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Dossier : 2009-938(IT)I

ENTRE :

GUY ROY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée

et

 

LINDA MORIN,

partie jointe.

 

____________________________________________________________________

Appels entendus le 23 juin 2010, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge en chef Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Simon Petit

Pour la partie jointe :

Mme Morin elle‑même

 

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies à l’égard de M. Guy Roy en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2006 et 2007 sont rejetés.

 

          M. Roy ne peut déduire, dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2006 et 2007, aucun des montants de pension alimentaire versés à Mme  Morin dont il a demandé la déduction, et le ministre du Revenu national ne doit inclure aucun de ces montants dans le calcul du revenu de Mme Morin pour les années d’imposition 2006 et 2007.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'août 2010.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef Rip

 

 


 

 

Référence : 2010 CCI 412

Date : 20100805

Dossier : 2009-938(IT)I

ENTRE :

GUY ROY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

 

LINDA MORIN,

partie jointe.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Rip

 

[1]              Guy Roy interjette appel (sous le régime de la procédure informelle) de ses cotisations d’impôt sur le revenu. Il soutient qu’il a le droit de déduire de son revenu les montants de pension alimentaire pour enfants qu’il a versés à son ex‑épouse, Linda Morin, en 2006 et en 2007.

 

[2]              Par ordonnance de la Cour datée du 12 novembre 2009, Mme Morin a été constituée partie aux appels interjetés par M. Roy. Les questions suivantes à trancher lors de l’audition des appels ont été formulées :

 

a)

Guy Roy peut‑il déduire dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2006 et 2007 les montants suivants de pension alimentaire qu’il a versés à Linda Morin?

 

2006 :

10 413 $

 

2007 :

  9 286 $

 

 

b)

Linda Morin doit‑elle inclure dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2006 et 2007 les montants suivants de pension alimentaire qu’elle a reçus de Guy Roy?

 

2006 :

10 413 $

 

2007 :

  9 286 $

 

[3]              Dans son avis d’appel, M. Roy affirme ce qui suit : [traduction] « Je n'ai pas déduit de montant forfaitaire de pension alimentaire pour enfants après le [...] 11 février 2005. J’ai seulement arrêté de payer la pension alimentaire et j’ai payé l'arriéré de pension alimentaire. »

 

[4]              M. Roy et Mme Morin se sont mariés le 14 juillet 1984. En avril 1985, un enfant est né de leur union. À la suite de l’échec de leur mariage, M. Roy et Mme Morin ont signé un consentement à jugement daté du 29 juin 1987 en Cour supérieure du Québec, lequel prévoyait notamment que M. Roy verserait 50 $ de pension alimentaire pour enfants par semaine. M. Roy et Mme Morin ont officiellement divorcé le 6 février 1988.

 

[5]              M. Roy a travaillé aux États-Unis à partir d’un certain moment en 1999 jusqu’en juillet 2003. Il était incapable de se souvenir du montant de pension alimentaire pour enfants qu’il versait à son ex‑épouse ou de la fréquence des versements pendant cette période. Mme Morin a affirmé qu’il n’avait rien versé du tout. Tout ce qu’elle a reçu de M. Roy, c'était un mandat de 3 091,86 $, en 2000. Pendant la majeure partie de la période où M. Roy aurait dû verser une pension alimentaire pour enfants, Mme Morin était sans emploi et était prestataire de l’aide sociale. Tout montant qu'elle a reçu autre que les 3 091,86 $ provenait de l’aide sociale. Le ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille (le « ministère ») était subrogé dans les droits de Mme Morin de recouvrer l’arriéré auprès de M. Roy.

 

[6]              Lorsque l’enfant a atteint l’âge de la majorité, M. Roy a présenté une requête à la Cour supérieure en vue de faire modifier, par l’annulation de tout arriéré en ce qui concerne les versements et par l’annulation de la pension alimentaire, certaines dispositions de l’accord qui avait été conclu. Le 15 octobre 2004, M. Roy et Mme Morin ont convenu d’annuler les paiements de pension alimentaire pour enfants à compter de cette même date, et M. Roy a convenu de verser à Mme Morin 85 $ par semaine au titre de l’arriéré. M. Roy est d’avis qu’il n’a pas signé de [traduction] « nouvel » accord le 15 octobre 2004, mais a simplement [traduction] « arrêté de payer », et qu'il payait maintenant l’arriéré se rapportant à l’accord initial conclu en 1987.

 

[7]              Le 15 octobre 2004 également, M. Roy a obtenu du ministère qu'il consente à cesser le recouvrement de l’arriéré de pension alimentaire jusqu’au 12 novembre 2004. En date du 1er janvier 2005, les frais courants et l’arriéré en ce qui a trait à la pension alimentaire s’élevaient à 51 491,02 $.

 

[8]              Le 11 février 2005, M. Roy, Mme Morin et le procureur général du Québec, agissant au nom du ministère, se sont entendus sur le règlement suivant quant à l’arriéré :

 

a)       M. Roy devait payer au ministère un montant de 11 800 $ au titre de l’arriéré de pension alimentaire pour enfants;

b)      M. Roy devait payer un montant de 18 500 $ à Mme Morin en acquittement de l’arriéré de pension alimentaire accumulé jusqu'au 11 février 2005.  

 

[9]              M. Roy a convenu de payer le montant total de 30 300 $ par paiements mensuels de 500 $ à compter du 11 février 2005 jusqu’au 31 mai 2005, puis par paiements mensuels de 700 $ à compter du 1er juin 2005 et jusqu’au paiement intégral du montant total de 30 300 $.

 

[10]         En date du 11 février 2005, l’arriéré de la pension alimentaire s’élevait à 50 641,02 $.

 

[11]         Au titre de l’arriéré, M. Roy a effectué en 2005 des paiements s’élevant à 10 413 $, et en 2006 il a effectué des paiements s’élevant à 9 286 $. M. Roy affirme catégoriquement que les paiements qu’il a effectués en 2005 et en 2006 se rapportaient à l’arriéré des paiements qu’il était tenu de faire en vertu de l’accord initial conclu en 1987. Selon la position de la Couronne, ces paiements ont été faits en application de l’accord conclu le 11 février 2005. L’accord conclu en 1987 était antérieur aux modifications apportées aux alinéas 60b) et 56(1)b) et à l’article 56.1[1] de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») qui sont entrées en vigueur en 1997.

 

[12]         Avant mai 1997, les montants payés de façon périodique aux termes d’un accord écrit ou d’une ordonnance en matière de pension alimentaire pour enfants pouvaient être déduits par le payeur dans le calcul de son revenu aux fins de l’impôt, mais devaient être inclus par le bénéficiaire dans le calcul de son revenu. La Loi a été modifiée pour faire en sorte que les montants payés à titre de pension alimentaire pour enfants après avril 1997 soient ni déductibles ni à inclure dans le revenu. Cependant, en général, si un paiement de pension alimentaire pour enfants a été fait en vertu d’un accord conclu ou d’une ordonnance rendue avant mai 1997, les montants payés peuvent être déduits du revenu du payeur, et les montants reçus doivent être inclus dans le revenu du bénéficiaire.  

 

[13]         Sous le régime des dispositions législatives entrées en vigueur en 1997, la date clé d’un accord ou d’une ordonnance est sa « date d’exécution », selon la définition de cette expression que donne le paragraphe 56.1(4) de la Loi, définition qui s’applique à l’article 60.1 aux fins de l’application de l’alinéa 60b). La « date d’exécution » est la date à laquelle un accord ou une ordonnance entre en vigueur pour l’application des articles 60 et 60.1[2]. Si l’ordonnance ou l’accord a été établi après avril 1997, la date d’exécution est la date d’établissement, mais si l’accord ou l’ordonnance a été établi avant mai 1997 et qu'il a été modifié et qu'aucun choix n’a été fait (M. Roy et Mme Morin n’ont pas fait de choix), la date d’exécution, ou la date de prise d'effet, est le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois. Si un accord ou une ordonnance subséquent ou nouveau est établi après avril 1997 et qu'il change le total des montants de pension alimentaire qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d’exécution est la date de l'accord ou de l'ordonnance subséquent ou nouveau.

 

[14]         Il ressort clairement de la preuve qui m'a été présentée que l’obligation de M. Roy de payer l’arriéré en 2006 et en 2007 résultait de l’accord conclu le 11 février 2005 et était conforme à celui-ci. Avant cet accord, M. Roy n’était pas tenu de verser 11 800 $ au ministère et 18 500 $ à Mme Morin. Avant l’accord de 2005, M. Roy était redevable à Mme Morin aux termes de l’accord de 2004. De même, avant l’accord de 2004, il était redevable à cette dernière aux termes de l’accord de 1987. L’accord du 11 février 2005 a libéré M. Roy des obligations qu'il avait contractées dans les accords précédents. C’est parce qu'il ne s'est pas acquitté des obligations énoncées dans l’accord de 1987 qu’il a dû, en 2005, accepter de prendre des dispositions pour le paiement de l’argent qu'il devait. L’accord du 11 février 2005 constitue donc un nouvel accord.

 

[15]         À mon avis, l’obligation de M. Roy de payer l’arriéré procède de l’accord de 2005, et la date de cet accord est la « date d’exécution » aux fins de ces appels. Par conséquent, M. Roy ne peut déduire, dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2006 et 2007, aucun des montants de pension alimentaire versés à Mme Morin dont il a demandé la déduction, et le ministre du Revenu national ne doit inclure aucun de ces montants dans le calcul du revenu de Mme Morin pour les années d’imposition 2006 et 2007.  

 

[16]         Les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'août 2010.

 

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef Rip

 

 


ANNEXE

 

60. Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

60. There may be deducted in computing a taxpayer‘s income for a taxation year such of the following amounts as are applicable:

 

 

[…]

[…]

 

 

b) Pensions alimentaires [époux/conjoint de fait et enfant] le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

 

A     représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l’année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

 

 

B     le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

 

C     le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure;

 

(b) [spousal or child] support -- the total of all amounts each of which is an amount determined by the formula

 

A - (B + C)

where

 

A   is the total of all amounts each of which is a support amount paid after 1996 and before the end of the year by the taxpayer to a particular person, where the taxpayer and the particular person were living separate and apart at the time the amount was paid,

 

B    is the total of all amounts each of which is a child support amount that became payable by the taxpayer to the particular person under an agreement or order on or after its commencement day and before the end of the year in respect of a period that began on or after its commencement day, and

 

 

C   is the total of all amounts each of which is a support amount paid by the taxpayer to the particular person after 1996 and deductible in computing the taxpayer‘s income for a preceding taxation year;

 

56(1) Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

56(1) Without restricting the generality of section 3, there shall be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year,

 

 

[…]

[...]

 

 

b) Pension alimentaire [époux ou enfant] le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

 

A - (B + C)

où :

 

A     représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l’année d’une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

 

B     le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

 

C     le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu’il a incluse dans son revenu pour une année d’imposition antérieure;

 

b) [spousal or child] support -- the total of all amounts each of which is an amount determined by the formula

 

A - (B + C)

where

 

A    is the total of all amounts each of which is a support amount received after 1996 and before the end of the year by the taxpayer from a particular person where the taxpayer and the particular person were living separate and apart at the time the amount was received,

 

B    is the total of all amounts each of which is a child support amount that became receivable by the taxpayer from the particular person under an agreement or order on or after its commencement day and before the end of the year in respect of a period that began on or after its commencement day, and

 

 

C   is the total of all amounts each of which is a support amount received after 1996 by the taxpayer from the particular person and included in the taxpayer‘s income for a preceding taxation year;

 

 

 

56.1(1) Pour l’application de l’alinéa 56(1)b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s’y rapportant, prévoit le paiement d’un montant à un contribuable ou à son profit, au profit d’enfants confiés à sa garde ou à la fois au profit du contribuable et de ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé :

56.1(1) For the purposes of paragraph 56(1)(b) and subsection 118(5), where an order or agreement, or any variation thereof, provides for the payment of an amount to a taxpayer or for the benefit of the taxpayer, children in the taxpayer‘s custody or both the taxpayer and those children, the amount or any part thereof

a) une fois payable, être payable au contribuable et à recevoir par lui;

 

(a) when payable, is deemed to be payable to and receivable by the taxpayer; and

Judgments

 

 

b) une fois payé, avoir été payé au contribuable et reçu par lui.

 

(b) when paid, is deemed to have been paid to and received by the taxpayer.

 


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 412

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-938(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              GUY ROY

                                                          c. SA MAJESTÉ LA REINE et LINDA MORIN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 23 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge en chef Gerald J. Rip

 

DATE  DU JUGEMENT PAR :          Le 5 août 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Simon Petit

Pour la partie jointe :

Mme Morin elle‑même

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                             Nom :

 

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Voir l’annexe ci‑jointe.

[2]           Voir le paragraphe 60.1(4). Voir les motifs de mon collègue, le juge Boyle, dans Pooran c. La Reine, 2007 CCI 584, pour une analyse détaillée de la notion de « date d’exécution » et de la question de la déductibilité de paiements de pension alimentaire pour enfants. 

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