Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2007-4687(IT)G

 

ENTRE :

HENRY SZTERN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 18 février 2010, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Labbé

 

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2001 de l'appelant est rejeté, les dépens étant adjugés à l'intimée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d'octobre 2010.

 

 

« G. A. Sheridan »

Le juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de janvier 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 497

Date : 20101007

Dossier : 2007-4687(IT)G

 

ENTRE :

HENRY SZTERN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Sheridan

 

[1]              L'appelant, Henry Sztern, interjette appel de la cotisation relative à son année d'imposition 2001, par laquelle le ministre du Revenu national a refusé certaines déductions demandées pour des créances irrécouvrables et des dépenses d'entreprise.

 

Les faits

 

[2]              L'appelant a comparu en personne et il a témoigné pour son propre compte. Je dois dire avec regret que j'ai souvent trouvé son témoignage difficile à suivre et pas toujours crédible.

 

[3]              Les témoins de l'intimée, Corina Stoica, la vérificatrice, et Mark Toner, l'agent des appels, étaient plus convaincants. Les deux témoins ont pu expliquer les mesures qu'ils avaient prises en effectuant leur analyse des documents fournis par l'appelant et le fondement de leurs conclusions.

 

[4]              Il incombe au contribuable de justifier les déductions demandées. Dans ce cas‑ci, la preuve orale et la preuve documentaire de l'appelant étaient insuffisantes pour réfuter les hypothèses sur lesquelles la cotisation établie par le ministre était fondée ou pour l'emporter sur la preuve présentée par les fonctionnaires de l'intimée. L'appel est donc rejeté avec dépens, et ce, pour les motifs énoncés ci‑dessous.

 

Le contexte

 

[5]              Au cours de l'année d'imposition 2001, l'appelant était comptable agréé et, pendant une partie de cette année‑là du moins, il était titulaire d'une licence de syndic en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (la « LFI »).

 

[6]              L'appelant était également actionnaire majoritaire[1] de Henry Sztern & Associés Inc. (« Henry Sztern Inc. »), une société titulaire d'une licence de syndic en vertu de la LFI. L'entreprise Henry Sztern Inc. était située au 50, place Crémazie Ouest, à Montréal[2].

 

[7]              L'appelant possédait également une entreprise individuelle ayant un nom commercial remarquablement similaire, soit Henry Sztern & Associés Registered (« Henry Sztern Registered »). Selon les documents d'enregistrement de l'entreprise[3], Henry Sztern Registered était située au 500, place d'Armes, à Montréal, et elle fournissait des services de conseiller en gestion (« Bureaux de conseillers en gestion »).

 

[8]              L'appelant s'est présenté, en sa qualité de Henry Sztern Registered, comme étant l'« administrateur » de Henry Sztern Inc., mais on ne sait pas trop s'il voulait dire qu'il agissait à titre de directeur de l'entreprise de la société ou s'il voulait plutôt dire qu'il agissait comme « administrateur » en vertu de la LFI. Toutefois, dans son témoignage, l'appelant a affirmé avec véhémence que seule la société Henry Sztern Inc. agissait comme syndic de faillite, de sorte qu'elle était responsable de la gestion des actifs des faillis et plus précisément des comptes en fiducie des actifs, et qu'elle était autorisée à gérer ces actifs.

 

[9]              Les comptes en fiducie des actifs étaient à la même banque que celle où était apparemment le compte de l'entreprise individuelle de l'appelant. Je dis « apparemment » parce qu'au vu des chèques, on ne sait pas trop à qui le compte appartenait. Premièrement, le titulaire du compte dont le nom était inscrit sur les chèques était « H. Sztern & Associés », soit un nom qui ne correspond ni au nom commercial de la société agissant comme syndic, Henry Sztern & Associés Inc., ni à celui de l'entreprise individuelle de l'appelant, que celui‑ci a appelée dans son témoignage « Henry Sztern & Associés Registered ». Pour compliquer les choses encore plus, l'adresse inscrite sur les chèques est le « 50, place Crémazie Ouest, Montréal », soit l'adresse professionnelle de Henry Sztern Inc. Ces détails sont importants en l'espèce à cause du chevauchement des activités commerciales, de l'obligation qui incombe à l'appelant d'établir un lien entre les demandes et l'entité appropriée et du manque général de crédibilité de l'appelant.

 

[10]         L'appelant a avoué sincèrement qu'il ne s'était pas montré aussi attentif qu'il aurait pu l'être en établissant les documents bancaires et les documents comptables de chaque entité. Ce qui est encore plus troublant, c'est qu'à divers moments, l'appelant a transféré des montants provenant du compte de H. Sztern & Associés aux comptes en fiducie (lesquels, selon ce que l'appelant a affirmé, étaient sous le contrôle exclusif de la société agissant comme syndic, Henry Sztern Inc.), sans tenir compte de la déontologie ou de la légalité de pareille conduite. Ainsi, je retiens par exemple le témoignage de Mme Stoica, qui a déclaré que, pendant la vérification, elle avait découvert qu'un chèque de remboursement de la TPS faisant en fait partie des actifs d'un failli avait été déposé dans le compte commercial de l'appelant; le montant a par la suite été retiré et, apparemment, il n'a jamais été déposé dans le compte en fiducie approprié.

 

[11]         Cette confusion continue des activités des deux entreprises est au coeur des difficultés de l'appelant. Le ministre a refusé les montants qui avaient été déduits au titre de créances irrécouvrables et de dépenses d'entreprise en partie parce que l'appelant ne pouvait pas fournir de documents permettant de les imputer à son entreprise individuelle. Au cours de son témoignage et dans l'argumentation, l'appelant a souligné à maintes reprises la distinction juridique qui existe entre Henry Sztern Registered et Henry Sztern Inc., mais en pratique, il n'a pas réussi aussi facilement à respecter la distinction.

 

Les créances irrécouvrables

 

[12]         En ce qui concerne en premier lieu la déduction relative aux créances irrécouvrables, l'appelant a déduit environ 400 000 $[4] pour des montants non recouvrés se rapportant au travail effectué à l'égard des actifs de faillis. L'appelant a déclaré que, même s'il pouvait consacrer énormément de temps aux dossiers de faillis, il n'existait aucune garantie de paiement. Selon l'appelant, c'est ce qu'il en coûte pour agir comme syndic de faillite et tel est le risque qui y est associé.

 

[13]         Il se peut bien que l'appelant (en sa qualité d'âme dirigeante de la société) ait en fait effectué ce travail, mais l'appelant a témoigné sans fléchir que seule Henry Sztern Inc. s'occupait de la gestion des actifs de faillis. Il s'ensuit (même si l'on supposait qu'il serait possible d'établir l'existence des créances irrécouvrables) que ce serait Henry Sztern Inc. plutôt que l'appelant qui aurait le droit de demander une déduction à l'égard des créances irrécouvrables. Compte tenu de ces faits, l'appelant n'a pas réussi à satisfaire aux critères applicables en vertu de l'alinéa 20(1)p) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

Les remboursements aux faillis

 

[14]         L'appelant a également déduit un montant au titre de ce qu'il a appelé [TRADUCTION] « des remboursements aux faillis ». Si je comprends bien son témoignage, il s'agissait de montants que Henry Sztern Registered avait avancés aux faillis. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il aurait consenti de telles avances, l'appelant a répondu que c'était [TRADUCTION] « [...] pour faire en sorte que le failli lui‑même ne soit pas [...] en défaut »[5]. Il a ajouté que, dans bien des cas, il ne pouvait pas recouvrer les montants avancés, de sorte qu'il les déduisait à titre de dépense d'entreprise en se fondant sur le fait qu'il s'agissait pour ainsi dire d'un geste de bonne volonté, d'une façon de recruter de nouveaux clients[6].

 

[15]         Je ne doute pas que l'appelant déposait des fonds dans les comptes des faillis et en retirait, mais je suis moins convaincue qu'il le faisait à des fins commerciales. Le simple fait de décrire de pareilles avances comme des [TRADUCTION] « remboursements » donne à penser que l'appelant avait auparavant retiré des fonds des comptes en fiducie, chose qui, en sa qualité personnelle, il n'était pas tenu de faire et n'était certes pas autorisé à faire. En outre, au moment où les « avances » ont été consenties, les faillis avaient déjà été libérés. Dans ces conditions, je suis d'accord avec l'avocate de l'intimée lorsqu'elle affirme que l'explication donnée par l'appelant, lorsqu'il s'est chargé de [TRADUCTION] « rembourser » les comptes en fiducie, n'a aucun sens. Puisque l'appelant n'a pas établi l'existence d'un lien entre ces montants et une entreprise qu'il exploitait, rien ne permet de modifier la cotisation que le ministre a établie sur ce point.

 

Les frais de gestion

 

[16]         L'appelant a initialement demandé la déduction de frais de gestion s'élevant en tout à environ 1,2 million de dollars; le ministre a admis la plupart de ces frais. Seuls les 101 192 $ qui ont été refusés sont en litige : ce montant comprend des frais d'avocat que l'appelant a supportés pour se défendre dans une instance disciplinaire professionnelle, des amendes imposées par le surintendant des faillites et divers frais bancaires et intérêts sur des prêts. Chacune de ces déductions sera examinée ci‑dessous.

 

[17]         Lors de la vérification et au stade de l'opposition, l'appelant a eu la possibilité d'expliquer la nature de son travail et de fournir des documents à l'appui des déductions. Au lieu de le faire, l'appelant a simplement remis aux fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada, pour examen, une boîte de documents en désordre. Pourtant, à l'audience, l'appelant a contesté les conclusions tirées par les fonctionnaires aux motifs qu'ils ne possédaient pas d'expertise en matière de faillite, qu'ils ne comprenaient pas ses pratiques commerciales et qu'ils avaient arbitrairement estimé le montant de ses dépenses au lieu d'examiner un à un les documents qu'il avait soumis sans les trier.

 

[18]         J'aurais cru que l'appelant, en sa qualité de comptable agréé, se serait rendu compte qu'en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, le contribuable est obligé de tenir des registres adéquats, de façon à être en mesure, au besoin, de justifier ses déductions. L'appelant, qui n'a pas tenu de registres d'une façon appropriée et qui n'a pas donné d'explications crédibles au sujet de ses dépenses, n'a pas pu convaincre les fonctionnaires du ministre de la légitimité de ses déductions. Pour les motifs énoncés ci‑dessous, l'appelant n'a pas non plus réussi à convaincre la Cour.

 

A.      Les frais d'avocat

 

[19]         L'appelant demande une déduction additionnelle de 40 025 $ au titre de frais d'avocat. À l'appui, il a produit en preuve une copie d'une liste de factures en souffrance de Heenan Blaikie s.e.n.c.r.l., s.r.l.[7], et des copies de quatre chèques[8] émis en faveur de ce cabinet. Je ne trouve pas ces documents convaincants. Premièrement, la liste de factures est adressée à « Sztern & Associés », de sorte que l'on ne sait pas trop si elles se rapportent à des services rendus à l'entreprise individuelle de l'appelant ou à la société agissant comme syndic, Henry Sztern Inc., étant donné en particulier que l'adresse figurant sur la facture est celle de la société. Quant aux chèques, en plus des ambiguïtés déjà mentionnées, il n'existe aucune corrélation directe entre les montants payés selon les chèques et les montants facturés énumérés dans la pièce A‑7. Enfin, il me semble probable que ces frais d'avocat se rapportent à un montant que les fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada ont déjà pris en compte.

 

B.      Les amendes

 

[20]         L'appelant a produit en preuve un document intitulé [TRADUCTION] « Ordonnance de suspension du syndic, ordonnance relative aux restrictions imposées à la société titulaire d'une licence de syndic et ordonnance de paiement délivrées en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité »[9]. Selon ce document, l'appelant et Henry Sztern Inc. étaient [TRADUCTION] « solidairement responsables, pour un montant de 15 000 $, du paiement au Bureau du surintendant des faillites des frais associés à l'enquête relative à la conduite du syndic et de la société titulaire d'une licence de syndic ». L'appelant a obtenu une déduction de 5 000 $ et il demande la déduction d'un montant additionnel de 10 000 $. À mon avis, il n'existe pas suffisamment d'éléments de preuve établissant son droit à un montant additionnel. Il semble tout aussi probable que Henry Sztern Inc. a payé le reste de l'amende.

 

C.      Les frais bancaires et les intérêts sur les prêts

 

[21]         Normalement, il n'est pas très difficile d'établir les frais bancaires et les intérêts sur les prêts étant donné que les banques incluent habituellement ces frais dans leurs relevés. Pour des raisons qui n'ont pas été expliquées à la Cour, aucun relevé bancaire n'a été produit en preuve. Toutefois, M. Toner avait les relevés à sa disposition. Je retiens le témoignage de M. Toner lorsqu'il déclare qu'en procédant à son examen, il n'a pas pu identifier, dans les relevés bancaires, les montants que l'appelant avait déduits[10]. À l'audience, l'appelant a produit en preuve une liasse de chèques[11] qui, a‑t‑il affirmé, avaient été émis en paiement de ces montants. Il n'existait encore une fois aucune corrélation directe entre les chèques de « H. Sztern & Associés » et l'entreprise personnelle de l'appelant ou entre les montants indiqués sur les chèques et les déductions demandées. Dans ces conditions, je ne puis rien voir qui me permette de modifier la cotisation établie par le ministre.

 

[22]         Pour les motifs susmentionnés, l'appel que l'appelant a interjeté à l'égard de son année d'imposition 2001 est rejeté, les dépens étant adjugés à l'intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d'octobre 2010.

 

 

« G. A. Sheridan »

Le juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de janvier 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 497

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-4687(IT)G

 

INTITULÉ :                                       HENRY SZTERN c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 18 février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 octobre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Labbé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :

 

                   Cabinet :     

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 



[1] Pièce A-1.

 

[2] Pièce A-1.

 

[3] Pièce A-2.

 

[4] Pièce A-3.

 

[5] Transcription, page 58, lignes 12 et 13. En ce qui concerne les explications détaillées données par l'appelant, voir la transcription, page 57, lignes 9 à 25, jusqu'à la page 60, lignes 1 à 5.

 

[6] Transcription, page 93, lignes 3 à 25, jusqu'à la page 96, lignes 1 à 17.

 

[7] Pièce A-7.

 

[8] Pièce A-8.

 

[9] Pièce A‑9.

 

[10] Pièce R‑1, onglets 18 et 19; pièce A‑6.

 

[11] Pièce A‑11.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.