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Dossier : 2016-4465(GST)I

ENTRE :

CWAY LOGISTICS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 5 octobre 2017, à Kelowna (Colombie-Britannique)

Devant l’honorable juge Randall S. Bocock


Comparutions :

Représentant de l’appelante :

A.R. (Ron) Gunn

Avocat de l’intimée :

Me Jamie Hansen

 

JUGEMENT

          CONFORMÉMENT aux motifs du jugement ci-joints, l’appel visant une cotisation en date du 2 septembre 2015 établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, LRC (1985), c. E 15, dans sa version modifiée, pour la période de déclaration du 1er août 2014 au 31 octobre 2014 est par la présente accueilli, au motif que l’appelante a droit à un crédit de taxe sur les intrants de 4 935 $ et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon le jugement ci-joint.

 

Les dépens sont fixés à 150 $ en faveur de l’appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 2017.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock


Référence : 2017 CCI 225

Date : 20171110

Dossier : 2016-4465(GST)I

ENTRE :

CWAY LOGISTICS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bocock

I. Introduction

[1]              Les inscrits en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, LRC (1985), c. E 15, dans sa version modifiée (la « LTA ») ont droit à des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») pour la taxe sur les produits et services (« TPS ») payée pour des fournitures et à des produits taxables acquis dans le cadre d’activités d’entreprise. Les employeurs qui exploitent une entreprise peuvent rembourser à leurs salariés une allocation pour frais de véhicule raisonnable lorsque ces salariés utilisent leur propre véhicule à moteur dans le cadre de leurs fonctions. Lorsque l’allocation pour frais de véhicule est versée, la LTA permet précisément à un employeur de demander un crédit de taxe sur les intrants visé par règlement ou réputé sur les fournitures acquises par le salarié. Cela permet à l’employeur de récupérer les CTI concordant à la TPS qui auraient par ailleurs été consacrés aux fournitures taxables utilisées dans le cadre d’activités commerciales s’il avait acheté directement les produits et services à la place du salarié.

II. Faits

[2]              Le présent appel concerne le rejet par le ministre du Revenu national (le « ministre ») de la somme de 4 935 $, soit le montant d’un CTI par ailleurs permis par la loi calculé sur certaines allocations pour frais de véhicule payées.

[3]              La plupart des aspects factuels de l’appel ont été convenus par les parties dans un exposé conjoint partiel des faits présenté au début de l’audience. Les autres faits ont été rapidement établis et réglés sur consentement après le début de l’audience.

[4]              L’appelante (« CWAY ») est une société qui offre des services de transport intercompagnies à sa seule cliente, Dynamex Canada (« Dynamex »).

[5]              CWAY a deux salariés, Ashley et Christopher. Ils conduisent les véhicules utilisés pour offrir des services de transport à Dynamex. Les véhicules sont la propriété d’Ashley et de Christopher et non de CWAY. Ashley et Christopher sont également les seuls actionnaires à parts égales de CWAY. Lorsqu’ils offrent leurs services de transport en tant que salariés, Ashley et Christopher tiennent un registre précis de leur utilisation professionnelle et personnelle de leur véhicule.

[6]              Pour leurs efforts en tant que salarié, Ashley et Christopher reçoivent un salaire et une allocation pour frais de véhicule à moteur de CWAY. L’allocation pour frais de véhicule est calculée au moyen de taux prescrits par le ministre en vertu de la LTA et des règlements applicables. L’allocation est versée uniquement pour le kilométrage parcouru à des fins commerciales. En leur qualité d’actionnaires, toutes les activités des salariés-actionnaires sont équilibrées et rapprochées afin de veiller à ce que, parmi les comptes de prêts aux actionnaires, les dividendes payés et l’usage personnel des véhicules, il n’y ait aucun avantage personnel non pris en compte qui est dévolu aux salariés-actionnaires.

[7]              La particularité de l’arrangement découle du fait que Dynamex fournit des cartes d’essence. Une carte d’essence est fournie à Ashley et à Christopher pour payer l’essence des véhicules personnels qui sont utilisés dans le cadre de l’entreprise de CWAY. Lorsque Dynamex paie les factures de CWAY pour les services de transport, elle déduit les frais engagés par Ashley et Christopher sur les cartes d’essence. À leur tour, les factures complètes (y compris la compensation ou le remboursement retenu pour les cartes d’essence) sont consignées comme des recettes par CWAY. Bref, CWAY consigne les recettes sur les factures. Toutefois, CWAY reçoit le montant moindre comme paiement de Dynamex. Cela crée un écart entre les encaissements moindres et les recettes consignées supérieures de CWAY. Cette insuffisance de trésorerie est exactement représentée par le paiement préalable de l’essence retenu sur les cartes d’essence (la « déduction du coût de l’essence »).

[8]              Comme il est indiqué ci-dessus, CWAY demande les CTI visés par règlement liés à l’allocation pour frais de véhicule payée à Ashley et à Christopher. Le ministre a rejeté ces CTI, d’où l’appel devant la Cour.

III. Régime législatif

[9]              La LTA accorde précisément des CTI réputés pour les indemnités pour déplacement et autres versées aux salariés qui engagent des dépenses pour les activités commerciales de l’employeur.

[10]         L’article 174 de la LTA dispose que [extraits pour assurer la pertinence] :

174 Pour l’application de la présente partie, [...]

a) la personne verse une indemnité à l’un de ses salariés, […] :

(i) soit pour des fournitures dont la totalité, ou presque, sont des fournitures taxables, sauf des fournitures détaxées, de biens ou de services que le salarié, l’associé ou le bénévole a acquis au Canada relativement à des activités qu’elle exerce,

(ii) soit pour utilisation au Canada d’un véhicule à moteur relativement à des activités qu’elle exerce;

[…]

b) un montant au titre de l’indemnité est déductible dans le calcul du revenu de la personne pour une année d’imposition en application de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou le serait si elle était un contribuable aux termes de cette loi et l’activité, une entreprise;

c) lorsque l’indemnité constitue une allocation à laquelle les sous-alinéas 6(1)b)(v), (vi), (vii) ou (vii.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu s’appliqueraient si l’indemnité était une allocation raisonnable aux fins de ces sous-alinéas, [...]

De plus :

[…]

d) toute consommation ou utilisation du bien [...] est réputée effectuée par la personne [...];

[…]

[11]         En ce qui concerne une allocation pour frais de véhicule, l’article 174 de la LTA, comme nous l’avons vu, renvoie au sous-alinéa 6(1)b)(vii.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c. 1, dans sa version modifiée (la « Loi ») selon lequel un contribuable n’a pas à inclure dans son revenu certaines allocations pour frais de véhicule à moteur et qui dispose que [non souligné dans l’original] :

Éléments à inclure à titre de revenu tiré d’une charge ou d’un emploi

 6 (1) Sont à inclure dans le [...] revenu d’un contribuable [...]

[…]

Frais personnels ou de subsistance

[…]

b) les sommes qu’il a reçues au cours de l’année à titre d’allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d’allocations à toute autre fin, sauf :

(vii.1) les allocations raisonnables pour l’usage d’un véhicule à moteur qu’un employé — dont l’emploi n’est pas lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur — a reçues de son employeur pour voyager dans l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

IV. Arguments du ministre quant au rejet

[12]         L’avocat de l’intimée a invoqué les éléments suivants pour justifier le refus par le ministre des CTI réputés.

[13]         Premièrement, l’article 174 permet aux inscrits de demander des CTI sur les indemnités versées aux employés. Même si les indemnités sont versées aux propres salariés d’un inscrit, selon la disposition, certains CTI proportionnels visés par règlement sont réputés découler des indemnités, dans la mesure où l’indemnité est raisonnable. L’allocation pour frais de véhicule que CWAY paie à Ashley et à Christopher était raisonnable parce qu’elle est fondée sur l’inclusion du coût de l’essence alors que ce ne devrait pas être le cas. CWAY reçoit ses recettes Dynamex, moins la déduction du coût de l’essence. Toutefois, Ashely et Christopher n’ont pas engagé de frais d’essence parce que ces dépenses ont été remboursées au préalable par Dynamex dans la mesure de la déduction du coût de l’essence. Par définition, il était déraisonnable pour CWAY de payer une allocation pour frais de véhicule qui rembourse les dépenses, qui sont pour la plupart payées au préalable et qui ne sont pas dues et/ou engagées par le salarié.

[14]         Ensuite, CWAY demande que le ministre (et maintenant la Cour) assimile CWAY à ses salariés en levant à tort le voile corporatif pour faire en sorte que l’appelante soit à la fois CWAY (qui a reçu des recettes moindres et rapproche le prêt aux actionnaires et les comptes de dividendes) et ses salariés (qui, en leur qualité de salarié, non pas engagé les frais d’essence) pour l’application de l’article 174.

[15]         Dans Meredith c. R., 2002 CAF 258 (CanLII), [2002] A.C.F no 1007 (QL), la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 12 :

La levée du voile corporatif est contraire aux principes établis depuis longtemps en droit corporatif. En l’absence d’allégation selon laquelle la société constitue un « trompe-l’oeil » ou un véhicule permettant à des actionnaires putatifs de commettre des fautes et en l’absence d’autorisation légale, les tribunaux doivent respecter les rapports juridiques créés par un contribuable (voir Salomon v. Salomon & Co. (1896), [1897] A.C. 22 (U.K. H.L.); Kosmopoulos c. Constitution Insurance Co., 1987 CanLII 75 (SCC), [1987] 1 R.C.S. 2 (C.S.C.)). Les tribunaux ne peuvent pas qualifier autrement les véritables rapports en fonction de ce qu’ils jugent être la réalité économique qui les sous-tend (voir Continental Bank of Canada c. LA Reine., 1998 CanLII 794 (CSC), [1998] 2 R.C.S. 298 (C.S.C.); Shell Canada Ltd. c. La Reine., 1999 CanLII 647 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 622 (C.S.C.); Ludmer c. Ministre du Revenu National, 2001 CSC 62 (CanLII), 2001 SCC 62 (C.S.C.) au par. 51).

[16]         Sans l’inclusion de la déduction du coût de l’essence comme élément de l’allocation pour frais de véhicule, le taux de l’indemnité est trop élevé et donc déraisonnable. Le coût de la déduction de l’essence contient un élément d’usage personnel. L’article 174 doit tenir compte du sous-alinéa 6(1)b)(vii.1) de la LIR, qui porte sur la non-inclusion des allocations pour frais de véhicule dans le revenu des salariés, afin de déterminer ce qu’est une allocation raisonnable : I-D Foods Corporation c. La Reine, 2013 CCI 15.

[17]         Enfin, l’alinéa 6(1)b) a été appliqué dans la décision de la Cour d’appel fédérale dans Ville de Beauport c. Ministre du Revenu national, 2001 CAF 198 (CanLII), [2002] 2 C.T.C. 161. Cette décision également, au paragraphe 26, renvoie à l’article 7306 du Règlement de l’impôt sur le revenu qui établit un point de référence utile pour mesurer une allocation pour frais de véhicule raisonnable. Dans le présent appel, l’indemnité ne devrait pas comprendre les frais d’essence parce que les salariés possèdent et utilisent des cartes d’essence prépayées relativement à ces frais, dans la mesure de la déduction du coût de l’essence. Cet argument postule implicitement que peu importe les calculs mathématiques précis et élaborés qui sont utilisés pour veiller à ce qu’aucun avantage ni aucune allocation pour frais de véhicule déraisonnable n’est payé au bout du compte, initialement, le salarié n’en assume pas les coûts.

[18]         En réponse, les appelants soutiennent simplement qu’à la fin de l’exercice de rapprochement, il n’y a pas d’écart ou de perte d’un avantage non déclaré ou non justifié. Même si Ashley et Christopher utilisaient des cartes d’essence, la valeur liée aux cartes a été au bout du compte imputée à leur avantage libéré d’impôt des particuliers au moyen de dividendes et reconnue par des encaissements réduits en faveur de CWAY, qui ont été pris en compte par la compensation des déductions du coût de l’essence par Dynamex. Bref, la partie proportionnelle de la réduction du coût de l’essence est précisément attribuée aux salariés personnellement et déclarée à titre de recettes pour la société. Aucun CTI n’est demandé au-delà de ceux concernant les fournitures taxables précisément et à juste titre attribuées qui sont consommées dans le cadre d’activités commerciales et acquises par Ashley et Christopher dans le cadre de leur emploi.

V. Décision et discussion

[19]         La grande question dont est saisie la Cour est celle de savoir si les exigences de l’article 174 ont été respectées. Les montants des allocations pour frais de véhicule payés sont-ils raisonnables étant donné les faits de l’affaire de sorte que les CTI imputés peuvent être demandés? Pour répondre à cette question, la Cour doit examiner les faits et les circonstances plutôt uniques de l’espèce pour les comparer à l’article 174.

[20]         Pour ce faire, les sous-questions suivantes se posent :

a)     Y a-t-il un élément déraisonnable de l’allocation en fonction de la méthodologie utilisée?

(i) Le processus suivi

[21]         L’avocat de l’intimée ne conteste pas que le processus suivi par CWAY était méticuleux ou qu’il tenait précisément compte de l’allocation payée. Au moment opportun, le processus rapprochait tous les éléments par ailleurs nécessaires pour le paiement d’une allocation pour frais de véhicule raisonnable. Le kilométrage a fait l’objet d’un suivi méticuleux; des registres de kilométrage ont été utilisés. CWAY a reçu des recettes inférieures équivalant aux frais facturés sur les cartes d’essence, y compris la TPS; la déduction du coût de l’essence comprenait la TPS. Aucun actionnaire n’a reçu un avantage non taxable découlant des cartes d’essence, et les CTI demandés n’ont pas été gonflés ou n’étaient pas inexacts, à l’exception de l’unique question de l’utilisation au début par les salariés de cartes d’essence. On peut logiquement se demander ce qu’ont reçu Ashley et Christopher au bout du compte. À la fin de l’année, une écriture de compensation, qui tenait précisément compte de l’élément personnel de la déduction du coût de l’essence, a été faite aux comptes de prêts aux actionnaires respectifs. Des dividendes ont alors été déclarés pour compenser les avances indiquées aux actionnaires. Cela a supprimé toute question concernant un avantage conféré à un actionnaire non pris en compte. Ce montant était relativement simple à calculer puisqu’il représentait la différence entre les services « facturés » et les recettes obtenues par CWAY. Par définition, il s’agit précisément et mathématiquement de la déduction du coût de l’essence. L’allocation pour frais de véhicule payée a par ailleurs remboursé une partie de cette allocation, mais uniquement pour ce qui est du kilométrage lié aux activités commerciales.

(ii) Les taux dépassent-ils ceux visés par règlement?

[22]         L’intimée ne conteste pas que l’allocation pour frais de véhicule n’était rien d’autre qu’un montant raisonnable payé selon les taux prescrits par l’ARC en vertu de l’article 7306 du Règlement. L’essentiel du désaccord réside dans le fait que les salariés n’ont pas engagé le coût de l’essence au moment de l’achat qui, selon ce que soutient l’intimée, est un élément des allocations visées par règlement en vertu de l’article 7306 du Règlement.

b)    La méthodologie suivie contrevient-elle ou échappe-t-elle par ailleurs à l’article 174 qui porte sur les CTI visés par règlement?

(i) La disposition elle-même

[23]         L’article 174 est clair. Pour que l’employeur demande le CTI réputé sur les allocations pour frais de véhicule, l’article impose certaines conditions. Le bénéficiaire doit être un salarié. Le montant doit être lié aux fournitures taxables acquises par le salarié dans le cadre des activités commerciales exercées par l’inscrit ou de l’utilisation d’un véhicule à moteur pour des fins semblables. Le montant doit également être une allocation raisonnable comme s’il avait été payé et qu’il était non imposable en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(vii.1) de la LIR.

(ii) Son contexte

[24]         À l’article 174 de la LTA, un renvoi est fait précisément au sous‑alinéa 6(1)b)(vii.1) de la LIR. Au-delà de cela, l’article en soi relève de la sous‑section C, Cas spéciaux, qui crée des crédits de taxes sur les intrants à l’intention des inscrits dans des circonstances où ils ne seraient par ailleurs pas offerts.

(iii) Son objet

[25]         La fin de l’article n’est pas grandement différente de son objet textuellement énoncé. L’article crée un CTI réputé à l’égard de l’allocation pour frais de véhicule visée par la définition législative afin de veiller à ce que les salariés fournissent leurs propres véhicules et assument l’entretien, l’essence et l’assurance dans le cadre de l’entreprise de leur employeur, l’activité commerciale d’un employeur tiers ne se voit pas priver des CTI pour ce qui est des produits et services ainsi consommés. Logiquement, si les services et produits étaient acquis directement par CWAY en vertu de la LTA, des CTI seraient offerts.

[26]         La conclusion du juge Archambault dans I-D Foods Corporation aux paragraphes 24 et 25 renvoie précisément à la fin globale de la loi et à son intégration par envoi de la LIR :

[24] Dans le Goods and Services Tax Reporter, à la section 65‑800 sous le titre « Employee Allowances » (Allocations versées aux employés), il est déclaré ce qui suit :

[traduction]

Les sous‑alinéas 6(1)b)(v), (vi), (vii) ou (vii.1) de la LIR s’appliquent. Ces dispositions s’appliquent aux allocations de déplacement, y compris les allocations d’automobile versées à des représentants de commerce […] En conséquence, une allocation qui n’est pas raisonnable selon le critère de l’évaluation en fonction du nombre de kilomètres parcourus, énoncé au sous‑alinéa 6(1)b)(x) de la LIR et du critère de remboursement à deux volets énoncé au sous-alinéa 6(1)b)(xi) ne serait pas une allocation raisonnable pour l’application de l’article 174 de la Loi sur la taxe d’accise (LTA). Toutefois, le particulier pourrait peut-être demander un remboursement en vertu de l’article 253.

            [seules les sections soulignées pertinentes sont reproduites]

[25] Je crois aussi que l’interprétation ainsi faite de l’article 174 de la LTA est la plus raisonnable de toutes, compte tenu du fait que la question qu’il faut trancher à l’article 174 de la LTA est de savoir si l’indemnité serait une « allocation raisonnable pour l’application de », c’est-à-dire pour l’application du sous‑alinéa 6(1)b)(v) de la LIR. Le renvoi implicite au sous-alinéa 6(1)b)(x) de la LIR est nécessaire à cause de la relation étroite qui existe entre les articles 174 et 253 de la LTA et le sous-alinéa 6(1)b)(v) de la LIR. Il est évident que l’intention du législateur était de faire en sorte que ces trois dispositions soient étroitement liées. Cela ressort manifestement non seulement du libellé de l’alinéa 174c) et du paragraphe 253(1) de la LTA, mais aussi des notes explicatives publiées par le ministère des Finances lorsque l’alinéa 174c) de la LTA a été modifié en 1993. Pour comprendre le contexte de ces notes et de ces modifications, il est utile de reproduire ci-après les articles 174 et 253 de la LTA tels qu’ils étaient libellés avant les modifications de 1993 :

174. Indemnités de déplacement et autres — Pour l’application de la présente partie, dans le cas où [...] un montant au titre de cette indemnité est déductible dans le calcul du revenu de la personne pour son année d’imposition en application de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou le serait si elle était un contribuable aux termes de cette loi et l’activité, une entreprise, la personne est réputée :

a) avoir reçu une fourniture taxable [...]

[27]         Bien que le juge Archambault ait examiné la priorité du sous‑alinéa 6(1)b)(x) (concernant le besoin d’une allocation calculée selon le kilométrage) par rapport aux sous-alinéa 6(1)b)(v) de la LIR (la disposition générale liée à l’indemnité pour déplacement), la déclaration indique néanmoins qu’il faut rapprocher de façon harmonieuse tous les éléments connexes nécessaires pour qu’une demande de CTI réputés en vertu de l’article 174 soit accueillie.

VI. Autre discussion et conclusion

[28]         La question reformulée est celle de savoir si l’allocation pour frais de véhicule, mesurée dans le contexte et l’objet de l’article 174 de la LTA et du paragraphe 6(1) de la LIR (les « dispositions applicables ») est raisonnable. La Cour rejette l’argument de l’intimée quant au voile corporatif. La façon dont le montant ultime de l’allocation pour frais de véhicule est rapproché n’est pas prise en compte dans les dispositions applicables. La question en est une de caractère raisonnable, de méthodologie globale et de conformité. Si les frais sont engagés par l’employé, une telle « indemnité » peut-elle être transformée, mutatis mutandis, en une allocation non imposable en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(vii.1) (dans I-D Foods, il s’agissait d’une allocation non imposable en vertu du sous‑alinéa 6(1)b)(v)). Le calcul du kilométrage était conforme, l’allocation réelle a été accordée selon le règlement et il n’y a pas eu de double comptage ou de paiements non justifiés ou non déclarés en raison d’un rapprochement méticuleux de fin d’année.

[29]         En outre, le fait que le rapprochement complet ne s’est produit qu’à la fin de l’année est également conforme au critère de « remboursement à deux volets » analogue mentionné par le juge Archambault dans I-D Foods. La fin de l’année serait le moment même où une telle exclusion serait évaluée et établie par le contribuable. Le fait de suggérer que le calcul à un moment donné serait déraisonnable en raison du paiement préalable représenté par les cartes d’essence rapprochées au bout du compte n’est pas exact. À la fin de l’année, tout était correct. L’avantage personnel sous la forme de la carte d’essence était entièrement à la disposition des salariés à titre d’avantage imposable, l’allocation pour frais de véhicule était raisonnable et les CTI imputés ont été demandés uniquement relativement aux activités commerciales. On pourrait dire la même chose de tout établissement connexe de fin d’année lié à une exclusion en vertu du sous‑alinéa 6(1)b)(v) ou 6(1)b)(vii.1).

[30]         Pour en revenir à I-D Foods, le juge Archambault, même s’il a rejeté l’appel parce que la société n’a pas respecté le sous-alinéa 6(1)b)(x) (la priorité de l’allocation calculée selon le kilométrage), a déclaré ce qui suit :

[29] Pour que la détermination faite par la société IDF (selon laquelle l’indemnité était une allocation raisonnable au moment où elle a été versée) soit raisonnable, elle doit être conforme au sous-alinéa 6(1)b)(v) de la LIR, et tenir compte de la règle déterminative énoncée au sous-alinéa 6(1)b)(x) de la LIR. Le but de permettre à un employeur, en vertu de l’alinéa 174c) de la LTA, de déterminer ce qui est raisonnable au moment du paiement n’est pas de donner à l’employeur le pouvoir de définir le concept juridique d’« allocation raisonnable », mais de lui accorder la souplesse de conclure à ce moment-là (en l’espèce, toutes les deux semaines), compte tenu de tous les rajustements effectués au cours de l’année, y compris ceux effectués à la fin de l’année, que l’allocation respecte la définition juridique de l’expression « allocation raisonnable.

[31]         L’allocation pour frais de véhicule était minutieusement exacte et conforme à ces balises. À la fin de l’année, elle était pleinement rapprochée, raisonnable et exacte. Bien que la méthodologie ultime puisse avoir été quelque peu alambiquée, tortueuse et inhabituelle, elle respecte au bout du compte la loi et les règlements dans la période pertinente mesurée : une année. CWAY a versé à ses salariés une allocation raisonnable pour l’utilisation de leur véhicule à moteur dans le cadre de ses activités commerciales, ce qui aurait par ailleurs donné droit à une exclusion du revenu du salarié en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(vii.1) à la conclusion de l’année. À ce titre, CWAY a droit aux CTI réputée pour les fournitures taxables calculées liées aux frais de véhicule.

[32]         Le montant des dépens est fixé à 150 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 2017.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 225

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-4465(GST)I

INTITULÉ :

CWAY LOGISTICS LTD. ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Kelowna (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 octobre 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

Le 10 novembre 2017

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelante :

A.R. (Ron) Gunn

Avocat de l’intimée :

Me Jamie Hansen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

[BLANK/EN BLANC]

 

Cabinet :

[BLANK/EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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