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Dossier : 2010-814(IT)I

ENTRE :

 

SIGMA PNEUMATIC RESOURCES INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 1er juin 2010 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Rafad Alam

 

Avocate de l’intimée :

Me Roxanne Wong

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 et 2004 de l’appelante est accueilli, sans dépens, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’octobre 2010.

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de décembre 2010.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur


 

 

 

Référence : 2010 CCI 531

Date : 20101020

Dossier : 2010-814(IT)I

ENTRE :

 

SIGMA PNEUMATIC RESOURCES INC.,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Hogan

 

Introduction

 

[1]              Par un avis de nouvelle cotisation daté du 11 mars 2008 concernant l’année d’imposition 2003 de l’appelante (la « nouvelle cotisation pour 2003 ») et par un avis de nouvelle cotisation daté du 3 février 2010 concernant l’année d’imposition 2004 de l’appelante (la « nouvelle cotisation pour 2004 »), le ministre du Revenu national (le « ministre ») a augmenté l’impôt à payer de l’appelante en ajoutant un revenu brut non déclaré et en refusant d’autoriser la déduction de dépenses. Pour arriver à ce résultat, le ministre a essentiellement utilisé la méthode des dépôts.

 

[2]              La question qu’il faut trancher en l’espèce est de savoir si le ministre a surévalué le revenu de l’appelante. L’appelante soutient que le ministre a surévalué ses revenus de 26 000 $ et de 21 808,50 $ pour les années d’imposition 2003 et 2004 respectivement.

 

[3]              Concernant l’année d’imposition 2003, il y a eu beaucoup de confusion à cet égard à l’instruction, mais il semble que l’appelante estime, en premier lieu, que le ministre a considéré le montant de 16 000 $ représentant une avance consentie par des actionnaires et déposé dans le compte de l’appelante comme un revenu brut non déclaré. En second lieu, l’appelante estime qu’on devrait lui accorder une déduction de 10 000 $ à titre de salaire payé à son principal actionnaire. L’appelante allègue qu’elle n’a pas demandé la déduction de ce montant à titre de frais dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2003.

 

[4]              Concernant l’année d’imposition 2004, l’appelante soutient que c’est à tort que le ministre a considéré le montant de 16 000 $ qui apparaît sur la facture d’une commande que l’appelante n’avait pas exécutée comme un revenu brut non déclaré. Bien entendu, l’avocate de l’intimée affirme que les nouvelles cotisations établies par le ministre sont exactes et qu’elles ont été établies en conformité avec les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada).

 

[5]              Il ressort de la preuve que l’appelante exploitait une entreprise d’approvisionnement. L’appelante était engagée par des fabricants étrangers et des entreprises de construction navale situés à travers le monde pour leur approvisionnement en biens utilisés dans leurs activités. L’appelante travaillait avec Qais Equipment & Systems Trading (L.L.C.), (la société « Qais »), une société située à Dubaï et appartenant à un de ses autres actionnaires. La société Qais cherchait pour l’appelante des contrats d’approvisionnement au Moyen‑Orient et en Asie, et l’appelante les exécutait en recourant à des fabricants situés au Canada, aux États‑Unis et en Europe.

 

[6]              Pendant les années en cause, l’appelante avait un seul employé, à savoir Imamuddin Mohammed, le principal actionnaire de l’appelante. M. Mohammed était un ingénieur formé en Inde. D’après les déclarations de M. Mohammed, l’entreprise a été créée en 2003 et l’appelante n’a commencé à exécuter des commandes d’approvisionnement qu’au mois de juin de cette même année.

 

[7]              M. Mohammed a reconnu les éléments de preuve documentaire inscrits sous les cotes A‑1 à A‑5. Le témoin avance que le document portant la page 33 de la cote A‑3 constitue une preuve d’une avance consentie par des actionnaires d’un montant de 9 975 $USD que M. Mohammed avait personnellement reçu de l’un des autres actionnaires de l’appelante qui se trouve à Dubaï, avec comme instruction de déposer le montant dans le compte bancaire de l’appelante. M. Mohammed a déclaré qu’au départ il avait déposé les fonds reçus de ses coactionnaires dans son compte personnel en devises américaines à la Banque TD. Il a par la suite transféré les fonds dans le compte de l’appelante. Les parties étaient d’accord que le taux de change applicable en 2003 était de 1,4, ce qui veut dire que, si j’accepte la preuve de l’appelante au sujet de cette question, le dépôt représente une avance consentie par des actionnaires de 13 966 $. Le témoin avance que le solde des avances consenties par des actionnaires qui est en cause (2 034 $) était constitué d’un certain nombre de petits dépôts faits en espèce.

 

[8]              Quant à la deuxième question en litige relativement à l’année d’imposition 2003, M. Mohammed avance qu’il a reçu un salaire de 10 000 $ de l’appelante pour des services rendus pendant l’année d’imposition 2003 de l’appelante. M. Mohammed a affirmé qu’il avait déclaré ce salaire à titre de revenu d’emploi dans sa déclaration de revenu de cette année‑là.

 

[9]              Lors du contre‑interrogatoire, le témoin a reconnu qu’il travaillait à temps partiel dans une station‑service les fins de semaine. Après avoir longuement hésité, il a déclaré qu’il tirait de cette activité un revenu d’environ 150 $ à 200 $ par semaine, pour un total annuel d’environ 5 000 $.

 

[10]         La dernière question abordée dans le témoignage de M. Mohammed avait trait à trois factures concernant le même bon de commande que la vérificatrice chargée d’effectuer la vérification auprès de l’appelante avait considérées comme un revenu brut non déclaré de 16 750 $US gagné par l’appelante pendant l’année d’imposition 2004. Les parties reconnaissent que l’équivalent de ce montant en dollars canadiens est de 21 808,50 $. Selon les déclarations de M. Mohammed, les trois factures en question (les « factures de la société de construction navale ») concernaient une commande d’approvisionnement provenant d’une société de construction navale située au Sri Lanka et appelée Columbo Dockyard (la société « Columbo Dockyard »).

 

[11]         D’après M. Mohammed, Columbo Dockyard avait besoin de câbles électriques pour des navires qu’elle devait construire en vertu d’un contrat qu’elle avait conclu. M. Mohammed a expliqué que toutes les factures de la société sont établies à l’avance au nom de la société Qais, parce que c’est à cette dernière que revient la responsabilité de chercher des contrats d’approvisionnement pour l’appelante au Moyen‑orient et en Asie. Si la société Qais n’était pas à l’origine du contrat d’approvisionnement, a déclaré M. Mohammed, alors ce dernier changeait le nom sur la facture pour mettre celui du client. Selon les déclarations du témoin, l’appelante n’avait pas les fonds nécessaires pour acheter les biens dont avait besoin le client, lequel client ne réglait la commande que 30 jours après l’expédition des biens. Entretemps, l’appelante devait financer la transaction relativement au bon de commande avec son fonds de roulement. Le fabricant n’expédiait les marchandises que si elles avaient été entièrement payées. Selon M. Mohammed, la société Columbo Dockyard était une cliente importante pour l’appelante et M. Mohammed tenait à aider. Étant donné que l’appelante n’avait pas été pas capable de financer l’achat des marchandises, M. Mohammed avait été obligé de trouver une autre société, indépendante, pour exécuter la commande. D’après le témoin, l’appelante n’avait tiré aucun revenu des efforts ainsi déployés. L’appelante avait renoncé à la commande au profit d’une autre société d’approvisionnement afin de protéger ses bonnes relations avec Columbo Dockyard.

 

[12]         M. Mohammed soutient qu’au cours de son entretien avec l’agente des appels qui s’occupait du dossier, il a été amené à croire qu’il devait préparer une note de crédit pour annuler le revenu brut que la vérificatrice avait inclus dans le revenu de l’appelante relativement à l’opération prévue avec la société Columbo Dockyard et qui avait échoué. C’est après qu’il se soit exécuté, a déclaré M. Mohammed, que l’agente des appels avait changé d’avis et avait plutôt suggéré que le montant aurait dû avoir été déduit à titre de créance irrécouvrable.

 

[13]         Indra Kukabalan a effectué la vérification de l’appelante pour l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). D’après le témoignage d’Indra Kukabalan, on ne sait pas trop pourquoi elle a adopté la méthode des dépôts pour reconstituer le revenu de l’appelante relativement aux années en cause. Elle n’a pas avancé que les dossiers de l’appelante n’étaient pas fiables, ni, d’ailleurs, que l’appelante avait reçu une importante somme d’argent comptant, non déclarée.

 

[14]         Le témoin a expliqué que, lorsqu’elle avait rempli sa déclaration de revenu, l’appelante avait oublié de convertir en dollars canadiens le revenu qu’elle avait gagné en dollars américains, qui constituait la majeure partie du revenu reçu pendant les années en cause. L’appelante reconnaît cette omission importante et ne conteste pas le calcul du revenu supplémentaire effectué par Mme Kukabalan concernant ce montant précis.

 

[15]         D’après la méthode des dépôts utilisée par Mme Kukabalan, tous les dépôts effectués dans le compte bancaire de l’appelante ont été considérés comme un revenu brut sauf dans les cas où la vérificatrice avait reçu une explication raisonnable justifiant un traitement différent pour ces dépôts. La Cour a noté qu’il ressort du témoignage de Mme Kukabalan que cette dernière n’avait pas utilisé la méthode des dépôts pour calculer le revenu brut non déclaré de l’appelante pour l’année d’imposition 2004. En fait, Mme Kukabalan a reconnu dans son témoignage qu’elle n’avait pas vérifié si l’appelante avait effectivement reçu des fonds dans le cadre de la transaction avec Columbo Dockyard. Elle avait inclus le montant en question dans le revenu brut parce que les factures de la société de construction navale n’avaient pas été dûment annulées dans les dossiers de l’appelante et qu’elle ne croyait pas à l’explication de M. Mohammed selon laquelle la commande n’avait pas été exécutée.

 

Analyse

 

[16]         Selon un principe bien établi en droit fiscal canadien, le ministre peut utiliser des méthodes de rechange pour décider si un contribuable a omis de déclarer tous ses revenus. En l’espèce, l’appelante a produit des éléments de preuve qui, quoiqu’ils ne soient pas parfaits, permettent d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le ministre avait surévalué le revenu brut de l’appelante de 16 000 $ relativement à l’année d’imposition 2003 en considérant les avances consenties par des actionnaires comme un revenu non déclaré. La preuve documentaire produite par M. Mohammed corrobore le témoignage de ce dernier, témoignage selon lequel les 13 966 $, qui représentent l’équivalent en dollars canadiens de 9 975 $US, ont été déposés dans le compte de l’appelante et étaient constitués de fonds retirés du compte de M. Mohammed. La preuve de l’appelante, prise dans son ensemble, y compris le témoignage de M. Mohammed relativement aux petits dépôts effectués en espèces, était plus convaincante que celle de Mme Kukabalan sur cette question.

 

[17]         La Cour n’est pas arrivée à une conclusion semblable concernant la déclaration de M. Mohammed selon laquelle ce dernier avait reçu de l’appelante un montant de 10 000 $ à titre de revenu d’emploi. M. Mohamed n’a fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle l’appelante aurait omis de déduire la dépense dans sa déclaration de revenu telle qu’elle l’avait initialement produite. À la lumière de la preuve, il est évident que l’appelante croyait qu’elle accusait une perte importante dans l’année d’imposition 2003. Du point de vue de M. Mohammed, il aurait été préférable pour lui de recevoir le paiement en contrepartie d’une réduction de l’avance qu’il avait consentie à titre d’actionnaire. Enfin, M. Mohammed a bien reconnu lors du contre‑interrogatoire qu’il avait travaillé pour un autre employeur pendant l’année. La Cour ne dispose d’aucun moyen de savoir si les 10 000 $ de revenu d’emploi que M. Mohammed avait inclus dans sa déclaration de revenu pour 2003 se rapportent aux montants reçus de son autre emploi. La Cour note également le fait que M. Mohammed n’a pas soulevé cette question plus tôt. Enfin, le fait que M. Mohammed n’ait admis qu’au moment du contre‑interrogatoire qu’il avait une autre source de revenu amène la Cour à se demander si le témoignage de M.Mohammed sur cette question est exact.

 

[18]         D’après M. Mohammed, la commande d’approvisionnement visée par les factures de la société de construction navale n’a pas été exécutée parce que l’appelante n’avait pas le financement nécessaire pour effectuer l’achat. Là encore, quoique la preuve soit imparfaite sur ce point, la Cour conclut que le témoignage de M. Mohammed est plus convaincant sur cette question que ne l’est celui de Mme Kukabalan. Cette dernière a reconnu qu’elle avait en grande partie utilisé la méthode des dépôts pour établir le revenu non déclaré de l’appelante. Toutefois, Mme Kukabalan a changé de méthodologie pour les factures de la société de construction navale. Elle n’a pas tenté d’établir, au moyen de l’autre méthode, si l’appelante avait reçu des fonds. Elle n’a pas examiné les relevés bancaires de l’appelante pour cette période. Par conséquent, la Cour se retrouve, d’un côté, avec une preuve crédible selon laquelle la commande n’avait pas été exécutée et, de l’autre côté, avec une preuve non concluante selon laquelle la commande avait été exécutée.

 

[19]         L’avocate de l’intimée a souligné le fait qu’une note de crédit avait, semble‑t‑il, été préparée bien plus tard par M. Mohammed pour annuler la commande en question et insinuait que cela reviendrait à antidater la commande. La Cour accepte la preuve de M. Mohammed selon laquelle l’agente des appels l’a induit en erreur en lui suggérant que la question en litige serait réglée s’il procédait de cette manière‑là. L’agente des appels n’a pas témoigné au sujet de ce point précis et il n’y a aucune preuve contraire directe pour réfuter la déclaration de M. Mohammed à cet égard. Par conséquent, la Cour conclut que, dans la nouvelle cotisation pour 2004, le revenu de l’appelante a été surévalué du montant qui apparaît sur les factures de la société de construction navale.

 

[20]         La preuve ne me permet pas de conclure que des modifications autres que celles découlant de ce qui précède doivent être apportées aux nouvelles cotisations établies pour 2003 et 2004.

 

Conclusion

 

[21]         Pour tous les motifs susmentionnés, les nouvelles cotisations établies pour 2003 et 2004 doivent être déférées au ministre pour qu’elles soient modifiées conformément aux conclusions exposées ci‑dessus. Aucuns dépens ne seront adjugés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’octobre 2010.

 

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de décembre 2010.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 531

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2010-814(IT)I

 

INTITULÉ :                                       SIGMA PNEUMATIC RESOURCES INC. c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 1er juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 20 octobre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Rafad Alam

 

Avocate de l’intimée :

Me Roxanne Wong

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :                 

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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