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Dossier : 2009-2801(EI)

ENTRE :

 

KOOTENAY DOUKHOBOR HISTORICAL SOCIETY,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 7 avril 2010, à Nelson (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Robert Ewashen

 

Avocate de l’intimé :

Me Whitney Dunn

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

          Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 11e jour de mai 2010.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de juillet 2010.

 

Claude Leclerc, LL.B.


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 256

Date : 20100511

Dossier : 2009-2801(EI)

ENTRE :

 

KOOTENAY DOUKHOBOR HISTORICAL SOCIETY,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L’appelante, la Kootenay Doukhobor Historical Society (la « société ») a interjeté appel d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») rendue le 24 juin 2009 sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE »). Par cette décision, le ministre a confirmé une évaluation concernant les cotisations d’assurance‑emploi (« AE ») pour 2007 et 2008 relatives à Larry Ewashen (« Larry ») sur le fondement que ce dernier était partie à un contrat de louage de services et donc un employé.

 

[2]     Dans son témoignage, Robert Ewashen (« M. Ewashen ») a déclaré qu’il est président de la société. Cet organisme administre l’installation connue comme le Doukhobor Discovery Centre (dans certains documents, on emploie le terme « Center » au lieu de « Centre ») (le « centre »), lequel comporte un musée. Sous réserve de certaines précisions, M. Ewashen a reconnu l’exactitude des hypothèses de fait formulées au paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») :

 

[TRADUCTION]

 

[…]

 

a)                  l’appelante est une société à but non lucratif qui administre un musée historique à Castlegar (Colombie-Britannique);

 

b)                  l’appelante est dirigée par un conseil d’administration composé de bénévoles et Robert Ewashen (« Robert ») en est le président;

 

c)                  le travailleur est le frère de Robert;

 

d)                  le travailleur agit comme conservateur du musée et il est responsable de toutes les activités opérationnelles, y compris la gestion, les relations publiques, la supervision du personnel, l’entretien des terrains, la tenue des comptes et l’obtention de subventions de l’État;

 

e)                  les employés de l’appelante, comme les guides touristiques et le personnel de restaurant, relèvent du travailleur;

 

f)                    le travailleur est titulaire d’une maîtrise en arts;

 

g)                  le travailleur jouissait d’une grande latitude dans la direction du musée, mais il demeurait assujetti au pouvoir du conseil;

 

h)                  le travailleur était remboursé pour les dépenses qu’il engageait dans l’exercice de ses fonctions;

 

i)                    le travailleur participait à des réunions mensuelles avec le conseil d’administration de l’appelante et rendait compte de ses progrès;

 

j)                    le travailleur était payé mensuellement selon le calendrier de l’appelante;

 

k)                  le travailleur gagnait 40 800 $ par année;

 

l)                    le travailleur recevait 100 $ par mois pour diverses dépenses;

 

m)                l’appelante fixait le taux de salaire du travailleur en fonction des normes de l’industrie et de sa capacité de payer;

[…]

 

[3]     Par ailleurs, M. Ewashen a précisé que son frère, Larry, avait exécuté certaines tâches non mentionnées au paragraphe 7d) et qu’il avait peut‑être aussi engagé certaines dépenses, liées à l’exercice de ses fonctions, pour lesquelles il n’aurait pas été indemnisé par la société. Cette dernière payait Larry mensuellement par chèque. Quant à l’hypothèse énoncée au paragraphe 7n) selon laquelle [TRADUCTION] « le travailleur bénéficiait gratuitement d’un logement sur les lieux », M. Ewashen a affirmé que Larry payait 400 $ par mois pour le logement dont il disposait dans l’immeuble où se trouvait le musée et que cette somme était déduite de son chèque mensuel. M. Ewashen a reconnu que Larry était responsable de la sécurité et des opérations générales du musée, mais qu’il n’était pas tenu d’être présent sur les lieux sept jours par semaine, contrairement à ce que supposait le ministre au paragraphe 7o). M. Ewashen a reconnu que la société exigeait que Larry rende ses services en personne et qu’il était nécessaire d’obtenir l’approbation du conseil d’administration (le « conseil ») pour les remplacements autres que de courte durée. Il a nié l’hypothèse formulée au paragraphe 7q) selon laquelle [TRADUCTION] « l’appelante a fourni au travailleur les instruments dont il avait besoin pour exercer ses fonctions » et il a affirmé que la société ne fournissait au travailleur que l’outillage nécessaire pour accomplir les tâches liées à l’entretien de l’immeuble et à l’aménagement de paysage. Larry utilisait son propre ordinateur portatif et son propre matériel de bureau connexe. Le logement loué n’était pas meublé et Larry exécutait certaines tâches dans un espace de travail qui y était aménagé. Les parties intéressées pouvaient communiquer avec lui à cet endroit lorsqu’il n’était pas au comptoir du poste de réception. M. Ewashen a admis que Larry avait offert ses services à titre d’employé à la société de 1993 jusqu’à 2008, lorsque les deux parties ont choisi, par contrat écrit (pièce A‑1), de modifier sa situation pour qu’il agisse dorénavant à titre d’entrepreneur indépendant. M. Ewashen a mentionné que cette entente n’avait pas été conclue pour simplifier [TRADUCTION] « les formalités administratives incombant à l’appelante », contrairement à ce qui est avancé dans l’hypothèse énoncée au paragraphe 7s). C’est plutôt que le conseil aurait commencé à se préoccuper du risque qu’on juge qu’il existait une situation apparente de conflit d’intérêts découlant du fait que M. Ewashen était le président de la société et que Larry était son frère. Cette question a été soulevée par suite d’une vérification faite par la ville de Castlegar, laquelle est propriétaire de l’immeuble et des terrains où se trouve le musée. Même si la vérification n’a révélé aucune irrégularité, le conseil a estimé qu’il était plus prudent de modifier la situation du conservateur, Larry, de sorte qu’il agisse comme entrepreneur indépendant plutôt que de maintenir sa situation d’employé. On a informé les membres du conseil que la modification de la relation de travail conformément à l’entente écrite aurait pour effet de simplifier la tenue des comptes puisque la société n’aurait plus l’obligation d’effectuer certaines retenues à la source sur les chèques de paye de Larry. M. Ewashen a mentionné que lui et ses collègues administrateurs savaient que Larry avait parallèlement rendu des services d’expert‑conseil à des tiers pendant toute la durée de sa carrière de conservateur. Le contrat (pièce A‑1) a été daté du 7 février 2008 afin de constater en bonne et due forme l’entente verbale conclue entre le conseil et Larry, et les parties ont convenu dans le contrat que celui‑ci prendrait effet le 1er janvier et se terminerait le 31 décembre 2008. Le contrat était réputé avoir effet l’année suivante, à moins qu’il ne soit résilié par l’une ou l’autre des parties ou que certains changements ne soient souhaitables pour la poursuite des activités du centre, auquel cas l’[TRADUCTION] « arbitre » compétent pour trancher la question de manière définitive au titre du contrat était le conseil. Les fonctions confiées à Larry englobaient certaines tâches précisées dans le contrat, mais c’est lui qui décidait de son horaire de travail. Le [TRADUCTION] « prix du contrat » s’élevait à 40 800 $, somme devant être payée mensuellement en sus des avantages jugés appropriés. Il était prévu au contrat que Larry avait la possibilité d’occuper le logement et le bureau situés à l’intérieur du musée en contrepartie d’un loyer annuel de 4 800 $, lequel devait être déduit à la source. M. Ewashen a déclaré que le contrat visant Larry a été renouvelé en 2009 et en 2010. M. Ewashen a été président de la société pendant six ou sept ans et, avant d’agir à ce titre, il avait été membre du conseil. À ce moment, Larry travaillait pour la société à titre de conservateur depuis de nombreuses années.

 

[4]     Robert Ewashen a été contre‑interrogé par l’avocate de l’intimé. Il a reconnu que les services rendus par Larry après la conclusion du contrat de 2008 étaient pour l’essentiel les mêmes que ceux qu’il fournissait depuis 1993. En 2007, le conseil rencontrait Larry tous les mois et cette pratique s’est poursuivie en 2008 et ultérieurement. Larry vivait au centre depuis 1993, bien que les locaux résidentiels aient initialement été situés dans une autre partie de l’immeuble. Pendant toute la durée de l’emploi, de 1993 au 1er janvier 2008, les périodes de paye étaient mensuelles et cette modalité de paiement a été maintenue dans le contrat écrit. Larry n’a exigé aucune taxe sur les produits et services (« TPS ») relativement à ses services.

 

[5]     À titre de représentant de la société, M. Ewashen a déclaré la preuve de l’appelante close.

 

[6]     Avec le consentement du représentant de la société, l’avocate de l’intimé a produit un recueil de documents (pièce R‑1, onglets 1 à 9, inclusivement).

 

[7]     Dans son témoignage, Raj Kandola (« M. Kandola ») a mentionné qu’il travaillait pour l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») depuis 2002 et qu’il occupait le poste d’agent des appels depuis 2008. Il est titulaire d’un baccalauréat en commerce décerné par l’Université de la Colombie‑Britannique et il devrait sous peu obtenir le titre de comptable en management accrédité, lequel nécessite à la fois de l’expérience de travail et des études. Dans le cadre de ses tâches habituelles à l’ARC, il s’est vu confier l’appel qu’a interjeté la société à l’égard de l’évaluation des cotisations au titre de l’AE touchant Larry. Il a téléphoné à ce dernier et a eu une conversation avec lui. Il a également communiqué avec M. Ewashen et une autre partie qui, à ce moment, était visée par l’évaluation en cause. M. Kandola a déclaré qu’il prenait des notes pendant toutes ses conversations et qu’il utilisait à cette fin une grille de saisie de notes informatisée qui lui permet de créer une formule T2020 (onglet 2). Il a examiné le questionnaire (onglet 5) rempli par M. Ewashen et signé le 2 décembre 2008 de même que le questionnaire (onglet 7) rempli et signé par Larry le même jour. M. Kandola a visité le site Web de l’appelante et a imprimé (onglet 6) les renseignements relatifs à l’expérience ainsi qu’aux titres et qualités de Larry. Il a obtenu de celui‑ci certains documents, y compris des doubles de chèques qui lui étaient payables pendant la période pertinente, certaines pages concernant l’acte constitutif modifié de l’appelante et un double de la résolution (à l’onglet 6) du 27 avril 2007. Larry a en outre présenté une feuille où il énumérait divers exemples de travaux qu’il avait accomplis depuis 1966, dont certains à titre de [TRADUCTION] « pigiste ». M. Kandola a déclaré qu’il avait dressé un document CPT110, à savoir un rapport relatif à un appel (onglet 1), dans lequel il a examiné les faits en relation avec les divers facteurs applicables dans ce genre d’analyse en tenant pour acquis qu’il était de l’intention réciproque des parties que Larry fournisse ses services à titre d’entrepreneur indépendant. M. Kandola a recommandé au ministre de rendre une décision portant que Larry exerçait un emploi assurable auprès de la société pendant la période pertinente puisqu’il était engagé aux termes d’un contrat de louage de services.

 

[8]     Le représentant de l’appelante n’a pas contre‑interrogé le témoin.

 

[9]     Monsieur Ewashen a soutenu que la société et Larry voulaient transformer leur relation de longue date à titre d’employeur et d’employé en une situation où Larry fournirait ses services en tant qu’entrepreneur indépendant conformément à un contrat écrit. En raison de certaines préoccupations soulevées dans le cadre de la vérification faite par la ville de Castlegar, M. Ewashen, en qualité de président, et les membres du conseil ont cru que l’absence de retenues à la source sur la rémunération versée à Larry mettrait une distance suffisante entre les parties et que Larry, à titre d’entrepreneur indépendant, continuerait de diriger les opérations quotidiennes dans le respect des lignes directrices générales formulées par le conseil. M. Ewashen a fait valoir que, comme l’intention des parties était clairement exprimée dans le contrat écrit, le rôle de Larry avait été suffisamment modifié pour le soustraire à la catégorie des employés. Quant au fait que, pendant la période en cause, Larry paraissait avoir exercé les mêmes fonctions que celles qu’il accomplissait depuis 1993, M. Ewashen a laissé entendre que Larry avait peut‑être toujours agi d’une façon compatible avec la situation de sous‑traitant en ce sens qu’il était un spécialiste qui possédait certaines compétences qu’il offrait non seulement à la société et au centre – dont les activités étaient dirigées par cette dernière –, mais également à d’autres depuis qu’il avait obtenu sa maîtrise en arts en 1967.

 

[10]    L’avocate de l’intimé a avancé qu’il n’y avait eu aucun changement dans les services fournis par Larry depuis 1993 et que l’examen de la situation de ce dernier à la lumière des critères applicables confirmait qu’il n’exploitait pas une entreprise pour son propre compte. Selon elle, il ressortait de la preuve que, malgré l’intention réciproque des parties, les circonstances dans lesquelles les services étaient fournis ne permettaient pas d’étayer la qualification alléguée. L’avocate a soutenu que les faits en l’espèce commandaient la confirmation de la décision du ministre, compte tenu de la jurisprudence établie.

 

[11]    Dans plusieurs affaires récentes, dont Wolf c. Canada, 2002 CAF 96, 2002 DTC 6853, The Royal Winnipeg Ballet c. Le ministre du Revenu national – M.R.N., 2006 CAF 87, 2006 DTC 6323, Vida Wellness Corp. (faisant affaire sous le nom de Vida Wellness Spa) c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.I. no 570, et City Water International Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.F. no 1653, les parties avaient manifesté une intention réciproque claire voulant que le fournisseur des services agisse comme entrepreneur indépendant et non comme employé. C’est également le cas en l’espèce.

 

[12]    Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (« Sagaz »), la Cour suprême du Canada était saisie d’une affaire de responsabilité du fait d’autrui et, dans le cadre de son examen de diverses questions pertinentes, elle devait en outre se demander ce qu’est un entrepreneur indépendant. Le jugement de la Cour a été prononcé par M. le juge Major, qui s’est penché sur l’évolution de la jurisprudence relative à l’importance de la différence qui existe entre un employé et un entrepreneur indépendant au regard de la responsabilité du fait d’autrui. Après avoir renvoyé aux motifs rendus par M. le juge MacGuigan de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1986] 3 C.F. 553, [1986] 2 C.T.C. 200, dans lesquels on renvoie au critère d’organisation énoncé par lord Denning et à la synthèse faite par le juge Cooke dans la décision Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, le juge Major s’est exprimé en ces termes aux paragraphes 47 et 48 de son jugement :

 

47                Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48        Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

           

[13]    J’examinerai les faits des présents appels à la lumière des critères énoncés par le juge Major dans l’arrêt Sagaz.

 

Degré de contrôle

 

[14]    Le contrat écrit (pièce A‑1) énonçait les services que devait rendre Larry et prévoyait notamment ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

*S’occuper du musée faisant partie du Doukhobor Discovery Center

 

*Préparer des demandes de subventions en vue du financement de projets et/ou des activités opérationnelles du centre

 

*Engager le personnel nécessaire au fonctionnement du centre et superviser les membres de ce personnel dans le cadre de leur travail

 

*Consigner les heures de travail et s’occuper de la paye

 

*Dresser un état mensuel des recettes et des dépenses et le faire vérifier par l’aide‑comptable engagé par le conseil

 

*Tenir à jour le site Web du centre

 

*Au besoin, faire de la publicité pour le centre par d’autres moyens

 

*Veiller à l’entretien des terrains

 

*Veiller à la sécurité et à la bonne marche de l’installation dans la mesure du possible

 

[15]    Le contrat prévoyait notamment que le centre serait ouvert au public de mai à septembre entre 10 h et 17 h, sept jours par semaine. L’appelante, société à but non lucratif de la Colombie‑Britannique, était dirigée par des administrateurs tenus de s’acquitter de certaines fonctions précises conformément à l’acte constitutif et ses dirigeants étaient nommés en application de l’article IV. Le conseil fixait des objectifs à chaque réunion mensuelle et Larry devait rendre compte des progrès réalisés à différents égards. Il avait l’obligation de demeurer sur les lieux, sauf pour des absences temporaires nécessaires, de veiller à la sécurité et de surveiller les opérations quotidiennes du musée et du centre ainsi que d’autres aspects de la société. Il n’était pas autorisé à remplir ces fonctions à partir d’un autre endroit et, s’il n’était pas au comptoir du service d’admissions ou ailleurs à l’intérieur du centre où le public avait accès, on pouvait le trouver dans l’espace de bureau situé dans le logement qu’il occupait dans l’immeuble. Même si Larry jouissait d’un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à la gestion globale du musée, y compris la supervision des employés de la société agissant comme guides touristiques ou faisant partie du personnel de restaurant, il était tenu de fournir ces services en personne. Il avait en outre l’obligation de veiller à l’entretien des terrains et d’accomplir diverses autres tâches, comme la tenue des comptes et la présentation de demandes de subventions de l’État. Rien dans la preuve ne fonde la Cour à conclure que les conditions de travail avaient changé au regard de celles qui existaient entre 1993 et le 31 décembre 2007, période pendant laquelle les parties croyaient entretenir une relation employeur‑employé et avaient agi en conséquence. Comme la charge qu’assumait Larry à titre de conservateur nécessitait des connaissances spécialisées, les absences de plus de quelques jours devaient être approuvées par le conseil et Larry n’avait aucune possibilité de retenir les services d’une autre personne pour remplir les fonctions qui lui incombaient selon le contrat.

 

Instruments de travail et assistant

 

[16]    Les instruments et le matériel nécessaires pour entretenir les terrains, effectuer les travaux d’entretien courants ou réparer l’immeuble étaient fournis par la société. Les autres instruments, au sens large, consistaient en l’immeuble et en les objets façonnés et les expositions qui y étaient présentés, mais Larry était propriétaire de l’ordinateur qu’il utilisait dans le cadre de son travail. Il a acheté une partie du matériel et du mobilier de bureau dont il se servait dans l’espace de travail aménagé dans son logement. Les assistants ou autres travailleurs étaient embauchés et rémunérés par la société et Larry n’assumait aucune responsabilité à cet égard, sauf en ce qui concerne la gestion du personnel dans le cadre des activités du musée.

 

Degré de risque financier et responsabilité au titre des placements et de la gestion

 

[17]    Larry était au service de la société sans interruption depuis 1993 et son contrat écrit de 2008 a été renouvelé en 2009 et en 2010 de sorte qu’il ne courait aucun risque raisonnable découlant de l’éventuelle perte de son poste de conservateur. Il avait travaillé à cet endroit pendant de nombreuses années avant que son frère, M. Ewashen, n’y agisse comme administrateur ou président, et il n’avait donc aucun besoin de se réclamer de ses liens familiaux pour continuer à occuper son poste. Larry n’avait fait aucun placement financier dans la société et il n’était pas tenu de payer quiconque pour l’aider à exercer ses fonctions.

 

Possibilité de profit dans l’exercice de ses fonctions


[18]    Larry touchait un salaire annuel de 40 800,00 $, payable mensuellement. Ce salaire n’était pas tributaire d’un nombre d’heures travaillées précis et il recevait la somme de 100 $ par mois pour diverses dépenses. Rien dans la preuve ne porte à croire que cette somme était insuffisante. Le loyer de 400 $ par mois exigé pour son logement était déduit de chaque chèque. Selon la feuille de renseignements fournie à M. Kandola – trois pages à partir de la fin à l’onglet 6 –, Larry faisait parfois du travail à la pige pour le Touchstones Museum à Nelson (Colombie‑Britannique), mais la preuve ne précise pas si c’était durant la période pertinente et elle est muette quant à la somme éventuellement gagnée. À la page 6 de sa formule CPT110 (onglet 1), M. Kandola fait remarquer ce qui suit au sujet de la possibilité de profit :

 

[TRADUCTION]

 

[…] 98 pour 100 de son travail est effectué pour le payeur et il est tenu d’être présent sur les lieux presque 24 heures par jour. Tout cela laisse croire que Larry n’a aucune possibilité intéressante de gagner un revenu supplémentaire auprès d’autres payeurs. Les mêmes conditions existent depuis 1993 […]

 

[19]    Les observations de M. Kandola sont justifiées et ne sont pas contestées par l’appelante.

 

[20]    Comme il est mentionné plus haut en ce qui concerne la question de l’intention, il ne fait aucun doute que la société et Larry voulaient que ce dernier rende ses services à titre d’entrepreneur indépendant pendant la période en cause.

 

[21]    Dans la décision Dempsey c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2007] A.C.I. no 353, 2007 CCI 362, M. le juge Hershfield était saisi d’un appel interjeté par un fournisseur de services qui avait conclu avec un payeur un contrat écrit en sa qualité de comptable agréé. Dans ce contrat, l’appelant s’engageait à rendre des services professionnels et de vérification concernant les prêts et les subventions consentis par le payeur et à rendre ces services en tant qu’entrepreneur indépendant. À ce titre, il devait présenter des factures selon un taux quotidien prévu, sous réserve d’une somme maximale pour la durée du contrat fondée sur un nombre de jours maximal. Comme il était stipulé au contrat, les parties reconnaissaient que le travailleur agirait en qualité d’entrepreneur indépendant. Le travailleur présentait mensuellement des factures pour le nombre d’heures travaillées chaque jour du mois et la TPS était exigée sur la somme pertinente. Dans le cadre de son analyse, le juge Hershfield tient les propos suivants aux paragraphes 39 à 46, inclusivement :

 

Analyse

 

[39]      Si l’intention permettait à elle seule de décider de la situation dans laquelle se trouvait l’appelant, il ne fait aucun doute que ses activités auraient été celles d’un entrepreneur indépendant. L’appelant a non seulement accepté la situation que lui imposaient les circonstances et la structure organisationnelle en place, il a en outre joué le rôle d’entrepreneur indépendant jusqu’à ce que ce ne soit plus dans son intérêt de le faire. Par ses actes – il s’est inscrit aux fins de la TPS, il a présenté des factures montrant les heures travaillées et la TPS exigible et il a soumissionné pour de nouveaux contrats lorsque les contrats existants venaient à échéance –, il a honoré le contrat qui définissait sa situation. Il déduisait des dépenses d’entreprise dans ses déclarations de revenus et il ne payait aucune cotisation syndicale à titre de fonctionnaire. Il n’avait pas d’avantages sociaux et ne participait pas au régime de pension de retraite de la fonction publique. Toutes ces modalités étaient établies par contrat; l’appelant les avait comprises et acceptées. En définitive, il a préféré la situation d’entrepreneur indépendant découlant de cette entente contractuelle mais, lorsqu’il a perdu l’avantage qu’elle lui procurait, il s’est empressé de nier ce qu’il avait accepté pendant presque 13 ans.

 

[40]      Il est toutefois établi de longue date que, même lorsqu’un contrat précise à quel titre le travailleur est engagé (employé ou entrepreneur indépendant), cette stipulation ne permet pas de décider de la nature de la relation de travail pour l’application de la LAE et du RPC. C’est le cas même quand les deux parties, en dehors du cadre concret de la relation de travail, traitent cette stipulation comme si elle définissait véritablement leur relation. La réciprocité de l’intention des parties quant à la nature de l’engagement – même jumelée à une conduite qui, hors du cadre de la relation de travail, tient compte de cette situation contractuelle voulue – ne permet pas de se prononcer sur la nature de cette situation. Bien que de récentes décisions aient reconnu l’éventuelle importance de l’intention des parties dans des affaires où l’issue est qualifiée de serrée8, l’issue en l’espèce n’est pas serrée. Le critère applicable dans la présente affaire a été énoncé sans équivoque par la Cour suprême du Canada en 2001 dans l’arrêt Sagaz Industries Canada Inc. c. 671122 Ontario Limited9 où la Cour a, dans une grande mesure, accepté les critères appliqués dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national)10.

 

[41]      À la lumière des critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, l’appelant est manifestement un employé. Il a été engagé pour occuper un poste entièrement subalterne et il avait l’obligation, comme n’importe quel autre employé professionnel, de faire ce que son supérieur lui disait de faire. Il n’avait aucune latitude pour décider quand, comment et où il fournissait ses services. Sur presque tous les plans, il était assujetti au contrôle de son gestionnaire à DEO. Il était traité à presque tous les égards comme un employé et il était présenté à ce titre. Il faisait ce qu’on lui disait de faire dans le cadre de son poste. Il devait corriger des rapports conformément aux instructions que lui donnaient des supérieurs hiérarchiques et il devait respecter des délais. La liste précise des fonctions que l’appelant devait remplir pour DEO, aux termes de son contrat, ne cessait de s’allonger pour englober toutes les tâches que DEO pouvait demander d’accomplir à un employé occupant le poste de l’appelant. Qui plus est, à la demande de son gestionnaire, l’appelant assumait d’autres fonctions que celles pour lesquelles on avait précisément retenu ses services par contrat et il était rémunéré dans le cours normal des activités pour ces services supplémentaires. Cette situation était attribuable au fait qu’il était sous le plein contrôle de son gestionnaire à DEO, comme n’importe quel autre employé. Si le contrôle exercé sur le travailleur est le critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[42]      L’appelant ne fournissait aucun instrument de travail pour remplir ses fonctions. Tous les instruments étaient fournis par DEO. Si la fourniture des instruments de travail est le critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[43]      L’appelant travaillait à un taux fixe, selon un horaire fixe, et il n’engageait aucune dépense dans l’exercice de ses fonctions. Il ne courait pas un risque plus grand de perte et il n’avait pas de possibilité plus grande de profit que les autres employés travaillant dans le cadre d’un contrat de durée déterminée. Le fait qu’il n’avait aucune sécurité d’emploi à l’échéance de chaque contrat et qu’il devait soumissionner pour chaque contrat est compatible avec l’existence d’une série de contrats de travail à durée négociée. Pendant la durée de chaque contrat, le travail était effectué contre rémunération. S’il s’agit du critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[44]      Tous les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door portent à croire que l’appelant était un employé. Il ne s’agit pas d’une issue serrée où l’intention des parties peut influer sur la situation du travailleur.

 

[45]      Avant de conclure les présents motifs, il est toutefois important de revenir à l’analyse faite par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sagaz. Bien que les critères examinés plus haut aient effectivement été confirmés dans cette décision, ils ont été appliqués à la question centrale – selon l’expression employée par la Cour suprême – qu’il faut se poser lorsqu’on doit décider si le travailleur agissait comme une personne exploitant une entreprise pour son propre compte. Au moment d’examiner cette question relative au degré de contrôle exercé sur le travailleur par la partie qui embauche, la fourniture des instruments de travail et l’entrepreneurship du travailleur deviennent des facteurs à prendre en considération. L’appréciation de ce dernier facteur exige davantage qu’un examen du risque de perte et de la possibilité de profit. Il faut également se demander s’il est possible d’affirmer que le travailleur exploitait une entreprise. Dans la présente affaire, certains indices laissent à penser que l’appelant exploitait une entreprise. Il était inscrit aux fins de la TPS, il facturait ses heures, son nom figurait dans des bases de données servant à retenir les services d’entrepreneurs et il participait à un service de propositions de contrats ou de soumissions11. Cependant, ces indices ne suffisent pas en l’espèce pour fonder la Cour à conclure que l’appelant exploitait une entreprise pour son propre compte lorsqu’il fournissait des services à DEO.

 

[46]      L’appelant ne participait en réalité d’aucune manière à un marché gouvernemental en vue de faire des affaires. Il avait un emploi qui n’était garanti que pour une durée déterminée et il devait périodiquement présenter une demande pour conserver cet emploi. La façon dont cette demande était présentée et traitée n’avait toutefois rien d’entrepreneurial. On a pour l’essentiel reconnu que le système de passation des marchés n’avait pas été respecté en l’espèce. Même si ce n’était pas le cas, il est difficile d’imaginer qu’on puisse dire d’une personne qui n’a pas en propre d’entreprise concrète (ni bureau ni instruments de travail) et qui a travaillé pour un seul « client » pendant presque 13 ans dans un poste de subalterne qu’elle était en affaires pour son propre compte parce qu’elle pouvait « négocier » le taux du marché. En réalité, de façon générale, la constance à long terme de la relation de travail qui existait entre DEO et l’appelant en qualité de travailleur à plein temps ne peut être réconciliée avec l’idée que l’appelant était un entrepreneur indépendant exploitant une entreprise pour son propre compte.

 

[22]    Au paragraphe 31 de ses motifs, le juge Hershfield avait précédemment affirmé « qu’il ne faisait aucun doute que le contrat de l’appelant serait reconduit tant et aussi longtemps que l’emploi existerait ». Cette observation est tout aussi pertinente dans le présent appel.

 

[23]    Dans la décision Lang c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2007 CCI 547, [2007] A.C.I. no 365, l’ancien juge en chef Bowman devait décider si les travailleurs embauchés par les appelants dans le cadre de leur entreprise de nettoyage d’appareils de chauffage et de conduits étaient des employés aux termes d’un contrat de louage de services. Au paragraphe 33 de ses motifs, l’ancien juge en chef Bowman fait remarquer ce qui suit :

 

[33]      J’aimerais faire quelques observations au sujet du facteur « intention ». Premièrement, la Cour suprême du Canada n’a pas exprimé d’avis au sujet du rôle de l’intention. Dans l’arrêt Sagaz, il n’est pas fait mention de l’intention en tant que facteur. Deuxièmement, si l’intention des parties est un facteur, cette intention doit être partagée par les deux parties. S’il n’y a pas rencontre de volontés et si les parties ne sont pas d’accord, l’intention ne peut pas être un facteur. Troisièmement, si l’intention est un facteur permettant de décider si quelqu’un est un employé ou s’il est plutôt un entrepreneur indépendant, ce doit nécessairement être un facteur dans tous les cas où la question est pertinente. La Cour met habituellement l’accent sur la question plutôt stricte de savoir si une personne exerce un emploi assurable ou un emploi ouvrant droit à pension ou, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, si une personne est un employé aux fins de la déduction de certains types de dépenses ou quant à la façon d’établir son impôt. D’autre part, l’arrêt Sagaz portait sur la responsabilité du fait d’autrui. Si le critère est le même, l’intention subjective des parties contractantes quant à la nature de leur relation pourrait bien influer sur les droits de tiers, soit une préoccupation exprimée par le juge Evans dans les motifs qu’il a rendus en dissidence dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet.

 

[24]    Aux paragraphes 37 à 40, inclusivement, il poursuit en ces termes :

 

[37]      Si la loi ne me permet pas de tenir compte d’autre chose que du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door, considéré isolément, je dois dire qu’en l’espèce, tout indique une relation d’entrepreneur indépendant plutôt que d’employé. Aucune supervision ni aucun contrôle n’étaient exercés. On choisissait les travailleurs et on leur demandait de se rendre à un endroit particulier. S’il fallait reprendre le travail, les travailleurs devaient le faire à leurs frais. Il y avait pour les travailleurs des possibilités de profit et des risques de perte. Les travailleurs touchaient un pourcentage du montant versé à Dun‑Rite. Si le client ne payait pas Dun‑Rite, les travailleurs n’étaient pas payés non plus. Si Dun‑Rite réussissait à obtenir un grand nombre de commandes, les chances d’augmenter leur revenu étaient d’autant plus grandes pour les travailleurs. Si Dun‑Rite décidait de ne pas embaucher un travailleur, celui‑ci n’était tout simplement pas embauché. Le travailleur qui s’acquittait bien de sa tâche avait d’autant plus de chances d’être embauché pour un autre travail. Le facteur de la propriété des instruments de travail ne va ni dans un sens ni dans l’autre. Les appelants fournissaient l’équipement de nettoyage et la fourgonnette, et les travailleurs fournissaient les petits outils.

 

[38]      Si l’intention est déterminante, les travailleurs étaient sans aucun doute des entrepreneurs indépendants (Royal Winnipeg Ballet). Les appelants et les travailleurs qui ont été cités comme témoins se considéraient tous comme des entrepreneurs indépendants. C’est ce qui ressort des témoignages qu’ils ont présentés oralement ainsi que du fait qu’aucun avantage social, aucune paie de vacances et aucune sécurité d’emploi n’étaient assurés. Les travailleurs devaient attendre que les appelants ou Monty Hagan communique avec eux. Ils pouvaient accepter ou refuser le travail, et ils pouvaient accepter d’autres travaux. Il n’existait aucune garantie que Dun‑Rite les embauche et il n’existait aucune garantie qu’ils seraient embauchés de nouveau une fois terminé le travail pour lequel ils avaient été embauchés. Cela étant, les considérations que le juge Décary a énoncées dans l’arrêt Wolf s’appliquent.

 

[39]      Si nous considérons l’intention comme étant simplement un critère de démarcation (comme l’a dit le juge Noël dans les motifs qu’il a rendus dans l’affaire Wolf ainsi que le juge Malone dans l’arrêt City Water), le résultat serait identique même si les critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door n’allaient pas clairement dans un sens ou dans l’autre. La loi m’oblige à tenir compte du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door, mais elle ne m’empêche pas de procéder à un examen plus approfondi afin de déterminer quelle était la relation réelle entre les parties. Si le critère  énoncé dans l’arrêt Wiebe Door ne donnait pas de résultat concluant, l’examen de l’intention des parties ferait clairement pencher la balance du côté de la relation d’entrepreneur indépendant.

 

[40]      Si je devais me fonder uniquement sur mon instinct et sur le bons sens, je dirais qu’indépendamment du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door, indépendamment de l’intention, les travailleurs à qui on fait appel pour nettoyer les conduits de quelques maisons, qui touchent une partie du montant demandé et qui poursuivent ensuite leur chemin sont loin de pouvoir être considérés comme des employés.

 

[25]    Dans le présent appel, la preuve ne permet nullement d’affirmer que Larry exploitait une entreprise d’expert‑conseil auprès des musées ou qu’il offrait par ailleurs à des tiers du secteur public ou privé des services dans le domaine du patrimoine culturel. Il ne commercialisait ses services d’aucune manière explicite auprès de la collectivité culturelle en général, il n’annonçait pas ses services, il n’avait pas imprimé de cartes professionnelles et il ne détenait pas de compte d’affaires dans une banque. Il n’avait aucun bureau autre que l’espace de bureau aménagé dans son logement et il n’avait aucune ligne téléphonique distincte réservée à l’usage d’une entreprise.

 

[26]    Dans l’arrêt Standing c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.) (C.A.F.), [1992] A.C.F. no 890, M. le juge Stone a déclaré :

 

[...] Rien dans la jurisprudence ne permet d’avancer l’existence d’une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l’arrêt Wiebe Door. […]

  

[27]    En l’espèce, les parties n’avaient aucune intention d’apporter des modifications importantes aux conditions qui régissaient leur relation de travail depuis 15 ans. Elles voulaient plutôt apposer une toute nouvelle étiquette, celle d’entrepreneur indépendant, à la situation qu’elles avaient auparavant qualifiée de relation employeur‑employé. Les raisons qui les ont poussées à tenter cette transformation au moyen d’un contrat écrit ne sont pas logiques; M. Ewashen et le conseil auraient dû obtenir un avis juridique à cet égard.

 

[28]    Pour accueillir le présent appel sur le fondement de la preuve dont je suis saisi, il me faudrait conclure que l’intention des parties est déterminante. Or, ce n’est pas l’état actuel du droit. À moins que le législateur ne modifie la LAE afin de permettre aux parties à une relation de travail de qualifier la situation du fournisseur de services, ce qui équivaudrait à une forme de refus de participation au régime national d’AE, la mise en garde formulée par le juge Stone dans l’arrêt Standing demeure valable. La Cour suprême du Canada pourrait aussi accepter d’entendre un pourvoir en matière d’assurance‑emploi et examiner la question directement. Après s’être penché sur l’ensemble de la jurisprudence, y compris l’arrêt Sagaz, le plus haut tribunal du pays pourrait statuer que, dans certaines circonstances – comme l’absence de contrainte, de stratagème ou de disparité flagrante dans le pouvoir de négociation –, l’intention réciproque des parties à la relation de travail permet de déterminer leur situation. Dans une telle éventualité, et sous réserve de modifications ultérieures aux dispositions applicables de la LAE par le législateur, la question serait tranchée de manière définitive.

 

[29]    Après examen de la preuve et de la jurisprudence pertinente, il est évident que la décision du ministre est fondée et je la confirme.

 

[30]    L’appel est rejeté.

 

    

          Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 11e jour de mai 2010.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de juillet 2010.

 

Claude Leclerc, LL.B.


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 256

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-2801(EI)

 

INTITULÉ :                                       Kootenay Doukhobor Historical Society et le Ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Nelson (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 7 avril 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 11 mai 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Robert Ewashen

Avocate de l’intimé :

Me Whitney Dunn

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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