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Dossier : 2010-679(GST)I

ENTRE :

ASTIER NEGASH,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

_________________________________________________________________

Appel entendu le 8 octobre 2010, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Darren Prevost

 

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JUGEMENT

 

L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise à l’égard de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005 est accueilli, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’octobre 2010.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2010.

 

Marie-Christine Gervais

 


 

 

 

Référence : 2010 CCI 554

Date : 20101029

Dossier : 2010-679(GST)I

ENTRE :

ASTIER NEGASH,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V.A. Miller

[1]              Le présent appel a été interjeté à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005 (la « période »).

[2]              L’appelante a reçu un avis de cotisation pour la période daté du 24 juillet 2007, où le ministre du Revenu national (le « ministre ») a majoré de 1 646 $ la taxe sur les produits et services (la « TPS ») exigible, refusé des crédits sur les intrants (les « CTI ») de 5 304 $ et imposé des pénalités pour versement tardif et des intérêts. En établissant la nouvelle cotisation, le ministre a accordé des CTI additionnels de 309 $.

[3]              L’appelante exploitait une entreprise appelée Oakwood Café (le « café ») dont la principale source de revenus était la vente de boissons alcoolisées et de grignotines.

[4]              Il semble que l’appelante a fait l’objet d’une vérification parce que le revenu brut d’entreprise indiqué dans sa déclaration de TPS pour la période était différent du montant figurant dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2005. Sur la déclaration de TPS, le café avait réalisé des ventes de 72 228 $, alors que, dans la déclaration de revenus pour 2005, le revenu brut d’entreprise se chiffrait à 95 774 $.

[5]              L’appelante se représentait elle-même. Elle a précisé dans son témoignage que le revenu d’entreprise brut figurant dans sa déclaration de revenus pour 2005 était erroné. Elle a commencé à exploiter le café en avril 2004, de sorte qu’il était impossible que ses ventes en 2005 aient été de 95 774 $. Ses déclarations de revenus et de TPS ont été préparées par Bernard Ukin, de Golden Capital Management Inc., et elle les a signées sans en prendre connaissance. Je déduis qu’elle a seulement jeté un coup d’œil à la dernière ligne de chaque déclaration. Dans sa déclaration de TPS, elle demande un remboursement de 995 $ et, dans sa déclaration de revenus, un remboursement de 371,76 $.

[6]              Le présent appel avait été mis au rôle plus tôt cette année, mais l’appelante avait demandé un ajournement pour pouvoir consulter son comptable et mettre de l’ordre dans ses documents. Elle a tenté en vain de communiquer avec son comptable. Il a pris des rendez-vous pour la rencontrer mais ne s’est pas présenté. Selon l’appelante, il a cessé de répondre à ses appels téléphoniques. Elle ne l’a pas assigné à témoigner parce qu’elle a pensé que ce serait inutile. Par conséquent, elle n’avait en main aucun des registres originaux relatifs à son entreprise.

[7]              À la lumière de la preuve, j’ai conclu que l’appelante a présenté certains documents lors de la vérification et à l’étape de l’opposition dans la présente affaire. Dans une lettre (pièce A-2), l’agent des appels précisait qu’il avait examiné l’état du grand livre général et les factures d’achat. Il avait ajouté qu’il n’y avait aucun document de vente et qu’il avait demandé des copies du grand livre des ventes, des relevés bancaires et des factures de vente de l’appelante.

[8]              D’après le témoignage de l’appelante, j’ai conclu que la tenue de ses dossiers était pire qu’insatisfaisante. L’appelante ne possédait pas de compte bancaire; elle utilisait celui de sa mère pour régler les factures du café. Elle n’avait pas de caisse enregistreuse et, quand elle réalisait une vente, elle écrivait le montant sur un bout de papier. Elle remettait tous ces bouts de papier à son comptable pour qu’il prépare ses déclarations. Il ne les lui rendait pas.

[9]              Afin de se procurer des documents pour appuyer ses arguments, l’appelante a présenté une demande d’accès à la LCBO en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée en vue d’obtenir un relevé de ses achats pour 2005. D’après ce relevé, en 2005, les ventes nettes de la LCBO à l’appelante s’élevaient à 1 768,16 $. Un relevé semblable du The Beer Store indique que l’appelante a payé 6 078,30 $ pour acheter de la bière. Ce total comprenait 368,83 $ de TPS. Les documents présentés par l’appelante ont permis d’établir qu’elle avait payé 492,60 $ de TPS sur ses achats d’alcool en 2005. Le ministre a accepté un CTI de 476 $ et, même si la différence entre les deux montants est minime, l’appelante doit pouvoir en bénéficier.

[10]         L’appelante a fait valoir que non seulement le revenu brut d’entreprise figurant dans sa déclaration de revenus pour 2005 était erroné, mais que tous les chiffres de l’état des résultats des activités d’une entreprise l’étaient aussi. Le revenu et les dépenses mentionnés dans ce document n’étaient pas ceux de son entreprise à elle. Elle a présenté des copies de ses déclarations de revenus pour les années 2004, 2006, 2007, 2008 et 2009 qui, selon elle, devraient être comparées à sa déclaration de revenus pour 2005. Les montants indiqués sur la déclaration de 2004 étaient illisibles.

[11]         La déclaration de 2005 comportait des dépenses au titre de la publicité, de la livraison, des intérêts, des repas et des frais de représentation, du véhicule à moteur et des impôts fonciers. L’appelante a expliqué qu’elle ne faisait aucune publicité. Elle n’avait pas de frais d’intérêt; sa cote de crédit était tellement mauvaise qu’elle n’avait pu obtenir de prêt. Elle n’avait pas de véhicule à moteur. Elle louait le local où se trouvait le café et ne payait pas d’impôts fonciers.

[12]         En comparaison, aucune de ces dépenses n’était déduite en 2007, en 2008 et en 2009. Je constate également que les déclarations de revenus de l’appelante pour les années 2007 à 2009, inclusivement, ont été préparées par un cabinet comptable différent. Il y avait une dépense relative à des frais de livraison sur la déclaration de 2006, mais aucune des dépenses énumérées au paragraphe 11 ci-dessus.

[13]         Les revenus bruts d’entreprise déclarés par l’appelante s’élevaient à 58 570,73 $, à 31 884,63 $, à 29 296,83 $ et à 36 840,43 $ en 2006, 2007, 2008 et 2009, respectivement.

[14]         Après un examen complet des déclarations de revenus de l’appelante et compte tenu de son témoignage, je suis arrivée à la conclusion que l’appelante a présenté suffisamment d’éléments de preuve pour établir selon la prépondérance des probabilités que les montants figurant dans sa déclaration de revenus pour 2005 n’avaient rien à voir avec son entreprise. J’ai conclu que le revenu d’entreprise de l’appelante en 2005 ne s’élevait pas à 95 744 $.

[15]         La norme de preuve dans les litiges de nature fiscale a été décrite comme suit par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Hickman Motors ltd. c. Canada[i] :

 

92   Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités : Dobieco Ltd. c. Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 95, et que, à l’intérieur de cette norme, différents degrés de preuve peuvent être exigés, selon le sujet en cause, pour que soit acquittée la charge de la preuve : Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164; Pallan c. M.R.N., 90 D.T.C. 1102 (C.C.I.), à la p. 1106. En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions : (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l’É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361).  Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus :  First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

 

93  L’appelant s’acquitte de cette charge initiale de « démolir » l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie : Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.). 

[16]         En l’espèce, l’appelante a produit une preuve prima facie afin de démolir les hypothèses suivantes du ministre : g) les ventes de l’appelante ont totalisé 95 744 $; j) l’appelante a omis de déclarer des ventes de 23 516 $; l) l’appelante n’a pas déclaré ni versé 1 646 $ de TPS perçue. La preuve présentée par l’appelante n’a pas été contestée ni réfutée.

[17]         Pour tous ces motifs, l’appel est accueilli. L’appelante a droit à un CTI supplémentaire de 16,60 $ et la TPS perçue doit être réduite de 1 646 $, de sorte que le montant de taxe nette établi est réduit de 1 662,60 $.

 

           Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’octobre 2010.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2010.

 

Marie-Christine Gervais

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 554

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2010-679(GST)I

 

INTITULÉ :                                       ASTIER NEGASH c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 8 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 29 octobre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Darren Prevost

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[i]  [1997] 2 R.C.S. 336

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