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Dossier : 2010-564(EI)

ENTRE :

GULZAR PANNU,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel

d’A.D.S. Construction Ltd. 2010-942(EI),

le 27 septembre 2010, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Tejinder Singh Gill

 

Avocat de l’intimé :

Me Zachary Froese

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

          Signé à Calgary (Alberta), ce 3e jour de novembre 2010.

 

 

« D. W. Rowe »

Le juge suppléant D.W. Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de décembre 2010.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


 

 

 

 

 

Dossier : 2010-942(EI)

ENTRE :

A.D.S. CONSTRUCTION LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Gulzar Pannu 2010-564(EI),

le 27 septembre 2010, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Dashmesh Singh Pannu

 

Avocat de l’intimé :

Me Zachary Froese

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

          Signé à Calgary (Alberta), ce 3e jour de novembre 2010.

 

 

« D. W. Rowe »

Le juge suppléant D.W. Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de décembre 2010.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


 

 

Référence : 2010 CCI 562

Date : 20101103

Dossiers : 2010-564(EI)

2010-942(EI)

 

ENTRE :

GULZAR PANNU,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé;

 

ET ENTRE :

A.D.S. CONSTRUCTION LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]              L’appelant, Gulzar Pannu (« Gulzar »), a interjeté appel d’une décision, datée du 1er décembre 2009, par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») avait conclu que l’emploi exercé par Gulzar auprès d’A.D.S. Construction Ltd. (« ADS ») du 1er janvier au 30 juin 2008, du 16 au 31 décembre 2007 et du 1er juillet au 26 décembre 2008 n’était pas un emploi assurable au titre de l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). Après avoir examiné toutes les modalités de l’emploi, le ministre n’était pas convaincu que l’appelant et ADS auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[2]              Gulzar était représenté par Tejinder Singh Gill (« M. Gill »).

 

[3]              ADS a interjeté un appel distinct, dossier 2010‑942(EI); le représentant d’ADS, Dashmesh Singh Pannu (« Dashmesh »), d’une part, et l’avocat de l’intimé et M. Gill, d’autre part, ont consenti à ce que l’appel puisse être instruit sur preuve commune avec l’appel de Gulzar.

 

[4]              Les parties ont convenu que seul l’emploi exercé entre le 1er juillet et le 26 décembre 2008 était en litige.

 

[5]              Dashmesh Singh Pannu a témoigné en pendjabi; les questions et réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été interprétés par Ravinder Aggarwal, interprète judiciaire agréé parlant couramment l’anglais et le pendjabi.

 

[6]              Dashmesh a témoigné être président et unique actionnaire d’ADS, une entreprise de construction exploitée depuis Surrey, en Colombie-Britannique. Gulzar est son père; il est né le 1er septembre 1925. ADS est exploitée toute l’année durant, de 9 à 17 h, du lundi au vendredi. Dashmesh a convenu que les hypothèses de fait suivantes, énoncées aux alinéas 8g) à k) ainsi qu’aux alinéas 8m) à r) de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse »), étaient exactes :

 

[traduction]

 

8.         En concluant que l’appelant n’exerçait pas un emploi assurable auprès du payeur au cours de la période en question, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

            [...]

 

g) les principales tâches de l’appelant consistaient à nettoyer les locaux de travail, à planter des clous, à aider ses compagnons de travail avec leurs outils et à servir des goûters et du thé;

 

h) les tâches de l’appelant consistaient également à surveiller les employés du payeur lorsque celui‑ci n’était pas sur les lieux;

 

i) l’appelant était rémunéré par chèque au taux horaire de 9,50 $;

 

j) les chèques de l’appelant n’étaient pas encaissés régulièrement;

 

k) les chèques de l’appelant étaient déposés dans un compte bancaire partagé avec Dashmesh et la femme de celui‑ci;

 

[...]

 

m) l’appelant n’a pas fourni de services au payeur au cours des mois de janvier à juin 2008;

 

n) l’appelant n’a pas été licencié à cause d’une pénurie de travail au cours des mois de janvier à juin 2008;

 

o) l’appelant a visité sa sœur, à Abbotsford, ainsi que sa fille et son neveu, en Angleterre, au cours des mois de janvier à juin 2008;

 

p) le registre des recettes du payeur pour les mois de janvier à décembre 2008 indique un niveau de revenu uniforme, sans période de ralentissement;

 

q) le payeur n’établissait pas de feuilles de temps indiquant les heures effectuées par l’appelant;

 

r) l’appelant ne travaillait pas le samedi;

 

[...]

 

[7]              Dashmesh a déclaré qu’en ce qui concerne les tâches de Gulzar (8g)), celui‑ci enlevait également les clous enfoncés dans le bois. Au cours de la période en question, ADS comptait cinq employés, dont Gulzar et lui-même. Dashmesh a convenu que Gulzar n’encaissait pas ses chèques régulièrement, parce qu’il ne possédait pas les documents d’identification habituels. Gulzar vivait avec Dashmesh et sa femme et il les accompagnait parfois à la banque, où il avait le même pouvoir de signature à l’égard du compte partagé. Dashmesh n’a pas souscrit à l’hypothèse énoncée à 1’alinéa 81) et il a déclaré que les menuisiers‑monteurs de charpentes ne touchaient que 14 à 16 $ l’heure, et non 18 $ l’heure. Quant aux hypothèses énoncées aux alinéas 8s) et 8t) respectivement, Dashmesh n’a pas souscrit à l’avis selon lequel l’échelle salariale des aides‑manoeuvres dans l’industrie de la construction était d’environ 15 $ l’heure, et il a déclaré que le remplaçant de Gulzar, Rahdhi Hothi (« M. Hothi »), ne touchait pas 18 $ l’heure. Dashmesh a déclaré qu’il pouvait embaucher des travailleurs au salaire initial de 9 $ l’heure et qu’il augmentait leur taux de rémunération en fonction de l’expérience acquise avec le temps. Quant à M. Hothi, il ne gagne que 13 $ l’heure actuellement et, au mois d’août 2009, il touchait 9 $ l’heure, étant donné qu’il y avait une abondance de main-d’oeuvre disponible par suite de la récession, qui avait touché l’industrie de la construction. M. Hothi était un jeune homme qui venait d’arriver de l’Inde et il ne possédait pas d’expérience dans le domaine de la construction. Dashmesh a déclaré que tous les travailleurs consignaient par écrit leurs propres heures et lui rendaient compte des heures effectuées. Gulzar le faisait verbalement et Dashmesh était au courant du temps passé au travail, étant donné qu’il amenait Gulzar en voiture entre le lieu de travail et leur résidence, qu’ils partageaient. Dashmesh a déclaré que Gulzar avait servi pendant 24 ans dans l’armée indienne à titre d’ingénieur avant de venir au Canada, au mois d’avril 2002. Dashmesh est arrivé au Canada au mois de septembre 1998; il a étudié pendant deux ou trois mois seulement; la plupart de ses clients parlent le pendjabi et il effectue ses opérations bancaires dans cette langue. Sa connaissance de l’anglais est donc restreinte lorsqu’il doit parler d’affaires exigeant un vocabulaire plus étendu qui ne se rapporte pas à son entreprise. Dashmesh a déclaré qu’en 2009, Gulzar cueillait des petits fruits, mais, à l’heure actuelle, il ne travaille pas parce qu’il est en mauvaise santé. En ce qui concerne l’exploitation d’ADS, Dashmesh a déclaré qu’il avait récemment informé la Commission des accidents du travail qu’il réembaucherait un travailleur, qui s’était blessé et qui était maintenant capable de retourner travailler, en vue d’exécuter des travaux légers du genre de ceux que Gulzar accomplissait au cours de la période pertinente. Au cours des douze dernières années, ADS s’est principalement occupée de construction d’habitations; quatre travailleurs ont été licenciés en 2009 à cause d’un ralentissement. Dashmesh a déclaré qu’il arrive souvent qu’il emploie un travailleur, jeune ou vieux, sur le chantier pour exécuter des travaux légers, mais que les responsabilités et tâches d’une personne plus jeune augmentent avec le temps, au fur et à mesure que celle‑ci acquiert de l’expérience, le taux horaire augmentant en conséquence. Lorsque Dashmesh devait s’absenter d’un chantier, pour des périodes d’une à quatre heures, deux ou trois fois par semaine, afin de chercher du travail additionnel pour ADS, Gulzar s’acquittait de ses propres tâches et, de plus, [traduction] « il surveillait les travailleurs », qui n’avaient aucun lien avec Gulzar ou lui‑même.

 

[8]              Le représentant de Gulzar n’a pas contre‑interrogé le témoin.

 

[9]              Lorsque l’avocat de l’intimé l’a contre-interrogé, Dashmesh a convenu qu’il prenait toutes les décisions commerciales pour ADS. Gulzar a maintenant 85 ans et il avait 83 ans lorsqu’il travaillait, au cours de la période pertinente; il gagnait 9,50 $ l’heure, ce qui n’était pas beaucoup plus que le salaire minimum. ADS comptait quatre ou cinq travailleurs avant d’embaucher Gulzar; les tâches que celui‑ci a par la suite effectuées avaient été exécutées par l’un ou l’autre des travailleurs qui étaient menuisiers‑monteurs de charpentes et qui touchaient 13 $ l’heure. Les apprentis ne gagnaient que 9 $ l’heure; on s’attendait à ce qu’ils apprennent le métier de menuisier‑monteur de charpentes et ils pouvaient toucher un salaire horaire plus élevé en acquérant de l’expérience, étant donné qu’il fallait quatre travailleurs pour assembler la charpente d’une maison. Dans le cas de Gulzar, on ne s’attendait pas à ce qu’il accomplisse d’autres tâches, à part celles dont il a ci‑dessus été fait mention et il n’aurait pas fait l’objet d’un licenciement, même s’il y avait eu un ralentissement. Les soumissions d’ADS pour des travaux de menuiserie sont basées sur le prix au pied carré. Dashmesh a déclaré que, bien qu’il y ait eu du travail chez ADS, Gulzar ne voulait pas travailler du mois de janvier au mois de juin 2008 et qu’il avait visité la famille et des amis; ADS ne l’avait pas rémunéré au cours de cette période. Gulzar est retourné travailler le 1er juillet 2008. L’avocat a renvoyé Dashmesh à trois pages de renseignements sur la paie concernant Gulzar (pièce R‑1). Le relevé se rapportant à la période de paie qui a pris fin le 31 juillet 2008 indiquait, sous la colonne intitulée : [traduction] « CDA », que Gulzar avait gagné une rémunération brute de 9 573,72 $ jusqu’à ce moment‑là, en 2008. Dashmesh a déclaré qu’il ne savait pas que l’inscription CDA voulait dire [traduction] « cumul de l’année », et il a déclaré qu’ADS n’avait pas versé d’argent à Gulzar en 2008, entre le 1er janvier et le 1er juillet, soit la date à laquelle celui‑ci avait recommencé à travailler. Dashmesh a produit une liasse de photocopies de talons de chèques de paie concernant Gulzar (pièce A‑1), ainsi qu’un feuillet T4 (pièce A‑2), indiquant que le revenu que Gulzar avait tiré de son emploi auprès d’ADS en 2008 s’élevait en tout à 9 573,72 $. Dashmesh a déclaré que, de toute évidence, l’inscription CDA, prenant censément effet au 31 juillet, était inexacte. Dashmesh a reconnu qu’ADS avait parfois rémunéré un menuisier‑monteur de charpentes expérimenté au taux horaire de 18 $. On allait chercher tous les travailleurs chez eux pour les amener en voiture au travail et on les ramenait à la maison.

 

[10]         Dashmesh a informé la Cour que la preuve d’ADS était close.

 

[11]         Tejinder Singh Gill a témoigné; il est courtier en assurance et il vit à Surrey. Il connaît Gulzar et est une connaissance de Dashmesh. Il s’est occupé des documents concernant l’appel de la décision interjeté auprès du ministre. Il a déclaré que Gulzar lui avait fourni un calendrier (pièce A‑3) et qu’il en avait remis une copie à l’agent des appels. Il n’y a pas d’inscriptions sur le calendrier jusqu’au 1er juillet, lorsque Gulzar est retourné travailler pour ADS. M. Gill a déclaré que Gulzar avait eu une crise cardiaque au mois de novembre 2009 et qu’on lui avait conseillé de ne pas se présenter devant la Cour pour son appel.

 

[12]         Ni Dashmesh ni l’avocat de l’intimé n’ont contre-interrogé M. Gill.

 

[13]         M. Gill a fait savoir que la preuve de Gulzar était close.

 

[14]         Rosemary Basha (« Mme Basha ») a témoigné qu’elle travaillait à titre d’agente des appels, depuis cinq ans, à l’Agence du revenu du Canada (1’« ARC »). Les dossiers de Gulzar et d’ADS lui ont été confiés et elle a examiné la documentation. Elle a lu le questionnaire (pièce R‑5) soumis par Dashmesh ainsi que celui qui avait été préparé pour le compte de Gulzar, dont un extrait a été produit sous la cote R‑6. Mme Basha a préparé le document CPT 110 – Rapport sur un appel (1e « rapport ») (pièce R‑2) daté du 30 novembre 2007, dans lequel elle recommandait au ministre de décider que l’emploi exercé par Gulzar n’était pas un emploi assurable au sens de la Loi, et ce, pour les motifs énoncés dans le rapport. Mme Basha a déclaré savoir que Gulzar était le père de Dashmesh et que sa rémunération horaire était de 9,50 $. Toutefois, elle croyait comprendre, compte tenu d’une réponse figurant dans un questionnaire, que d’autres employés gagnaient 18 $ l’heure. Elle s’est fondée sur une recherche sur le site Web Job Futures, qui indiquait que le taux horaire moyen pour les ouvriers en bâtiment était de 15,17 $ et que l’industrie versait aux superviseurs une rémunération horaire de 21,78 $ à 23,23 $. Les imprimés ont été produits sous les cotes R‑3 et R‑4 respectivement. Mme Basha a déclaré s’être fondée sur ce renseignement et avoir conclu que la rémunération horaire de Gulzar était trop faible, bien que celui‑ci n’exécutât pas de travaux de charpente. À la page 5 de son rapport, Mme Basha analysait une série de choses qui, selon elle, constituaient des contradictions et des renseignements contradictoires entre ce qui avait été fourni à l’agent des décisions et par la suite, pour les besoins de l’appel interjeté devant le ministre. De l’avis de Mme Basha, Gulzar n’avait pas été licencié entre les mois de janvier et de juin 2008 à cause d’un ralentissement des activités d’ADS, mais parce qu’il voulait visiter sa sœur, à Abbotsford, en Colombie-Britannique, et certains membres de sa famille, en Angleterre. Mme Basha était convaincue que Gulzar n’avait pas à attendre pour encaisser ses chèques de paie et que l’explication fournie au sujet des dépôts irréguliers était acceptable. Toutefois, le calendrier (pièce A‑3) utilisé aux fins de l’enregistrement des heures n’était pas fiable, selon elle, étant donné qu’il n’indiquait pas que Gulzar avait travaillé le samedi, alors que, dans sa demande de prestations d’assurance‑emploi, Gulzar avait indiqué qu’il travaillait parfois le samedi, et que les mêmes renseignements lui avaient été fournis en sa qualité d’agente des appels. Mme Basha a déclaré que les travailleurs rémunérés à l’heure doivent noter leurs heures aux fins de la paie et des versements. Bien qu’il ne soit pas fait mention dans les questionnaires des tâches de supervision accomplies par Gulzar, Mme Basha était convaincue que celui‑ci exerçait parfois cette fonction dans l’exécution de ses tâches. Mme Basha était convaincue qu’il n’existait aucun contrat de louage de services entre le 1er janvier et le 30 juin 2008 et qu’au cours de cette période, Gulzar n’avait par reçu de rétribution d’ADS. Dans son rapport, Mme Basha examinait ainsi certains facteurs :

 

Le lien de dépendance

 

[15]         Les parties étaient liées, étant donné que Gulzar était le père de Dashmesh, l’unique actionnaire d’ADS.

 

La rétribution

 

[16]         La rémunération horaire de 9,50 $ n’était pas raisonnable pour les tâches que Gulzar exécutait à titre de travailleur sur un chantier de construction, malgré son rôle restreint d’aide et de superviseur occasionnel des travailleurs en l’absence de Dashmesh. Malgré ce rôle restreint, la rétribution aurait dû être plus élevée, étant donné que la rémunération horaire moyenne des ouvriers en bâtiment était de 15,17 $. La faible rémunération indiquait l’existence d’un lien de dépendance.

 

Les modalités d’emploi

 

[17]         Gulzar travaillait peut‑être parfois le samedi, mais il ne notait pas d’une façon appropriée le nombre d’heures effectuées en tout, comme il fallait le faire dans ce secteur, et cette omission était considérée comme indiquant l’existence d’un lien de dépendance.

 

La durée du travail

 

[18]         ADS était exploitée toute l’année durant; Gulzar a travaillé du 1er juillet au 31 décembre 2008, mais il a été mis à pied au mois de janvier 2009 à la suite d’un ralentissement des activités d’ADS. Ce facteur indiquait l’absence d’un lien de dépendance.

 

La nature et l’importance du travail

 

[19]         Gulzar n’a pas travaillé pour ADS du 1er janvier au 30 juin 2008, et ce, même si le volume d’affaires d’ADS était normal. Les travailleurs non liés qui exécutaient les tâches de Gulzar avant et après son emploi touchaient 18 $ l’heure; il s’agissait de menuisiers‑monteurs de charpentes qui n’avaient pas été embauchés expressément pour accomplir les tâches de Gulzar, ce qui démontrait que les tâches de Gulzar n’étaient pas, pour l’exploitation de l’entreprise d’ADS, suffisamment importantes pour justifier le recours à un remplaçant qui s’acquitterait de cette fonction restreinte. Ce facteur a été considéré comme indiquant l’existence d’un lien de dépendance.

 

[20]         Par suite de l’analyse effectuée en préparant son rapport, Mme Basha était d’avis qu’il n’était pas raisonnable de conclure qu’ADS et Gulzar auraient passé entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. Elle recommandait au ministre de décider que Gulzar n’exerçait pas un emploi assurable auprès d’ADS au cours de la période allant du 1er juillet au 26 décembre 2008 qui est ici en cause.

 

[21]         Mme Basha a déclaré qu’elle n’avait pas vu les feuilles de renseignements sur la paie (pièce R‑1) avant de se présenter devant la Cour.

 

[22]         Lorsqu’elle a été contre‑interrogée par Dashmesh, qui agissait comme représentant d’ADS, Mme Basha a déclaré qu’elle supposait que tous les travailleurs touchaient 18 $ l’heure, étant donné que c’était la réponse donnée à la Q. 22 du questionnaire (pièce R‑5) que celui‑ci avait signé. Le degré de supervision assuré par Gulzar était celui dont il était fait mention à l’alinéa 8h) de la réponse, en ce sens qu’il se limitait à la supervision des employés d’ADS lorsque Dashmesh n’était pas sur les lieux.

 

[23]         Lorsqu’elle a été contre-interrogée par M. Gill, qui agissait comme représentant de Gulzar, Mme Basha a déclaré qu’il lui était impossible de savoir si la rémunération horaire de 18 $ mentionnée dans le questionnaire correspondait à la rémunération horaire maximale des menuisiers‑monteurs de charpentes et qu’aucun autre renseignement n’était fourni en vue d’indiquer qu’une fourchette de rémunération s’appliquait à cette fonction précise.

 

[24]         L’avocat a fait savoir que la preuve de l’intimé était close.

 

[25]         Pour le compte d’ADS, Dashmesh a soutenu que la preuve étayait la prétention selon laquelle un travailleur non lié aurait touché le même salaire pour accomplir les tâches restreintes exécutées par Gulzar.

 

[26]         M. Gill, le représentant de Gulzar, n’a pas soumis d’observations.

 

[27]         L’avocat de l’intimé a soutenu que la rétribution versée à Gulzar était trop faible, même s’il est tenu compte de la nature des tâches exécutées, en ce sens que Gulzar n’exécutait pas de travaux de charpente et qu’on ne s’attendait pas à ce qu’il apprenne ce métier compte tenu de son grand âge. L’avocat a signalé que Gulzar avait été autorisé à s’absenter au cours des six premiers mois de l’année 2008, bien que les activités d’ADS se soient poursuivies au même rythme, ce qui indique que cette exception était fondée sur la relation père‑fils. Avant que Gulzar eût été embauché, les tâches accomplies par celui‑ci avaient été exécutées par d’autres travailleurs qui étaient soit des menuisiers‑monteurs de charpente, soit des apprentis qui devaient éventuellement joindre l’équipe principale responsable des travaux de charpente composée de quatre personnes. L’avocat a soutenu que la décision du ministre dans chaque cas devait être confirmée.

 

[28]         Les dispositions pertinentes de la Loi sont les alinéas 5(1)a) et 5(2)i) ainsi que le paragraphe 5(3), qui sont ainsi libellés :

 

            5. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

 

[…]

 

(2) N’est pas un emploi assurable :

 

            [...]

 

(i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé on entre eux un lien de dépendance.

 

(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[29]         Dans l’arrêt Quigley Electric Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2003] A.C.F. no 1789; 2003 CAF 461 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale était saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un juge de la Cour canadienne de l’impôt confirmant la décision du ministre portant que l’emploi exercé par l’appelante auprès d’un employeur lié n’était pas assurable. Le juge Malone, au nom de la cour, a dit ce qui suit (paragraphe 7 et suiv.) :

 

[7]        Il est également allégué que le juge a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique énoncé dans les arrêts Légaré c. Canada (Ministre du Revenu national) (1999) 246 N.R. 176 (C.A.F.) et Pérusse c. Canada (2000) 261 N.R. 150 (C.A.F.). Ce critère consiste à déterminer si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, la décision du ministre était raisonnable.

 

[8]        Plus précisément, il est allégué que le juge a limité la portée de sa fonction de contrôle lorsque, après avoir conclu que le ministre ne disposait manifestement pas de tous les faits, il a déclaré ce qui suit :

 

[traduction] [...] Cela ne veut pas dire que, à la suite de l’examen de nouveaux renseignements, je ne peux conclure que le ministre n’avait pas, après tout, toute l’information nécessaire pour exercer son mandat, comme il l’a fait, sans mon intervention. Cela veut tout simplement dire que j’ai conclu que les nouveaux facteurs, qui n’ont pas été examinés, ne sont pas pertinents.

 

[9]        Selon la demanderesse, il ne s’agit pas de savoir si le ministre disposait d’assez de renseignements pour rendre une décision, malgré le témoignage de Mme Quigley; il s’agissait plutôt de savoir, compte tenu de l’ensemble de la preuve, si la décision du ministre semblait toujours raisonnable. Au contraire, la demanderesse affirme que le juge a effectué un examen non pertinent en tentant de savoir si Mme Quigley était une « patronne » ou une « subalterne » chez Quigley Electric Ltd.

 

[10]      Selon mon analyse, le juge a correctement suivi l’approche retenue par la Cour dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Jencan Ltd., [1998] 1 C.F. 187 (C.A.), notamment que la décision résultant de l’exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire prévu à l’alinéa 5(3)b) ne peut être modifiée que s’il a agi de mauvaise foi, a omis de tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes ou a tenu compte d’un facteur non pertinent.

 

[11]      Il n’y a pas eu mauvaise foi de la part du ministre en l’espèce.

 

[12]      Bien que les motifs de la décision soient longs, il est clair que le juge a analysé le témoignage de Jean Quigley à la lumière de l’alinéa 5(3)b), à savoir, notamment, si, compte tenu de l’ensemble de circonstances de l’emploi, notamment la rétribution versée, les modalités de l’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, l’employeur et l’employée auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. Après avoir examiné d’autres décisions rendues par la Cour de l’impôt, le juge a rejeté toute idée que Mme Quigley puisse être qualifiée de « patronne » chez Quigley Electric Ltd., puis il a rejeté les exemples qu’elle a donnés pour tenter de démontrer que le traitement spécial dont elle jouissait au sein de la société était dû à la relation personnelle qu’elle entretenait avec l’actionnaire majoritaire et non pas à son contrat d’emploi.

 

[13]      Il a conclu en affirmant que les facteurs dont le ministre avait tenu compte, facteurs qu’il avait exposés précédemment dans ses motifs, étaient les facteurs pertinents dont il devait tenir compte pour sa propre décision. Cela, dans le contexte de la présente affaire, ne peut que signifier que la décision du ministre était raisonnable compte tenu de l’ensemble de la preuve. Je ne vois aucune erreur de droit dans la présente analyse ou conclusion.

 

[14]      Je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

[30]         Dans son témoignage, Dashmesh a déclaré que la plupart des menuisiers‑monteurs de charpente gagnaient moins de 18 $ l’heure, en particulier s’ils n’avaient pas beaucoup d’expérience. Le travailleur embauché pour assumer les tâches de Gulzar touchait uniquement 13 $ l’heure, et non 18 $, comme l’alléguait le ministre, et un apprenti avait été embauché en 2009 au taux horaire de 9,50 $, parce que les emplois dans le domaine de la construction étaient rares à cause de la situation économique. L’agente des appels n’avait pas ces renseignements à sa disposition. M. Gill a témoigné avoir reçu le calendrier (pièce A‑3) de Gulzar et l’avoir remis au bureau de l’ARC pour examen. Un examen des pages du calendrier, entre les mois de juillet et de décembre, indique que des corrections ont été apportées aux inscriptions, certains chiffres ou certains noms ayant été changés, et que, pour certaines inscriptions, l’encre, les stylos ou les marqueurs utilisés n’étaient pas les mêmes. Je suis convaincu que Gulzar a établi le calendrier afin de noter ses heures de travail, mais le seul travail effectué le samedi au cours de la période pertinente se rapportait à six heures effectuées le 20 décembre. Quoi qu’il en soit, cela n’est pas important, parce que Gulzar vivait avec Dashmesh et sa femme, qui se rendaient au travail avec lui et en revenaient tous les jours, de sorte qu’il ne serait pas nécessaire d’avoir un ordinateur haut de gamme et un logiciel complexe pour noter les heures effectuées.

 

[31]         Dans la décision Birkland c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] A.C.I. no 195; 2005 CCI 291, le juge Bowie a résumé l’état de la jurisprudence; il a fait les remarques suivantes à la fin du paragraphe 4 de ses motifs de jugement :

 

4.  [...] Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l’impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l’appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l’appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d’emploi prévalant dans l’industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l’appelant et l’employeur peuvent évidemment être produits également. À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l’opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, ne pas conclure que l’employeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. Si je comprends bien, c’est là le degré de retenue judiciaire accordé à l’avis du ministre du fait de l’emploi, par le législateur, de l’expression « […] si le ministre du Revenu national est convaincu […] » à l’alinéa 5(3)b).

 

[32]         La preuve établissait la culture au lieu de travail, où la préparation et le service du thé sont importants, et les tâches exécutées par Gulzar, quoiqu’elles ne comprissent pas de travaux de charpente et qu’elles n’aient jamais visé à inclure cette tâche, étaient précieuses dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise. Le ministre était convaincu qu’un emploi véritable avait été exercé au cours de la période. Le ministre a tenu compte de la nature des tâches de Gulzar, y compris certaines fonctions de supervision assumées par celui‑ci lorsque Dashmesh était absent. Ce faisant, il a conclu que la rémunération horaire de 9,50 $ pour ce travail, effectué sur un chantier de construction, était trop peu élevée et indiquait l’existence d’un lien de dépendance. Le ministre a également tenu compte du congé accordé à Gulzar pour permettre à celui‑ci de prendre de longues vacances pendant les six premiers mois de l’année 2008 ainsi que de la nature du poste spécial que Gulzar occupait avant et après son retour au travail. Le ministre a tenu compte de certains renseignements indiquant que l’emploi avait été créé, et conçu, tout spécialement pour Gulzar, parce que Dashmesh était son fils et l’unique actionnaire d’ADS. Gulzar avait 83 ans en 2008 et il avait eu une longue et brillante carrière dans l’armée indienne. C’était un homme qui voulait travailler et contribuer ainsi à l’exploitation de l’entreprise de son fils.

 

[33]         Si j’avais compétence pour trancher les appels de novo, le résultat serait peut‑être différent, mais si je modifiais la décision du ministre dans chaque cas, je substituerais mon propre jugement à celui du ministre. Après avoir tenu compte de la preuve dans son ensemble, je conclus néanmoins que la décision du ministre dans chaque cas est raisonnable. Le ministre a pris en compte certains faits et les indices pertinents exigés par la législation ont ensuite été analysés. Au cours de ce processus, aucune inférence déraisonnable n’a été faite lorsqu’il s’est agi d’arriver aux hypothèses sur lesquelles la décision était fondée. Ces hypothèses n’ont pas été invalidées par la preuve soumise pour le compte de l’un ou l’autre appelant et, dans l’ensemble, elles demeurent intactes sur tous les points importants.

 

[34]         Les décisions du ministre sont confirmées et les deux appels sont, par les présentes, rejetés.

 

          Signé à Calgary (Alberta), ce 3e jour de novembre 2010.

 

 

« D. W. Rowe »

Le juge suppléant D.W. Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de décembre 2010.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 562

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-564(EI); 2010-942(EI)

 

INTITULÉ :                                       GULZAR PANNU c. M.R.N.; A.D.S. CONSTRUCTION LTD. c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 27 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 novembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant, Gulzar Pannu :

 

M. Tejinder Singh Gill

 

Avocat de l’intimé :

 

Me Zachary Froese

 

Représentant de l’appelante, A.D.S. Construction Ltd. :

 

M. Dashmesh Singh Pannu

 

Avocat de l’intimé :

 

Me Zachary Froese

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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