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Dossier : 2009-2681(EI)

 

ENTRE :

MICHAEL D. HUNTLEY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 26 janvier ainsi que les 22 et 23 novembre 2010,

à London (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

 Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Me Mélanie Sauriol

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est rejeté, et la décision prise par le ministre du Revenu national à la suite de l’appel interjeté devant lui en vertu de l’article 91 de la Loi est confirmée.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de décembre 2010.

 

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2011.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


 

 

 

Référence : 2010 CCI 625

Date : 20101203

Dossier : 2009-2681(EI)

 

ENTRE :

MICHAEL D. HUNTLEY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Pizzitelli

 

Les requêtes

 

[1]              Sur requête de l’intimée et avec le consentement de l’appelant, la Réponse à l’avis d’appel a été modifiée par la suppression des deux dernières phrases du paragraphe 10.

 

[2]              Sur requête de l’intimée, tous les témoins autres que l’appelant et le représentant de l’intimé, l’agent des appels de l’ARC, ont été priés de quitter la salle d’audience pendant la déposition des autres témoins.

 

[3]              L’audition de l’appel a duré trois jours, la première journée d’audience s’étant déroulée le 26 janvier 2010, après quoi l’audience a été ajournée pour permettre l’échange de documentation que l’intimé avait demandé, puis l’audience a repris les 22 et 23 novembre 2010. Avant la reprise du procès le 22 novembre 2010, l’appelant a présenté une requête visant à faire exclure tout document relatif à la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») dans l’affaire intéressant Edward Huntley, qu’il reconnaît être son demi-frère, et toute mention de cette affaire, principalement au motif que cette décision du ministre n’avait pas été portée en appel devant la Cour canadienne de l’impôt et qu’elle ne devrait pas être contestée dans la présente instance. J’ai rejeté cette requête au motif que le présent appel ne vise pas la décision du ministre dans l’affaire intéressant Edward Huntley, mais uniquement la décision du ministre concernant l’appelant en l’espèce, et que la Cour accorderait le poids qu’elle estimerait juste à tout élément de preuve relatif au demi-frère de l’appelant qui serait pertinent aux fins de la présente décision. En outre, puisque c’est l’appelant lui-même qui avait produit une pléthore de documents relatifs à la décision intéressant Edward Huntley au cours de son interrogatoire principal, il est un peu trop tard pour avancer que nous devrions radier son témoignage.

 

Les points en litige

 

[4]              Les seules questions à trancher dans la présente affaire sont de savoir si l’appelant et son employeur ont entre eux un lien de dépendance, de telle sorte que l’emploi de l’appelant n’est pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et, le cas échéant, si le ministre a commis une erreur lorsqu’il a décidé que l’appelant et le payeur n’étaient pas réputés ne pas avoir de lien de dépendance au sens de l’alinéa 5(3)b) de la Loi durant la période allant du 2 juin 2008 au 7 novembre 2008 (la « période en cause »).

 

Le contexte

 

[5]              Il est acquis aux débats que l’appelant a été employé comme mécanicien d’attractions et directeur de l’exploitation par son demi-frère, Edward Huntley, qui exploitait, sous forme d’entreprise individuelle, Gateway Children’s Village Castle (le « payeur »), une entreprise saisonnière qui œuvrait dans le domaine des manèges gonflables destinés au divertissement depuis 2003. Il est également acquis aux débats que l’appelant et Edward Huntley ont la même mère, mais des pères différents, et sont donc demi-frères. Bien que l’appelant ait reconnu qu’il avait désigné Edward comme étant son beau-frère dans de la correspondance passée avec l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), il a admis qu’il ne comprenait pas la distinction juridique entre les deux termes et, en fait, il a admis qu’il avait été élevé avec Edward comme un frère normal, qu’il n’avait jamais distingué ni nié sa relation comme étant autre chose que celle de véritables frères dans le plein sens du mot et, en tout cas, il a admis qu’ils avaient la même mère et qu’ils étaient donc unis par les liens sang. Il est également acquis aux débats que l’appelant, en ce qui concerne ses fonctions, travaillait aux termes d’un contrat de louage de services ou était un employé de l’entreprise par opposition à un entrepreneur indépendant.

 

[6]              L’entreprise est saisonnière et elle est généralement exploitée de juin à octobre ou novembre de chaque année, ses activités extérieures consistant en l’exploitation d’attractions gonflables pour enfants et de certains manèges de motos et de voitures 12 volts non réglementés se terminant à l’automne dépendant de la température, tandis que certains travaux nécessaires d’entretien et de préparation à l’entreposage pour l’hiver sont réalisés en atelier à la fin de la saison d’exploitation extérieure, avant l’entreposage des attractions et des accessoires pour l’hiver, ce qui peut prolonger la saison d’exploitation si nécessaire. L’appelant travaillait comme mécanicien d’attractions qualifié au service du payeur, détenant tous les permis exigés par la loi pour pouvoir faire fonctionner les attractions et conduire le camion servant à les transporter, ce qui constituait une exigence du poste, et il était donc qualifié pour être le directeur de l’exploitation désigné du payeur, conformément aux exigences de la Loi de 2000 sur les normes techniques et la sécurité[1] de l’Ontario (la « LNTS »). L’appelant a admis que, lorsque la Commission des normes techniques et de la sécurité (la « CNTS »), qui surveille l’application de la LNTS, a commencé à réglementer les attractions gonflables aux environs de 2003, lui et son frère ont tous deux obtenu des permis provisoires valables pour cette année‑là en vertu de droits acquis, mais, après cela, l’appelant a suivi le cours en vue d’obtenir son nouveau permis, puisque les permis délivrés en vertu de droits acquis ont cessé d’être admis le 31 mai 2004. L’appelant recevait 500 $ par semaine chaque semaine, en fonction d’une semaine de travail de 40 heures, durant la période en cause et était toujours payé au comptant, bien qu’aucun reçu attestant ces paiements n’ait jamais été obtenu. L’appelant était chargé de monter et démonter les manèges ainsi que de la supervision générale des manèges et de toutes les réparations. L’appelant devait également tenir un journal quotidien et procéder à l’inspection quotidienne des manèges avant de permettre au public d’y accéder, le tout conformément aux règlements d’application de la LNTS. L’entreprise fournissait parfois une aide bénévole ou engageait des employés à temps partiel lorsqu’il y avait plus d’un manège en exploitation ou lorsque la nature du manège ou les règles établies en vertu de la LNTS et régissant le fonctionnement du manège exigeaient la présence de plus d’une personne. Les parties ne s’entendent pas quant à savoir si un mécanicien d’attractions devait être présent pour faire fonctionner le manège ou superviser le fonctionnement des manèges, ce qui était forcément le cas selon l’appelant, qui a fait valoir qu’autrement, il n’aurait pas pu tenir un journal quotidien ni être présent pour inspecter les manèges ou les réparer, tandis que le directeur de la CNTS a laissé entendre qu’il n’était pas nécessaire que le mécanicien d’attractions fasse fonctionner lui-même les manèges. Cependant, la question n’est pas vraiment pertinente ici, puisque le témoignage de l’appelant et les hypothèses de l’intimé confirment qu’au titre de ses fonctions, l’appelant devait demeurer en service depuis l’ouverture jusqu’à la fermeture lors des activités menées au cours d’un événement.

 

[7]              L’entreprise de manèges gonflables consistait à louer l’équipement à des organisateurs d’événements publics qui soit payaient des frais de location ou permettaient à Gateway Children’s Village de se payer en conservant toutes les recettes provenant de la vente de billets lors de l’événement après en avoir remis 10 à 20 p. 100 à l’organisateur ou au comité organisateur de l’événement, qui était bien souvent un organisme à but non lucratif ou un organisme caritatif. Lorsqu’il pleuvait et que l’exploitation des manèges devait être interrompue pour des raisons de sécurité, mais que ceux‑ci demeuraient érigés en attendant que la pluie cesse ou pour servir de publicité visuelle pour l’événement, à moins que son organisateur ne l’annule, il pouvait arriver que l’entreprise perde de l’argent. L’entreprise du payeur a réalisé de modestes profits de 2004 à 2006 et elle a essuyé des pertes au cours des années 2007 et 2008, notamment une perte commerciale de plus de 10 000 $ en 2008 attribuable, selon le témoignage non contesté du payeur, à la perte par le payeur de son contrat de comptoir de vente d’aliments à la Western Fair à London, en Ontario, qui avait été jusqu’alors l’autre secteur d’activité de son entreprise.

 

[8]              L’appelant a admis avoir touché des prestations d’assurance-emploi après la cessation de son emploi au service de Gateway Children’s Village chaque saison de 2003 à 2008. Le ministre a examiné l’assurabilité de l’emploi de l’appelant en 2005 et, en dernière analyse, il a conclu que cet emploi était assurable, mais il a examiné l’assurabilité de l’emploi de l’appelant au cours de la période en cause à la lumière de faits nouveaux dont il avait pris connaissance lors de son examen de l’assurabilité de l’emploi d’Edward Huntley.

 

[9]              Du 21 mai 2006 à 2008, l’appelant a aussi été l’unique actionnaire de Huntley Foods Ltd. (« Huntley Foods »), une société constituée en 1977, qui œuvrait dans le domaine de la prestation de services alimentaires, notamment la vente de confiseries lors d’événements comportant des attractions, jusqu’aux environs de 2001, après quoi l’entreprise a consisté uniquement à fournir des services de main-d’œuvre aux entreprises individuelles de l’appelant, qui étaient exploitées à la Brooklin Fair ou à la Western Fair à London, en Ontario, ou lors d’autres événements. Chacune de ces entreprises individuelles, soit Parades, Patio Café, Brooklin Fair et Gateway (une entreprise distincte de Gateway Children’s Village), rebaptisée plus tard « Western Fair », a été exploitée plus ou moins jusqu’en 2007 ou 2008, et l’appelant a produit avec ses déclarations de revenus T1 un État des résultats des activités d’une entreprise relativement à ces entreprises individuelles indiquant le revenu gagné ainsi que les dépenses, notamment les salaires directs et les frais d’entreposage au cours de la saison morte. Les salaires versés en contrepartie de la prestation des services d’Edward Huntley et d’un travailleur à temps partiel du nom de Roland Richer aux entreprises individuelles de l’appelant ont été payés à Huntley Foods au titre de la prestation de services de main-d’œuvre, et Huntley Foods a inclus ces montants dans ses revenus et a demandé des déductions au titre de dépenses salariales.

 

[10]         Les entreprises individuelles ont également payé des frais d’entreposage à la cotenance, composée de l’appelant et de son demi-frère Edward, qui possédait un entrepôt situé au 103, rue Main à Highgate, en Ontario, depuis 1989, où chacune des entreprises entreposait son équipement ou ses manèges pendant la saison morte et réalisait ses travaux de réparation et d’entretien. Les éléments de preuve démontrent qu’entre 2003 et 2008, Huntley Foods a aussi à peine dépassé le seuil de la rentabilité ou a essuyé de légères pertes.

 

[11]         L’appelant a acquis deux tiers des actions de Huntley Foods le 21 mai 2006, par suite du décès de sa mère, Ann Huntley, et ces actions se sont rajoutées à l’autre tiers des actions, qu’il possédait déjà. L’appelant a affirmé qu’il n’avait pas travaillé au service de sa propre société tout au long des années susmentionnées, mais avait plutôt continué à employer Edward Huntley, son demi-frère et employeur chez Gateway Children’s Village, comme directeur de l’exploitation de Huntley Foods Ltd. et avait aussi retenu les services d’un employé à temps partiel du nom de Roland Richer et de quelques autres bénévoles ou travailleurs temporaires qui cherchaient du travail dans les foires. En 2001, Huntley Foods a cessé ses activités dans le secteur alimentaire, et, selon le témoignage de l’appelant, elle s’est départie de tout son équipement, qui était vieux, et elle est devenue une entreprise de services de main‑d’œuvre qui fournissait les services des mêmes Edward Huntley et Roland Richer aux entreprises individuelles de l’appelant tel qu’il a été mentionné précédemment.

 

[12]         Il convient de noter qu’Edward Huntley était directeur de l’exploitation de Huntley Foods au moins depuis 1995, la société ayant été contrôlée au cours de la plupart de ces années par feu Mme Huntley. Huntley Foods payait à Edward Huntley un salaire très semblable aux salaires que l’appelant a reçus d’Edward Huntley de 2004 à 2008 et, en fait, en 2005, 2006 et 2007, tous deux ont touché des salaires totaux identiques, bien qu’en 2008, les salaires totaux aient différé de 1 150 $ seulement en faveur d’Edward. Edward Huntley détenait le certificat de qualification en manutention de propane et le certificat de qualification en manipulation d’aliments requis pour pouvoir agir à titre de directeur de l’exploitation de Huntley Foods selon les exigences de la LNTS. Cependant, l’appelant a aussi affirmé qu’il avait détenu dans le passé un certificat de qualification en manutention de propane à l’époque où lui et le payeur menaient des activités aux foires Western Canada, et qu’il n’était pas nécessaire de détenir un certificat de qualification en manutention de propane délivré par la CNTS lorsque le volume des réservoirs à propane ne dépassait pas 30 livres.

 

[13]         Tel qu’il a été mentionné précédemment, il convient aussi de noter qu’une décision récente rendue par le ministre en mai 2009 a confirmé qu’Edward Huntley était réputé ne pas avoir eu de lien de dépendance avec Huntley Foods durant la période en cause et que le ministre n’a pas porté cette décision en appel.

 

La position des parties

 

[14]         L’appelant soutient essentiellement que, puisque la preuve démontre que quiconque aurait souhaité occuper le poste de directeur de l’exploitation du payeur, en conformité avec les exigences de la LNTS, aurait été tenu de détenir un certificat de mécanicien d’attractions en vertu de cette loi, de manière à être habilité à monter, faire fonctionner, superviser et démonter les manèges gonflables et à former un apprenti, et aurait aussi été tenu de détenir un permis de conduire valide de classe D pour transporter les manèges jusqu’aux sites des événements comportant des attractions, et, puisque l’appelant détenait toutes les qualifications nécessaires que le payeur aurait exigées de quiconque aurait postulé pour cet emploi, il n’avait forcément aucun lien de dépendance. L’appelant a aussi soutenu que les entreprises de son demi-frère étaient distinctes de ses propres entreprises et que ses augmentations salariales en 2005 et 2006 étaient attribuables à l’accroissement de la charge de travail résultant d’une augmentation du nombre de manèges gonflables de l’entreprise ainsi que du fait que l’appelant avait obtenu un certificat de mécanicien d’attractions de la CNTS pour 2005. Des motifs analogues ont été invoqués pour expliquer les augmentations semblables de la paye que le payeur avait reçue de l’entreprise de l’appelant au cours de la même période, mais le frère de l’appelant, Edward Huntley, a affirmé que ces augmentations visaient à tenir compte de hausses du coût de la vie, ne faisant nulle mention d’une augmentation salariale liée à la conformité aux exigences de la CNTS en matière de qualifications.

 

[15]         L’intimé soutient essentiellement qu’il s’agissait d’un régime d’emplois croisés visant à permettre à l’appelant et à Edward Huntley, son demi-frère, de toucher tous deux des prestations d’assurance-emploi chaque année, comme ils l’ont tous deux fait depuis 2004. Plus précisément, l’intimé soutient qu’après avoir tenu compte de toutes les circonstances, l’appelant et le payeur n’auraient pas conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance durant la période en cause, eu égard précisément aux faits plaidés dans les hypothèses du ministre, notamment le fait que l’appelant touchait un salaire de 500 $ peu importe qu’il travaillât ou non une semaine de 40 heures, qu’en réalité, les semaines où il a travaillé, il n’a pas travaillé 40 heures, qu’il a touché son salaire au comptant, qu’il a travaillé sans être rémunéré pendant la saison morte, et qu’en fait, il a versé à son frère un montant identique ou à peu près identique à celui qu’il a reçu de ce dernier, ce qui porte à croire que l’emploi croisé était une condition de l’emploi, étant donné le flux circulaire d’argent ainsi que d’autres facteurs, qui seront tous analysés plus en détail.

 

[16]         Il convient de noter qu’un grand nombre des hypothèses de l’intimé au paragraphe 19 de sa Réponse à l’avis d’appel, en particulier celles énoncées aux alinéas e), g), h), i), l), n), o) et r), semblent se rapporter à la fourniture d’outils, à la gestion, à la supervision, à des fonctions et à d’autres facteurs qui sont pertinents pour déterminer si l’on a affaire à un employé ou à un entrepreneur indépendant, ce qui, selon l’agente des décisions de l’intimé, constituait une étape préalable nécessaire, mais, franchement, puisque les deux parties conviennent que la relation était une relation d’emploi, c’est-à-dire un contrat de louage de services, bon nombre de ces hypothèses deviennent quelque peu dénuées de pertinence, surtout du fait que la plupart d’entre elles ne sont pas contestées.

 

[17]         Pour ce qui est de la question de savoir si l’appelant et son employeur, Edward Huntley, exploitant son entreprise Gateway Children’s Village sous forme d’entreprise individuelle, sont des personnes liées, puisque les deux hommes ont la même mère, ils sont unis par les liens du sang au sens de la définition énoncée à l’alinéa 251(2)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »). En tant que parents par le sang, ils sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance au sens de la définition énoncée à l’alinéa 251(1)a) de la LIR. Tel qu’il a été mentionné précédemment, il n’y a aucune véritable contestation sur ce point.

 

[18]         En conséquence, la seule question à trancher est de savoir si le ministre a commis une erreur lorsqu’il a statué qu’ils avaient entre eux un lien de dépendance au sens de l’alinéa 5(3)b) de la Loi.

 

[19]         La question à laquelle je dois répondre est, en fait, de savoir si une personne n’ayant aucun lien de dépendance aurait été engagée pour occuper le poste à peu près aux mêmes conditions que l’appelant, eu égard aux facteurs énoncés dans cette disposition.

 

[20]         Bien que le ministre et l’appelant aient tous deux présenté de nombreux éléments de preuve relatifs à la relation d’emploi entre Edward Huntley et Huntley Foods, une société contrôlée par l’appelant durant la période en cause, je tiens à préciser à ce stade-ci que, malgré le fait que le ministre ait statué que cette relation d’emploi ne comportait pas de lien de dépendance, je ne puis tirer de cet arrangement aucune inférence concluante applicable à la présente espèce. Je suis saisi ici de la question de savoir s’il est raisonnable de considérer que l’arrangement entre l’appelant et son employeur, Gateway Children’s Village, ne comportait aucun lien de dépendance. À cet égard, je ne suis pas d’accord avec l’appelant lorsqu’il soutient que, puisque le ministre a déjà conclu qu’Edward n’avait aucun lien de dépendance, il s’ensuit par inférence que l’appelant doit être considéré en l’espèce comme n’ayant aucun lien de dépendance avec Edward à titre d’exploitant de Gateway Children’s Village. Il se peut bien qu’ils aient des conditions d’emploi différentes qui mèneraient à une conclusion différente, et c’est ce sur quoi je dois statuer en fonction des éléments de preuve produits dans la présente instance, eu égard aux facteurs dont je dois tenir compte en vertu de la loi.

 

[21]         Je ne suis pas non plus d’accord avec l’appelant lorsqu’il soutient que, puisqu’une personne ayant un lien de dépendance et une personne n’ayant pas de lien de dépendance seraient toutes deux tenues de posséder les mêmes qualifications pour pouvoir occuper l’emploi, elles doivent toutes deux être traitées comme n’ayant pas de lien de dépendance. Ces qualifications constituent assurément des facteurs dont je dois tenir compte, mais elles ne sont nullement déterminantes au regard de la question que je dois trancher.

 

Le droit

 

[22]         Les dispositions pertinentes de la Loi dans la présente affaire sont l’alinéa 5(2)i), qui dispose que ne constitue pas un emploi assurable l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance, et l’alinéa 5(3)a), qui dispose que, pour l’application de l’alinéa (2)i) précité, la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu. Comme je l’ai mentionné plus haut, il est acquis aux débats que l’appelant et le payeur sont des personnes liées, et qu’ils ont donc entre eux un lien de dépendance selon la Loi de l’impôt sur le revenu. L’alinéa 5(3)b) dispose toutefois que l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[23]         Avant d’analyser tous les facteurs pertinents envisagés à l’alinéa 5(3)b) de la Loi, il importe de résumer le droit relatif à la modification de la décision rendue par le ministre en vertu du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’alinéa en question.

 

[24]         La Cour d’appel fédérale a jugé, dans l’arrêt Canada (procureur général) c. Jencan Ltd., [1998] 1 C.F. 187 (C.A.F.), au paragraphe 37, que la Cour canadienne de l’impôt est justifiée de modifier la décision rendue par le ministre lorsqu’il est établi, selon le cas, que le ministre :

 

i)                  a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites;

 

ii)                 n’a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l’exige expressément le sous-alinéa 3(2)c)(ii);

 

iii)               a tenu compte d’un facteur non pertinent.

 

[25]         Je souhaite noter dès le départ qu’il n’y a aucun élément de preuve en l’espèce qui démontre que le ministre aurait agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites ou que le ministre aurait tenu compte d’un facteur non pertinent, mais seulement que le ministre n’a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes comme il y était expressément tenu en vertu de la Loi.

 

[26]         L’intimé soutient évidemment que l’appelant n’a réussi à démontrer aucun des faits susmentionnés de manière à justifier l’intervention de la Cour, puisque l’intimé soutient que la décision du ministre est toujours raisonnable.

 

[27]         L’intimé invoque l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Pérusse c. Canada (Ministre du Revenu national), [2000] A.C.F. no 310 (QL) (autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée), où le juge Marceau a repris, au paragraphe 14, le passage suivant de ses motifs dans l’arrêt Légaré v. M.N.R., 1999 CarswellNat 1458 :

 

[…] La Cour n’est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre: c’est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.

 

[28]         Au paragraphe 15 de l’arrêt Pérusse, le juge Marceau a également affirmé :

 

15        […] Le rôle du juge est de s’enquérir de tous les faits auprès des parties et des témoins appelés pour la première fois à s’expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre, sous l’éclairage nouveau, paraît toujours « raisonnable » (le mot du législateur). La Loi prescrit au juge une certaine déférence à l’égard de l’appréciation initiale du ministre et lui prescrit, comme je disais, de ne pas purement et simplement substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu’il n’y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus. […]

 

[29]         Le juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale a bien expliqué, au paragraphe 24 de l’arrêt Dumais c. Canada (Revenu national), 2008 CAF 301, [2008] A.C.F. no 1630 (QL), la raison d’être d’un régime législatif qui crée une présomption de relation avec lien de dépendance entre personnes liées, sous réserve que le ministre considère qu’elles n’ont entre elles aucun lien de dépendance lorsqu’il en est convaincu, compte tenu des circonstances visées à l’alinéa 5(3)b) de la Loi :

 

24        […] La Loi présume « que les personnes liées par le sang, le mariage ou l’adoption, sont davantage susceptibles de pouvoir et de vouloir abuser de la Loi » […]

 

[30]         Le juge Létourneau a ensuite ajouté, au paragraphe 25 du même arrêt, en poursuivant son explication du régime législatif :

 

25        Un des objectifs, indéniable et certes louable, de la disposition est donc d’offrir au système d’assurance-emploi une protection contre des demandes de paiement de prestations fondées sur des artifices, des contrats d’emploi fictifs ou des contrats d’emploi réels, mais aux conditions fictives ou farfelues : […]

 

[31]         À la lumière de ces observations relatives à l’état actuel du droit, j’examinerai maintenant les faits de l’espèce et les hypothèses du ministre qui sont pertinentes au regard de ces faits, en reprenant les catégories d’arguments que l’intimé a employés.


La rétribution

 

[32]         Les hypothèses du ministre relatives aux conditions de rémunération de l’appelant sont exposées aux alinéas 19u), x), y) et z), que l’appelant ne conteste pas. En bref, le ministre y a supposé que l’appelant avait été payé 500 $ par semaine, chaque semaine, durant la période en cause, au comptant, et régulièrement durant la période en cause, sans interruption ni retard. En outre, selon les hypothèses du ministre exposées aux alinéas 19kk) et ll), que l’appelant ne conteste pas, au cours des années 2004 à 2008, d’après les relevés T4 émis, l’appelant et le payeur se sont chacun payé l’un à l’autre à peu près les mêmes salaires totaux, ces salaires totaux étant identiques au cours des années civiles 2005, 2006 et 2007, à raison de 500 $ par semaine, tandis qu’en 2008, les entreprises de l’appelant ont payé au payeur 550 $ par semaine par l’entremise de Huntley Foods, alors que le payeur a payé à l’appelant 500 $ par semaine. Il est également acquis aux débats que les salaires de l’appelant et du payeur ont tous deux commencé à 300 $ par semaine en 2004, puis ont grimpé à 500 $ en 2005. Le ministre a également supposé à l’alinéa 19oo) que l’appelant avait fourni des services au payeur sans rémunération. Le ministre soutient que ce ne sont pas là des conditions de rémunération normales dans le cadre d’une relation entre personnes n’ayant entre elles aucun lien de dépendance, et ce, pour plusieurs raisons.

 

[33]         Premièrement, l’intimé souligne que l’appelant n’a produit absolument aucun élément de preuve démontrant que le moindre paiement aurait jamais été effectué. Aucun reçu de paiement n’a été obtenu, et aucun document comptable n’a été produit en preuve pour tendre à démontrer qu’un livre de paye aurait même seulement été tenu. Les seuls éléments de preuve sont les témoignages de l’appelant et du payeur, qui ont affirmé que ces paiements étaient effectués chaque semaine au comptant et qu’il n’y avait aucun document attestant leur dépôt dans leurs comptes bancaires, parce que ni l’un ni l’autre ne déposait les sommes dans son compte bancaire, sauf dans la mesure de ce qui était nécessaire pour que soit effectué tout paiement pré-autorisé à partir de leurs comptes, bien qu’aucun élément de preuve n’ait été produit pour corroborer cette prétention non plus. Lorsque l’avocat de l’intimé a demandé au payeur si de l’argent changeait effectivement de mains ou si les parties opéraient une compensation entre leurs créances respectives, sa réponse a été vague, ce qui m’a amené à avoir de sérieuses réserves quant à la crédibilité du témoignage du payeur, sur laquelle je reviendrai plus tard. Puisque les éléments de preuve indiquaient aussi que les entreprises privilégiaient les paiements au comptant, les produits obtenus des ventes au comptant étant placées dans un tablier, au moins dans le cas des entreprises de chariots alimentaires de l’appelant qui consistaient à vendre des beignes et de la barbe à papa, l’on se serait au moins attendu à ce qu’un journal ou des registres des ventes quotidiennes soient tenus qui aurait démontré que les entreprises avaient réalisé des ventes suffisantes pour permettre le paiement au comptant ou le retrait des comptes bancaires du payeur d’un montant suffisant d’argent comptant pour ce faire. Or, aucun élément de preuve semblable n’a été produit non plus.

 

[34]         Deuxièmement, l’appelant a admis qu’aucune des entreprises de l’appelant ou du payeur n’avait versé de paye de vacances exigée par la loi, et l’intimé a souligné que l’on pouvait difficilement considérer cela comme une modalité d’une relation d’emploi entre personnes n’ayant entre elles aucun lien de dépendance.

 

[35]         Troisièmement, je dispose en fait d’éléments de preuve indiquant qu’au cours d’au moins une des années, soit 2006, le payeur n’a pas pu payer le moindre salaire à l’appelant, puisque le directeur de la CNTS a affirmé que Gateway Children’s Village n’avait pas de permis l’autorisant à exploiter des attractions au cours de cette année‑là. L’appelant n’a produit aucune contre-preuve pour réfuter cette preuve, aucune preuve de contrats obtenus pour cette année-là, ni même un calendrier des événements pour cette année-là. Cet élément de preuve à lui seul m’amène à avoir de sérieux doutes quant à la crédibilité de l’appelant dans la présente affaire.

 

[36]         Quatrièmement, l’intimé a soutenu à juste titre qu’il n’y avait aucune justification à ce que le payeur et l’appelant se versent chacun l’un à l’autre les mêmes niveaux de salaire. L’intimé a souligné que les éléments de preuve tendaient fortement à démontrer qu’au titre de son rôle et de ses fonctions au service de l’entreprise du payeur, l’appelant travaillait notamment comme mécanicien, chargé notamment de réparer et d’entretenir des génératrices, des pompes pneumatiques et d’autres machines, et la loi lui imposait d’importantes responsabilités, comme suivre les instructions du dossier technique approuvé par la CNTS lors de l’érection et du démantèlement des attractions, tenir des journaux quotidiens et planifier des inspections chaque jour avant de commencer l’exploitation. Le payeur, quant à lui, a affirmé qu’il faisait cuire des beignes et confectionnait de la barbe à papa durant la semaine, en vue de leur vente à partir des deux chariots lors des événements, et qu’il détenait un certificat de qualification en manutention de propane délivré par la CNTS qui lui permettait de faire la cuisson. À première vue à tout le moins, il paraîtrait raisonnable de conclure que l’on pourrait présumer que, de l’appelant et du payeur, le premier était plus qualifié et avait droit à un salaire plus élevé sur le lieu de travail, et pourtant, comme je l’ai mentionné plus haut, les deux demi-frères ont reçu l’un de l’autre des salaires identiques en 2005, 2006 et 2007. En fait, l’appelant a reçu 50 $ de moins par semaine que ce qu’il a payé au payeur en 2008 sans explication, si ce n’est que son entreprise Huntley Foods retenait 50 $ du salaire hebdomadaire d’Edward pour des remises. En conséquence, chacun a versé et reçu la somme identique de 500 $. L’appelant n’a toutefois produit aucun élément de preuve pour corroborer le caractère concurrentiel du niveau du salaire qui lui était versé, sans parler d’éléments de preuve quant à savoir pourquoi le salaire versé à Edward était raisonnable, pour contester la prétention de l’intimé selon laquelle les salaires étaient seulement égaux pour se conformer à un régime visant à permettre à chacun de se payer lui-même. L’appelant a simplement affirmé qu’au début de chaque année, ils négociaient un salaire, bien qu’il fût identique.

 

[37]         Cinquièmement, l’intimé a soutenu que les éléments de preuve démontraient que les entreprises de l’appelant et du payeur réalisaient toutes deux peu de profits ou essuyaient toutes deux des pertes, habituellement faibles durant les années comparatives 2004 à 2008, d’après les éléments de preuve provenant des déclarations de revenus produites par le payeur et l’appelant ainsi que Huntley Foods, et la plus grosse dépense, qui comptait pour la majorité des dépenses réclamées par les entreprises, était les salaires directs qu’ils s’étaient versés l’un à l’autre. Comme l’a souligné l’intimé, dans Lelièvre et Falardeau c. M.R.N., 2003 CCI 55, [2003] A.C.I. no 125 (QL), le fait qu’une entreprise soit déficitaire dans le contexte de l’embauche d’employés ayant un lien de dépendance est un facteur important pour démontrer l’existence d’une relation d’emploi avec lien de dépendance.

 

[38]         Enfin, l’intimé soutient qu’il y a des éléments de preuve qui démontrent que l’appelant a travaillé sans rémunération pendant les mois d’hiver à négocier les contrats d’amusement pour la saison suivante. Selon le témoignage de l’agente des décisions de l’ARC, au cours d’une conversation téléphonique qu’elle a eue avec Edward Huntley, celui-ci lui a dit que c’était Michael qui se chargeait de renouveler et de négocier les contrats pour le compte de Gateway Children’s Village et qu’il faisait cela pendant les mois d’hiver. Edward Huntley lui-même a nié cela lors de son témoignage, affirmant plutôt que cela relevait de sa responsabilité et qu’il concluait un contrat avec le client à la fin de chaque année pour les années suivantes, puisque les clients avaient de la difficulté à réserver des attractions et ils étaient empressés de le faire. J’ai trouvé le témoignage de l’agente des décisions franc et crédible, tandis que j’ai eu certaines réserves à l’égard de celui d’Edward Huntley, qui a affirmé que Gateway Children’s Village et les entreprises alimentaires de l’appelant participaient à bon nombre des mêmes événements, mais qu’ils n’avaient pas participé à tous les événements ensemble, ce qui porte évidemment à croire qu’il n’a pas pu rencontrer les organisateurs d’événements qui avaient besoin d’attractions s’il n’était pas toujours présent. Deuxièmement, et chose plus importante, il aurait été simple de produire en preuve les contrats relatifs aux événements portant sa signature pour étayer sa prétention, et pourtant, rien n’a été produit en preuve.

 

[39]         L’appelant n’a réfuté d’aucune façon les hypothèses du ministre à cet égard. Dans l’arrêt Gray c. Canada (Ministre du Revenu national), 2002 CAF 40, [2002] A.C.F. no 158 (QL), la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il était approprié de comparer la rémunération au cours d’autres années à celle de l’année en question et, en outre, que la question de savoir si l’employé avait travaillé pour l’employeur en dehors de sa période de rémunération étaient des facteurs dont la Cour canadienne de l’impôt pouvait tenir compte lorsqu’elle examinait « toutes les circonstances » au sens de l’alinéa 5(3)b) de la Loi, comme je l’ai fait plus haut. À mon avis, la prise en compte de toutes les circonstances commande à juste titre d’examiner aussi toute rémunération versée à la partie à l’égard de laquelle la question du lien de dépendance se pose, malgré la requête antérieure de l’appelant visant à faire radier toutes les questions et tous les éléments de preuve liés à la décision antérieure visant Edward Huntley.

 

[40]         Dans la décision Academy Drywall Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue M.N.R.), [2002] T.C.J. No. 15 (QL), le juge suppléant Porter, de la Cour canadienne de l’impôt, a procédé à un examen du droit relatif à l’expression « arm’s length » (« sans lien de dépendance »), qu’il a correctement résumé à mon avis, et qui l’a amené à formuler la conclusion suivante au paragraphe 28 de cet arrêt :

[traduction]

28        En fait, ce que disent ces jugements, c’est que si une personne transfère de l’argent d’une de ses poches dans l’autre, même si elle le fait d’une façon qui est compatible avec une opération commerciale ordinaire, elle traite néanmoins avec elle-même, et l’opération demeure de par sa nature une opération entre des personnes ayant entre elles un « lien de dépendance ».

[41]         À mon avis, la preuve de salaires au comptant presque identiques, qu’ils aient effectivement été échangés ou non, mais qui sont allégués avoir été payés, indique l’existence d’un flux circulaire d’argent comptant entraînant un paiement à soi-même, sous réserve évidemment de la présentation d’une preuve contraire, aucune ne m’ayant été présentée qui me convainque en l’espèce.

 

[42]         Comme l’intimé l’a également souligné, l’arrêt Academy Drywall étaye également la thèse selon laquelle la Cour vérifiera l’existence ou l’absence d’une négociation de bonne foi entre l’employée et le payeur à titre de facteur pour déterminer s’ils agissaient sans lien de dépendance. À l’évidence, il n’y a en l’espèce aucune preuve solide qui porterait à croire que l’appelant et le payeur auraient eu une quelconque négociation de bonne foi concernant la question de la rémunération.

 

[43]         À mon avis, un examen des conditions de rémunération susmentionnées, à supposer qu’une quelconque rémunération ait seulement été payée, appuie fortement la décision du ministre. L’appelant n’a réfuté d’aucune façon les hypothèses du ministre à cet égard.

 

Les heures et la durée du travail

 

[44]         Les hypothèses du ministre qui sont pertinentes au regard de la durée de l’emploi et des heures de travail sont exposées aux paragraphes 19d), t), v) et w) de la Réponse à l’avis d’appel, où le ministre a supposé que l’entreprise du payeur était saisonnière et était exploitée de juin à novembre, que le taux de traitement de l’appelant était fondé sur une semaine de travail de 40 heures, que l’appelant n’avait pas travaillé 40 heures par semaine et que les heures de travail de l’appelant n’avaient pas été documentées. L’appelant est d’accord avec toutes ces hypothèses, sauf quant à l’avant-dernière, parce qu’il soutient qu’il a bel et bien travaillé 40 heures par semaine. L’appelant a affirmé à juste titre qu’il avait tout à fait le droit d’accepter un emploi rémunéré selon un taux hebdomadaire plutôt qu’un taux horaire, et il a affirmé que les 40 heures se composaient de cinq journées de huit heures, au cours desquelles non seulement il montait, faisait fonctionner et démantelait les attractions sur les sites des événements (les attractions étant en état de fonctionnement environ cinq heures par jour), mais il voyait aussi à l’entretien, à la réparation, au nettoyage et au cirage des manèges gonflables eux-mêmes ainsi que des génératrices, des pompes pneumatiques et des autres pièces d’équipement nécessaires pour exploiter l’entreprise, à l’atelier à Highgate avant et après les événements. L’appelant et le payeur ont convenu que la majorité des événements avaient lieu les fins de semaine et que les travaux d’entretien, de nettoyage et de réparation décrits plus hauts étaient réalisés durant la semaine à l’atelier. Bien que les dossiers techniques produits auprès de la CNTS relativement à deux des attractions gonflables, soit la course à obstacles et la glissoire géante, dressent la liste des exigences relatives à l’entretien et au fonctionnement, ces dossiers n’indiquent nulle part combien de temps il faut mettre pour accomplir les tâches y afférentes. L’appelant n’a donné aucun exemple précis du temps requis pour entretenir, nettoyer et réparer l’un quelconque de ces équipements, ni de la fréquence de l’entretien et des réparations, ni même d’un calendrier d’entretien à respecter. La Cour est vraiment priée de spéculer quant à ce temps.

 

[45]         L’intimé a soutenu que, même à supposer que l’appelant ait été rémunéré, il ne l’a pas été pour avoir travaillé une semaine de 40 heures, et ce, pour plusieurs raisons.

 

[46]         Premièrement, comme je l’ai indiqué plus haut, ni l’appelant ni le payeur n’ont présenté à la Cour la moindre preuve ni le moindre document attestant ce qui précède.

 

[47]         Deuxièmement, il y a des éléments de preuve qui portent à croire que l’appelant n’a peut-être même pas travaillé en 2008, sans parler de 2006, puisque le calendrier des événements qui devait être déposé auprès de la CNTS, et que l’appelant avait habituellement produit au cours des années antérieures par télécopieur à l’attention d’un membre précis de la CNTS, n’a pas été produit auprès de la CNTS pour l’année 2008, comme l’a confirmé le directeur des services techniques de la CNTS lors de son témoignage. Il convient de noter que ce directeur a aussi admis que des permis avaient été délivrés pour l’exploitation de quatre manèges pour cette année-là, bien qu’il n’ait pas été satisfait à l’exigence de production du calendrier initial des événements. L’intimé a produit en preuve un calendrier des événements censé être le calendrier de 2008 que l’appelant a communiqué à l’intimé à la demande de ce dernier et dont l’intimé avance que, non seulement il n’a pas été envoyé à la CNTS comme je l’ai indiqué précédemment, mais il s’agit d’une fabrication, puisque le formulaire transmis est une photocopie du formulaire 2007/2008 qui n’était pas le formulaire prescrit pour l’année allant du 1er juin 2008 au 31 mai 2009 à laquelle le formulaire s’applique et que la CNTS n’aurait pas admis s’il lui avait été envoyé, également selon le témoignage du directeur. En outre, le formulaire suspect n’est même pas une photocopie fidèle puisque le numéro d’identification du formulaire figurant au coin inférieur gauche du formulaire est absent, ce qui porte à croire qu’il s’agit d’une photocopie d’un formulaire trafiqué. Le formulaire porte aussi à croire qu’il s’agit d’une révision d’un formulaire produit auparavant plutôt que d’une production initiale, ce qui, le cas échéant, selon le témoignage du directeur, aurait constitué la première fois que le payeur aurait jamais produit un calendrier révisé. En outre, le calendrier suspect mentionne 17 événements ayant duré en tout 30 jours durant la période en cause, ce qui, a démontré l’intimé, indiquerait qu’en 2008, le payeur avait participé à des événements durant un nombre de jours égal au double de la moyenne au cours des autres années au cours desquelles un calendrier a effectivement été produit, et qui était d’environ 12 ou 13 événements ayant duré en tout 15 jours au cours des saisons 2007, 2009 et 2010. Étant donné que l’appelant et le payeur ont affirmé qu’à chaque année, les organisateurs d’événements s’engageaient par contrat pour l’année suivante, il aurait été logique qu’il y ait à peu près le même nombre d’événements chaque année, mais l’appelant n’a produit aucun contrat d’événement ni aucun autre élément de preuve pour étayer un tel calendrier. Les éléments de preuve relatifs à ce formulaire suspect indiquent certainement que le formulaire ne représentait pas fidèlement les événements, s’il en est, auxquels le payeur a participé en 2008. Il convient de noter que l’appelant, qui a eu l’occasion de répondre à ces arguments, lesquels remettent sérieusement en question sa crédibilité et celle du payeur, et portent à croire à l’existence d’une fraude, a choisi de ne pas y répondre. Je peux seulement en inférer que l’appelant n’avait aucun élément de preuve à présenter pour réfuter les allégations.

 

[48]         Troisièmement, l’intimé a soutenu que, même si la Cour admettait que le calendrier suspect des événements constituait une représentation fidèle des événements du payeur au cours de l’année 2008, l’exploitation de l’entreprise pendant trente jours signifie que, durant la période en cause, le temps passé en atelier pour effectuer des travaux d’entretien et des réparations aurait dû compter pour environ trois jours chaque semaine, ce qui paraît très invraisemblable. Si la Cour devait admettre que le nombre d’événements se rapprochait davantage de la moyenne des autres années, le temps passé en atelier aurait alors dû compter pour une semaine et demie par période de deux semaines, ce qui est encore plus invraisemblable, et ce, d’autant plus, selon l’intimé, lorsque l’on considère que le dossier technique relatif à la glissoire géante est très bref quant aux exigences relatives au fonctionnement et à l’entretien, à comparer au dossier technique de la course à obstacles dont il a déjà été question.

 

[49]         En somme, l’absence d’éléments de preuve produits par l’appelant relativement aux heures travaillées, associée aux éléments de preuve de l’intimé, m’amène clairement à conclure que l’appelant n’a pas réfuté les hypothèses du ministre à cet égard et qu’en fait, selon la prépondérance des probabilités, la preuve étaye clairement la décision du ministre.

 

Les autres circonstances

 

[50]         Les autres circonstances pertinentes dont je dois tenir compte dans la présente affaire selon les critères énoncés à l’alinéa 5(3)b) de la Loi touchent tous de manière générale la question de savoir si les intérêts respectifs de l’appelant et du payeur sont suffisamment distincts pour justifier l’infirmation de la décision du ministre. Dans la décision Academy Drywall précitée, le juge suppléant Porter, de la Cour canadienne de l’impôt comme je l’ai indiqué précédemment, a procédé à une analyse du sens de l’expression « arm’s length » (« sans lien de dépendance ») et a examiné les critères pertinents au paragraphe 30 de sa décision, en citant avec approbation les propos suivants du juge Bonnier, de la Cour canadienne de l’impôt, dans la décision William J. McNichol et al. v. The Queen, 97 D.T.C. 111 :

 

On utilise communément trois critères pour déterminer si les parties à une opération ont entre elles un lien de dépendance. Il s’agit des critères suivants :

 

a)      l’existence d’une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction;

 

b)      les parties à une transaction agissent de concert et n’ont pas d’intérêts distincts;

 

c)      le contrôle « de facto » (réel).

 

[Renvoi omis.]

 

[51]         Au paragraphe 38 de la même décision, le juge suppléant Porter a ajouté :

[traduction]

38      Si la relation elle-même […] est telle qu’une partie est sensiblement en mesure de contrôler ou d’influencer l’autre ou d’exercer un pouvoir sur l’autre ou que les deux parties ont une relation dans laquelle elles fonctionnent ou dirigent leur entreprise très étroitement, par exemple s’il s’agit d’amis, de parents ou d’associés en affaires, sans aucune preuve claire du contraire, la Cour pourrait bien conclure que les parties ne traitaient pas l’une avec l’autre comme des personnes sans lien de dépendance. Toutefois, cela ne signifie pas que les parties ne peuvent réfuter cette conclusion. […]

[52]         Puis, au paragraphe 40, il a résumé ainsi :

[traduction]

40        […] La question pertinente est de savoir si le même genre d’indépendance d’esprit, d’indépendance quant aux objectifs, d’intérêts économiques contraires et de véritables négociations caractérisaient les opérations en cause, comme on pourrait s’y attendre dans cette situation commerciale. Si, sur la foi de l’ensemble de la preuve, tel est le genre d’opération ou de transaction qui a eu lieu, la Cour peut conclure que les parties traitaient l’une avec l’autre comme des personnes sans lien de dépendance. Si un de ces éléments était absent, ce serait l’inverse.

 

[53]         Dans la décision Academy Drywall précitée, la Cour a conclu que deux frères qui étaient les plus hauts dirigeants d’une société, où un troisième frère ne participant pas aux affaires de la société en détenait 100 p. 100 des actions, n’étaient pas sans lien de dépendance avec la société.

 

[54]         Dans la présente espèce, l’intimé soutient que la confusion des intérêts commerciaux et personnels de l’appelant et du payeur ainsi que l’emploi croisé de l’un et l’autre par leurs entreprises étayent sa thèse selon laquelle tous deux ne sont pas sans lien de dépendance et que, en fait, l’appelant est l’âme dirigeante de l’entreprise du payeur pour laquelle il travaille et l’arrangement entre les deux n’est qu’un stratagème visant à permettre à l’appelant d’obtenir des prestations d’assurance-emploi.

 

[55]         L’appelant soutient évidemment que chacun d’eux exploite les deux entreprises de manière autonome, qu’il s’agit d’entreprises distinctes et que les exigences des entreprises et les qualifications que le payeur et lui-même doivent chacun avoir pour pouvoir travailler pour l’autre sont suffisamment différentes pour justifier que je conclue à l’existence d’un emploi sans lien de dépendance.

 

[56]         Selon la preuve, avant 2005 et cette année‑là, l’appelant, de son propre aveu, détenait et exploitait deux petits manèges gonflables, qu’il a décrits comme une entreprise parallèle. De 2005 à 2007, le payeur, comme l’ont confirmé ses déclarations de revenus, a aussi exploité une entreprise de vente d’aliments. En fait, l’appelant et le payeur ont tous deux exploité à un moment ou un autre une entreprise connue sous le nom de « Western Fair », qui a été décrite comme un ensemble de comptoirs de vente d’aliments à la foire annuelle de London, en Ontario. En fait, l’appelant a d’abord appelé son activité commerciale à la foire « Gateway », qui est devenue « Western Fair », qu’il a admis exploiter toujours, même en 2008. En revanche, le payeur a indiqué que ses pertes plus importantes en 2008 résultaient de la perte de son contrat relatif à la Western Fair cette année-là. En outre, la preuve démontre que l’appelant et le payeur étaient tous deux actionnaires à parts égales de la société 759776 Ontario Ltd., qui, selon le témoignage de l’appelant, exploitait des services de restauration rapide à des foires dans l’Ouest canadien, notamment à Calgary, Saskatoon et Edmonton, et qui a été dissoute aux environs de 2001.

 

[57]         La preuve démontre également que, malgré que le payeur l’ait nié lors de son témoignage, la CNTS a délivré au payeur ainsi qu’à l’appelant, au titre de droits acquis, des permis provisoires de mécaniciens d’attractions en 2003, valides jusqu’au 31 mai 2004. L’appelant et le payeur étaient tous deux répertoriés comme ayant des numéros de certificat de mécanicien d’attractions, et le directeur de la CNTS a affirmé que les personnes qui avaient un certain niveau d’expérience antérieure pour ce qui était de faire fonctionner des manèges gonflables avaient bénéficié de droits acquis jusqu’à ce que soit instaurées les normes plus exigeantes en 2004, qui exigeaient que les intéressés suivent un cours pour pouvoir conserver leur certificat. De même, l’appelant a aussi affirmé que, tout comme le payeur, il avait manipulé des dispositifs au propane dans des foires dans l’Ouest du Canada avant 2001, ce qui porte à croire qu’il avait aussi de l’expérience en matière de manutention de propane comme le payeur.

 

[58]         La preuve démontre aussi qu’en 2008, d’après le calendrier d’événements produit pour les deux entreprises, toutes deux étaient présentes à peu près aux mêmes événements, à quelques exceptions près. L’agente de décision de l’ARC a affirmé qu’au cours de sa conversation avec le payeur, celui-ci avait admis que, durant la semaine, lui et l’appelant faisaient cuire les beignes et confectionnaient la barbe à papa destinés à être vendus dans le cadre des entreprises de chariots alimentaires de l’appelant les fins de semaine et qu’ils exploitaient tous deux l’entreprise d’attractions les fins de semaine, ce que l’appelant et le payeur ont nié lors de leur témoignage. Comme je l’ai mentionné précédemment, j’ai des réserves quant à la crédibilité du payeur, qui a aussi affirmé qu’il n’avait pas bénéficié de droits acquis à titre de mécanicien d’attractions avant 2004, alors que la demande de permis de sa propre entreprise déposée auprès de la CNTS, signée par lui, le désigne comme mécanicien qualifié. J’ajouterais que j’ai aussi de sérieuses réserves quant à la crédibilité de l’appelant aussi, comme je l’ai mentionné précédemment, puisqu’il a affirmé que Huntley Foods avait vendu son équipement d’entreprise alimentaire en 2001 et était devenue une entreprise de services de main-d’œuvre, dont le payeur était directeur de l’exploitation, et que l’appelant avait cessé d’exploiter cette entreprise sous le nom de Huntley Foods, alors que ses déclarations de revenus indiquent clairement qu’il avait un ensemble considérable de machines, d’éléments de mobilier et d’appareils qu’il amortissait jusqu’à sa déclaration de revenus de 2008, qui indiquait un solde non amorti de 55 631 $.

 

[59]         Il ressort clairement de la preuve que l’appelant et le payeur ont tous deux exploité à un moment ou un autre des entreprises semblables, soit ensemble ou séparément à la même époque, et qu’ils possédaient l’expérience et les qualifications nécessaires pour ce faire. Ils travaillent l’un pour l’autre et, en fait, chacun verse à l’autre le même salaire et verse à l’autre le plus clair des revenus de son entreprise, chacun ne déclarant que de modestes profits ou de faibles pertes chaque année de 2003 jusqu’à l’année 2008.

 

[60]         L’intimé demande aussi à la Cour de considérer comme preuve additionnelle de leur interdépendance le fait que l’appelant et le payeur sont propriétaires à parts égales de la propriété désignée sous le nom de « Highgate Wharehouse », qu’ils ont achetée en 1989, et où l’appelant et le payeur admettent qu’ils entreposent tous deux leurs attractions ou leurs chariots alimentaires et leur équipement pendant l’hiver, et que, d’après les déclarations de revenus produites en preuve, chacun paie à la copropriété une partie des frais liés à cet entreposage et déduit ces frais d’entreposage. L’intimé a aussi soutenu qu’il n’était pas normal de se payer soi‑même pour utiliser son propre bâtiment. Je ne vois pas très bien la pertinence de cet argument, et, en fait, il est tout à fait sensé de s’assurer que les entreprises qui utilisent l’entrepôt paient pour son utilisation dans le cadre d’une opération normale sans lien de dépendance. En l’espèce, toutefois, l’entrepôt détenu en copropriété ne servant apparemment qu’à leurs entreprises ou leurs activités interdépendantes, cela tend certainement à démontrer un degré plus élevé d’interdépendance. Aucun élément de preuve n’a été produit pour donner à penser que l’entrepôt aurait été loué à d’autres parties.

 

[61]         L’intimé a également soutenu que l’appelant et le payeur vivaient ensemble dans une résidence appartenant au payeur, ce qui constituerait une autre preuve du lien de dépendance entre eux. Le fait qu’un employé vive gratuitement dans un immeuble appartenant à l’employeur a été jugé constituer un facteur prouvant une relation d’emploi avec lien de dépendance dans l’affaire Lelièvre. L’appelant et le payeur, son demi-frère, sont tous deux des hommes célibataires, et ils sont clairement proches l’un de l’autre, et je ne considère pas que le fait que des membres d’une même famille vivent ensemble indique quelque motif sinistre à employer comme preuve qu’ils agissent de concert en rapport avec leur relation d’emploi ou leurs entreprises. Ce facteur pose toutefois problème à mon avis en ce que l’appelant a vigoureusement nié avoir vécu avec son demi-frère durant les années 2003 à 2008, sauf pendant la période allant de janvier 2008 jusqu’à une certaine époque en juin 2008, parce la fournaise de son véhicule récréatif, dans lequel il vivait normalement et qui était garé à l’atelier à Highgate, était brisée. Il a affirmé qu’il devait retirer les planchers du véhicule pour réparer la fournaise, qu’il avait dû attendre que le temps soit plus clément pour ce faire et que c’était pour cette raison qu’il avait vécu avec Edward jusqu’en juin de cette année‑là. L’intimé a toutefois démontré que les déclarations de revenus que l’appelant avait produites pour les années 2007 et 2008 indiquaient que son adresse était le 15439, Muirkirk Line, à Muirkirk, en Ontario, l’adresse du payeur. En fait, la déclaration de revenus de 2008 de Huntley Foods visant son exercice se terminant le 30 novembre 2008, produite en 2009, indique également la même adresse. De même, le certificat de mécanicien d’attractions de l’appelant, ADM1, délivré le 17 avril 2008 et expirant le 31 mai 2010, indique aussi l’adresse à Muirkirk plutôt que l’adresse à Highgate, qui est le 103, Main Street, case postale 165, Highgate, en Ontario, et l’appelant n’a produit aucun avis de changement d’adresse auprès de la CNTS dans les 30 jours comme l’exigeaient les règlements de la CNTS. En toute équité pour l’appelant, il a admis en preuve son T4 pour l’année 2008, qui indiquait que son adresse était celle à Highgate, et de la correspondance de l’ARC en 2010 adressée à son adresse à Highgate. L’explication donnée à cette différence est que l’appelant et le payeur ont tous deux recours aux services du même comptable et l’atelier ne reçoit pas toujours le courrier au cours des mois d’hiver à cause d’une mauvaise accessibilité, et c’est pourquoi il peut arriver que du courrier soit envoyé à l’autre adresse. Évidemment, cette explication paraît bizarre, puisque, si le courrier ne peut pas se rendre, comment l’appelant y parvient-il? À tout le moins, l’hypothèse du ministre au paragraphe pp) de la Réponse à l’avis d’appel n’est pas réfutée, et je conclus que la prépondérance de la preuve étaye, comme étant à tout le moins raisonnable, l’argument de l’intimé selon lequel les deux vivaient ensemble.

 

[62]         Cependant, je ne suis pas d’accord avec la prétention de l’intimé selon laquelle l’appelant était l’âme dirigeante du payeur et qu’il en avait donc le contrôle de facto. L’hypothèse de l’appelant même, exposée au paragraphe 19e), selon laquelle le payeur prenait les décisions importantes pour l’entreprise, ainsi que les autres hypothèses, selon lesquelles le payeur exerçait un contrôle et une supervision à l’égard des employés, contredisent clairement, elles-mêmes, la position susmentionnée de l’intimé concernant le contrôle de facto.

 

[63]         Dans l’ensemble, toutefois, la preuve mentionnée précédemment appuie raisonnablement la prétention de l’intimé selon laquelle, pendant la période en cause ainsi qu’avant et après celle-ci, l’appelant et le payeur ont vécu proches et ont dirigé leurs entreprises étroitement, démontrant ainsi les mêmes objectifs et intérêts économiques qui sont des critères d’une relation avec lien de dépendance décrits dans la décision Academy Drywall, précitée, de manière à étayer la décision du ministre

 

Résumé

 

[64]         Compte tenu de mes conclusions concernant la rétribution de l’appelant, ses heures travaillées et les autres circonstances entourant son emploi au service du payeur, je dois conclure non seulement que la décision du ministre était raisonnable et que je dois faire preuve de retenue à son égard, mais que la preuve appuie de façon écrasante la conclusion du ministre selon laquelle l’appelant et le payeur n’auraient pas conclu un contrat d’emploi semblable s’il n’y avait pas eu entre eux un lien de dépendance. En conséquence, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de décembre 2010.

 

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2011.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 625

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-2681(EI)

 

INTITULÉ :                                       MICHAEL D. HUNTLEY et

                                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 26 janvier ainsi que les 22 et         23 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 décembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Me Mélanie Sauriol

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      S/O

 

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           Loi de 2000 sur les normes techniques et la sécurité, L.O. 2000, ch. 16, dans sa version modifiée.

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