait que le fiancé avait effectué en faveur de la mère de l’appelante trois dépôts en argent inexpliqués dans ce compte bancaire, s’élevant en tout à 15 000 $, comme il en a ci‑dessus été fait mention, et qu’il y avait eu d’autres dépôts et, presque immédiatement après, des retraits effectués par l’appelante, s’élevant dans les deux cas à 8 475 $, ce qui donne en tout un montant de 23 475 $. De plus, il y a eu deux virements de 30 000 $ et de 35 000 $ respectivement, soit un montant de 65 000 $ en tout, du compte bancaire conjoint des parents de l’appelante à ce compte de banque, ces montants ayant initialement été [traduction] « garés » dans le compte bancaire conjoint des parents, selon l’intimée, étant donné que l’appelante n’a pas réussi à établir la source initiale de ces fonds détenus par ses parents.

 

[40]         Il ressort de la preuve que ce compte a été ouvert en 1994 et il a été établi conjointement uniquement pour des raisons de planification successorale, en vue de permettre à l’appelante d’aider sa mère sur le plan financier et de permettre le transfert de propriété au décès de celle‑ci. L’appelante a produit une preuve indiquant que des feuillets T4 avaient été établis pendant au moins cinq ans en faveur de sa mère et que le numéro d’assurance sociale de sa mère figurait sur tous ces feuillets pour toutes les années, sauf une. L’appelante a également produit une preuve indiquant que sa mère avait déclaré tout le revenu d’intérêts provenant de ce compte lorsqu’elle avait produit ses déclarations de revenus. En outre, il ressort de la preuve que la plupart des fonds qui étaient dans ce compte, soit le montant de 65 000 $ représentant les deux virements susmentionnés, provenaient d’un compte bancaire différent appartenant conjointement aux parents de l’appelante et je ne puis voir pourquoi l’appelante devrait expliquer la source de fonds appartenant à ses parents, bien qu’une explication satisfaisante soit donnée au paragraphe 65 des présents motifs. Selon certains éléments de preuve, le fiancé de l’appelante a remis de l’argent à la mère de l’appelante pour les dépôts de 5 000 $, ce qui prouve, selon l’intimée, qu’il ne s’agissait pas du compte de la mère. Toutefois, l’appelante a expliqué qu’il s’agissait de contributions que son fiancé voulait effectuer aux fins de l’achat d’un terrain que ses parents devaient financer et je ne puis voir pourquoi cette explication ne serait pas crédible lorsque deux jeunes gens sont sur le point de se marier et de construire une maison. S’il est tenu compte du fait que, dans ses écritures, l’intimée déclare elle‑même qu’en 2001, le fiancé de l’appelante avait gagné 160 966,39 $, il semble certes crédible qu’il ait été en mesure de contribuer à l’achat du terrain. Quant aux dépôts que l’appelante a effectués dans le compte, s’élevant en tout à 8 475 $, l’appelante a expliqué que la banque avait par erreur déposé ces fonds dans le compte conjoint et que, lorsqu’elle avait découvert l’erreur, la banque avait presque immédiatement retiré l’argent de ce compte pour le déposer dans son propre compte personnel. L’appelante a donné à la Cour des explications satisfaisantes au sujet de la source des fonds qui étaient dans le compte de sa mère ainsi que des dépôts contestables, si l’on peut même les appeler ainsi, et l’intimée n’a produit aucune preuve, que ce soit tendant à contredire ou à réfuter ces explications. À mon avis, l’appelante a expliqué à la satisfaction de la Cour que ce compte appartenait à sa mère et elle a expliqué d’une façon satisfaisante les soi‑disant dépôts inexpliqués.

 

[41]         Quant au reste des dépôts, le montant de 36 970 $ représente des dépôts dans le compte 531661 de l’appelante, à la TD Canada Trust, et le montant de 16 195,50 $, des dépôts dans le compte 67229169 de l’appelante, à la CIBC.

 

[42]         En ce qui concerne le compte à la TD Canada Trust, l’analyse des dépôts a révélé que les dépôts suivants avaient été effectués dans le compte bancaire de l’appelante, en 2001 :

 

25 avril                  9 000 $        Chèque émis par Pirate Satellite Receivers

 

27 avril                  3 000 $        Dépôt en argent

 

9 juin                     9 500 $        Chèque émis par Pirate Satellite Receivers

 

18 sept.                 1 820 $        Dépôt en argent

 

5 nov.                   13 100 $      Dépôt en argent

 

[43]         Quant au compte à la CIBC, l’analyse des dépôts a révélé que les dépôts suivants avaient été effectués dans le compte bancaire de l’appelante en 2001 :

 

4 800 $                  Total des dépôts en argent effectués sur trois jours, en janvier

 

11 395,50 $           Chèque de Pirate Satellite Receivers

 

[44]         L’explication que l’appelante a donnée au sujet de ces dépôts figure ci‑dessous.

 

[45]         Les trois chèques reçus de Pirate Satellite Receivers, s’élevant en tout à 29 895,50 $ avec les dépôts en argent, à l’exception d’un montant de 7 920 $ se rapportant au dépôt en argent effectué le 5 novembre 2001, représentant le dépôt de l’argent reçu en cadeau lors d’une réception organisée pour les fiançailles de l’appelante sur lequel nous reviendrons ci‑dessous, représentaient des contributions effectuées par le fiancé de l’appelante pour les dépenses futures se rattachant à leur nouveau foyer en tant que couple marié, y compris l’achat de meubles ainsi que d’autres dépenses y afférentes. Le fiancé de l’appelante était propriétaire de l’entreprise et il a décidé de faire émettre les chèques au nom de l’appelante. À vrai dire, l’intimée admet que le fiancé était propriétaire de l’entreprise, initialement dans le cadre d’une société de personnes avec un certain P. Reid, et ensuite en tant que propriétaire individuel et enfin à titre d’unique actionnaire, après le mois d’octobre 2001, et l’intimée a en outre admis qu’en 2001, le revenu imposable du fiancé s’élevait à 160 966,39 $, comme il en a ci‑dessus été fait mention. Je ne puis rien trouver de répréhensible dans de telles opérations et je conclus que l’explication donnée par l’appelante est crédible étant donné le mariage imminent. Bien qu’elle eût admis que le fiancé avait également fait l’objet d’une vérification, l’intimée n’a présenté aucun élément de preuve, quel qu’il soit, donnant à penser que ces paiements provenaient d’une source imposable entre les mains de l’appelante, mais elle admet plutôt que le fiancé disposait d’un revenu suffisant provenant d’une source imposable entre ses mains pour être en mesure de remettre l’argent. En outre, l’intimée aurait pu se renseigner auprès de l’ancien associé, P. Reid, au moyen d’une demande de renseignements, mais elle a décidé de ne pas le faire, de sorte qu’elle ne s’est pas prévalue de la possibilité de prouver le contraire une fois que l’appelante avait satisfait à l’obligation qui lui incombait.

 

[46]         Je note également que ces dépôts n’ont pas été effectués tout l’année durant en tant que paiements périodiques, ni en montants identiques donnant à penser qu’il s’agissait du paiement d’un traitement ou d’un salaire; en outre, je retiens le témoignage de l’appelante lorsqu’elle déclare qu’elle travaillait à plein temps comme infirmière autorisée à l’Unité sanitaire de Windsor comté d’Essex. Je ne puis croire que, simplement parce que l’appelante allait de temps en temps voir son fiancé à son lieu d’affaires et parce qu’elle faisait des courses, par exemple en allant parfois chercher le repas de son fiancé, ou même parce qu’elle avait à trois reprises aidé à remettre les cartes programmées lors de périodes de pointe, cela prouve qu’elle exerçait un emploi chez Pirate Satellite Receivers, comme l’allègue l’intimée, et en fait j’ai trouvé fort crédible la preuve produite par l’appelante et par son amie et collègue de travail à l’Unité sanitaire Windsor comté d’Essex, lorsqu’elles ont affirmé que l’appelante ne s’y connaissait pas en matière informatique et qu’elle n’avait pas le temps de travailler à l’entreprise de son fiancé. En outre, la thèse de l’intimée selon laquelle l’appelante connaissait les heures d’ouverture, les noms des autres employés, le nom de la personne qui s’occupait de l’entretien des locaux et de la personne qui s’occupait des paiements en argent et qu’elle avait d’une façon générale connaissance des activités de l’entreprise, ce qui donnerait à penser qu’elle était une employée, ne constitue tout simplement pas une preuve suffisante de ce statut d’employée et, à vrai dire, cela est davantage compatible avec les renseignements que tout observateur ordinaire ou que toute personne se rendant aux locaux de l’entreprise pourrait facilement obtenir.

 

[47]         Je note également que les trois chèques et plusieurs des dépôts susmentionnés sont les seuls paiements que l’appelante a reçus qui permettraient d’établir un lien entre l’appelante et le lieu d’affaires de son fiancé et que le total des montants représente moins de 25 p. 100 du soi‑disant traitement ou salaire qui, selon l’intimée, aurait été versé à l’appelante, paiements à l’égard desquels l’appelante a donné des explications indiquant qu’ils ne se rapportent aucunement à un traitement ou à un salaire.

 

[48]         En l’espèce, je conclus que l’appelante s’est acquittée de la charge qui lui incombait de prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle n’exerçait pas d’emploi auprès de Pirate Satellite Receivers et qu’elle ne recevait pas de salaire ou de traitement de l’entreprise, ce qui en soi démolirait, à mon avis, les hypothèses émises par le ministre, qui a supposé qu’un revenu d’emploi était l’unique source de fonds expliquant les écarts dans la valeur nette de l’appelante. Toutefois, l’appelante a également produit une preuve supérieur à la prépondérance des probabilités en établissant qu’elle avait reçu ces fonds ou ces actifs d’autres sources non imposables, lesquels si des rajustements étaient apportés à la cotisation établie par le ministre rendraient à mon avis la cotisation intenable. La preuve de l’appelante était crédible et logique et l’intimée n’a pas produit de preuve en sens le contraire.

 

[49]         Dans l’arrêt Hickman Motors, la Cour suprême du Canada enseigne clairement que, lorsque la Loi de l’impôt sur le revenu n’exige pas de documents justificatifs, la preuve verbale crédible du contribuable est suffisante malgré l’absence de documents. N’est pas fondée la thèse de l’intimée selon laquelle devrait incomber à l’appelante, en son soi‑disant rôle d’employée, de produire des éléments de preuve documentaires au sujet de l’emploi. L’intimée a uniquement fait valoir que l’appelante était l’employée, et non qu’elle était administratrice, actionnaire, dirigeante ou associée de l’entreprise; pourquoi donc devrait-elle être tenue d’établir de tels documents? Dans l’arrêt Hickman Motors, la cour a également conclu au paragraphe 48 :

 

48        […] En outre, l’intimée n’a présenté aucune preuve qui aurait pu être soupesée au regard de celle de l’appelante. [...] Par conséquent, la preuve de l’appelante doit être acceptée [...]

 

Et au paragraphe 93 :

 

93        […] Il est établi en droit qu’une preuve non contestée ni contredite « démolit » les présomptions du ministre : [...]

 

[50]         Est allée dans le même sens la décision Zink c. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), 87 DTC 652, que la Cour suprême du Canada a citée dans l’arrêt Hickman Motors précité, où il a été conclu au paragraphe 3, en ce qui concerne la preuve verbale de M. Zink :

 

3          [...] sa déclaration sous serment, [...] devrait suffire à favoriser son appel sauf si cette déclaration est contestée et réfutée de façon pertinente par le Ministre. [...]

 

[51]         Il importe de noter que dans la décision Zink, la cour a conclu que la preuve de l’appelant devait être retenue en dépit de grosses lacunes sur les plans logique, chronologique et sur le fond, lorsque le ministre ne réussit pas à expliquer pourquoi les montants en cause sont établis comme constituant le type de revenu allégué.

 

[52]         En l’espèce, je ne puis constater aucune importante lacune logique, chronologique ou substantive. L’appelante a produit une preuve directe au sujet de la source des dépôts inexpliqués qui ont donné lieu à l’analyse de la valeur nette et, à mon avis, elle a établi au‑delà de la prépondérance des probabilités qu’elle n’était pas l’employée de l’entreprise et qu’elle n’avait pas reçu de revenu d’emploi.

 

[53]         Rappelons-le, il incombe à  l’appelante de démolir chacune des hypothèses de fait émises par le ministre. Or, elle a clairement démoli les hypothèses énoncées aux alinéas 13a), f), g), h) et i). Je conclurais également qu’étant donné que l’hypothèse énoncée à l’alinéa 13m) fait mention des [traduction] « montants déclarés en moins », quant aux paiements se rapportant au travail, elle a de fait également démoli cette hypothèse. Toutefois, l’intimée a soutenu que, même si le ministre allègue une source de fonds, il n’est pas réellement tenu de le faire, compte tenu de l’enseignement des jurisprudences Lacroix, Molenaar et Hsu qu’elle a invoquées. Je conviens que si une source de revenu n’a pas été alléguée, le ministre peut se fonder sur l’écart dans le revenu allégué, comme cela a été fait dans ces affaires, mais en l’espèce l’unique source de fonds identifiée provenait d’un revenu d’emploi, de sorte qu’il semble inutile de procéder à l’analyse détaillée de la cotisation de valeur nette puisque le fondement de celle-ci a été démoli.

 

[54]         Toutefois, au cas où ma conclusion serait erronée, j’examinerai également les divers rajustements résultant des sources de revenu non imposables ou des sources de revenu qui n’en était pas un, dont un grand nombre ont été reconnues par le ministre au cours de l’instruction à l’égard de la cotisation de valeur nette et des hypothèses émises par le ministre à ce sujet.

 

1.       Les cadeaux de mariage

 

[55]         L’appelante a soutenu avoir reçu des cadeaux lors de son mariage, le 10 août 2002, lesquels s’élevaient en tout à un montant de 77 725 $ remis en argent ou au moyen de mandats, ce que le ministre a contesté au motif qu’il n’existait aucune preuve de dépôts bancaires à cet égard. Le ministre a uniquement admis un montant de 7 484,99 $ représentant des chèques reçus par l’appelante et déposés dans son compte, montant qui n’était pas inclus dans le montant de 77 725 $ qui est encore en cause.

 

[56]         Selon la preuve produite par l’appelante, plus de 400 personnes ont été invitées au mariage et la plupart ont donné des cadeaux en argent. La liste des invités indiquant les contributions qu’ils avaient faites a été remise à la Cour. Le témoignage de l’appelante et de quatre autres personnes a confirmé que les familles croates ont l’habitude de donner des cadeaux en argent lors d’événements tels que des réceptions‑cadeaux, des réceptions de fiançailles et des mariages et que les montants donnés sont consignés par écrit, de façon que dans l’avenir, l’heureux couple ou leurs familles veillent à donner des cadeaux similaires lorsqu’ils sont invités à des événements organisés par les invités ou par les familles des invités. L’appelante a produit la liste des cadeaux qui avaient été remis; de plus, des témoins indépendants ont confirmé avoir donné essentiellement ce qui était inscrit sur la liste. L’appelante a même produit des faire‑part de mariage dans lesquels les montants donnés étaient inscrits. Je note avec intérêt que le vérificateur de l’ARC est même allé jusqu’à donner un coup de téléphone à la salle de réception afin d’obtenir confirmation du nombre d’invités qui avaient assisté au mariage. Le vérificateur de l’ARC a témoigné que l’appelante lui avait fourni cette liste quelques semaines seulement avant l’instruction et qu’elle n’avait pas coopéré en ce qui concerne la communication des renseignements qu’il avait demandés, comme elle l’a reconnu; cependant, l’appelante a expliqué que c’était parce que l’idée qu’un vérificateur de l’ARC appelle les invités pour confirmer ce qu’ils avaient donné la gênait. À vrai dire, j’estime que cette explication est tout à fait compréhensible et il semble que l’ARC a fait preuve d’excès de zèle à ce sujet. Il semble notoire que, dans un grand nombre de pays européens et asiatiques, on donne des cadeaux en argent à ces occasions, et l’avocat de l’intimée a même affirmé qu’il savait que cette coutume était suivi par les Italiens, mais non pas chez les Croates. Je rejette cette affirmation. Le fait qu’il a permis que plusieurs chèques s’élevant en tout à 7 484,99 $ soient comptés en tant que cadeaux de mariage indique sans aucun doute qu’il savait qu’il s’agissait d’une pratique commune au sein de la collectivité croate, et il a même admis, lors du contre‑interrogatoire, avoir comparé certains des chèques reçus en cadeau aux montants inscrits sur les faire‑part de mariage et avoir constaté que les montants correspondaient, ce qui rend encore plus digne de foi le témoignage que l’appelante a rendu au sujet de la liste.

 

[57]         Sur le montant de 77 725 $ initialement refusé, il y avait un mandat de 9 900 $ qui avait été remis comme cadeau de mariage par la belle‑mère et par deux tantes de l’appelante, ce que l’intimée a reconnu lors de l’instruction, ainsi qu’une traite bancaire de 20 000 $ remise par les parents de l’appelante, que l’intimée contestait encore au motif qu’il était étrange que les parents n’aient pas simplement émis un chèque au lieu de remettre une traite bancaire et parce qu’il y avait trois dépôts inexpliqués de 5 000 $ chacun qui avaient été effectués dans le compte bancaire conjoint dont il a ci‑dessus été fait mention et qui avaient été remis à l’appelante par son fiancé, Sang Nguyen, qui était la cible initiale de l’enquête menée par l’ARC. La traite bancaire a manifestement été émise par les parents et elle a été achetée juste avant le mariage; de plus, il y avait dans le compte d’autres fonds, à part les trois dépôts inexpliqués en question. L’appelante a expliqué que l’on avait eu recours à une traite bancaire parce qu’il n’y avait pas de chèques se rattachant à ce compte et que les trois dépôts représentaient les montants que son futur époux avait versés à ses parents, qui devaient financer l’achat du terrain dont il a ci‑dessus été question. L’appelante a fourni des explications satisfaisantes sur ces questions; elle a rapporté la preuve d’un cadeau de mariage remis par ses parents, étant donné en particulier que l’intimée n’a produit aucun élément de preuve en sens contraire crédible, bien qu’elle ait soutenu que les fonds remis par le futur beau‑fils devaient avoir été blanchis, sans aucune preuve quelle qu’elle soit de la chose. Le reste du montant global auquel s’élevaient les cadeaux de mariage était composé de cadeaux individuels en argent dont le montant avait été consigné sur les faire‑part de mariage après le mariage et qui figuraient sur la liste produite en preuve; je suis d’avis qu’il s’agit d’une preuve convaincante, très solide, et même concluante, qu’il s’agissait de cadeaux. En résumé, je conclus qu’en 2002, l’appelante a reçu en cadeaux de mariage un montant de 77 725 $ en argent et au moyen de mandats.

 

[58]         Il importe également de noter que, pour l’année 2002, l’ARC a considéré le cadeau de mariage de 20 000 $ des parents comme étant de l’argent en caisse appartenant à l’appelante; par conséquent, étant donné qu’il s’agit d’un cadeau de mariage, ce montant doit être exclu du calcul, de façon à éviter de le traiter comme un revenu de source imposable.

 

2.       L’argent remis lors de la réception‑cadeau de fiançailles

 

[59]         Au mois d’octobre 2001, l’appelante a organisé une réception‑cadeau; elle soutient avoir reçu des cadeaux en argent d’une valeur de 7 920 $. La demoiselle d’honneur de l’appelante était chargée de consigner par écrit sur les faire‑part les cadeaux qui avaient été remis; elle a témoigné l’avoir fait et la liste des personnes qui avaient remis des cadeaux ainsi que des cadeaux qui avaient été donnés a été versée en preuve. J’estime qu’il s’agit d’une preuve solide indiquant que l’appelante a reçu ces cadeaux en argent conformément à la coutume suivie dans la culture croate dont il a été fait mention ci‑dessus en ce qui concerne les cadeaux de mariage donnés en argent. L’agent de l’ARC a témoigné avoir refusé ce montant parce qu’il n’existait aucune preuve d’un dépôt d’un tel montant dans le compte bancaire de l’appelante et parce que, lors d’une entrevue initiale avec l’appelante, il avait informé l’appelante qu’aucun dépôt n’avait été effectué et que cette dernière en avait convenu. L’appelante a expliqué que le montant de 13 100 $ en argent avait été déposé environ une semaine plus tard, ce qui comprenait les cadeaux reçus lors de la réception‑cadeau, le reste étant un cadeau ou une contribution de son futur mari; elle a également dit que, lors de l’entrevue initiale, elle ne se rappelait pas avoir déposé l’argent plusieurs années auparavant et qu’elle n’avait pas eu la possibilité de se préparer pour la myriade de questions posées par le vérificateur. Je suis d’avis que le témoignage de l’appelante, corroboré par son frère, sa demoiselle d’honneur et une tante, est fort crédible et je conclus que l’appelante a reçu, lors de la réception, des cadeaux en argent d’une valeur de 7 920 $ en 2001.

 

3.       Les cadeaux d’appareils électroménagers remis lors de la réception organisée à l’occasion du mariage

 

[60]         L’appelante a organisé, le 5 mai 2002, une réception‑cadeau à l’occasion de son mariage; elle soutient avoir reçu en cadeau des appareils électroménagers que divers membres de la famille avaient achetés chez Essex Appliances, l’ARC ayant refusé à cet égard un montant de 6 155,15 $. L’appelante a témoigné s’être inscrite chez Essex Appliances pour des cadeaux et elle a produit la facture d’Essex Appliances indiquant quatre appareils électroménagers qui avaient été payés comptant ou au moyen de diverses cartes de crédit. L’appelante a également produit des cartes d’invitation dans lesquelles il était fait mention de ces cadeaux et son frère et sa belle‑mère ont témoigné qu’il avaient de fait remis des cadeaux. En outre, lorsque l’ARC a rejeté cette preuve au cours de l’enquête, en particulier en ce qui concerne la belle‑mère qui, selon l’ARC, avait utilisé une carte de crédit frauduleuse ou n’avait pas les moyens d’acheter de tels appareils, l’appelante a remis à l’ARC les relevés de carte de crédit eux‑mêmes de sa belle‑mère, sur lesquels figuraient les articles en question. Apparemment, l’ARC a néanmoins refusé d’accepter cette preuve et l’appelante est allée jusqu’à produire une lettre du banquier de sa belle‑mère confirmant que la carte de crédit était valide. À l’instruction, l’intimée a reconnu que la belle‑mère avait donné en cadeau un appareil électroménager d’une valeur de 1 804,35 $. À mon avis, l’appelante a fait beaucoup plus que ce qui était nécessaire dans ce cas‑ci en établissant que ces cadeaux avaient été donnés, et il est inadmissible de la part de l’agent de l’ARC d’avoir rejeté la preuve solide remise par l’appelante. Je conclus que l’appelante a bel et bien reçu en cadeau ces appareils électroménagers, d’une valeur globale de 6 155,15 $ en sus des montants admis par l’ARC en 2002, et l’intimée n’a pas produit d’éléments de preuve en sens contraire.

 

4.       Le prêt consenti par les parents

 

[61]         L’appelante a affirmé avoir reçu un prêt de 71 429,85 $ de ses parents, qu’elle a plutôt qualifié de prêt à remboursement conditionnel, pour lequel un chèque avait été tiré sur le compte conjoint 526177 à la TD Canada Trust aux noms de l’appelante et de sa mère. Il ressort des éléments de preuve que ces fonds ont servi à l’achat d’un terrain à bâtir sur lequel l’appelante et son futur époux devaient construire leur maison, et une preuve a été produite à l’égard du compte en fiducie de l’avocat, indiquant que ces fonds avaient été reçus et qu’ils avaient servi à l’achat du terrain.

 

[62]         Selon la thèse de l’intimée, les fonds provenant de ce compte appartenaient à l’appelante et non à la mère de l’appelante, comme cela est indiqué de manière plus détaillée aux paragraphes 38 à 40.

 

[63]         Je note également que, selon la preuve que l’appelante ainsi que le frère et la tante de l’appelante ont soumise, les Kozar, qui étaient les parents de l’appelante, étaient des travailleurs acharnés qui avaient épargné beaucoup d’argent au cours de leur vie, qui ne dépensaient jamais d’argent à des fins personnelles ou pour aller au restaurant, qui s’étaient toujours montrés généreux envers leurs enfants et qui consacraient en fait leur vie à veiller à ce que leurs enfants réussissent et à ce qu’il soit pourvu à leurs besoins dans la vie. Mme Kozar était trop malade pour témoigner et M. Kozar n’a pas témoigné, étant donné que ce n’était pas celui qui était responsable des finances de la famille, ce rôle étant assumé par Mme Kozar avec l’aide de ses deux enfants, mais je conclus que ce prêt ou ce prêt à remboursement conditionnel, qui était un genre de cadeau, est conforme aux caractéristiques culturelles et personnelles des Kozar. Quoi qu’il en soit, compte tenu de la preuve claire qui a été présentée à l’instruction, je conclus que le compte à la TD Canada Trust appartenait à Mme Kozar et non à l’appelante et que le terrain a été acheté à l’aide des fonds provenant de ce compte. La preuve du vérificateur selon laquelle M. Kozar gagnait en moyenne de 40 000 à 50 000 $ par année, et parfois 60 000 $, ne constitue pas à mon avis une preuve utile donnant à penser que les Kozar, au cours de leur vie, n’auraient pas pu accumuler les économies nécessaires pour financer des cadeaux aussi généreux; au mieux, il s’agit là de conjectures. Par conséquent, l’appelante doit se voir accorder, pour l’année 2001, un crédit à l’égard d’un prêt ou d’un cadeau (et je ne puis constater aucune différence quant à leur caractérisation) de 71 429,85 $. Il importe également de noter que l’ARC a inclus un montant de 1 605,78 $ dans la cotisation de valeur nette, en 2001, en se fondant sur le fait que ce montant représentait la différence entre les montants versés dans le compte et les montants retirés, de sorte qu’il a été désigné comme constituant des [traduction] « paiements additionnels aux parents » sous la rubrique des dépenses personnelles. Comme il a été conclu que le compte appartenait à la mère, on ne saurait accuser l’appelante d’avoir donné à sa mère de l’argent qui appartenait à celle‑ci et le montant qui a été inclus doit donc également être supprimé.

 

[64]         Indépendamment des faits de l’affaire qui m’ont amené à la conclusion susmentionnée, à savoir que le compte à la TD Canada Trust appartenait à la mère de l’appelante, je retiens également l’interprétation de la jurisprudence Succession Madsen c. Saylor, [2007] 1 R.C.S. 838 défendue par l’appelante; la Cour suprême du Canada y confirme qu’en ce qui concerne des fonds détenus dans un compte bancaire appartenant conjointement à un père ou une mère et son enfant, il existe une présomption de fiducie résolutoire selon laquelle ces fonds appartiennent à la mère. Par conséquent, par cette fiducie par inférence, à mon avis, l’appelante s’est également acquittée de la charge de présenter une preuve prima facie montrant que le montant du prêt en question provenait de biens appartenant à sa mère, soit une source non imposable. L’intimée ne s’est donc pas acquittée de la charge de prouver le contraire.

 

[65]         Enfin, j’aimerais faire certaines remarques au sujet de la preuve selon laquelle l’appelante a emprunté de l’argent à l’aide de sa ligne de crédit et qu’elle a remboursé le prêt à sa mère en effectuant un paiement de 100 000 $ qui, comme elle l’a expliqué, comprenait les intérêts et visait à remercier sa mère de sa générosité. La mère a par la suite rendu ce montant, ce qui montre encore une fois qu’elle le considérait comme un cadeau. L’explication que l’appelante a donnée au sujet de l’opération était que le vérificateur de l’ARC lui avait expliqué qu’il serait avantageux pour elle que les fonds soient considérés comme un prêt et qu’il les considérerait comme tels si elle réussissait à fournir une preuve de remboursement. L’appelante a donc pris les dispositions afin d’emprunter ces fonds et de les remettre à sa mère qui, a‑t‑elle déclaré, hésitait à accepter l’argent, mais comprenait que cela serait avantageux pour sa fille. Après avoir demandé des conseils juridiques et des conseils comptables appropriés, l’appelante s’est rendue compte que cela n’était pas nécessaire et la mère lui a remis les fonds. Cette opération dans son ensemble ne change rien au fait que c’était la mère qui possédait au départ ces fonds et qu’elle les avait prêtés ou donnés à son enfant, de sorte que la question semble redondante. L’intimée a demandé à la Cour de déduire que cette opération prouve uniquement que l’appelante manipulait ses propres fonds, mais la seule explication raisonnable, compte tenu des circonstances dans lesquelles l’opération a été effectuée, était que l’appelante a agi à son profit sur les conseils du vérificateur de l’ARC, conseils qu’elle a suivis, et qu’elle a ensuite changé d’idée lorsqu’elle a découvert que cela n’était tout simplement pas nécessaire. Aucune autre explication ou preuve raisonnable n’a été produite sur ce point, de sorte que l’explication de l’appelante est selon moi crédible. En outre, le témoignage du vérificateur de l’intimée, à savoir qu’il ne savait pas que l’appelante avait émis un chèque de 100 000 $ pour rembourser sa mère, de sorte qu’il ne pouvait pas considérer ce montant comme un prêt, n’est pas crédible. Le vérificateur a témoigné que le dossier lui avait été attribué et que tout document demandé selon le processus d’accès à l’information serait tiré de son dossier; pourtant, il ne savait pas qu’une copie du chèque avait été remise à l’appelante à la suite de la demande d’accès à l’information qu’elle avait faite, copie qui a été produite en preuve. La preuve montre également que le vérificateur a présenté une demande de renseignements à la CIBC, qui est la banque de l’appelante, afin d’obtenir des renseignements au sujet du compte sur lequel ce chèque avait été tiré, de sorte qu’il semble fort probable que le vérificateur ait reçu les renseignements voulus au sujet de ce chèque en réponse à cette demande. Je retiens le témoignage de l’appelante lorsqu’elle affirme ne pas avoir fourni de copie de ce chèque au vérificateur. La question du remboursement est sans objet vu les conclusions que j’ai tirées plus haut, mais elle laisse planer un doute sur la crédibilité du vérificateur.

 

[66]         Étant donné que j’ai ci‑dessus conclu que, pour les motifs énoncés ci‑dessus, les fonds qui étaient dans ce compte conjoint appartenaient à la mère de l’appelante, l’appelante doit avoir droit à un crédit de 44 326,75 $ en 2001 et de 19 231,76 $ en 2002, représentant les soldes de fin d’année de ce compte, lesquels ont été traités par l’intimée comme des actifs appartenant à l’appelante. De même, il faut soustraire un montant de 35 529,70 $ de la liste d’actifs de l’année de base 2000, représentant le solde bancaire de fin d’année de ce compte erronément attribué à l’appelante.

 

5.       Les REER

 

[67]         Le ministre a reconnu que l’appelante avait droit à un crédit de 2 000 $ pour l’achat de REER d’AGF en 2001.

 

[68]         Au cours de l’instruction, le ministre a également reconnu que la valeur des REER personnels de l’appelante, au 31 décembre 2000, était de 9 689 $ plutôt que de 4 000 $, de sorte que l’appelante doit se voir accorder un crédit de 5 689 $ pour l’année de base 2000. Un problème se pose quant au montant crédité étant donné que l’appelante soutient qu’il devrait être de 6 027 $ au motif que le REER s’élevait à 10 027 $ au 31 décembre 2000. L’argument invoqué par le ministre en ce qui concerne cet écart est que la différence représenterait les cotisations effectuées par l’appelante cette année‑là, lesquelles auraient été déductibles et dont il aurait donc été tenu compte dans son revenu de cette année‑là, ce qui semble raisonnable pour éviter de créditer en double cette différence, comme l’avocat de l’appelante l’a reconnu.

 

[69]         En somme, l’appelante à droit à des crédits s’élevant en tout à 7 689 $ au titre des REER, conformément aux rajustements susmentionnés.

 

6.       La voiture de marque Acura

 

[70]         Le ministre a ajouté à la liste des actifs de l’appelante en 2001 la valeur d’une voiture Acura, s’élevant en tout à 57 500 $, représentant le prix d’achat, de 50 000 $, plus les taxes applicables, au motif qu’au cours de la vérification, l’appelante avait admis que la voiture était enregistrée à son nom. L’appelante affirme s’être sentie obligée de déclarer que la voiture lui appartenait compte tenu du fait qu’elle était enregistrée à son nom et elle estimait être tenue de le faire par suite de la demande de renseignements présentée le 11 septembre 2003. L’appelante a produit des preuves montrant que c’était son fiancé qui avait acheté la voiture à l’aide de ses propres fonds, qu’il l’avait vendue en 2002 et que la voiture avait uniquement été enregistrée à son nom (c’est‑à‑dire au nom de l’appelante) pour qu’ils puissent tirer parti des meilleurs taux d’assurance offerts par la société d’assurance. L’intimée a reconnu qu’aucun élément de preuve n’indiquait qu’un retrait avait été effectué des comptes bancaires de l’appelante aux fins de l’achat de la voiture ou que le produit de la vente de la voiture y avait été déposé. L’appelante a témoigné qu’elle ne pouvait pas conduire une voiture à transmission manuelle et qu’elle avait uniquement essayé de conduire la voiture environ trois fois, lorsque son fiancé essayait de lui apprendre à conduire une voiture à transmission manuelle. En outre, l’appelante a témoigné que lorsqu’elle avait demandé conseil à son comptable, il avait été convenu qu’elle détenait la voiture en fiducie pour son fiancé et qu’elle n’en avait pas la propriété effective. Je suis d’avis que le témoignage de l’appelante est crédible sur ce point et, à vrai dire, puisqu’il n’existe aucune preuve de retraits des comptes bancaires de l’appelante aux fins de l’achat de la voiture ni de dépôts dans le compte bancaire de l’appelante lors de la vente de la voiture, ce témoignage semble tout à fait en accord avec l’explication que l’appelante a donnée. En outre, l’aveu de l’intimée, selon lequel le mode opératoire de l’ex‑époux de l’appelante consistait à placer les actifs qu’il achetait aux noms d’autres personnes et le témoignage du vérificateur, lorsqu’il a déclaré soupçonner que la voiture appartenait au mari, confirmaient la position de l’appelante et sa crédibilité sur ce point. Par conséquent, l’appelante doit se voir accorder un crédit de 57 500 $ à titre de déduction à effectuer sur ses actifs, en 2001, et le montant de 21 701 $, représentant une perte non déductible subie lors de la vente du véhicule, laquelle a été ajoutée à titre de dépense au cours de l’année 2002, doit également être déduit pour l’année 2002, de façon à annuler l’effet de l’attribution à l’appelante de la voiture et du produit y afférent.

 

[71]         Lors du contre‑interrogatoire, l’intimée s’est montrée fort agressive lorsqu’il s’est agi de contester la crédibilité de l’appelante et de soutenir que l’appelante avait menti à la société d’assurance afin d’obtenir pour son fiancé des taux d’assurance plus favorables que ceux que celui‑ci aurait obtenus si la voiture avait été enregistrée à son nom, et qu’il ne faudrait donc pas croire l’appelante quant à la propriété du véhicule. Je ne vois rien de surprenant à ce qu’un couple qui est sur le point de se marier organise ses affaires de façon à pouvoir économiser de l’argent. En outre, l’appelante a témoigné qu’elle avait répondu honnêtement à toutes les questions posées par la société d’assurance et qu’elle avait pu faire assurer le véhicule. Je ne suis donc pas prêt à conclure que, compte tenu de sa conduite, l’appelante n’était pas crédible puisque ses explications étaient crédibles et logiques et que l’intimée n’a produit aucune preuve en sens contraire.

 

7.       Les placements à long terme

 

[72]         L’appelante s’est opposée à l’inclusion à titre d’actif d’un contrat de placement garanti (« CPG ») de 50 000 $ à la CIBC en 2002 au motif qu’il appartenait à sa mère; il a été produit devant la Cour la preuve que le certificat de placement appartenait à la mère de l’appelante. Le ministre a convenu que cet actif appartenait à la mère et que l’appelante doit donc obtenir un crédit de 50 000 $ pour l’année 2002 à titre de déduction à effectuer sur ses immobilisations et ses actifs à long terme, l’intimée ayant ajouté ce montant aux actifs personnels de l’appelante.

 

[73]         L’intimée a reconnu cet autre élément, mais il est intéressant de noter que le montant en question n’a pas été inclus à titre d’actif de l’appelante en 2001, mais qu’il a uniquement été inclus en 2002, même si, selon certains éléments de preuve, il appartenait déjà à la mère de l’appelante. Cette incohérence vient renforcer la preuve selon laquelle le certificat n’a jamais appartenu à l’appelante; de plus, elle suscite des préoccupations réelles au sujet du caractère adéquat et de la crédibilité de l’analyse de la valeur nette effectuée par l’intimée dans son ensemble.

 

8.       Les actions et les fonds communs de placement à la CIBC

 

[74]         L’intimée a crédité à l’appelante dans la cotisation de valeur nette un montant de 50 000 $ et un montant de 1 000 $ en 2000, soit l’année de comparaison pour l’année d’imposition 2001, à l’égard de certificats de placement VDD (ordre valable jusqu’à une date donnée), alors que l’appelante a affirmé que les montants en question auraient dû s’élever à 55 401 $ et à 1 488 $, vu la valeur des certificats au 31 décembre 2000. Après que le vérificateur eut fait l’objet d’un contre‑interrogatoire agressif, l’intimée a expliqué que la différence entre les montants représente l’augmentation de la valeur du certificat entre la date de son achat initial, en 1996, le montant y afférent étant imposable chaque année à titre de revenu d’intérêts entre les mains de l’appelante, de sorte qu’il s’agissait de l’impôt payé par l’appelante. Par conséquent, l’augmentation de valeur a été créditée à l’appelante dans le calcul se rapportant à l’année en question et le montant en cause ne pouvait pas être de nouveau inclus,  car il ne devait pas être compté en double; cette approche m’apparait sensée.

 

[75]         L’intimée a reconnu que l’appelante devrait se voir accorder un crédit de 488 $ en 2000, de 801 $ en 2001 et de 498 $ en 2002 à l’égard des fonds communs de placement à la CIBC, ces montants n’ayant pas été ajoutés au revenu imposable d’années antérieures, car il fallait assurer la conformité avec l’approche adoptée au sujet des titres dont il a ci‑dessus été fait mention.

 

9.       Les impôts fonciers

 

[76]         L’intimée a inclus un montant de 5 492,76 $ au titre des impôts fonciers payés par l’appelante pour l’année d’imposition 2002 au motif que ce montant a été établi d’après les faits. Or, selon la preuve, l’appelante a produit à l’intimée ce qui est selon moi un élément concluant provenant de la Ville de Windsor, à savoir un reçu indiquant que les impôts, cette année‑là, ne s’élevaient qu’à 2 449,96 $. Cet élément a été rejeté par le vérificateur, qui a témoigné que l’ARC avait envoyé son propre agent aux bureaux de la Ville afin de confirmer les impôts et que le montant plus élevé avait été fixé, tel qu’il [traduction] « avait été établi d’après les faits. » Cet agent de l’ARC n’a pas témoigné. L’appelante est ensuite allée jusqu’à obtenir une lettre du service des finances de la Ville de Windsor, qui confirmait également le montant dont l’appelante avait fait mention à l’ARC au cours du processus d’appel et qui n’était toujours pas accepté. Toutefois, au cours de l’instruction, l’intimée a reconnu que l’appelante devrait obtenir un crédit de 3 042 $ représentant la différence entre les montants en question, ce qui comprend des intérêts d’un montant peu élevé. Le montant en question a été reconnu, mais je dois ajouter que l’approche suivie par l’ARC me trouble beaucoup ainsi que la crédibilité du vérificateur sur ce point. Il semble que même un reçu d’impôt foncier soumis au cours de la vérification et une lettre de la Ville de Windsor n’aient pas suffi pour que le vérificateur reconnaisse le montant avant l’instruction. Le reçu indique clairement que les [traduction] « impôts totaux » s’élevaient à 2 449,96 $ en 2002 et l’argument du vérificateur, lorsqu’il affirme que dans la section intitulée [traduction] « Opérations courantes » figurant sur ce reçu il était fait mention des paiements effectués entre le mois de juillet et le mois de décembre, ce qui l’avait également amené à croire que le reçu se rapportait à un compte provisoire, est contraire au document lui‑même et aurait dû du moins inciter le vérificateur à demander des renseignements supplémentaires à la Ville. Le vérificateur semble plutôt s’être fermement fié à la note de son collègue, qui confirmait les impôts de l’année « 2002 », alors que le reçu lui‑même semblait indiquer que l’impôt se rapportait à l’année « 2003 », quoique je conviens que l’écriture du collègue n’était pas claire. Compte tenu du reçu de la Ville et du fait que l’appelante n’était pas du tout d’accord quant au montant, il faut conclure qu’il incombait au vérificateur de demander des renseignements supplémentaires.

 

10.     Les dépenses se rattachant au voyage de noces

 

[77]         L’appelante s’est opposée à ce que le coût du voyage de noces, de 7 896 $ en tout, soit ajouté aux dépenses du mariage, en affirmant qu’il s’agissait d’un cadeau de ses parents. L’appelante a produit à l’ARC un relevé bancaire montrant que le voyage avait été payé par chèque à l’aide d’un compte différent qui n’était pas le sien, mais l’ARC a rejeté cet élément au motif que le document n’indiquait pas à qui appartenait le compte. L’appelante a ensuite produit à l’ARC un chèque oblitéré tiré sur le compte de ses parents, et l’ARC a refusé de retenir cet élément au motif que l’appelante n’avait pas établi quelle était la source de fonds de ses parents. Or, à mon avis, un chèque tiré sur un compte conjoint détenu par les parents constitue une solide preuve prima facie du cadeau et, à mon avis, l’appelante ne doit pas être tenue de fournir des éléments de preuve additionnels sur ce point, à moins que l’intimée n’établisse que la source de fonds ne provenait pas des parents, ce qu’elle n’a pas fait. À vrai dire, à défaut d’une preuve en sens contraire présentée par l’ARC et en l’absence d’actes de procédure précis dans lesquels il est allégué que ces opérations sont illégales, l’appelante ne doit pas avoir à prouver la source de fonds à l’égard de cadeaux reçus de tiers. L’ARC semble avoir pris cette position à plusieurs reprises en ce qui concerne les cadeaux que les parents avaient faits à l’appelante lors de ses fiançailles, de la réception‑cadeau et du mariage, de sorte que l’appelante s’est vu imposer, quant à la preuve, une obligation embarrassante et inutile qui, à mon avis, n’est pas acceptable et est plutôt abusive. L’appelante a droit à un rajustement de 7 886 $ pour l’année 2002 en ce qui concerne les dépenses se rattachant au voyage de noces.

 

11.     Dépenses acquittées à l’aide d’argent en caisse – 56 866,50 $

 

[78]         L’intimée a inclus un montant de 56 866,50 $ à titre d’actif de l’appelante pour l’année 2002 en se fondant sur le fait que ce montant représentait tous les retraits en argent effectués sur son compte bancaire personnel à la TD Canada Trust et que ce montant doit représenter des actifs qui ne sont pas par ailleurs inclus dans le calcul de la valeur nette. L’appelante a soutenu que ces retraits ont servi à payer comptant les gens de métier qui construisaient sa maison. L’intimée a soutenu qu’aucun des retraits en argent ne correspondait aux factures des gens de métiers, de sorte que la position prise par l’appelante n’est pas crédible. De fait, l’appelante a signalé que l’intimée avait également inclus dans ses dépenses personnelles de l’année 2002 un montant de 84 634,20 $ représentant la différence entre les frais de construction et les paiements effectués par chèque, ce montant étant conforme à la demande de remboursement de la TPS qu’elle avait soumise, et l’appelante soutient que les retraits en argent représentaient en partie cet écart, le reste ayant été payé à l’aide de l’argent qu’elle avait reçu en cadeau de mariage, de sorte qu’en fait l’intimée a compté cet actif en double. La thèse de l’appelante est logique et constitue une preuve prima facie de ses arguments. L’intimée n’a présenté absolument aucun élément de preuve en sens contraire et, de fait, lors du contre‑interrogatoire, elle a admis que l’explication de l’appelante était vraisemblable. Je conclus donc que la preuve produite par l’appelante est acceptable et crédible. L’appelante doit se voir accorder un crédit de 56 866,50 $ à valoir sur les actifs qu’elle possédait en 2002.

 

12.     Les autres dépenses personnelles

 

[79]         Il y a plusieurs dépenses qui, selon l’intimée, auraient été faites par l’appelante au cours des années d’imposition 2001 et 2002, dont un grand nombre ont bien sûr été estimées par l’ARC à l’aide de données empiriques utilisées dans les analyses de la valeur nette aux fins du calcul des frais de subsistance des contribuables lorsqu’aucune conclusion factuelle n’est disponible ou acceptée. Le ministre a convenu que des montants de 764 $ et de 776 $ représentant des cotisations syndicales devraient être crédités à l’appelante au titre de frais de subsistance personnels pour les années 2001 et 2002 respectivement, et en appel, il a également accordé certains crédits à l’appelante parce qu’il convenait qu’un montant de 312 $ n’avait pas été dépensé pour l’achat de vêtements pour hommes et qu’un montant de 2 269 $ se rapportant à l’achat de vaisselle était un cadeau et n’aurait pas dû être inclus dans les achats de meubles. Il a déjà été question du rajustement de 3 042 $ effectué pour l’année 2002 en ce qui concerne les impôts fonciers susmentionnés et d’un rajustement effectué pour l’année 2001 en ce qui concerne des prêts aux parents s’élevant à 1 605 $, ces montants devant être crédités au titre des frais de subsistance personnels de l’appelante pour les années en question.

 

[80]         L’appelante a également soutenu que l’intimée a supposé à tort qu’elle avait dépensé un montant de 2 379,66 $ pour la nourriture en 2001 étant donné qu’elle habitait chez ses parents, qui payaient essentiellement tous les frais de subsistance, y compris les dépenses alimentaires, ce qui a été confirmé dans son témoignage et dans celui de son frère, que je retiens. De même, le ministre a fixé à 4 456,60 $ les dépenses alimentaires en 2002, alors que l’appelante a déclaré que, cette année‑là, elle avait habité chez ses parents jusqu’au mois d’août et que ses parents avaient payé toute la nourriture jusqu’au mois d’août. Je retiens encore une fois le témoignage de l’appelante et je conclus qu’en 2002, l’appelante a uniquement dépensé un montant de 1 000 $, comme il en est fait mention dans la feuille de travail qu’elle a produite au sujet de ses dépenses personnelles. L’appelante a également droit à un crédit, à valoir sur ses dépenses personnelles, de 2 379,66 $ pour l’année 2001 et de 3 456,60 $ pour l’année 2002. L’avocat de l’appelante n’a pas parlé de ces dépenses dans son argumentation, mais elles ont été examinées lors de l’interrogatoire principal de l’appelante.

 

[81]         Un montant de 4 155,46 $ a également été imputé au titre de dépenses effectuées pour des vacances en 2001, alors que l’appelante a affirmé avoir pris ces vacances avec son fiancé et qu’elle les avait payées, son fiancé lui ayant remboursé la moitié du montant en cause. Je suis d’avis que le témoignage de l’appelante sur ce point est également crédible, comme l’était le témoignage qu’elle a rendu à l’instruction dans son ensemble, et j’accorde à l’appelante un crédit de 2 077,50 $ en 2001, à valoir sur les frais de subsistance.

 

[82]         Ces derniers rajustements apportés aux frais de subsistance personnels sont mineurs par rapport aux montants qui sont censés avoir été dépensés et qui ne sont pas controversés, mais ils montrent jusqu’à quel point la cotisation de valeur nette peut être arbitraire et les possibilités d’abus que comporte pareille méthode.

 

[83]         Un sommaire des rajustements mentionnés dans les paragraphes précédents figure à l’annexe A. De toute évidence, l’appelante a pu établir que les rajustements apportés à l’année d’imposition 2002 étaient supérieurs au revenu établi, de 135 488 $. Les rajustements apportés à l’année d’imposition 2001, de 244 525,04 $, compte non tenu des augmentations de la valeur nette de l’appelante au cours de l’année 2000, de 29 352,70 $, réduisent en fin de compte le revenu établi de l’appelante d’un montant de 215 172,34 $ à environ 5 423 $, indépendamment des rajustements admis pour la vaisselle donnée en cadeau, soit un montant de 2 269 $, et d’autres dépenses personnelles mineures sur lesquelles il y a controverse. L’intimée a convenu que l’analyse de la valeur nette est une estimation et qu’elle est imparfaite, de sorte qu’à mon avis, l’écart mineur n’est pas pertinent. Je conclus que l’appelante a expliqué, au‑delà de la prépondérance des probabilités, d’une façon crédible que la totalité du revenu visé par la cotisation provenait de sources non imposables. Toutefois, avant d’accueillir l’appel, il importe d’examiner les questions de crédibilité et de bonne foi, ou d’absence de crédibilité et de bonne foi, que les parties ont soulevées tout au long de l’instruction.

 

La crédibilité et la bonne foi

 

[84]         Il ressort clairement de la grande quantité de pièces ainsi que des témoignages de l’appelante et de ses témoins qu’une lourde charge a été imposée à l’appelante par suite de la décision du ministre d’établir une cotisation de valeur nette à son égard. Manifestement, le ministre disposait somme toute de fort peu d’éléments de preuve pour procéder à une analyse de la valeur nette et qu’il a pris cette décision en se fondant sur le témoignage de l’agent des appels de l’intimée, sur plusieurs dépôts bancaires inexpliqués s’élevant en tout au quart du revenu visé par la cotisation ainsi que sur la thèse de l’intimée selon laquelle l’appelante n’avait pas coopéré, comme il en est fait mention dans le rapport du vérificateur du 23 août 2005, celui-ci ayant également dit que : [traduction] « Sandy estimait que le processus constituait une atteinte à sa vie privée [...]. »

 

[85]         L’appelante a fermement nié qu’elle n’avait pas coopéré et elle a témoigné que les renseignements demandés par l’ARC avaient été communiqués dans l’état des actifs et des passifs et dans la feuille de travail concernant les frais personnels et de subsistance, en réponse à la demande de renseignements que l’intimée avait remis en application de l’alinéa 231.2(1)a) de la Loi le 11 septembre 2003 et le 4 février 2004 respectivement, comme le vérificateur l’a admis dans son rapport, lesquels documents ont servi de fondement à la cotisation de valeur nette sommaire qu’il a établie. Le rapport du vérificateur donne également à penser que la réponse de l’appelante n’était pas conforme aux exigences, mais il existe également une brève lettre du prédécesseur du vérificateur donnant à penser que l’appelante avait en fait fourni tous les détails. L’appelante a témoigné qu’elle avait de fait initialement hésité à fournir la liste des personnes invitées au mariage parce que cela la gênait et parce qu’elle craignait que le vérificateur communique avec ces personnes ou demande à ses parents de fournir leurs relevés bancaires, ceux‑ci ayant déjà reçu une demande de renseignements de l’ARC. En outre, l’appelante a témoigné que, lorsqu’elle donnait des renseignements, ceux‑ci n’étaient jamais suffisants, et elle en a fourni la preuve à maints égards. Ainsi, en ce qui concerne la facture des impôts fonciers dont il a déjà été question, l’appelante a fourni un reçu du service des finances de la Ville de Windsor, lequel a été contesté par le vérificateur, qui a ensuite obtenu une lettre du service des finances pour confirmer la chose, ce qui n’était toujours pas acceptable aux yeux de l’ARC. L’appelante a fourni des relevés indiquant les soldes de ses placements personnels dans des CPG au mois de janvier 2001 et ensuite le 29 décembre 2000, confirmant les montants au 31 décembre 2000, et l’ARC n’était toujours pas satisfaite. Lorsque l’appelante a finalement fourni sa liste d’invités, le vérificateur en a pris une copie, mais il a décidé de ne pas y donner suite, en déclarant que la liste avait été remise trop tard; pourtant, selon la preuve, le vérificateur est allé jusqu’à appeler à la salle de réception pour confirmer le nombre de personnes qui avaient assisté au mariage et il s’est donné la peine de faire un rapprochement entre le montant de certains chèques reçus en cadeau de mariage et les montants inscrits sur les faire‑part, lesquels étaient compatibles. En outre, selon la preuve produite par l’appelante ainsi que par le vérificateur, on demandait constamment à l’appelante d’établir la source de fonds de tiers tels que ses parents, sa belle‑mère, les personnes invitées au mariage, et ce, même si l’appelante avait produit une preuve établissant que ces tiers étaient eux‑mêmes, par son entremise, la source de ces fonds. À défaut d’actes de procédure portant sur la source de fonds provenant de tiers en ce qui concerne l’appelante, l’ARC aurait dû soulever la chose auprès des tiers eux‑mêmes si la source de fonds posait problème. Il ressort également de la preuve que l’ARC a envoyé des demandes aux deux banquiers de l’appelante et qu’elle a reçu des relevés bancaires détaillés, que le vérificateur a utilisés pour procéder à son analyse des dépôts; de plus, le formulaire T2020 du vérificateur n’indique pas que celui‑ci avait besoin de renseignements additionnels au sujet de ces relevés bancaires afin d’effectuer ses calculs, de sorte qu’il semble incroyable que l’on ait ensuite demandé à l’appelante de produire ses livrets bancaires dans les circonstances. La masse même de documents que l’appelante a produits, dans les pièces qu’elle a produites et que l’intimée a produites, ne donne pas à penser que l’on avait affaire à un contribuable réticent, mais donne plutôt à penser qu’il s’agissait peut‑être plutôt d’un contribuable qui était placé dans la situation peu enviable où on lui demandait de vérifier sa source de fonds, et ce, même dans certains cas, lorsque l’ARC était déjà en train de le faire à l’égard des parents, du fiancé et de la belle‑mère de l’appelante. À vrai dire, il semble que l’appelante ait initialement hésité à coopérer à cause de questions d’argent, et l’avocat de l’appelante a soutenu que la Cour ne doit pas tirer une conclusion défavorable à ce sujet, étant donné que le droit de l’appelante de ne rien dire est un droit que la Cour suprême du Canada a consacré par la jurisprudence R. c. Rothman, [1981] 1 R.C.S. 640.

 

[86]         Dans l’ensemble, je conclus que l’on ne peut pas dire que l’appelante n’a pas coopéré; c’est plutôt le contraire qui s’est produit. Je ne tire donc pas de conclusion défavorable de l’hésitation initiale de l’appelante à fournir des renseignements au sujet des personnes invitées à son mariage ou des documents, lorsqu’il s’est agi de fournir la source de fonds de tiers, ce qui, comme je l’ai dit, ne doit pas incomber à l’appelante eu égard aux circonstances de l’affaire.

 

[87]         Toutefois, en règle générale, je ne suis pas disposé à dire que le tribunal ne peut jamais tirer de conclusion défavorable lorsque le contribuable invoque son droit de ne pas fournir de renseignements à l’ARC et qu’il n’existe aucune obligation légale de le faire, comme dans le cas d’une demande signifiée au contribuable en vertu de l’article 231.2 de la Loi. L’intimée n’a pas nié le droit du contribuable de ne pas fournir de renseignements à l’ARC, sauf dans le cas où il existe une exigence légale précise, comme l’enseigne l’arrêt Rothman. Toutefois, je conviens avec l’avocat de l’intimée, que, lorsque le contribuable a la charge de démolir les hypothèses émises par le ministre dans le cadre de l’établissement d’une cotisation d’impôt habituelle, les conséquences, lorsque le contribuable invoque ce droit, peuvent vouloir dire qu’il ne s’est pas acquitté de la change qui lui incombait à la satisfaction de l’ARC au stade de la vérification ou de l’appel et qu’il risque donc d’avoir à faire face à une instruction coûteuse qui aurait pu être évitée; cependant, c’est au contribuable qu’il revient de décider, bien entendu.

 

[88]         Toutefois, en l’espèce, je conclus que la coopération de l’appelante a été au-delà de ce que à quoi l’ARC pouvait espérer ou exiger, en particulier lorsqu’il s’est agi d’obtenir des renseignements de tiers, lesquels, semble‑t‑il, l’ARC n’était néanmoins pas prête à accepter, et ce, peu importe, semble‑t‑il, jusqu’à quel point ces renseignements semblaient raisonnables et fiables. L’appelante ne pouvait pas faire valoir son point de vue si le vérificateur n’était pas prêt à l’écouter.

 

[89]         Dans l’affaire Norwood c. Canada, [2001] 1 C.T.C. 299 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale, le vérificateur s’était emparé des notes d’un contribuable à l’insu de celui‑ci ou sans que le contribuable l’autorise à le faire; la Cour d’appel fédérale a fait les observations suivantes, au paragraphe 17, au sujet du comportement de celui-ci:

 

17        […]

 

Je crois qu’on s’attend à ce que les vérificateurs de Revenu Canada adoptent une approche plus franche et une norme plus élevée. [...] Ce n’est pas un cas où on a fait preuve de bonne foi. […]

 

[90]         A mon sens, cette décision de la Cour d’appel fédérale enseigne que les employés de l’ARC sont tenus d’agir et d’exercer leurs fonctions en toute bonne foi; cette obligation est très générale et n’est pas circonscrite par les faits de l’affaire Norwood.

 

[91]         En l’espèce, le fait que le vérificateur était disposé à qualifier la conduite de l’appelante de criminelle ou d’illégale en vue de justifier la cotisation, à modifier sa réponse lorsqu’il ne pouvait pas fournir de précisions à ce sujet et à refuser d’écouter lorsque l’appelante exerçait de fait le droit qui lui était reconnu de faire valoir son point de vue, tout en exigeant que l’appelante établisse d’où provenaient les fonds des tiers, indique dans l’ensemble la mauvaise foi dont il a fait preuve à l’égard de l’appelante; il lui a imposé des obligations excessives et ainsi outrepassé la loi.

 

[92]         Il importe également de noter que l’ARC a supposé que la source de fonds de l’appelante était de l’argent blanchi ou de l’argent illégalement obtenu. Dans son rapport, le vérificateur a fait les observations suivantes au paragraphe B.I) :

 

[traduction]

 

B. I)     Le vérificateur a reçu des renseignements de divers autres organismes d’application de la loi (la GRC, la PPO, la police de Windsor, l’ASFC) selon lesquels Sang Nguyen [le fiancé de l’appelante] se livrait à des activités illégales en matière de transmission de signaux satellite ainsi qu’à diverses autres activités illégales (trafic d’étrangers, blanchiment d’argent, et production et trafic de stupéfiants). M. Nguyen ne possède pas d’actifs à son nom (voir la pièce 15L) étant donné qu’il se sert de proches pour signer comme s’il s’agissait de leurs propres actifs, comme c’est le cas pour Sandy Kozar.

 

[93]         Au paragraphe D.I.), le vérificateur a fait les observations suivantes :

 

[traduction]

 

D. 1)    […] Sandy Kozar participait aux activités d’une entreprise qui était exploitée clandestinement. Les clients pouvaient uniquement payer comptant et Sandy et son époux, Sang Nguyen, n’avaient aucune intention de déclarer le revenu tiré de ces activités ou de toute autre entreprise illégale à laquelle ils pouvaient être mêlés. [...]

 

[...] De plus, Sandy semblait, directement ou indirectement, participer à d’autres activités illégales qui comportaient également des opérations au comptant.

 

[94]         Même en ce qui concerne les cadeaux d’appareils électroménagers offerts par la belle‑mère de l’appelante dont il a ci‑dessus été question, le vérificateur semblait vouloir à tout prix voir un lien entre l’appelante et certaines activités illégales. Au paragraphe F.II, au sujet des appareils électroménagers donnés par la belle‑mère lors de la réception‑cadeau, que l’intimée a reconnus au cours de l’instruction comme étant des cadeaux, le vérificateur conclut ce qui suit :

 

[traduction]

 

F. […]

 

11        […]

 

·        […] les sources du vérificateur ont déclaré que la carte était frauduleuse. De plus, la belle‑mère ne déclare pas de revenu élevé lui permettant d’offrir ces appareils électroménagers, de sorte qu’il est possible de conclure que l’argent provenait des opérations illégales dont elle a été accusée (voir la pièce 14L). Par conséquent, Sandy aurait reçu des actifs provenant d’activités illégales. [...]

 

[95]         Bien sûr, selon la preuve, la belle‑mère avait payé les appareils électroménagers à l’aide d’une carte valide, comme l’appelante l’a établi avant l’instruction, ce que l’intimée n’a reconnu qu’après que la belle‑mère eut témoigné verbalement à l’instruction.

 

[96]         Au paragraphe G de son rapport, le vérificateur a examiné les décisions Philip c. Canada, [1996] 2 C.T.C. 2174 et Wammes c. Canada, [2001] 3 C.T.C. 2559 et il a conclu:

 

[traduction]

 

G.        […] Dans les deux affaires, les valeurs nettes ont été utilisées pour les nouvelles cotisations et leur source de revenu provenait d’activités illégales. [...]

 

[97]         De toute évidence, le vérificateur a établi la cotisation en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle la source de revenu de l’appelante provenait d’activités illégales.

 

[98]         Dans ses écritures initiales, l’intimée a allégué que l’appelante et son fiancé étaient mêlés à des activités illégales de transmission de signaux satellite et, à la suite d’une requête préalable à l’instruction qui a été présentée devant la Cour aux fins de la fourniture de précisions au sujet des activités illégales mentionnées dans les actes de procédure ou de la suppression de cette mention, il a été ordonné de supprimer la mention de ces activités et l’intimée a déposé une réponse modifiée. En fait, selon la preuve présentée dans le cadre de cette requête, le CRTC n’a décidé qu’à la fin de l’année 1994 que pareilles activités de transmission de signaux satellite étaient illégales. L’appelante s’est vue obligée de supporter des frais et de déployer des efforts en vue de contraindre l’ARC à donner des précisions ou à modifier son acte de procédure; de toute évidence, la thèse de l’ARC n’était pas fondée et elle a modifié son acte de procédure. On a demandé aux parties de s’en tenir, quant à leurs arguments, à l’acte de procédure et on ne les a pas autorisées à  s’exprimer sur la question des activités illégales, sauf dans la mesure où ces activités avaient trait à la crédibilité. À mon avis, la crédibilité de l’intimée est sérieusement mise en doute dans une instance lorsqu’il est constaté que le motif initial pour lequel une cotisation de valeur nette a été établie est dénué de fondement et que l’ARC persiste néanmoins. Comme l’avocat de l’appelante l’a fait remarquer, l’intimée avait occulté ses motifs.

 

[99]         Dans la décision Dick précitée, le juge Taylor s’est dit troublé par la possibilité d’abus que comporte la cotisation de valeur nette lorsqu’il n’existe aucun lien établi entre l’analyse de la valeur nette fournie à l’appui de la cotisation d’impôt et la présumée source de revenu (page 814) :

 

[traduction]

 

La cotisation de « valeur nette » n’est au mieux qu’une estimation; elle peut également causer des ennuis à tous les intéressés. Il s’agit en pratique d’une méthode employée « en dernier recours » dans des situations financières complexes, mal documentées ou nettement controversées. La tâche à laquelle le contribuable fait face lorsque l’intimé établit la cotisation est suffisamment difficile puisque la charge de la preuve incombe au contribuable. Cependant, dans la cotisation de « valeur nette » où il existe clairement un conflit entre les parties au sujet de la « source » des écarts, toute justification avancée par les parties respectives à l’appui de chacune des autres « sources » peut bien constituer un facteur important lorsqu’il s’agit de résoudre le litige.

 

[100]     En citant les observations de la Cour canadienne de l’impôt avait faites dans la décision Shlien c. The Minister of National Revenue, 88 DTC 1152, le juge Taylor a ajouté ce qui suit (page 1155) :

 

            Il faut reconnaître qu’en vertu de la Loi, l’intimé est investi de pouvoirs étendus, [...] Le droit qu’il a de déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition particulière en s’appuyant sur une analyse de la valeur nette ne peut être nié, mais cette détermination doit être conforme aux dispositions de la Loi de même qu’aux principes énoncés dans la jurisprudence. Établir sciemment une cotisation qui ne satisfait pas à ce critère équivaut à abuser de l’application de la décision de la Cour suprême du Canada mentionnée plus tôt, à savoir qu’il appartient à l’appelant de contester la validité d’une cotisation.

 

[101]     En l’espèce, le lien que l’intimée a initialement établi avec une source de fonds pour les montants en cause était un lien avec une source illégale attribuable aux activités du mari, ce qui a été supprimé dans la réponse modifiée et remplacé par la simple assertion selon laquelle la source provenait d’un emploi dans l’entreprise du mari, assertion qui, selon ce que j’ai conclu, a bel et bien été réfutée par l’appelante. Le ministre s’en est pris à l’appelante sous un prétexte et l’a fait par la suite sous un autre, sans aucune preuve directe ou plausible à ce sujet. Je conclus donc également que, selon la preuve prima facie, les hypothèses sous‑jacentes que l’intimée avait émises dans sa réponse modifiée ne correspondent pas aux faits invoqués et présumés par le ministre. Le ministre a initialement agi et établi les nouvelles cotisations en se fondant sur l’hypothèse que la source de fonds était attribuable à des activités illégales, et non à un emploi, ce qui serait suffisant pour que l’appelante s’acquitte de sa charge, selon la première méthode ou selon la jurisprudence Hsu, précitée.

 

L’année prescrite et les pénalités

 

[102]     Puisque j’ai conclu que l’appelante s’est acquittée de l’obligation qui lui incombait de réfuter les hypothèses susmentionnées du ministre et puisque le ministre n’a produit aucun élément de preuve  en sens contraire satisfaisant, il est logique de conclure que l’appelante n’a pas fait une présentation erronée des faits quant au revenu gagné au cours des années en litige, et l’année 2001 doit donc par défaut être considérée comme une année prescrite en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi. De toute évidence, aucune pénalité ne sera par ailleurs imposée en vertu du paragraphe 163(2).

 

[103]     L’intimée n’a pas produit d’éléments de preuve tendant à corroborer l’allégation selon laquelle les fonds provenaient d’un emploi ou d’une autre source imposable, illégale ou autre, et elle n’a pas produit de documents crédibles allant en sens contraire de la preuve de l’appelante. Par conséquent, je me prononce en faveur de l’appelante et j’accueille les appels. L’appelante aura droit aux dépens sur la base avocat‑client.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de juillet 2010.

 

 

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de décembre 2010.

 

 

 

François Brunet, Réviseur

 


Annexe A

Rajustements apportés au revenu

 

 

2000

2001

2002

Cadeaux de mariage

 

 

77 725,00 $

+20 000,00 $

(argent en caisse)

 

Cadeaux remis lors de la réception de fiançailles

 

7 920,00 $

 

 

Appareils électroménagers donnés lors de la réception‑cadeau

 

 

 

6 155,15 $

Prêt pour le terrain / Cadeau reçu des parents

 

 

71 429,85 $

 

Cadeau remis aux parents

 

1 605,78 $

 

 

Solde bancaire de fin d’année

Objet : Compte en fiducie

 

(35 529,70 $)

44 326,75 $

19 231,76 $

REER

5 689,00 $

2 000,00 $

 

 

Voiture de marque Acura

 

57 500,00 $

21 701,00 $

 

Placements à long terme

 

 

 

50 000,00 $

Fonds communs de placement à la CIBC

488,00 $

 

801,00 $

498,00 $

Impôts fonciers

 

 

3 042,00 $

 

Dépenses se rattachant au voyage de noces

 

 

7 896,00 $

 

Argent en caisse

 

 

56 866,50 $

 

Contributions en espèces de M. Sang

 

 

23 825,00 $

 

Chèques et numéraire (Pirate Satellite)

 

29 895,00 $

 

 

Dépenses personnelles (cotisations syndicales)

 

 

764,00 $

776,00 $

Aliments

 

2 379,66 $

3 456,60 $

 

Dépenses de vacances

 

2 077,50 $

 

Total

(29 352,70 $)

244 525,04 $

267 348,01 $

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 389

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-3727(IT)G

 

INTITULÉ :                                       SANDY KOZAR

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Windsor (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 29, 30 et 31 mars, le 1er avril, et les 9, 10 et 11 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 19 juillet 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me John Mill

Avocat de l’intimée :

Me Nicolas Simard

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             John Mill

 

                   Cabinet :                         Mill Professional Corporation

                                                          Windsor (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.