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Dossier : 2009-291(IT)I

ENTRE :

RAYMOND HOURIE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

Appels entendus le 17 août 2010, à Prince George (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge L.M. Little

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Bruce Senkpiel

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2004 et 2005 sont rejetés sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

 

 

Signé à Vancouver, Colombie-Britannique, ce 26e jour d’octobre 2010.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2010.

 

Marie-Christine Gervais


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 525

Date : 26 octobre 2010

Dossier : 2009-291(IT)I

ENTRE :

RAYMOND HOURIE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

A.    FAITS

[1]              L’appelant demeure dans le village de Sinclair Mills, en Colombie‑Britannique. Sinclair Mills est situé à environ 110 kilomètres à l’est de Prince George, en Colombie‑Britannique.

 

[2]              Lors des années d’imposition 2004 et 2005, l’appelant travaillait à temps plein pour Canadian Forest Products Ltd. dans une scierie située à Prince George, en Colombie-Britannique.

 

[3]              Dans son témoignage, l’appelant a déclaré qu’en 2003, il avait décidé de démarrer une entreprise de tourisme dans les environs de Sinclair Mills. L’appelant a décidé de donner à son entreprise le nom de Wilderness Mountain Adventures (« Wilderness »).

 

[4]              L’appelant souhaitait principalement offrir des excursions en motoneige : il se proposait de prendre des passagers sur sa motoneige contre rémunération. Il a dit que la motoneige était un loisir pour lui.

 

[5]              Dans ses déclarations de revenus relatives aux années d’imposition 2004 et 2005, l’appelant a inscrit les revenus et les dépenses qui suivent :

 

Année d’imposition 2004

 

REVENUS

0,00

DÉPENSES :

 

Perte due à un vol

246,97

Publicité, communication

Location d’une motoneige RX1000

578,98

3 408,00

Recherche et développement

1 815,26

Entretien et réparations (soudure pour traîneau)

50,00

Fournitures – 3 774,00 $ (démarrage) + 6 064,66 $ (dépenses courantes)

9 838,66

Honoraires versés au conjoint pour services juridiques et comptables

3 500,00

Location d’atelier

1 487,30

Formation et perfectionnement professionnel

1 640,16

Frais et intérêts bancaires

180,00      

TOTAL DES DÉPENSES DÉDUITES

22 745,33 $

PERTE NETTE D’ENTREPRISE DÉCLARÉE

22 745,33 $

 

          Année d’imposition  2005

 

REVENUS

0,00

DÉPENSES :

 

Taxe d’affaires, droits d’exploitation

368,00

Essence

6 084,53

Assurance

2 106,06

Intérêt

2 384,05

Entretien et réparations

1 170,98

Honoraires de gestion et d’administration versés au conjoint

3 500,00

Fournitures

7 852,86

Location (motoneige RX1000)

3 408,00

Voyage

2 290,74

Téléphone, services publiques

1 387,97

Frais et intérêts bancaires

1 325,88   

TOTAL DES DÉPENSES DÉDUITES

31 879,07 $

PERTE TOTALE D’ENTREPRISE DÉCLARÉE

31 879,07 $

 

[6]              Le ministre du Revenu national a refusé en totalité les pertes déduites par l’appelant.

 

B.      QUESTION EN LITIGE

 

[7]              Il s’agit de savoir si l’appelant a le droit de déduire les montants demandés au titre de dépenses d’entreprise pour les années d’imposition 2004 et 2005.

 

C.      ANALYSE ET DÉCISION

 

[8]              À l’audience, les faits suivants ont été établis :

 

a)       L’appelant n’a tiré aucun revenu de l’exploitation de Wilderness au cours des années d’imposition 2004 et 2005;

 

b)      L’appelant n’a préparé aucun plan d’affaires à l’égard de l’entreprise de Wilderness;

 

c)       L’appelant n’a pas obtenu de permis d’exploitation pour Wilderness;

 

d)      L’appelant n’a pas obtenu d’assurance responsabilité civile relativement à l’exploitation de Wilderness;

 

e)       L’appelant n’a pas demandé ni obtenu les permis commerciaux nécessaires à l’exploitation de Wilderness;

 

f)       Au cours des années d’imposition 2004 et 2005, l’appelant n’était propriétaire d’aucun terrain où exercer les activités commerciales projetées de Wilderness. (Remarque : Ultérieurement, l’épouse de l’appelant a fait l’acquisition d’un terrain à Sinclair Mills et l’appelant a ensuite acquis un droit dans le bien.);

 

g)       Aucun employé n’a été embauché ou formé par l’appelant relativement aux activités commerciales projetées de Wilderness;

 

h)       Wilderness n’a pas eu de clients pour les années d’imposition 2004 et 2005;

 

i)        L’appelant et son épouse ont témoigné que le coût de l’assurance responsabilité civile pour une entreprise d’excursions en motoneige était [traduction] « astronomique ». L’appelant a fait la remarque suivante :

[traduction]

Pour les motoneiges. C’était tout simplement impossible.

 

(Transcription, page 50, lignes 7 à 8);

 

j)       L’appelant a déclaré que son épouse et lui avaient décidé de ne pas donner suite à leur projet de création d’une entreprise de randonnées en motoneige et de se consacrer plutôt à la mise sur pied d’une entreprise de « cat-ski ». Il a expliqué que le cat-ski est assimilable au ski héliporté, à la différence que l’on utilise, pour le transport des passagers, une remorque tirée par un véhicule à chenilles au lieu d’un hélicoptère. Il se proposait d’acheter un véhicule de marque Caterpillar ou Bombardier lors d’une vente aux enchères et [traduction] « […] de faire d’un vieil autobus une espèce de camion forestier ("crummy") […] » (transcription, page 51, ligne 13). Selon lui, le coût du matériel de cat‑ski et de l’équipement nécessaire au transport des skieurs jusqu’au sommet serait d’environ 35 000 $. (Remarque : le mot anglais « crummy » est défini comme suit dans le Canadian Oxford Dictionary : [traduction] « véhicule âgé ou converti destiné au transport des travailleurs forestiers entre le camp et le lieu de travail ».);

 

k)       L’appelant a affirmé que les revenus tirés de l’exploitation d’une entreprise de cat-ski étaient de l’ordre de 400 $ à 600 $ par personne par jour, alors que la motoneige rapportait 75 $ par jour (transcription, page 50, lignes 22 à 25);

 

l)        L’appelant a mentionné que, le 17 août 2010, son épouse et lui avaient fait une demande de prêt auprès d’une organisation métis afin d’obtenir les fonds nécessaires à l’achat de l’équipement de cat-ski et de mettre sur pied la nouvelle entreprise.

 

[9]              L’appelant soutient que l’exploitation de son entreprise a débuté en 2003 au moment où, avec sa famille, il a quitté Pineview, dans la région de Prince George, pour s’installer à Sinclair Mills. Il affirme ce qui suit :

 

[traduction]

 

[…] C’est à ce stade que l’entreprise a pris forme. J’ai alors fait le choix conscient de créer une entreprise. […]

 

(Transcription, page 48, lignes 20 à 22)

 

[10]         L’avocat de l’intimée a fait valoir qu’en ce qui concerne la détermination du moment où une entreprise a commencé, la jurisprudence a confirmé à de nombreuses reprises que le contribuable devait avoir plus qu’une intention subjective de créer une entreprise.

 

[11]         L’avocat de l’intimée a fait mention du Bulletin d’interprétation IT‑364, intitulé « Début de l’exploitation d’une entreprise », où l’on peut lire ce qui suit :

 

Pour qu’un montant soit déductible à titre de dépense engagée en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou de lui faire produire un revenu, le contribuable doit avoir exploité son entreprise au cours de l’exercice financier pendant lequel la dépense a été engagée. Par conséquent, si un contribuable se propose de fonder une entreprise et qu’à cette fin il engage certaines dépenses initiales, il faut déterminer si ces dépenses ont précédé le début de l’entreprise ou si l’entreprise avait effectivement débuté et que les dépenses ont été engagées lors d’étapes préliminaires menant à l’amorce de l’exploitation normale. Il est donc nécessaire de connaître la date à laquelle l’entreprise peut être réputée avoir débuté.

 

(Transcription, page 18, lignes 7 à 22)

 

Il n’est pas possible de déterminer le moment précis auquel une entreprise envisagée devient une entreprise de fait. En général, le Ministère estime qu’une entreprise débute lorsque s’engage une opération importante qui constitue une activité régulière du processus de gain de ce genre d’entreprise ou un prélude essentiel à exploitation normale.

 

(Transcription, page 19, lignes 2 à 10)

 

Pour conclure qu'une entreprise a commencé, il faut nécessairement qu'on puisse déterminer assez clairement le genre de l'activé devant être exercée et qu'une structure organisationnelle suffisante ait été établie pour permettre d'entreprendre au moins les activités préliminaires essentielles.

 

(Transcription, page 19, lignes 18 à 23)

 

[12]         La preuve révèle par ailleurs qu’entre les années d’imposition 2003 et 2008, l’appelant a dépensé au total 94 000 $ sans jamais tirer un sou de l’exploitation de l’entreprise réelle ou projetée.

 

[13]         L’avocat de l’intimée a aussi invoqué quelques décisions de la Cour à l’appui de l’affirmation selon laquelle l’entreprise projetée n’avait pas commencé. Il a cité l’affaire Gartry v. The Queen, 94 D.T.C. 1947, dans laquelle le juge Bowman (devenu par la suite juge en chef), à la page 1949, tient les propos suivants :

 

[…] Chaque cas dépend des faits qui lui sont propres, mais, lorsqu’un contribuable a pris des mesures importantes, des mesures essentielles pour exploiter l’entreprise, il est juste de conclure que l’entreprise avait démarré. […]

 

[14]         Compte tenu de mon analyse et des faits susmentionnés, j’ai conclu que l’appelant n’avait pas pris des mesures importantes et essentielles pour exploiter l’entreprise.

 

[15]         J’en arrive donc à la conclusion que l’appelant n’avait pas commencé à exploiter l’entreprise projetée deWilderness lors des années d’imposition 2004 et 2005. Il s’ensuit que l’appelant n’est pas autorisé à déduire les pertes qui ont été déclarées afin d’établir ses revenus pour les années d’imposition 2004 et 2005.

 

[16]         Avant de conclure, je tiens à souligner que j’ai été impressionné par les témoignages et la preuve de l’appelant et de son épouse. Ce sont des gens travaillants et dévoués qui se sont heurtés à quelques difficultés sur le plan personnel et commercial en tentant de réaliser leur projet d’entreprise. J’espère sincèrement que leur nouveau projet sera couronné de succès.

 

[17]         Les appels sont rejetés sans dépens.

 

 

Signé à Vancouver, Colombie-Britannique, ce 26e jour d’octobre 2010.

 

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2010.

 

Marie-Christine Gervais

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 525

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-291(IT)I

 

INTITULÉ :                                       RAYMOND HOURIE c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Prince George (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 17 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge L.M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 26 octobre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Bruce Senkpiel

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                         Nom :                      

 

                         Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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