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Dossier : 2009-3049(EI)

ENTRE :

OLDHAM ROBINSON INTEGRATED

TECHNOLOGIES INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel d’Oldham Robinson Integrated Technologies Inc. (2009-3050(CPP))

le 2 juin 2010, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Jason A. Robinson

Avocat de l’intimé :

Me Mark Tonkovich

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

 

                                                                                                 

Signé à Ottawa (Canada) ce 22e jour de novembre 2010.

 

 

« Paul Bédard »

Le juge Bédard

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de janvier2011.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


 

 

 

 

Dossier : 2009-3050(CPP)

ENTRE :

OLDHAM ROBINSON INTEGRATED

TECHNOLOGIES INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel d’Oldham Robinson Integrated Technologies Inc. (2009-3049(EI))

le 2 juin 2010, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Jason A. Robinson

Avocat de l’intimé :

Me Mark Tonkovich

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa (Canada) ce 22e jour de novembre 2010.

 

 

« Paul Bédard »

Le juge Bédard

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de janvier2011.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 596

Date : 20101122

Dossiers : 2009-3049(EI)

2009-3050(CPP)

ENTRE :

OLDHAM ROBINSON INTEGRATED

TECHNOLOGIES INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]              Les présents appels concernent les décisions rendues par le ministre du Revenu national (le ministre) au titre du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») et de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »), selon lesquelles Cori Jeffrey (la travailleuse) était, du 1er janvier 2005 au 9 décembre 2009 (la « période pertinente »), employée par l’appelante dans un emploi assurable et ouvrant droit à pension.

 

[2]              L’appelante exploitait une entreprise de vente, de service et de soutien après vente de logiciels et machines à graver. La travailleuse a d’abord été embauchée aux termes d’un accord verbal pour une période indéterminée afin d’effectuer, pour l’appelante et les trois sociétés sœurs de l’appelante (International Distribution Experts, Hyper and Bossing Inc. et Primerica Agent), les services suivants : l’administration régulière et le travail de bureau, notamment répondre au téléphone, expédier, recevoir, effectuer des fonctions de bureau, s’occuper des commandes et faire la tenue des comptes.

 

[3]              La position de l’appelante est que la travailleuse était une entrepreneure indépendante, et non une employée liée par un contrat de louage de services.

 

[4]              Toutes les causes qui soulèvent la question de savoir si un individu est employé ou entrepreneur indépendant doivent être traitées sur le fondement de leurs faits particuliers. Il convient, en tenant compte des faits de l’espèce, d’accorder le poids approprié à chaque élément du critère à quatre volets (le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit et le risque de perte) énoncé dans Wiebe Door Services Ltd. v. M. N. R., 87 DTC 5025, et dans 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983. De plus, par suite des arrêts récents de la Cour d’appel fédérale, l’intention des parties au contrat est devenue un facteur dont le poids semble varier selon la cause (Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 CAF 87; Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396; City Water International Inc. c. Canada, 2006 CAF 350; Équipe de ski capitale nationale outaouais c. Canada (Revenu national), 2008 CAF 132).

 

[5]              Les faits sur lesquels le ministre a fondé sa décision dans la cause ayant trait au RPC (2009‑3050(CPP)) et dans la cause ayant trait à l’assurance-emploi (2009‑3049(EI)) sont ainsi énoncés dans la réponse à l’avis d’appel :

 

a)                  l’appelante exploitait une entreprise de vente, de service et d’entretien de machines et de logiciels à graver (l’entreprise); (admis)

 

b)                  du 1er septembre 2004 au 30 novembre 2008, les actionnaires de l’appelante et leurs pourcentages du portefeuille d’actions étaient comme suit :

 

• Christopher (« Chris ») Edgar

60 %

• Jason Robinson

40 %

(nié)

 

 

c)                  Jason Robinson était le seul actionnaire de l’appelante à compter du 1er décembre 2008; (nié)

 

d)                  Chris Edgar et Jason Robinson dirigeaient les activités quotidiennes et prenaient la plus grande partie des décisions d’affaire de l’entreprise; (nié)

 

e)                  la travailleuse n’avait aucune propriété dans l’entreprise; (nié)

 

f)                    la travailleuse avait participé à une entrevue pour obtenir le poste; (nié)

 

g)                  la travailleuse a été embauchée aux termes d’un accord verbal pour une période indéterminée; (nié)

 

h)                  la travailleuse effectuait, dans le bureau de l’appelante, des travaux pour les trois sociétés sœurs de l’appelante : International Distribution Expert, Hyper and Bossing Inc. et Primerica Agent; (admis)

 

i)                    les fonctions de la travailleuse étaient notamment les suivantes :

 

(i)         adjointe administrative;

(ii)        adjointe personnelle de Chris Edgar et Jason Robinson;

(iii)               administration régulière et travail de bureau, notamment répondre au téléphone, effectuer les expéditions et réceptions, effectuer des fonctions de bureau, s’occuper des commandes et faire la tenue des comptes;

 

(nié)

 

j)                    la travailleuse accomplissait ses fonctions dans le lieu d’affaires de l’appelante; (nié)

 

k)                  la travailleuse devait obtenir l’approbation de l’appelante avant de transmettre tout renseignement relatif à un compte fournisseur et avant d’engager des dépenses de bureau; (nié)

 

l)                    la travailleuse était supervisée d’abord par Chris Edgar, jusqu’en décembre 2008, puis, à partir de ce mois, par Jason Robinson; (admis)

 

m)                l’appelante a fourni une formation sur place à la travailleuse lorsque celle-ci a commencé à travailler pour l’appelante; (nié)

 

n)                  la travailleuse devait se conformer aux politiques, aux procédures et au protocole de la société; (admis)

 

o)                  Chris Edgar et Jason Robinson donnaient quotidiennement à la travailleuse des directives et des instructions sur le travail à exécuter; (nié)

 

p)                  la travailleuse devait avertir l’appelante de toute absence; (nié)

 

q)                  l’appelante fournissait à la travailleuse les installations, outils, équipements et fournitures (ordinateur, bureau, téléphone, imprimante, classeurs, télécopieur, photocopieur et fournitures), et d’autres fournitures sans qu’il n’en coûte rien à la travailleuse; (nié)

 

r)                   l’appelante était responsable de l’entretien et de la réparation des outils et de l’équipement utilisés par la travailleuse; (admis)

 

s)                   la travailleuse devait fournir ses services personnellement; (nié)

 

t)                    la travailleuse ne pouvait pas engager de personnes pour la remplacer ou l’aider et elle ne l’a pas fait; (nié)

 

u)                  l’appelante était responsable de l’embauchage des aides et des assistants et des remplacements; (nié)

 

v)                  la travailleuse n’engageait aucune dépense dans l’accomplissement de ses fonctions; (nié)

 

w)                les heures de bureau de l’appelante étaient de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi; (admis)

 

x)                  les heures de la travailleuse étaient de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi; (nié)

 

y)                  la travailleuse devait travailler 40 heures par semaine; (nié)

 

z)                   de 2005 à juillet 2008, la travailleuse devait noter ses heures de travail dans un cahier de notes; en août 2008, elle devait le faire dans QuickBooks; (nié)

 

aa)               la paie de la travailleuse était établie selon un taux horaire; (admis)

 

bb)              l’appelante déterminait le taux salarial de la travailleuse; (nié)

 

cc)               l’appelante accordait des gratifications de Noël à la travailleuse; (nié)

 

dd)              l’appelante n’accordait pas de régime d’avantages sociaux, de paie de vacances ou de vacances payées à la travailleuse; (admis)

 

ee)               l’appelante payait à la travailleuse des intéressements de 3 p. 100 (de 1 000 à 2 000 $ par année); (nié)

 

ff)                  la travailleuse était payée par chèque de manière bimestrielle; (admis)

 

gg)               la travailleuse recevait ses paiements sans envoyer de factures à l’appelante; (nié)

 

hh)               l’appelante était responsable du travail effectué par la travailleuse; (nié)

 

ii)                   l’appelante déterminait s’il était nécessaire de refaire le travail et payait tous les coûts afférents au travail; (nié)

 

jj)                  la travailleuse devait porter un uniforme dans les salons professionnels; (admis)

 

kk)              la travailleuse n’avait pas de présence d’affaires durant la période :

 

(i)         aucun nom ou numéro d’entreprise;

(ii)        aucun numéro de TPS;

(iii)               aucun compte bancaire commercial;

(iv)              aucun autre client;

 

(nié)

 

ll)                   la travailleuse a été inscrite dans le livre de paie comme employée en août 2008 afin de lui donner le droit de recevoir des prestations de maternité au titre de l’assurance-emploi; (admis)

 

mm)           aucun changement n’a été apporté à la description de travail de la travailleuse ou à ses fonctions pendant toute la période où elle a travaillé pour l’appelante; (nié)

 

nn)               la travailleuse n’a pas déclaré de dépenses dans ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2005 à 2008. (accepté)

 

 

[6]              M. Jason A. Robinson et M. Christopher Edgar ont témoigné à l’appui de la position de l’appelante. La travailleuse et son mari ont témoigné à l’appui de la position de l’intimé.

 

[7]              Je voudrais d’abord faire une observation générale sur la crédibilité de la travailleuse. Celle-ci est venue et a raconté simplement son histoire. Elle n’était pas vague. Elle s’appliquait à répondre aux questions particulières qui lui étaient posées. Elle s’est tenue remarquablement bien durant le contre-interrogatoire. Elle a donné des détails et des exemples. Elle n’a donné à la Cour aucune raison de douter de son témoignage antérieur. Aucune incohérence n’a été signalée ou démontrée, et elle a répondu sans tergiversation à toutes les questions de l’appelante. Par ailleurs, M. Edgar et M. Robinson ont trop souvent fait des commentaires généraux et non vérifiables, et ont donné des explications évasives. De plus, je dirais que les hésitations de M. Edgard et de M. Robinson, le temps qu’ils ont pris pour répondre aux questions ainsi que leur comportement soulèvent encore davantage de doutes dans mon esprit quant à leur crédibilité.

 

Le témoignage de la travailleuse

 

[8]              Le témoignage de la travailleuse était sensiblement le suivant :

 

                                      i.      Au moment où elle a conclu l’accord verbal avec l’appelante, elle ne comprenait pas la signification du terme entrepreneure indépendante. Elle a accepté l’emploi et donc le statut d’entrepreneure indépendante parce qu’elle avait alors besoin de travail, et elle a pris l’emploi en pensant que l’appelante lui fournirait davantage d’explications sur le statut d’entrepreneure indépendante lorsque le temps viendrait pour elle de déclarer ses revenus pour l’année d’imposition de 2005.

 

                                    ii.      Elle s’est sentie contrainte par l’appelante de signer un contrat écrit (voir la pièce A‑1). Elle a signé le contrat à [traduction] « la fin de 2006 », alors que le contrat arrivait presque à son terme. Elle a expliqué avoir eu le sentiment que, à défaut de signer le contrat, il était possible, ou même certain, qu’elle perdrait son emploi. Je ferai observer immédiatement que la durée du contrat était de janvier 2006 à décembre 2006 et que la date de la signature sur le contrat est le 16 décembre 2005.

 

                                  iii.      Elle est graduellement devenue consciente de la signification du contrat indépendant et/ou elle a pris des mesures pour s’assurer de réduire au minimum sa responsabilité dans l’éventualité où il serait décidé que ce que l’appelante lui avait dit initialement était incorrect. Je ferai observer immédiatement à cet égard que la travailleuse n’a pas déclaré de dépenses dans ses déclarations de revenus pour les années d’imposition de 2005 à 2008. Quoiqu’elle soit devenue à un certain moment consciente de n’être pas une entrepreneure indépendante, elle ne discutait plus de son statut fiscal avec l’appelante parce qu’elle craignait de perdre son emploi si elle le faisait.

 

                                 iv.      L’appelante lui fournissait les installations, outils, équipements et fournitures (sauf le clavier) pour son travail sans qu’il n’en coûte rien à la travailleuse. À cet égard, je ferai observer que la travailleuse n’a pas déclaré de dépenses dans ses déclarations de revenus personnelles pour les années d’imposition 2005 à 2008. Je ferai aussi observer immédiatement que l’appelante n’a pas présenté d’éléments de preuve contraires.

 

                                   v.      Elle ne pouvait pas embaucher de remplaçant ou d’aide et ne l’a pas fait. Je ferai observer également qu’elle n’a pas déclaré de dépenses dans ses déclarations de revenus personnelles pour les années d’imposition de 2005 à 2008. Je ferai aussi observer immédiatement que l’allégation de l’appelante, selon laquelle la travailleuse avait embauché et payé son mari et Shannon Holdson, n’a pas été étayée par le témoignage de ces personnes. En fait, seul le mari de la travailleuse a témoigné. Il a essentiellement confirmé la version de la travailleuse selon laquelle il avait effectué pour l’appelante la livraison d’une imprimante à une occasion et qu’il avait été payé pour cette livraison par l’appelante.

 

                                 vi.      Elle n’a jamais été propriétaire d’actions dans le capital social de l’appelante.

 

                               vii.      Elle était payée selon un taux horaire, lequel a varié de 9 $ (lorsqu’elle a commencé) à 12 $ (lorsqu’elle a enfin terminé). Elle recevait également des gratifications de Noël qui s’élevaient de 300 $ à 500 $ par année. Selon ce qu’elle a expliqué, elle ne discutait nullement avec l’appelante antérieurement au paiement de ces gratifications, et la façon dont les gratifications étaient payées n’était assujettie à aucun cadre. En d’autres mots, elle a affirmé que les primes étaient purement discrétionnaires. Je ferai observer immédiatement que les allégations de l’appelante, selon lesquelles ces primes étaient payées à la travailleuse conformément au régime de rémunération établi pour les actionnaires ou les propriétaires de l’appelante, n’étaient pas crédibles. Premièrement, l’appelante aurait pu présenter une preuve objective que la travailleuse était une actionnaire de la société. L’appelante ne l’a pas fait. J’en infère qu’une telle preuve n’aurait pas été favorable à l’appelante. De plus, le témoignage du représentant de l’appelante selon lequel les primes étaient payées à la travailleuse selon un régime de participation aux bénéfices établi pour les actionnaires ou les propriétaires de l’appelante était tout simplement vague, imprécis et ambigu. En d’autres mots, l’appelante était incapable de donner d’explication valide du fonctionnement du régime allégué de participation aux bénéfices.

 

                             viii.      Au cours de la période pertinente, la travailleuse devait noter ses heures de travail.

 

                                 ix.      Elle n’était pas une dirigeante. Elle devait demander l’approbation de Chris Edgar ou Jason Robinson (les représentants de l’appelante) avant de transmettre des renseignements relatifs à des comptes fournisseurs. Elle devait s’adresser aux représentants de l’appelante lorsqu’elle avait besoin d’argent pour les dépenses du bureau. Elle devait s’adresser aux représentants de l’appelante lorsqu’elle voulait des jours de repos ou un congé ou lorsqu’elle pensait qu’elle méritait une augmentation de salaire. Elle faisait son travail sous la supervision de Chris Edgar jusqu’en décembre 2008, mois au cours duquel Jason Robinson a commencé à la superviser. À cet égard, elle a expliqué la nature de son travail. En fait, elle faisait divers types de travail, dont les suivants : classer les documents, répondre au téléphone, chercher le café à l’occasion, sortir et procéder à des achats, et poursuivre des activités de recouvrement. La travailleuse a expliqué avoir reçu une formation expresse relativement à chacune des responsabilités afin qu’elle les accomplisse conformément aux politiques de l’appelante. Je ferai observer que l’appelante a reconnu que la travailleuse était tenue de se conformer aux politiques, aux procédures et au protocole de l’appelante. Je ferai aussi observer immédiatement que le témoignage de Chris Edgar selon lequel la travailleuse, à titre de propriétaire de l’appelante, ne recevait aucune directive ne me semble nullement plausible. Je ferais remarquer aussi que l’appelante n’a présenté aucune preuve objective selon laquelle la travailleuse était une actionnaire ou une propriétaire de l’appelante.

 

                                   x.      La travailleuse devait prévenir l’appelante relativement à toute absence.

 

                                 xi.      Elle était généralement tenue de travailler 40 heures par semaine, de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi, pour l’appelante ainsi que pour les trois sociétés sœurs de l’appelante (International Distribution Experts, Hyper and Bossing Inc. et Primerica Agent), dans le bureau de l’appelante. À deux occasions, elle a effectué son travail chez elle. M. Edgard ne lui a pas accordé sa requête de travailler de 8 h à 16 h. Comme l’avocat de l’intimé l’a dit dans une observation : [traduction] « M. Edgar a dit : Non, j’ai besoin de vous ici de 9 h à 17 h, et cela a réglé la question ». La travailleuse a également expliqué convenablement pourquoi les montants sur ses chèques de paie étaient différents. Elle recevait différents types de paie, parce qu’on lui avait dit de prendre des chèques de paie de l’appelante et des trois sociétés sœurs de l’appelante. Elle a également ajouté que les périodes de paie n’étaient pas toujours identiques, parce qu’il lui arrivait de travailler plus d’heures un jour et moins un autre, mais qu’elle travaillait approximativement 40 heures par semaine de 9 à 17 h.

 

                               xii.      Elle était requise de porter un uniforme dans les salons professionnels.

 

                             xiii.      À partir de 2006, en contrepartie pour la publicité que la travailleuse avait mise sur sa Mazda, l’appelante payait la moitié du coût de sa location.

 

                             xiv.      Elle ne s’est jamais affichée comme une entrepreneure indépendante effectuant des services administratifs.

 

                               xv.      À sa demande, en août 2008, on l’a inscrite comme employée dans le livre de paie, afin de lui donner le droit de recevoir des prestations de maternité au titre de l’assurance-emploi. Elle a expliqué qu’il n’y avait pas eu de modifications importantes dans sa description de travail pendant toute la période où elle avait travaillé pour l’appelante. Elle a expliqué que les modifications [traduction] « avaient davantage à voir avec le fait que Chris n’était plus aussi disponible auprès de Oldham Robinson ».

 

[9]              La preuve a notamment révélé, également, ce qui suit :

 

(i)      Durant la période pertinente, la travailleuse n’avait pas de nom ou de numéro d’entreprise enregistrée, sauf pour une entreprise (Wrap Your Ride) qui n’effectuait pas de services administratifs. Je ferai observer que la preuve a révélé que cette entreprise a été exploitée pendant une très courte période;

 

(ii)      La travailleuse n’avait pas de numéro de TPS ou de compte bancaire d’affaires.

 

(iii)     Au cours de la période pertinente, la travailleuse a effectué des services administratifs exclusivement pour l’appelante et les trois sociétés sœurs de l’appelante, sauf au cours d’une période de deux semaines où elle a dû travailler pour son ancien employeur afin de s’acquitter de ses obligations à titre d’employée envers cet ancien employeur.

 

Analyse et conclusion

 

[10]         En ce qui concerne d’abord la question de l’intention, quelle preuve ai-je de l’intention de l’appelante et de la travailleuse en ce qui concerne le lien juridique conclu par eux? La preuve indique que la travailleuse ne comprenait pas la signification du travail indépendant lorsqu’elle a d’abord conclu verbalement le contrat avec l’appelante. Il semble ressortir clairement du témoignage crédible de la travailleuse qu’elle s’est par la suite sentie contrainte de signer le contrat écrit. Lorsqu’elle est devenue convaincue qu’elle n’était pas une travailleuse indépendante, elle a cessé de discuter de la question de son statut fiscal avec l’appelante, parce qu’elle craignait de perdre son emploi si elle le faisait. Dès le moment où elle a eu connaissance de son statut fiscal, elle a pris des mesures pour s’assurer de réduire sa responsabilité au cas où les autorités décideraient qu’elle n’était pas une entrepreneure indépendante. Je ne peux inférer de la preuve que les parties avaient convenu que la travailleuse devait être une travailleuse indépendante, et non une employée. Lorsqu’il n’est pas possible de déterminer l’intention des parties, il est tout à fait approprié, et même nécessaire, de considérer tous les faits pour déterminer le lien juridique qu’ils reflètent. À cet égard, les quatre volets du critère énoncé dans Wiebe Door sont pertinents et utiles pour déterminer l’intention des parties au contrat et la nature juridique de ce contrat.

 

[11]         Si l’on se penche maintenant sur les faits de l’espèce, quels facteurs donnent à penser que la travailleuse était en affaires pour son propre compte?

 

Outils

•        Elle apportait son propre clavier.

 

[12]         Quels facteurs donnent à penser que la travailleuse était l’employée de l’appelante?

 

Outils/équipement

•        L’appelante fournissait tous les outils et l’équipement requis, sauf un clavier.

 

Responsabilité quant aux investissements et à la gestion

•        La travailleuse n’avait pas de telle responsabilité.

 

Possibilité de profit/risque de perte

•        La travailleuse n’effectuait pas de dépenses et n’avait de responsabilité qui l’aurait exposée au risque de perte.

•        Il n’existait, en réalité, aucune possibilité pour elle d’augmenter ses revenus.

 

Contrôle

•        La travailleuse recevait quotidiennement des instructions et des directives de M. Edgar ou de M. Robinson sur le travail à faire. Le travail qui lui était assigné devait être effectué conformément aux politiques, aux procédures et au protocole de l’appelante. La travailleuse devait travailler durant les heures de bureau, qui étaient de 9 h à 17 h, et dans les locaux de l’appelante. La travailleuse devait noter ses heures. Elle était tenue de porter un uniforme. Elle informait l’appelante relativement à tout congé qu’elle désirait prendre. Elle rendait aussi régulièrement des comptes à M. Edgar ou à M. Robinson.

 

[13]         Voici une travailleuse qui, si l’on devait accepter les arguments de l’appelante, était une entrepreneure indépendante, mais qui n’apportait aucun outil dans son entreprise prétendue. Elle n’avait aucune responsabilité en qui avait trait aux investissements et à la gestion. Elle n’engageait aucune dépense et n’était exposée à aucune responsabilité. Elle ne faisait que se présenter quotidiennement pour effectuer le travail qui lui était demandé de faire et elle le faisait conformément aux politiques, aux procédures et au protocole de l’appelante. Compte tenu de ces faits, je ne peux conclure que la travailleuse exploitait une entreprise pour son propre compte.

 

[14]         L’appelante a pris beaucoup de temps afin d’expliquer que la travailleuse travaillait pour plus d’une société, pour ainsi faire penser que, nécessairement, la travailleuse fournissait des services à titre de personne en affaires pour son propre compte. Ce que la Cour doit faire en l’espèce, c’est de déterminer la relation entre l’appelante et la travailleuse, et non de déterminer la relation entre la travailleuse et les sociétés sœurs de l’appelante. J’ajouterais que, si j’avais eu à le faire, j’aurais décidé, à la lumière des quatre volets du critère énoncé dans Wiebe Door Services Ltd. c. M.N.R., précité, que la travailleuse était aussi une employée de ces sociétés sœurs, compte tenu de la preuve présentée. L’appelante doit comprendre que le fait que quelqu’un travaille pour plus d’un employeur n’indique pas nécessairement qu’il est un entrepreneur indépendant plutôt qu’un employé. Aucune règle de common law ne veut qu’un employé ne puisse travailler pour plus d’un employeur.

 

[15]         Pour les motifs exposés ci-dessus, les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa (Canada) ce 22e jour de novembre 2010.

 

 

« Paul Bédard »

Le juge Bédard

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de janvier2011.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 596

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-3049(EI)

                                                          2009-3050(CPP)

 

INTITULÉ :                                       OLDHAM ROBINSON INTEGRATED TECHNOLOGIES INC. c. M. R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 2 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 22 novembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Jason A. Robinson

Avocat de l’intimé :

Me Mark Tonkovich

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                         Nom :                      

                         Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Canada)

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