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Dossier : 2006-2175(IT)G

ENTRE :

ON-LINE FINANCE & LEASING CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 16 et 17 novembre 2009 ainsi que du 13 au 16 avril 2010, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me John Drove

Avocats de l’intimée :

Me Andrew Majawa

Me Carl Januszczak

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000 et 2003 sont accueillis avec dépens, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de septembre 2010.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de janvier 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur


 

Référence : 2010 CCI 475

Date : 21092010

Dossier : 2006-2175(IT)G

ENTRE :

 

ON-LINE FINANCE & LEASING CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Campbell

 

Introduction

 

[1]              En l’espèce, la Cour est appelée à se prononcer sur le traitement qu’il convient d’accorder à des paiements de location perçus par l’appelante au cours des années d’imposition 2000 et 2003, conformément à un programme de location auquel la Municipal Finance Authority de la Colombie-Britannique (la « MFA ») et l’appelante ont participé.

 

[2]              Jusqu’en 2004, l’appelante déclarait les paiements de location qu’elle avait perçus à titre de revenu de location; elle déduisait un montant pour les intérêts versés à la MFA sur les fonds empruntés et elle demandait chaque année une déduction pour amortissement. Au mois de novembre 2004, l’appelante a produit des déclarations de revenus modifiées pour les années d’imposition 1997 à 2003. Dans ces déclarations modifiées, l’appelante supprimait les paiements de location de son revenu et elle ne demandait plus une déduction pour amortissement à l’égard des actifs. Étant donné que la fraction non amortie du coût en capital des actifs était alors beaucoup plus élevée, les pertes finales disponibles étaient également beaucoup plus élevées. Étant donné que les années d’imposition 1997 à 1999 étaient prescrites, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante pour ses années d’imposition 2000 à 2003. De plus, l’appelante a interjeté appel relativement à son année d’imposition 2004. Avant l’audience, par une ordonnance rendue par le juge Boyle le 30 octobre 2009, les appels concernant les années d’imposition 2001, 2002 et 2004 ont été annulés. Par conséquent, je suis uniquement appelée à me prononcer sur les années d’imposition 2000 et 2003.

 

La preuve

 

[3]              J’ai entendu les témoignages de trois témoins cités par l’appelante : Robert Leighton, président et unique administrateur de la société appelante; James Craven, directeur exécutif de la MFA jusqu’au 31 décembre 2001; Victor Blamey, comptable de l’appelante, qui a préparé les déclarations de revenus modifiées produites par l’appelante le 16 novembre 2004.

 

[4]              La MFA a été créée par des membres de l’administration locale en 1971; il s’agissait de donner aux municipalités de la Colombie-Britannique la possibilité d’obtenir le financement nécessaire pour acheter des immobilisations. La MFA pouvait offrir aux municipalités un certain nombre de possibilités d’emprunts favorables, notamment le programme de location qui est au cœur des présents appels.

 

[5]              En 1991, M. Leighton et M. Craven ont entamé des discussions au sujet de la création d’un programme de location à court terme devant être mis à la disposition des municipalités qui voulaient acheter de grosses immobilisations, comme des camions à incendie, des chasse‑neige ou des bâtiments.

 

[6]              La société appelante a été créée en 1995 à titre d’entité de location en vue de faciliter la mise en œuvre et l’exploitation du programme de location. Initialement, Robert Leighton détenait la totalité des actions de la société appelante. Depuis 2004, M. Leighton détient directement ou indirectement 98 p. 100 des actions.

 

[7]              L’arrangement entre l’appelante et la MFA a été pris dans le cadre d’une relation d’affaires sans lien de dépendance régie principalement par quatre ententes :

 

                                                a)       un contrat de prestation de services en date du 1er avril 1995;

 

                 b)      une entente sur la fixation des prix en date du 7 avril 1998;

 

                 c)       un contrat de location en date du 5 avril 2000;

 

                   d)      une cession du contrat de location en date du 30 octobre 2002.

 

[8]              La MFA disposait d’une importante marge de crédit à la Banque de Montréal. Toute municipalité qui voulait acquérir un actif précis pouvait le louer de la société appelante à un taux d’intérêt plus favorable, au lieu de simplement l’acheter ou de le louer directement du fabricant. La municipalité demandait à la MFA de lui accorder une marge de crédit d’un montant suffisant pour acheter l’actif. La MFA décidait ensuite la municipalité était solvable. Elle fournissait alors à l’appelante les fonds nécessaires aux fins de l’achat de l’actif. L’appelante utilisait les fonds pour acheter l’actif que la municipalité voulait acquérir et elle louait ensuite l’actif à la municipalité. L’appelante conservait le titre de propriété de l’actif. La municipalité faisait les paiements de location directement à la MFA. L’appelante cédait les paiements de location, les contrats de location et les actifs à la MFA.

 

[9]              M. Leighton a exposé en ces termes le déroulement normal du programme de location :

 

(1)              La municipalité communique avec l’appelante en vue d’acquérir un actif précis. La MFA approuve ou rejette la demande compte tenu de la solvabilité de la municipalité;

 

(2)              L’appelante élabore, rédige et prépare un contrat de location. Le bailleur, dans le contrat, est l’appelante et le preneur est la municipalité. Une fois signé par les deux parties, le contrat de location est envoyé par télécopie à la MFA;

 

(3)              La municipalité passe une commande d’achat auprès du fabricant à l’égard de l’actif qu’elle veut acquérir. Une facture est envoyée à l’appelante et, dans la commande d’achat, l’appelante est désignée  comme l’acquéreur;

 

(4)              Une fois que la MFA a reçu le contrat de location, elle avance les fonds à l’appelante, de façon que l’actif puisse être acheté;

 

(5)              Une fois l’actif livré, la municipalité accepte ou rejette l’actif. Si l’actif est rejeté, les fonds sont retournés à la MFA, mais, s’il est accepté, l’appelante remet le montant dû au vendeur de l’actif;

 

(6)              Lorsque l’actif est accepté, l’appelante cède à la MFA l’actif, le contrat de location et le revenu de location (la « cession »), mais elle conserve le titre et la propriété de l’actif. L’appelante touche des frais de courtage pour chaque contrat de location qu’elle conclut avec la municipalité.

 

[10]         La nature et l’objet de la cession effectuée par l’appelante en faveur de la MFA, ainsi que la nature des fonds avancés à l’appelante par la MFA et la nature de l’obligation de l’appelante de rembourser ces fonds sont les aspects du programme de location qui sont en l’espèce matière à controverse. Essentiellement, le différend porte surtout sur la bonne qualification des avances que la MFA consent à l’appelante aux fins de l’achat de l’actif. En d’autres termes, il faut rechercher qui a emprunté les fonds : l’appelante ou la municipalité? De plus, la qualification de la cession et des paiements de location subséquents est également controversée. Selon la thèse de l’intimée, les avances sont des prêts continus de la MFA en faveur de l’appelante, chaque paiement effectué au titre de la location réduisant le solde du principal du prêt. Selon l’intimée, la cession constitue une garantie de ce prêt continu. Selon l’appelante, les avances constituent des prêts consentis par la MFA en sa faveur, lesquelles sont uniquement des avances provisoires et sont immédiatement remboursées au moyen de la cession. La cession est effectuée au profit de la MFA et permet à la MFA d’exercer au besoin un recours en cas de défaut.

 

[11]         Le programme de location a pris fin en 2003. La MFA, dont la direction est maintenant assurée par Steve Berna, a déposé une requête de mise en faillite contre l’appelante. Une proposition et une proposition modifiée dans la procédure de faillite ont été faites par l’appelante, acceptées par les créanciers et approuvées par la Cour suprême de la Colombie-Britannique. L’appelante et la MFA ont toutes deux conclu des accords écrits de transfert à l’égard de la disposition par l’appelante, en faveur de la MFA, des actifs du programme de location et de l’extinction de la dette existant au titre de la ligne de crédit. À l’appui de sa thèse, l’intimée a invoqué ces documents de faillite ainsi qu’un certain nombre d’autres ententes et affidavits se rapportant aux procédures en faillite. La Cour doit rechercher si l’intimée peut invoquer ces documents extrinsèques à titre d’outils interprétatifs des ententes écrites conclues dans le cadre du programme de location; cela soulève la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque.

 


La thèse de l’appelante

 

[12]         L’appelante soutient que les fonds qu’elle a reçus de la MFA étaient des prêts ou des avances provisoires non garantis qui étaient immédiatement remboursés et annulés au moyen de la cession absolue des paiements reçus au titre de la location (observations écrites de l’appelante, paragraphe 3). L’appelante soutient donc que les paiements de location ne peuvent pas être assimilés à un revenu entre ses mains et qu’elle a droit aux pertes finales demandées dans les déclarations modifiées. En produisant les déclarations de revenus modifiées en 2004, l’appelante a cessé d’assimiler les paiements de location à un revenu lui appartenant et elle a cessé de demander une déduction pour amortissement. Par conséquent, la fraction non amortie du coût en capital des actifs était beaucoup plus élevée que ce qui avait auparavant été indiqué dans les déclarations antérieures et donnait lieu à des pertes finales plus élevées que celles qui étaient demandées dans les déclarations de revenus initiales de l’appelante.

 

La thèse de l’intimée

 

[13]         L’intimée soutient que les fonds que l’appelante a reçus de la MFA ont été avancés dans le cadre d’une marge de crédit continue que la MFA avait accordée à celle-ci. Par conséquent, l’appelante a perçu tout le revenu de location subséquent même si la municipalité l’avait peut-être directement transféré à la MFA en vue de diminuer le solde du principal sur la marge de crédit. Selon l’intimée, la cession servait à garantir la dette que l’appelante avait contractée envers la MFA par suite de la marge de crédit que la MFA lui avait accordée. Les nouvelles cotisations établies par le ministre étaient conformes au libellé et au sens clairs des ententes conclues dans le cadre du programme de location ainsi qu’aux déclarations de revenus initiales de l’appelante, dans lesquelles cette dernière assimilait à un revenu les paiements perçus au titre de la location.

 

Les questions en litige

 

[14]         Les questions en litige sont les suivantes :

 

        (1)     L’intimée a-t-elle le droit d’invoquer des éléments de preuve extrinsèques à titre d’outils interprétatifs des ententes écrites conclues dans le cadre du programme de location?

 

        (2)     Quelle est la qualification correcte des fonds que la MFA a avancés à l’appelante?

 

        (3)     Quelle est la qualification correcte de la cession et des paiements de location que la MFA a par la suite perçus?

 

        (4)     L’argument subsidiaire de l’intimée est-il fondé?

 

Analyse

 

Question préliminaire : La règle d’exclusion de la preuve extrinsèque est-elle opposable à l’intimée?

 

[15]         Telle est le nœud de la présente procédure; l’issue de l’affaire dépend de la réponse à cette question. Si je conclus que l’intimée peut invoquer la preuve extrinsèque qu’elle a produite, l’appelante risque de voir son appel rejeté. La preuve extrinsèque est principalement composée de documents se rapportant à la procédure de faillite subséquente entre l’appelante et la MFA et comprend un accord général de transfert, une proposition modifiée soumise par l’appelante et des affidavits, des indemnités, des quittances et des propositions. Un grand nombre de ces documents contredisent la thèse défendue par l’appelante en l’espèce.

 

[16]         Au début de l’audience, l’appelante a cherché à produire en preuve des lettres qu’elle avait échangées avec la MFA au sujet des négociations se rattachant au programme de location. L’intimée a présenté une requête préliminaire en opposition à la production de ces lettres au motif que cela allait à l’encontre de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque, étant donné qu’elles se rapportaient à la preuve de l’intention des parties au programme de location. L’intimée a soutenu que les quatre ententes conclues dans le cadre de ce programme étaient claires et non ambiguës et que la preuve extrinsèque n’était donc pas nécessaire aux fins de l’interprétation de celles-ci. Puisque l’appelante avait l’intention de produire des documents additionnels en plus des lettres qui avaient été échangées et à cause des répercussions importantes que la décision rendue à l’égard de la requête pourrait avoir sur la portée de l’audience, j’ai ajourné l’audience et j’ai demandé aux avocats des parties de présenter des observations écrites. Dans l’ordonnance que j’ai rendue le 2 mars 2010, j’ai conclu que les ententes constituaient l’entente complète entre les parties et j’ai décidé d’empêcher l’appelante ne pouvait produire des éléments de preuve extrinsèques à titre d’outils interprétatifs des ententes conclues dans le cadre du programme de location. J’ai conclu que les ententes pertinentes n’étaient pas ambiguës, de sorte qu’aucune preuve extrinsèque ne serait nécessaire aux fins d’interprétation de celles-ci.

 

[17]         Lorsque l’audience a repris, l’intimée a cherché à produire des éléments de preuve extrinsèques à l’appui de sa thèse; elle a soutenu que l’ordonnance que j’avais rendue le 2 mars 2010 ne s’adressait qu’à l’appelante, mais pas à elle. Bien qu’elle eût été invitée à le faire, l’appelante ne s’y est pas opposée et elle a déclaré qu’elle ferait des observations sur cette question.

 

[18]         L’argument de l’intimée, à savoir qu’elle peut à bon droit se fonder des éléments de preuve extrinsèques, alors que l’appelante ne peut pas le faire, est fondé sur l’arrêt que la Cour d’appel fédérale a rendu dans l’affaire Urichuk c. The Queen, 93 DTC 5120, où il a été conclu ce qui suit (page 5121) :

 

[traduction]

 

[...] Nous rejetons également la tentative que l’appelant a faite pour invoquer la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque en vue de s’opposer à la preuve des circonstances qui ont mené à la conclusion de l’entente; le ministre, qui n’est pas partie à cette entente, peut à bon droit se fonder sur tout élément de preuve dont il dispose pour caractériser les paiements [...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[19]         Cette jurisprudence a été suivie par le juge Hogan dans la décision Husky Oil Limited c. The Queen, 2009 DTC 1094, que la Cour d’appel fédérale a par la suite infirmée. Toutefois, aucune observation précise n’a été faite au sujet de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque.

 

[20]         L’intimée fait valoir que, puisqu’elle n’était pas partie aux ententes conclues dans le cadre du programme de location, elle peut à bon droit, en qualité de tiers, invoquer tout élément de preuve disponible à l’appui de sa qualification de ces ententes, c’est‑à‑dire que les paiements de location étaient cédés en garantie et que les paiements effectués par les municipalités réduisaient avec le temps la dette de l’appelante envers la MFA. L’intimée affirme que les dires des parties, dans les documents de faillite, lesquels sont postérieurs aux contrats initiaux de location, sont conformes à l’interprétation des documents de location non ambigus qu’elle défend.

 

[21]         L’appelante soutient que l’ordonnance rendue par la Cour le 2 mars 2010 lie les deux parties aux présents appels, et ce, pour les motifs suivants :

 

(1)     la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’affaire Urichuk  n’enseigne pas que le ministre a toujours le droit de se fonder sur des éléments de preuve extrinsèques simplement parce qu’il n’était pas partie au contrat; la portée de cette jurisprudence est donc restreinte;

 

(2)     les observations que le juge Hugessen a faites dans l’arrêt Urichuk ont été rejetées par la jurisprudence subséquente;

 

(3)     l’appelante subirait un préjudice sérieux et serait placée dans une situation inéquitable fort désavantageuse au moment de l’audience si l’intimée était autorisée à se fonder sur une preuve extrinsèque.

 

[22]         De prime abord, la jurisprudence Urichuk semble logiquement donner à l’intimée la possibilité d’invoquer les éléments de preuve extrinsèques qu’elle a produits. Toutefois, il faut examiner l’historique et le contexte de cette décision. Il s’agissait principalement de qualifier les paiements que le contribuable avait effectués en faveur de son épouse et de rechercher si ces paiements avaient été faits au titre d’une pension alimentaire, donc déductibles. Le juge Cullen, de la Section de première instance de la Cour fédérale, avait rejeté l’appel et avait autorisé l’intimée à produire une preuve extrinsèque afin de déterminer la façon dont il convenait de caractériser les paiements. Toutefois, le juge Cullen a expressément signalé qu’il autorisait la production de cette preuve, compte tenu de l’arrêt que la Cour d’appel fédérale avait rendu dans l’affaire The Queen c. McKimmon, 90 DTC 6088, où on avait conclu, à la page 6090, que, dans le contexte de pensions alimentaires pour conjoint, « [c]e genre de problème peut difficilement être résolu par des règles rigides » et que « [l]a Cour doit au contraire examiner toutes les circonstances entourant le paiement et déterminer, à la lumière de ces circonstances, la façon appropriée de qualifier ce paiement. »

 

[23]         Cela dit, à mon sens, je ne saurais retenir l’idée que la Cour d’appel fédérale, par l’arrêt Urichuk, a consacré la doctrine qu’une personne qui n’est pas partie à un contrat a toujours le droit de se fonder sur des éléments de preuve extrinsèques. Comme l’a soutenu l’appelante, l’enseignement de l’arrêt Urichuk est beaucoup plus circonscrit et vise uniquement les affaires de pension alimentaire pour conjoint.

 

[24]         Le second argument de l’appelante est que les décisions Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129 (« Eli Lilly »), Gilchrist c. Western Star Trucks Inc., 2000 BCCA 70, et The Queen c. General Motors of Canada Ltd., 2008 DTC 6381 (« GM Canada ») ont opéré un revirement de la jurisprudence Urichuk. Au paragraphe 36 de l’arrêt GM Canada, la Cour d’appel fédérale a résumé l’état actuel de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque :

 

 [36]      On peut dégager quelques idées des décisions qui viennent d’être citées. Premièrement, s’il ne décèle aucune ambiguïté dans le document à l’examen, le tribunal ne peut tenir compte d’éléments de preuve extrinsèques. Deuxièmement, les éléments de preuve dont on peut effectivement tenir compte doivent se rapporter aux « circonstances du moment ». Troisièmement, même lorsqu’il y a une ambiguïté, les éléments de preuve portant uniquement sur l’intention subjective d’une personne ne sont pas admissibles.

 

[25]         Dans ces arrêts, il n’est pas expressément fait mention de l’application de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque à des personnes qui ne sont pas parties à un contrat, mais les enseignements que la Cour d’appel fédérale a énoncés dans certains arrêts subséquents semblent incompatibles avec la jurisprudence Urichuk, sauf lecture plus circonscrite de celle-ci, qui est la mienne.

 

[26]         En ce qui concerne la preuve de l’intention subjective, la Cour d’appel fédérale, par l’arrêt GM Canada, dit clairement que le juge peut examiner les « circonstances de l’espèce », mais qu’il ne peut pas examiner l’« intention des parties ». Dans la décision Urichuk, le juge Cullen, en première instance, avait examiné en détail l’intention des deux parties et il avait conclu en ces termes (page 5379) :

 

            [...] la requête en divorce de Mme Urichuk a joué le rôle d’un catalyseur en poussant M. Urichuk à s’adresser à sa femme et à accepter de lui payer les 200 000 $ qu’elle demandait pour interrompre l’action en divorce [...] Même si l’accord prévoit que Mme Urichuk devait se désister de son action en divorce, j’estime que le véritable objectif que poursuivait le demandeur en lui versant la somme de 200 000 $ n’était que de retarder le divorce [...]

 

 

Ces observations constituent clairement un examen de l’intention subjective des parties, ce qui, selon ce que la Cour d’appel fédérale a conclu dans l’arrêt GM Canada, n’est jamais admissible.

 

[27]         Deuxièmement, en autorisant la production d’éléments de preuve extrinsèques dans l’affaire Urichuk, la Section de première instance de la Cour fédérale a observé, à la page 5378, que « les témoignages sont admissibles pour déterminer la véritable nature de l’opération » et que « c’est un principe bien établi du droit fiscal de ne pas s’en tenir à la forme d’une convention pour en déterminer le fond ». Ces observations sont contraires à l’enseignement de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Shell Canada Ltée c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622, où, au paragraphe 39, la juge McLachlin (tel était alors son titre) a conclu que bien que « les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique », ils ne peuvent pas invoquer la réalité économique pour justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables. Il ressort de ces observations qu’en droit fiscal, la pratique établie ne permet pas d’aller au‑delà de la forme d’une entente. De fait, comme la Cour suprême du Canada l’a clairement dit dans sa décision, il faut respecter les rapports juridiques véritables établis au moyen d’un contrat non ambigu.

 

[28]         Quant au troisième point soulevé par l’appelante, à savoir qu’elle subirait un préjudice si l’intimée était autorisée à se fonder sur une preuve extrinsèque, alors que l’appelante ne peut pas le faire, il a été dit que la portée de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque au Canada produit des résultats accablants [John McCamus, The Law of Contracts, (Irwin Law : Toronto, 2005) p. 198]. Dans la décision Corey Developments Inc. in Trust v. Eastbridge Developments (Waterloo) Ltd., 34 O.R. (3d) 73 (« Corey Developments »), la juge Macdonald s’est exprimée sur l’injustice qui résulterait d’une application stricte de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque en ces termes (page 80) :

 

[traduction]

 

[...] la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque vise à assurer le respect des attentes des parties contractantes. [...]

 

La juge Macdonald a ensuite cité The Law of Contract, 3e éd. (Aurora, Ont : Canada Law Book, 1993), de S.M. Waddams, dans lequel l’auteur fait les observations suivantes au sujet de l’application stricte de la règle (page 82) :

 

[traduction]

 

Comme il en a ci‑dessus été fait mention, la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque n’est ni trop dure ni déraisonnable. Elle prévoit simplement que, lorsque les parties ont convenu que l’entente qu’elles ont conclue est exclusivement consignée dans un document donné, leur intention l’emporte. Toutefois, malheureusement, dans un grand nombre de cas où l’on tente de l’appliquer, la règle n’est pas énoncée, et l’on semble appliquer une autre règle plus stricte, comme la règle voulant que des documents signés soient exécutoires d’une façon absolue. Or, aucune règle de ce genre n’a été consacrée par une décision faisant autorité, et un grand nombre de décisions sont incompatibles avec celle-ci. Une telle règle donnerait lieu à une grave injustice et ne pourrait pas facilement être défendue.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[29]         Dans l’arrêt Ahone v. Holloway, [1988] B.C.J. no 1603 (C.A.C.‑B.), la juge McLachlin (tel était alors son titre) a observé que [traduction] « la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque n’est pas absolue ». Dans la décision Corey Developments, la juge Macdonald a retenu cette observation et a conclu que la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque n’est pas une règle stricte et que le juge ne doit pas avaliser une application de celle-ci qui donne lieu à une injustice évidente en fournissant à une partie un outil lui permettant de duper l’autre. Aucun car de figure de ce genre n’est en cause en l’espèce, mais les questions sous‑jacentes d’iniquité et de préjudice se posent de fait. L’intimée s’est opposée à la production, par l’appelante, d’éléments de preuve extrinsèques, et elle a obtenu une ordonnance en ce sens; cependant elle cherche maintenant à produire une telle preuve et à se fonder sur cette preuve à l’appui de sa thèse. Si j’autorisais l’intimée à le faire dans les présents appels, je créerais une situation inéquitable qui serait préjudiciable à l’appelante dans la défense de ses thèses. Selon le raisonnement de l’intimée, il lui est loisible d’invoquer tout élément de preuve qu’elle peut trouver, mais non pas l’appelante. Je ne saurais retenir l’idée que la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque, qui vise à assurer la primauté des contrats écrits, dicte une telle conclusion. Cela serait tout simplement inéquitable et préjudiciable au contribuable qui défend sa cause.

 

[30]         Je suis d’avis que les observations que la Cour d’appel fédérale a faites dans l’arrêt Urichuk ne doivent viser que la pension alimentaire pour conjoint. Je ne crois pas que l’enseignement de l’arrêt Urichuk aille jusqu’à imposer au juge de toujours admettre un élément de preuve extrinsèque lorsqu’il est produit par l’intimée. Je note également qu’il a toujours été entendu pour ma part que les motifs de l’ordonnance que j’ai rendue à l’égard de la requête préliminaire que l’intimée avait présentée au sujet de la production de la preuve extrinsèque valaient également par les deux parties en cause. Dans les observations écrites qui ont été soumises dans le cadre de la requête, on n’a jamais demandé ou soutenu que mes motifs ne visaient que la seule appelante, en laissant à l’intimée toute la latitude voulue pour produire la preuve qu’elle jugeait indiquée. La requête a été présentée par l’intimée et elle visait une lettre que l’appelante avait cherché à produire, mais mes motifs visaient généralement la production d’éléments de preuve extrinsèques par l’une ou l’autre partie. Par conséquent, aucun des éléments de preuve extrinsèques de l’intimée ne sera retenu; il y aurait sinon violation de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque et de l’ordonnance que j’ai rendue le 2 mars 2010.

 

Quelle est la qualification correcte des fonds que la MFA a avancés à l’appelante?

 

[31]         L’intimée déclare que la MFA a accordé une marge de crédit à l’appelante, l’emprunteur, aux fins de l’achat d’actifs qui pouvaient être loués aux municipalités et que cette dette était garantie par la cession des actifs loués et des paiements de location. Selon l’intimée, les contrats de location confortent sa thèse de manière claire et inéquivoque. À l’appui de cette thèse, elle cite les stipulations suivantes, figurant dans l’entente concernant le programme de location en date du 5 avril 2000 :

 

[traduction]

 

ATTENDU que l’Administration :

 

est prête à offrir à On-Line une marge de crédit garantie par des municipalités canadiennes et par des établissements admissibles [...] aux fins de l’achat d’actifs devant être loués à des municipalités canadiennes et à des établissements admissibles;

 

(Préambule de l’entente concernant le programme de location)

 

[traduction]

 

1.         L’Administration accorde par les présentes une marge de crédit garantie par des municipalités canadiennes et par des établissements admissibles pour la période allant de la date susmentionnée au 1er avril 2005. [...]

 

(Premier paragraphe de l’entente concernant le programme de location)

 

[traduction]

 

2.         L’Administration s’engage :

 

            [...]

 

d)         à assurer le financement nécessaire aux fins de l’achat d’actifs devant être loués par On‑Line, [...];

 

e)         à exiger des intérêts au taux préférentiel canadien, moins cent points de base (1 p. 100) sur les fonds avancés à On‑Line [...];

 

(Alinéas 2d) et e) de l’entente concernant le programme de location)

 

[traduction]

 

ATTENDU :

 

[...]

 

B.         Conformément à l’entente concernant le programme de location, l’Administration accorde une marge de crédit (le « financement ») aux fins de l’achat d’actifs devant être loués [...];

 

(Préambule de la cession des contrats de location)

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[32]         Les ententes concernant le programme de location ont été conclues entre l’appelante et la MFA. Étant donné que ces ententes stipulent que la MFA s’engage à assurer le financement de l’appelante, il s’ensuit que l’emprunteur doit être l’appelante, parce que les municipalités ne sont pas parties aux ententes et, comme l’a soutenu l’intimée, les municipalités ne sont pas désignées comme bénéficiaires de la marge de crédit.

 

[33]         L’intimée soutient que la thèse de l’appelante selon laquelle la MFA ne lui a pas prêté d’argent est démentie par les stipulations de ces ententes. La thèse de l’appelante, à savoir que les avances ne constituaient pas un prêt, est contredite par la thèse selon laquelle les avances consenties par la MFA ont été immédiatement remboursées au moyen d’une cession absolue. Selon l’intimée, les thèses de l’appelante, à savoir qu’elle n’avait pas emprunté les fonds d’une part, mais que, d’autre part, la dette avait néanmoins été éteinte au moyen de la cession absolue des paiements de location, ne peuvent être toutes deux exactes.

 

[34]         L’appelante se fonde sur la stipulation suivante figurant dans la cession des contrats de location à l’appui de sa thèse, selon laquelle la MFA assurait le financement aux municipalités, qui étaient les emprunteurs, plutôt qu’à l’appelante :

 

[traduction]

 

ATTENDU:

 

A.        Conformément aux dispositions du paragraphe 11.1(1) de la Municipal Finance Authority Act, On-Line et l’Administration ont conclu une entente concernant le programme de location (l’« entente concernant le programme de location ») en date du 5 avril 2000;

 

B.         Conformément à l’entente concernant le programme de location, l’Administration accorde une ligne de crédit (le « financement ») aux fins de l’achat d’actifs devant être loués à des administrations locales et à des établissements admissibles visés au paragraphe 11.1(5) de la Municipal Finance Authority Act;

 

(Préambule de la cession des contrats de location)

 

[35]         Le paragraphe 11.1(1) de la Municipal Finance Authority Act, R.S.B.C. 1996, ch. 325 (la « MFAA ») autorise la MFA à prêter de l’argent uniquement à des administrations locales et à des établissements précis, mais non à des entités privées. L’appelante fait valoir qu’elle ne peut pas être l’emprunteur des fonds, puisqu’elle est une société privée et qu’étant donné que le préambule stipule clairement que l’entente est conclue conformément à la MFAA, l’entente serait illégale et inexécutoire si l’appelante était l’emprunteur. Toutefois, l’argument de l’appelante selon lequel elle ne pouvait pas être l’emprunteur en raison des interdictions mentionnées dans la MFAA est dénué de fondement. Tout contournement possible des dispositions de la MFAA n’influera aucunement sur l’interprétation des ententes et sur la caractérisation finale de la marge de crédit avancée par la MFA.

 

[36]         Selon le libellé des ententes, l’appelante était clairement l’emprunteur des fonds avancés par la MFA. Dans le préambule de l’entente concernant le programme de location, il est déclaré:

 

[traduction]

 

[...] l’Administration : est prête à offrir à On‑Line une marge de crédit garantie par des municipalités canadiennes [...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Les ententes ne stipulent pas expressément que l’appelante est l’emprunteur des fonds, mais, puisqu’elles ont uniquement été conclues entre l’appelante et la MFA, cela donne la nette impression que c’était l’appelante qui était l’emprunteur des fonds avancés par la MFA.

 

[37]         En expliquant les modalités d’application des ententes concernant le programme de location, l’appelante a déclaré ce qui suit :

 

[traduction]

 

À la réception du contrat de location signé, la MFA avançait à On‑Line le produit de la ligne de crédit qu’elle accordait à la municipalité à titre d’avance provisoire non garantie.

 

(Transcription, volume 4, page 280, lignes 22 à 25)

 

Cette assertion est incompatible avec les ententes conclues entre la MFA et l’appelante, lesquelles stipulent clairement que l’Administration est prête à offrir à On‑Line une marge de crédit garantie par des municipalités canadiennes.

 

[38]         Le scénario de la cession‑bail, tel qu’il a été expliqué par M. Leighton lors du contre-interrogatoire, semble aller à l’encontre de la réalité commerciale. Selon ce scénario, une bonne partie des actifs du programme de location qui appartenaient initialement aux municipalités étaient achetés par l’appelante et étaient ensuite repris à bail par les municipalités. Si, comme le soutient l’appelante, le prêt a été conclu entre la MFA et la municipalité, celle-ci, selon le scénario de la cession‑bail, emprunterait de l’argent afin d’acheter des actifs qu’elle possède déjà afin de les louer ensuite de l’appelante.

 

[39]         Il existe certaines contradictions avec la thèse de l’appelante, comme l’a souligné l’intimée; cependant, il existe également certaines contradictions avec le point de vue de l’intimée. Ainsi, si l’appelante est vraiment l’emprunteur, pourquoi la MFA examinerait‑elle la solvabilité de la municipalité? À coup sûr, les ententes sont muettes sur le rôle de la municipalité, bien qu’elles fassent partie intégrante du programme. Dans l’arrêt Eli Lilly, la Cour suprême a conclu ce qui suit (paragraphe 56) :

 

56              Quand le texte du document est sans ambiguïté, l=idée exprimée dans Consolidated Bathurst, selon laquelle il y a lieu de retenir l=interprétation qui assure un *résultat équitable+ ou un *résultat commercial raisonnable+, n=est pas déterminante.  Certes, il serait absurde d=adopter une interprétation nettement incompatible avec les intérêts commerciaux des parties, si l=objectif est de vérifier leur véritable intention au moment de contracter.  Toutefois, il n=est pas difficile d=interpréter un document clair conformément à l=intention véritable des parties contractantes, si l=on présume que les parties voulaient les conséquences juridiques des mots qu=elles ont employés.  Cela est conforme à l=opinion incidente de notre Cour dans Joy Oil Co. c. The King, [1951] R.C.S. 624, à la p. 641 :

 

[traduction] [...] en interprétant un document, il s=agit non pas de chercher à comprendre ce que les mots seulement veulent dire, ni ce que le rédacteur seulement a voulu dire, mais plutôt de chercher ce que les mots employés par le rédacteur veulent dire.

 

            [Non souligné dans l’original.]

 

[40]         Les ententes ne sont pas ambiguës, elles sont libellées en termes clairs et elles doivent donc régir l’arrangement que les parties ont pris entre elles. Par conséquent, les fonds que la MFA a avancés à l’appelante par l’entremise de la ligne de crédit, à la Banque de Montréal, doivent être considérés comme un prêt que la MFA a consenti à l’appelante. Cela dit, l’appelante est l’emprunteur des fonds, et ce, même si cet arrangement va peut-être à l’encontre des stipulations de la MFAA.

 

Quelle est la qualification correcte de la cession et des paiements de location que la MFA a par la suite perçus?

 

[41]         Selon la thèse de l’appelante quant à la qualification correcte de la cession, celle-ci annulait le prêt provisoire que la MFA avait consenti en sa faveur. La MFA utilisait ensuite la cession en vue de garantir les paiements de location, de sorte que l’appelante n’avait plus aucun droit sur le revenu de location. Selon l’interprétation préconisée par l’intimée, la cession servait à garantir le prêt existant entre l’appelante et la MFA, chaque versement effectué par la municipalité en faveur de la MFA constituant un versement à valoir sur le prêt que celle‑ci avait consenti à l’appelante, prêt dont le solde diminuait peu à peu.

 

[42]         L’appelante a invoqué les stipulations suivantes des contrats de location à l’appui de son interprétation, à savoir que la cession était absolue et qu’elle éteignait la dette provisoire qu’elle avait contractée envers la MFA :

 

[traduction]

 

ATTENDU

 

[...]

 

D.        Conformément à l’entente concernant le programme de location, On-Line s’est engagée à céder à l’Administration, tous les contrats de location existants et futurs, tels qu’ils pourront être modifiés de temps à autre, les paiements de location et les actifs s’y rattachant (les « contrats de location ») à titre de garantie du financement.

 

(Alinéa D du préambule de la cession des contrats de location)

 

[traduction]

 

1.         Cession. On‑Line accorde par les présentes à l’Administration une garantie spécifique permanente, et elle accorde, cède, transfère et remet par les présentes à l’Administration les droits, titres et intérêts se rattachant aux contrats de location conclus conformément à l’entente concernant le programme de location ainsi que tous les avantages associés aux contrats de location, et notamment tout paiement reçu à cet égard, et l’Administration pourra se prévaloir des déclarations, garanties, conditions, dispositions et engagements mentionnés dans ces contrats de location, ou implicitement ou expressément prévus par la loi, auxquels sont tenues les autres parties aux contrats de location, avec le plein pouvoir d’assurer l’exécution de ces dispositions ou engagements, ou de demander des dommages‑intérêts, d’engager des poursuites en vue d’obtenir des dommages‑intérêts et de recouvrer des dommages‑intérêts par suite de toute fausse déclaration, violation de garantie ou violation d’un engagement, au nom d’On‑Line et à titre de mandataire d’On‑Line ou au nom de l’Administration, lesquels seront détenus et possédés pour l’Administration tant que toutes les sommes stipulées dans les contrats de location n’auront pas été payées au complet et tant que toutes les obligations incombant aux preneurs respectifs aux termes des contrats de location n’auront pas été exécutées au complet.

 

(Premier paragraphe de la cession des contrats de location)

 

[traduction]

 

3.         Crédit. L’Administration reconnaît que, par suite de la cession et de l’emplacement physique des contrats initiaux de location conclus avec elle, elle a accepté le crédit qu’On-Line avait accordé aux preneurs, et qu’elle a donc accepté tout risque de perte associé au crédit accordé, à condition qu’On-Line se soit conformée aux conditions requises aux termes de l’entente concernant le programme de location.

 

(Paragraphe 3 de la cession des contrats de location)

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[43]         Selon l’appelante, ces dispositions démontrent clairement qu’elle a cédé d’une façon absolue tout le revenu de location. L’appelante soutient que le revenu de location ne peut pas lui être attribué, étant donné qu’elle n’a pas réellement reçu les paiements de location et que, de plus, ses états financiers n’indiquaient pas de prêts en cours consentis en sa faveur par la MFA.

 

[44]         Selon l’intimée, les stipulations des ententes invoquées par l’appelante sont libellées en termes clairs et étayent la position selon laquelle la cession a été accordée afin de garantir le financement. En outre, pour que la thèse de l’appelante soit retenue, il faudrait nuancer les termes clairs de l’entente; or, cela ne serait pas approprié.

 

[45]         À l’appui de sa thèse, l’intimée s’est fondée sur les passages suivants des ententes :

 

[traduction]

 

ET ATTENDU qu’On‑Line :

 

[...]

 

est prête à céder à l’Administration tous les comptes (les « comptes ») à titre de garantie du financement :

 

(Préambule du contrat de prestation de services)

 

[traduction]

 

ET ATTENDU qu’On‑Line :

 

[...]

 

est prête à céder à l’Administration les contrats de location (les « contrats de location »), les paiements de location et les actifs s’y rattachant à titre de garantie du financement;

 

(Préambule de l’entente concernant le programme de location)

 

[traduction]

 

ATTENDU que :

 

[...]

 

D.        Conformément à l’entente concernant le programme de location, On‑Line s’est engagée à céder à l’Administration tous les contrats de location existants et futurs, tels qu’ils pourront être modifiés de temps à autre, les paiements de location et les actifs s’y rattachant (les « contrats de location ») à titre de garantie du financement;

 

(Attendu D de la cession des contrats de location)

 

[traduction]

 

1.         Cession. On-Line accorde par les présentes à l’Administration une garantie spécifique permanente, et elle accorde, cède, transfère et remet par les présentes à l’Administration les droits, titres et intérêts se rattachant aux contrats de location [...] ainsi que tous les avantages associés aux contrats de location, et notamment tout paiement reçu à cet égard [...] lesquels seront détenus et possédés pour l’Administration tant que toutes les sommes stipulées dans les contrats de location n’auront pas été payées au complet et tant que toutes les obligations incombant aux preneurs respectifs aux termes des contrats de location n’auront pas été exécutées au complet.

 

(Premier paragraphe de la cession des contrats de location)

 

2.         Prise d’effet. La garantie par les présentes créée vise à prendre effet lorsque la présente cession aura été signée par On‑Line et livrée à l’Administration.

 

(Paragraphe 2 de la cession des contrats de location)

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[46]         Selon l’intimée, le préambule des ententes est compatible avec le dispositif de celles-ci. Par contre, l’appelante fait valoir que le dispositif est clair et non ambigu et qu’il va dans le sens de son interprétation. De plus, dans la mesure où le préambule n’est pas compatible avec le dispositif, il ne peut rien changer à celui‑ci.

 

[47]         Laquelle de ces deux interprétations doit être retenue? La réponse dépend principalement du libellé du premier paragraphe et du paragraphe 3 de la cession des contrats de location :

 

[traduction]

 

1.         Cession. On-Line accorde par les présentes à l’Administration une garantie spécifique permanente [...] se rattachant aux contrats de location [...] ainsi que tous les avantages associés [...], et notamment tout paiement [...] lesquels seront détenus et possédés pour l’Administration tant que toutes les sommes stipulées dans les contrats de location n’auront pas été payées au complet et tant que toutes les obligations [...] aux termes des contrats de location n’auront pas été exécutées au complet.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[traduction]

 

3.         Crédit. L’Administration reconnaît que, par suite de la cession [...], elle a accepté le crédit qu’On-Line avait accordé aux preneurs, et qu’elle a donc accepté tout risque de perte associé au crédit accordé [...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[48]         Un certain nombre de conclusions peuvent être tirées des paragraphes 1 et 3 susmentionnés :

 

          (1)     L’appelante accorde à la MFA une garantie à l’égard des contrats de location, et notamment les paiements de location, tant que les paiements prévus dans le contrat initial de location conclu entre l’appelante et la municipalité n’auront pas été effectués et tant que les conditions énoncées dans ce contrat initial de location n’auront pas été exécutées;

 

          (2)     Étant donné que c’est l’appelante qui a emprunté les fonds avancés en sa faveur par la MFA, le paragraphe 3 de la cession des contrats de location implique que l’appelante accorde alors ce crédit aux preneurs;

 

          (3)     Une fois la cession effectuée, la MFA prend désormais la place de l’appelante, et ce, même si elle était le créancier initial à l’égard des fonds avancés. À ce moment-là, l’appelante n’a plus aucun droit sur le revenu de location;

 

          (4)     La garantie vise à assurer le respect des conditions du contrat de location conclu entre l’appelante et la municipalité, comme le montre également le paragraphe 3, qui stipule que la MFA accepte le risque de perte associé au crédit.

 

[49]         Le préambule des contrats stipule que l’appelante cède les contrats de location à titre de garantie du financement que la MFA a fourni à l’appelante, ce qui va dans le sens de la thèse de l’intimée à l’égard de ces opérations. Contrairement à l’appelante, l’intimée soutient que les attendus figurant dans le préambule sont compatibles avec le dispositif de la cession des contrats de location. Toutefois, contrairement à la position prise par l’intimée, il semble de fait y avoir une discordance entre le préambule et le dispositif des contrats.

 

[50]         L’appelante a cité plusieurs décisions faisant autorité à l’appui de la thèse selon laquelle, en cas de discordance entre les attendus et le dispositif d’un contrat, c’est celui-ci qui l’emporte. Par l’arrêt Monarch Timber Exporters Ltd. c. Bell, [1963] B.C.J. no 154 (C.A.C.‑B.), conf. par [1964] R.C.S. 375, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique enseigne (paragraphe 18) :

 

[traduction]

 

18.       En ce qui concerne l’interprétation d’un instrument, les attendus sont subordonnés au dispositif et, par conséquent, lorsque le dispositif est clair, on considère qu’il exprime l’intention des parties, et il l’emporte sur toute idée indiquant, dans les attendus, une intention contraire : 11 Hals., 3e éd., p. 418, par. 677. [...]

 

La Cour suprême du Canada a suivi une approche similaire dans l’arrêt Eli Lilly. Au paragraphe 63, elle a fait les observations suivantes :

 

63               Il est vrai que, dans les considérants, les parties parlent d’une volonté commune de « partager leurs droits », ce qui pourrait bien être interprété en soi comme une intention de créer une sous-licence.  Cependant, cette disposition doit être interprétée en fonction du reste de l’accord, qui révèle clairement l’intention de ne pas créer une sous‑licence.

 

 

[51]         Les dispositions du préambule d’un grand nombre d’ententes stipulent que l’appelante effectue la cession à titre de garantie du financement, mais seule la cession des contrats de location, plus précisément au premier paragraphe et au paragraphe 3, renferme des dispositions détaillées au sujet de la cession. Compte tenu des observations de la Cour suprême du Canada, il faut résoudre la discordance entre le préambule et le dispositif en faveur de l’appelante en suivant le dispositif de la cession du contrat de location. Étant donné que nuls fraude ou trompe-l’œil n’ont été allégués, il faut donner plein effet à la relation juridique créée par les ententes.

 

[52]         La cession par l’appelante des contrats de location, du revenu et des actifs doit être assimilée à l’annulation de prêt en cours que la MFA a consenti à l’appelante. Par conséquent, tout revenu futur de location provenant des municipalités est à juste titre perçu par la MFA et ne doit pas être inclus dans le revenu de l’appelante.

 

L’argument subsidiaire de l’intimée : Est-il loisible à l’intimée de présenter son argument subsidiaire et, dans l’affirmative, cet argument est‑il fondé?

 

[53]         Compte tenu de la conclusion que j’ai tirée, à savoir que les avances que la MFA a consenties à l’appelante étaient des prêts provisoires qui ont immédiatement été remboursés au moyen d’une cession absolue, l’intimée veut invoquer l’argument subsidiaire envisagé : chaque cession absolue constituait une disposition et il faut ajouter le produit en résultant au revenu de l’appelante, dans la mesure où la chose n’a pas pour effet d’augmenter le montant de l’impôt payable.

 

[54]         Les termes « biens » et « disposition » sont définis au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») :

 

« biens » Biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, [...]

 

« disposition » Constitue notamment une disposition de bien, sauf indication contraire expresse :

a) toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produit de disposition d’un bien; [...]

 

[55]         L’intimée fait valoir que le revenu de location et les ententes constituent des biens et que la cession absolue constitue une disposition. Un gain ou une perte en résulte donc, selon le produit de disposition et le prix de base rajusté. L’intimée soutient que le prix de base rajusté est nul, étant donné que l’appelante était entièrement financée par la MFA. Tout le produit de disposition doit donc être inclus dans le revenu de l’appelante.

 

[56]         L’appelante, se fondant sur la jurisprudence First Vancouver Finance c. M.R.N., 2002 CSC 49, soutient qu’il n’y a pas eu disposition des paiements de location. De plus, elle s’oppose à la thèse de l’intimée selon laquelle le prix de base rajusté de chaque contrat de location est nul; elle soutient plutôt que c’est [traduction] « [...] la valeur actualisée des paiements de location à la date d’entrée en vigueur de chaque contrat de location, égale au solde du principal impayé à ce moment‑là aux termes de chaque contrat de location (Alinéa 19b) de la réponse de l’appelante au plaidoyer final de l’intimée).

 

[57]         L’appelante s’oppose également à l’argument subsidiaire de l’intimée, au motif que le paragraphe 152(4), dispose qu’aucune nouvelle cotisation ne peut être établie après la période normale de cotisation. L’appelante affirme également que cet argument subsidiaire est fondé sur une [traduction] « opération différente », ce qui est exclu selon le paragraphe 152(9). Enfin, l’appelante fait valoir que, bien que l’intimée ait soutenu que 1’argument subsidiaire n’aura pas pour effet d’augmenter le total de l’impôt payable, celle-ci tente de contourner la question, étant donné que, concrètement, l’impôt payable augmentera.

 

[58]         Le paragraphe 152(9) a donné lieu à un certain nombre de décisions qui ont consacré une définition exacte de ce que peut viser l’expression « un nouvel argument à l’appui d’une cotisation » Par l’arrêt Anchor Pointe c. La Reine, 2003 CAF 294, la Cour d’appel fédérale a statué qu’il n’y avait pas de distinction entre « un nouveau fondement pour une cotisation » et un « nouvel argument à l’appui d’une cotisation ». Il s’agit principalement de rechercher si le ministre tient compte d’autres opérations ou s’il augmente le montant de l’impôt payable. Dans 1’affirmative, l’argument subsidiaire ne peut pas être retenu. En l’espèce, l’intimée ne cherche pas à augmenter l’impôt que l’appelante doit payer et elle n’essaie pas non plus de présenter de nouvelles opérations. L’intimée est donc autorisée à plaider cet argument subsidiaire.

 

[59]         L’appelante, s’appuyant sur la jurisprudence First Vancouver Finance, soutient qu’une cession absolue ne constitue pas une disposition. Elle se fonde expressément sur les paragraphes 15 et 16 :

 

15              En ce qui concerne la question préliminaire de la propriété des comptes affacturés, le juge Wimmer s=est fondé sur la définition d=une entente d=affacturage donnée par notre Cour dans Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, par. 30-31.  Dans cet arrêt, le juge Cory dit ce qui suit, au par. 31 : * Un affacturage de comptes débiteurs est basé sur leur cession absolue.  C=est, en réalité, une société qui vend, selon leur valeur actualisée, ses comptes débiteurs à une société d=affacturage, moyennant contrepartie immédiate. +

 

16              Le juge Wimmer a fait remarquer que, suivant l=arrêt Alberta (Treasury Branches), la cession absolue et inconditionnelle d=une créance comptable faisait obstacle à sa saisie-arrêt par le ministre.  Il a ajouté que, une fois menées à terme, les cessions de comptes de Great West à First Vancouver étaient absolues et inconditionnelles, car Great West n=avait plus aucun droit sur les biens et ne pouvait ni racheter ni récupérer les comptes.  Canada Safeway n=avait donc plus d=obligation envers Great West une fois la cession des comptes complétée.  Même si le ministre soutenait que les cessions n’étaient pas absolues parce que l=entente d=affacturage prévoyait que First Vancouver pouvait exercer un recours contre Great West si un client contestait un compte ou omettait de le payer, le juge Wimmer a signalé que, suivant la définition d=affacturage approuvée par le juge Cory, le droit sur une créance comptable peut être absolu, que l=acquéreur ait ou non un droit de recours (p. 718).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Toutefois, je ne retiens pas le raisonnement de l’appelante.

 

[60]         En matière d’ententes d’affacturage, il semble que la Cour suprême ait reconnu qu’une cession absolue constitue une disposition de bien. Le juge Bowman a statué dans le même sens dans l’affaire Sussex Square Apartments Limited c. The Queen, 99 DTC 443. Il observe au paragraphe 22 :

 

  [32] La distinction faite entre la cession et le sous-bail sur le plan juridique se traduit également par une distinction sur le plan fiscal. La cession de la durée entière est une disposition d’un bien et la contrepartie versée constitue un revenu ou un gain en capital, selon les circonstances. [...]

 

[61]         S’il est possible d’assimiler une cession absolue à une disposition, il faut alors rechercher si la qualification préconisée par l’intimée est exacte. L’intimée soutient que, puisque la FMA accordait un financement complet, le prix de base rajusté est nul.

 

[62]         Ce raisonnement ne saurait être retenu. Si l’intimée calcule le produit de la disposition comme représentant la valeur du prêt (ou du prix d’achat de l’actif), un coût doit s’y rattacher. Il importe peu que la MFA ait financé le programme de location, puisque cela ne change rien au fait qu’il existait encore une dette en cours entre l’appelante et la MFA. L’interprétation préconisée par l’intimée est contraire aux ententes, qui stipulent clairement que la MFA a accordé une marge de crédit à l’appelante. Même si la qualification de la disposition avancée par l’intimée est exacte, la MFA a essentiellement donné quelque chose à l’appelante sans obtenir quoi que ce soit en échange, puisque l’appelante aurait reçu des fonds aux fins de l’achat d’actifs sans avoir a rembourser la MFA.

 

[63]         En l’espèce, les produits de disposition sont les montants soumis par l’intimée. Toutefois, le prix de base rajusté des actifs n’est pas nul. Il devrait plutôt être le montant exact correspondant au produit de la disposition, étant donné que les étapes de l’arrangement concernant le programme de location ont été accomplies l’une à la suite de l’autre, de sorte qu’aucun revenu ne pourrait être attribué à l’appelante.

 

L’appelante peut-elle faire rajuster des pertes subies au cours d’années prescrites et d’années pour lesquelles aucune demande de détermination de la perte n’a été faite?

 

[64]         En 2004, l’appelante a présenté des déclarations de revenus modifiées pour les années d’imposition 1997 à 2002. Le ministre a refusé d’accepter les déclarations modifiées relatives aux années 1997 à 1999, parce que celles-ci étaient frappées de prescription. L’appelante cherche maintenant à faire rajuster les pertes subies au cours de ces années‑là, de façon à pouvoir reporter les pertes autres qu’en capital à des années d’imposition ultérieures. L’appelante s’est fondée sur les observations du juge Bowie dans la décision Sherway Centre Limited c. The Queen, 2001 DTC 1021 (paragraphe 11) :

 

  [11] Ce principe, si je ne m’abuse, tient simplement à ceci. Si, en établissant une cotisation à l’égard d’un contribuable, le ministre a erronément indiqué la perte autre qu’en capital pour une année d’imposition frappée de prescription et qu’il a donc aussi indiqué erronément le solde de perte autre qu’en capital pouvant être appliqué à d’autres années, cette erreur peut être corrigée dans la nouvelle cotisation ou l’appel pour une année ultérieure, pourvu que l’année ultérieure puisse faire l’objet d’une nouvelle cotisation ou qu’un appel pour l’année ultérieure ait valablement été interjeté devant la Cour. Relativement à cette année ultérieure, le ministre ou la Cour, selon le cas, devrait recalculer le solde de perte autre qu’en capital pouvant être reporté prospectivement et devrait, ce faisant, corriger l’erreur relative à l’année antérieure.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[65]         L’appelante soutient qu’étant donné que les pertes autres qu’en capital des années d’imposition frappées de prescription, soit les années 1997 à 1999, ont été indiquées d’une façon erronée, le solde des pertes autres qu’en capital disponibles au cours d’années d’imposition ultérieures est donc indiqué d’une façon erronée. Étant donné que la Cour est à juste titre saisie de l’année d’imposition 2003 de l’appelante, les pertes autres qu’en capital que l’appelante a subies pour les années d’imposition 1997 à 1999 et le solde des pertes autres qu’en capital qui peut être reporté prospectivement doivent être calculés à nouveau.

 

[66]         L’intimée se fonde sur la décision Aallcann Wood Suppliers Inc. c. The Queen, 94 DTC 1475, dans laquelle le juge Bowman (tel était alors son titre) a fait les observations suivantes (page 1476) :

 

[...] En l’absence d’une détermination exécutoire faite en vertu du paragraphe 152(1.1), un contribuable peut contester le calcul du ministre concernant une perte relative à une année particulière dans un appel portant sur une autre année lorsque le montant du revenu imposable du contribuable est influencé par le montant de la perte pouvant être reportée prospectivement en vertu de l’article 111. [...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Selon la thèse de l’intimée, l’appelante [traduction] « [...] n’a pas droit à une détermination de ses pertes autres qu’en capital se rapportant à des années qui ne sont pas visées par les appels » (Plaidoyer final de l’intimée, paragraphe 116). L’intimée soutient que le revenu imposable de l’appelante, pour l’année d’imposition 2000, était nul et que, pour l’année d’imposition 2003, il s’élevait à 314 876 $. Si les présents appels sont accueillis, le revenu imposable de l’appelante sera ramené à zéro et, puisque l’impôt payable ne sera pas touché par des pertes disponibles susceptibles d’être reportées prospectivement, ces pertes ne doivent pas être calculées à nouveau, étant donné qu’elles n’auront aucune incidence pour l’appelante.

 

[67]         La décision Aallcann, rendue par le juge Boman, enseigne implicitement que, si une erreur est découverte en ce qui concerne les pertes d’une année antérieure, mais que le contribuable n’a pas de revenu imposable au cours de l’année visée par l’appel, l’erreur ne peut pas être corrigée tant que le contribuable ne réalise pas de bénéfices. Étant donné que j’ai accueilli les présents appels, l’appelante a droit à une détermination des pertes autres qu’en capital subies lors d’années antérieures qui ne sont pas visées par les appels, y compris les années prescrites, si cela influe sur son revenu imposable, au cours des années visées par les appels. L’appelante a demandé que la Cour ou le ministre corrige l’erreur relative aux années d’imposition 1997 à 1999 et que le solde de sa perte autre qu’en capital disponible aux fins d’un report prospectif soit calculé à nouveau. Je suis d’avis que le ministre est la personne la mieux placée pour effectuer ces rajustements et ces nouveaux calculs si, en fait, il existe un revenu imposable sur lequel ces pertes pourraient influer. S’il est conclu qu’il n’existe en fait aucun revenu imposable au cours des années visées par les appels, aucun rajustement ne sera nécessaire pour ces années‑là.

 

Conclusion

 

[68]         En résumé, je crois que l’enseignement de le jurisprudence Urichik a une portée plus restreinte que celle que propose l’intimée et qu’il ne peut donc être suivi en l’espèce. Vu que seule la pension alimentaire pour conjoint est visée par la jurisprudence Urichik au sujet de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque, et conformément aux motifs énoncés dans l’ordonnance que j’ai rendue le 2 mars 2010, l’intimée n’est pas autorisée à se fonder sur une preuve extrinsèque.

 

[69]         Puisque j’ai ainsi restreint la portée de la preuve, les contrats de location, tels qu’ils ont été rédigés par les parties, m’amènent à tirer les conclusions suivantes :

 

(1)     la MFA a prêté des fonds à l’appelante;

 

(2)     ces fonds ont immédiatement été remboursés à la MFA lorsque l’appelante a cédé à la MFA, d’une façon absolue, les droits qu’elle possédait sur les contrats de location qu’elle concluait avec les municipalités ainsi que le revenu de location.

 

[70]         À maints égards, l’appelante agissait comme intermédiaire entre la MFA et les municipalités en vue de faciliter le programme de location grâce à l’utilisation de son logiciel exclusif de location. Les appels sont donc accueillis avec dépens, parce que le revenu de location ne saurait être rattaché au revenu de l’appelante.

 

[71]         Il reste une dernière question à l’égard de laquelle il importe de faire de brèves observations, à savoir les conclusions de l’appelante au sujet de la mesure qu’elle sollicite de la Cour pour une [traduction] « oppression du contribuable » alléguée. Ces demandes ont été faites [traduction] « sur les instances de M. R. Leighton » et je crois comprendre que l’avocat de l’appelante voulait se distancer de ces observations. En premier lieu, je n’ai pas compétence pour accorder une telle mesure et, en second lieu, ce qui est beaucoup plus important, il est tout à fait inapproprié pour l’avocat de l’appelante de se reporter aux discussions qui ont eu lieu avant l’audience en vue d’une transaction et, en particulier, de citer, dans les observations finales qu’il a présentées par écrit, l’exposé que l’intimée a déposé avant l’audience. Étant donné que les observations finales, dans les présents appels, ont été présentées par écrit, je n’ai pas eu la possibilité de mettre fin d’emblée à cette démarche. Les conférences préparatoires à l’audience visent à encourager toutes les parties à se montrer ouvertes et franches quant aux possibilités de transaction. Les discussions qui ont lieu dans le cadre de ces conférences et tous les documents déposés à l’appui ne doivent jamais faire partie du dossier du juge qui entend la cause. C’est la raison pour laquelle tous ces documents sont scellés une fois terminées les négociations en vue d’une transaction. Me Drove devrait être plus avisé et devrait se rendre compte qu’une telle conduite fait preuve d’un manque flagrant de professionnalisme.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de septembre 2010.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de janvier 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 475

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-2175(IT)G

 

INTITULÉ :                                       ON-LINE FINANCE & LEASING CORPORATION

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 16 et 17 novembre 2009 ainsi que du 13 au 16 avril 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 septembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me John Drove

Avocats de l’intimée :

Me Andrew Majawa

Me Carl Januszczak

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             John Drove

 

                   Cabinet :                         John Drove Law Corporation

                                                          Vancouver (Colombie-Britannique)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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