Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2008-2475(IT)I

ENTRE :

HUGUETTE GÉNIER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appel entendu le 30 juin 2010, à Kapuskasing (Ontario), et par conférence téléphonique le 29 juillet 2010, à Ottawa, Canada.

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Paul Mongenais

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Mélanie Sauriol

 

 

JUGEMENT

 

L’appel relatif aux nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 est accueilli avec dépens, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Il est en outre ordonné que l’on rembourse à l’appelante le droit de dépôt de 100 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de décembre 2010.

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle


 

 

 

Référence : 2010 CCI 641

Date : 20101221

Dossier : 2008-2475(IT)I

ENTRE :

HUGUETTE GÉNIER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Boyle

 

[1]              L’appel de Mme Génier, interjeté sous le régime de la procédure informelle et concernant le refus des pertes d’entreprise qu’elle a subies au cours de la période de 2003 à 2005, a été entendu à Kapuskasing (Ontario). Nul ne conteste que Mme Génier a exploité une résidence pour personnes âgées. La seule question à trancher consiste à savoir si, après avoir mis fin aux activités ordinaires de cette entreprise, elle a continué, au cours des années en question, à vendre les actifs de l’entreprise d’une manière raisonnable sur le plan commercial et d’une manière ordonnée. Le montant des dépenses effectuées au cours de ces années n’est pas contesté. Jamais Mme Génier n’a utilisé à des fins personnelles une partie quelconque de la propriété en question. Durant toute la période, elle a vécu non loin de là, dans sa propre maison.

 

[2]              La Cour a entendu deux témoins. Mme Génier a témoigné pour son propre compte. L’intimée a assigné Mme Edith Belair qui, à l’époque en cause, était la présidente du conseil d’administration de l’Association pour l’intégration communautaire de Cochrane (l’« Association pour l’intégration communautaire » ou l’« Association »), l’Association étant l’une des entités qui se sont montrées intéressées à acheter l’ancienne résidence pour personnes âgées à Mme Génier, après que celle‑ci eut mis fin aux activités ordinaires de l’entreprise et mis la propriété en vente. Le témoignage de l’un ou l’autre de ces témoins ne pose aucun problème de crédibilité. Les deux se sont exprimées de façon claire, cohérente et franche. Le souvenir qu’avait Mme Génier des événements était très net et complet et les choses lui revenaient facilement, ce qui n’est pas surprenant, car les événements en question lui ont causé des difficultés financières considérables ainsi que la perte de sa réputation sur le plan des affaires au sein de sa collectivité. Son témoignage n’a été mis en doute d’aucune manière au cours du contre‑interrogatoire en règle auquel l’a soumise l’avocate de l’intimée. Les souvenirs de Mme Belair étaient un peu plus flous, mais cela n’est guère étonnant étant donné que la propriété et les événements la concernant intéressaient nettement moins et d’une manière moins directe Mme Belair. En outre, elle était la présidente du conseil d’administration de l’Association pour l’intégration communautaire mais, à l’époque, elle ne s’occupait pas de la gestion ou des activités quotidiennes de cette entité. Il n’y a certes rien dans ce que Mme Belair a dit au sujet de l’intérêt de l’Association pour la propriété qui ne concordait pas avec le témoignage de Mme Génier. Je retiens, sans hésitation ou réserve, la totalité du témoignage de chacune.

 

[3]              Mme Génier vit dans la ville de Genier, qui est située non loin de Cochrane. Elle a de longs antécédents personnels et commerciaux dans sa collectivité. De 1975 à 1992, son époux et elle ont exploité, sous la dénomination sociale d’Alexandre Génier Ltd., une entreprise d’équipement lourd destiné au secteur forestier. En 1992, quand son époux est décédé, elle a poursuivi l’exploitation de l’entreprise durant moins d’un an, pour ensuite mettre fin à ses opérations et à ses activités. Il lui a fallu trois ans pour vendre les éléments d’actif de cette entreprise parce qu’il lui a été impossible de trouver quelqu’un qui l’achèterait à titre d’entreprise en exploitation. En 1993, elle est devenue aussi secrétaire à temps partiel dans un salon funéraire de Cochrane et, plus tard, elle a occupé ce poste à temps plein. Avec d’autres investisseurs, elle est devenue propriétaire du salon funéraire en 1995 et elle est devenue directrice des opérations. En 1999, la dénomination sociale du salon funéraire a été changée pour Génier & Gauthier Funeral Home. Il s’agit d’un salon funéraire local classique, qui répond aux besoins des personnes voulant faire des préarrangements funéraires et des personnes ayant perdu un être cher. Ce salon agit également comme représentant d’une entreprise de monuments funéraires.

 

[4]              C’est l’expérience acquise au salon funéraire qui lui a fait voir à Cochrane un besoin d’une résidence pour personnes âgées en bonne santé et autonomes. Quand un couvent fermé a été mis en vente à Cochrane, elle a pensé qu’il s’agirait d’un endroit propice où ouvrir une telle entreprise. La vente du couvent avait été confiée à un agent en février 2000, et le prix demandé était de 269 000 $. Après avoir visité la propriété à plusieurs reprises afin de voir si elle convenait à l’usage qu’elle voulait en faire, elle l’a acheté en août 2000 au prix de 189 000 $. Elle a baptisé sa résidence pour personnes âgées le Foyer Oasis du Bonheur (le « Foyer Oasis »).

 

[5]              Avant d’acheter la propriété, elle s’était renseignée dans la collectivité et avait trouvé environ 25 personnes qui s’étaient montrées intéressées à vivre dans son éventuelle résidence pour personnes âgées. Elle savait que presque toutes ces personnes allaient devoir tout d’abord vendre leur propre maison dans une petite ville de l’Ontario, et elle s’attendait donc à ce que les choses se mettent en marche lentement. Elle s’attendait à des pertes de démarrage, mais prévoyait aussi qu’après des débuts modestes son entreprise serait rentable. Elle était consciente du fait qu’il fallait changer le zonage de la propriété, savait ce que cela impliquait et s’attendait à pouvoir faire approuver le changement de zonage après l’achat. Elle savait également que la propriété aurait besoin d’importantes rénovations pour transformer le couvent en résidence pour personnes âgées, et elle a prévu quelles seraient ces rénovations et ce qu’elles coûteraient, et connaissait les sources dont elle disposait pour financer les travaux.

 

[6]              Après la conclusion de la vente, elle s’est occupée des rénovations nécessaires. Le couvent comptait quatorze chambres. Ces dernières devaient être modifiées, et elle prévoyait en ajouter deux autres plus tard, quand le besoin s’en ferait sentir. Il lui fallait, de plus, ajouter une salle de bains pour personnes handicapées. Il lui a fallu faire d’importants travaux de recâblage, dont l’installation de fils dans chacune des chambres pour le téléphone et la câblodistribution. Il a fallu améliorer dans une large mesure le système électrique afin que ce dernier réponde aux normes du code. Il a fallu rénover considérablement la cuisine pour la transformer en une cuisine de type commercial et la munir d’appareils tels qu’un lave‑vaisselle et des réfrigérateurs commerciaux. Il a fallu aussi aménager une buanderie convenable, dotée de laveuses et de sécheuses commerciales. Elle a dû remplacer toutes les portes intérieures par des portes coupe‑feu. Elle a acheté du matériel et du mobilier de bureau. Il a fallu retirer du sol les conduites de gaz à partir de la rue à cause d’un tuyau d’amenée défectueux. Elle a dû faire aussi d’importants travaux de nivellement et d’amélioration de l’aménagement paysager des pelouses environnantes, et elle a ajouté une grande zone gazonnée où jouer à la pétanque ainsi qu’un grand panneau extérieur annonçant le Foyer Oasis. À l’entrée, les trottoirs ont dû être enlevés et refaits afin que les voies d’entrée soient de niveau. Il a fallu aussi construire, dans certains des lieux d’entreposage communautaires de l’ancien couvent, des locaux de rangement pour les pensionnaires.

 

[7]              Mme Génier a financé tous ces travaux à l’aide de ses économies, d’un prêt hypothécaire sur le couvent et de deux marges de crédit, dont une qui était garantie par sa propre maison. La totalité du produit de l’hypothèque et tous les montants prélevés sur les marges de crédit ont servi à financer l’achat et les rénovations du Foyer Oasis. Aucune de ces sommes n’a servi à des fins personnelles; Mme Génier disposait d’autres fonds pour ses affaires personnelles.

 

[8]              Le Foyer Oasis a ouvert en octobre 2000. Plus de 225 personnes se sont présentées à la cérémonie d’ouverture. Un pensionnaire y a emménagé le premier jour, un autre s’est inscrit le même jour et y a emménagé une semaine plus tard, et un troisième allait s’y installer deux semaines plus tard. Ces trois personnes faisaient partie de la liste initiale de 25 pensionnaires potentiels.

 

[9]              Comme on pouvait s’y attendre, le Foyer Oasis était doté de personnel 24 heures sur 24. Mme Génier employait six personnes à temps plein : deux pour la cuisine, une pour le lavage, deux pour l’entretien ménager et une pour l’entretien général.

 

[10]         Les pensionnaires du Foyer Oasis payaient 1 200 $ par mois, ce qui correspondait aux projections initiales de Mme Génier. En échange, ils avaient droit à une chambre privée, à un lieu de rangement, à trois repas et à deux collations par jour, à des services de blanchissage et d’entretien ménager, à la câblodistribution et au téléphone.

 

[11]         Malheureusement pour Mme Génier, le succès avec lequel le Foyer Oasis attirait des pensionnaires a été de courte durée. Dans la collectivité, des rumeurs commençaient à circuler au sujet de la situation de conflit d’intérêts dans laquelle elle s’était mise en exploitant à la fois une résidence pour personnes âgées et un salon funéraire, et – circonstance connexe peut-être – certains exprimaient des préoccupations au sujet du caractère adéquat des repas[1].

 

[12]         Malgré cela, Mme Génier a continué de faire de la publicité concernant le Foyer Oasis, obtenant, notamment, une couverture favorable dans la presse locale.

 

[13]         En mai 2001, n’ayant toujours que trois pensionnaires et ne générant pas assez de revenus pour payer les factures de chauffage pour l’hiver, elle a décidé de fermer les portes et de mettre fin aux activités. Les trois pensionnaires ont pu être placés dans d’autres résidences avant le 31 mai 2001. Elle a sans tarder confié la vente de la propriété à un courtier, le prix demandé étant de 450 000 $. Lorsque cette inscription a expiré en décembre 2001, tous les habitants de Cochrane savaient bien que la propriété, après avoir subi de grands travaux de rénovation et après une brève période d’exploitation, était à vendre. La propriété, située en ville, sur une colline, à côté de l’église, était bien visible, et elle avait été annoncée dans les journaux ainsi que dans les médias habituels dans le domaine immobilier. Il y avait des panneaux « À vendre » devant la propriété ainsi que dans l’une de ses fenêtres. Après l’expiration de l’inscription immobilière, elle a mis ses propres panneaux « À vendre » sur le terrain. Elle a fait une nouvelle inscription en juin 2002 et baissé le prix à 359 000 $. En octobre 2002, elle a réduit le prix à 295 000 $, après avoir consulté son agent immobilier. Elle était impatiente de vendre la propriété dès le début à cause des dépenses qu’elle lui occasionnait. Cette inscription a expiré en décembre 2002 et elle n’a pas été renouvelée. L’intérêt de l’agent à l’égard de la propriété s’est estompé; ce dernier se trouvait assez loin de Cochrane, au bureau de New Liskeard du courtier. Il a recommandé que Mme Génier envisage de vendre la propriété par elle‑même ou qu’elle recoure aux services d’un courtier local, qui pourrait, entre autres choses, se présenter sans délai pour faire visiter la propriété.

 

[14]         Mme Génier a aussitôt commencé à offrir la propriété à titre privé. Non seulement elle comptait sur les panneaux de vente et la connaissance qu’avaient les habitants de l’endroit que la propriété était à vendre mais elle a annoncé la propriété dans des journaux à l’extérieur de Cochrane, aussi loin que Timmins, où les annonces pouvaient être ciblées économiquement. La propriété a été annoncée sur divers sites Internet, dont eBay et Kijiji Sudbury. Elle a également inscrit la propriété auprès de courtiers s’occupant de la vente d’entreprises.

 

[15]         Durant cette période, la propriété a été montrée à d’éventuels acheteurs de 25 à 50 fois et, même si aucune offre écrite n’a été reçue, il y a eu un certain nombre de propositions verbales et de manifestations d’intérêt. Mme Génier a reçu des offres ou des manifestations d’intérêt à des prix atteignant 395 000 $, mais il n’y a pas eu de suite à cause de problèmes de financement ou de zonage ou d’autres difficultés.

 

[16]         Pendant que la propriété était offerte en vente à titre privé, la section locale de l’Association pour l’intégration communautaire s’est montrée vivement intéressée. L’Association envisageait de vendre les maisons qu’elle possédait dans la région et de regrouper ses services dans la propriété nettement plus grande du Foyer Oasis. On ne sait pas avec certitude quand l’Association a fait part pour la première fois de son intérêt à l’égard de la propriété et quand elle a fait la première de ses visites. Durant ces visites, elle a évalué en détail le caractère adéquat des projets et des travaux de rénovation qui seraient nécessaires pour assurer un accès complet à des personnes handicapées. Plusieurs responsables de l’Association, dont au moins un membre du conseil d’administration, ont examiné les lieux.

 

[17]         Au milieu du mois de février 2004, le directeur administratif de l’Association a écrit à Mme Génier une lettre de suivi dans laquelle il s’enquérait des coûts d’occupation et demandait officiellement le prix d’achat de la propriété. Lors des premières visites, Mme Génier n’avait indiqué qu’une fourchette de prix.

 

[18]         Mme Génier a répondu sans tarder à cette lettre, disant que le prix demandé était de 390 000 $, soit moins que le prix demandé lors de l’inscription initiale. Elle a également répondu aux questions concernant les coûts d’occupation et le coût des services d’utilité publique. L’Association a négocié verbalement un prix de 350 000 $.

 

[19]         Par la suite, l’Association a soumis une proposition de financement au ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario pour son projet d’achat de la propriété de Mme Génier et l’emménagement dans celle‑ci. Il n’y a pas lieu de croire que l’Association n’a pas proposé d’acheter la propriété à un prix d’environ 350 000 $. Le directeur administratif de l’Association a rencontré des représentants du ministère des Services sociaux et communautaires pour en discuter. L’autre membre du conseil qui a pris part à ce processus était un ancien maire de Cochrane, qui était de bonne réputation et reconnu comme intègre. Pour toutes ces raisons, Mme Génier, raisonnablement, s’est sentie à l’aise pour continuer de négocier avec l’Association dans l’espoir qu’une vente se concrétiserait. Le ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario a rejeté la proposition de l’Association pour des raisons qui n’avaient absolument rien à voir avec la propriété. La lettre que le ministre a envoyée à Mme Belair était datée d’août 2004. Elle n’a été communiquée à Mme Génier qu’au stade de la préparation en vue de l’audience. En fait, l’Association n’a pas mis une croix sur son projet à ce moment‑là, même si Mme Belair ne s’en est pas souvenue ou ne le savait peut-être même pas à l’époque. L’Association a continué à s’intéresser à la propriété, comme en témoigne la lettre de fin septembre 2004 que Mme Génier a envoyée au directeur administratif de l’Association. Dans cette lettre, elle dit répondre à la demande que lui avait faite ce dernier d’envisager de louer la propriété à l’Association. Elle indique un montant de loyer net mensuel pour la propriété et offre un bail avec option d’acheter selon lequel 80 % du loyer mensuel serait déduit du prix d’achat. Mme Génier se souvient que l’Association a continué longtemps après cela de s’intéresser à la propriété, et qu’elle a continué d’espérer durant un long moment.

 

[20]         Mme Belair a confirmé que tous dans la région savaient que la propriété était à vendre à cause du panneau « À vendre » posé bien en vue sur cet établissement institutionnel et à cause de l’emplacement central de ce dernier dans la ville.

 

[21]         On ne sait pas avec certitude quand l’Association a finalement cessé de s’intéresser à la propriété. J’admets toutefois que Mme Génier a continué de croire qu’il valait la peine de poursuivre les démarches auprès de l’Association et qu’elle les a effectivement poursuivies auprès des dirigeants de cette association jusqu’en 2005.

 

[22]         En septembre 2005, Mme Génier a de nouveau mis en vente la propriété, par l’intermédiaire du courtier initial, jusqu’en décembre 2006. Cependant, cette fois‑ci, elle a fait l’inscription auprès de l’un de ses agents à Cochrane. Le prix demandé était de 249 900 $. Cette inscription a été renouvelée en novembre 2006 pour une année supplémentaire, auprès du même courtier. Pendant que la propriété était inscrite auprès de ce courtier, Mme Génier a continué d’annoncer elle‑même la propriété sur Internet, même si une vente privée serait assujettie aux conditions de l’entente d’inscription exclusive. Au cours de cette période, elle a également baissé le prix à 225 000 $, et ensuite à 189 000 $.

 

[23]         Elle a plus tard annoncé la propriété à Toronto et à Ottawa, ainsi que sur le site MLS.ca. Des personnes sont entrées en contact avec elle d’aussi loin que Toronto. Pendant la durée de l’inscription, elle a reçu des offres d’achat en vue de la démolition du bâtiment et de la vente des quatre terrains sur lesquels il était bâti; l’une de ces offres provenait de la Ville de Cochrane elle‑même.

 

[24]         Elle a demandé aux agents auxquels avait été confié le mandat de vendre ce qu’elle pouvait faire pour que la propriété puisse se vendre plus facilement et ils ont généralement répondu que tant qu’elle était disposée à être souple sur le prix il n’y avait pas grand‑chose d’autre qu’elle pouvait faire.

 

[25]         Au moment où l’audience a eu lieu, Mme Génier avait signé un contrat prévoyant la vente de la propriété au prix de 175 000 $, mais la conclusion de la vente était subordonnée à l’obtention du rezonage nécessaire.

 

[26]         Pendant la période où la propriété était à vendre et où elle n’y exerçait plus ses activités commerciales, Mme Génier a tenté de réduire ses frais de possession en louant la propriété. Parfois, elle a pu toucher un modeste loyer, et les locataires étaient également tenus d’acquitter les frais des services d’utilité publique; à d’autres occasions, elle a pu obtenir uniquement que les locataires paient les frais des services d’utilité publique. Elle a aussi loué à quelques reprises la propriété pour des activités spéciales de courte durée, et elle a réussi, une fois, à louer plusieurs des petites chambres durant un an à un cabinet de professionnels qui avait besoin de locaux temporaires pendant que se déroulaient les travaux de construction de son nouveau bâtiment.

 

[27]         Il n’y a aucune preuve – ni aucun élément qui me permette d’inférer – que Mme Génier ne voulait pas, d’une manière générale, vendre la propriété au cours de cette période et qu’elle était plutôt intéressée à conserver cette dernière pour réaliser une plus grande plus‑value, et ce, aux dépens des contribuables en général grâce à la déduction de ses pertes.

 

[28]         Au cours des années en question, Mme Génier a déclaré à l’égard du Foyer Oasis des pertes nettes variant entre 25 000 $ et 30 000 $, composées principalement d’intérêts, de taxes foncières et de frais de services d’utilité publique.

 

 

Analyse

 

[29]         Il ressort clairement des hypothèses de fait de l’intimée, de la lettre de proposition de vérification de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et de l’avis de ratification faisant suite aux oppositions de Mme Génier que les fonctionnaires de l’ARC ont établi une nouvelle cotisation à l’égard des années 2003 à 2005 sans vraiment y réfléchir davantage, après avoir découvert que les activités ordinaires de l’entreprise, c’est‑à‑dire l’exploitation d’une résidence pour personnes âgées, avaient pris fin au milieu de l’année 2001. Les oppositions ont été immédiatement suivies d’une ratification pour la même raison, même si, dans les observations présentées aux sections de la vérification et des appels de l’ARC, on expliquait en détail les efforts constants qui avaient été faits pour vendre la propriété après la cessation des activités ordinaires. L’ARC avait manifestement tort. Il n’est tout simplement pas conforme à la Loi de l’impôt sur le revenu, à la façon dont celle-ci a été interprétée par les tribunaux ou aux réalités des entreprises canadiennes, grandes ou petites, de conclure qu’une fois que les activités ordinaires d’une entreprise prennent fin, la totalité de ses éléments d’actif deviennent des éléments d’actif non commerciaux ou personnels. La règle générale est la suivante : les frais de fermeture d’une entreprise sont des frais d’entreprise déductibles, et cela est tout simplement indéniable. Ce serait absurde s’il en était autrement. Il est tout bonnement inacceptable que des agents de vérification et des agents des appels de l’ARC disent sommairement le contraire à des gens d’affaires canadiens.

 

[30]         Il est surprenant que des vérificateurs de dossiers d’entreprise de l’ARC puissent se tromper au sujet d’une prémisse fiscale aussi fondamentale. Que des agents des appels de l’ARC puissent rejeter une opposition relative à ce point est tout simplement inexcusable. Les entreprises canadiennes s’attendent à mieux que cela, et elles le méritent. Les Canadiens ont droit à une fonction publique professionnelle et formée, et ils paient pour que ce soit le cas.

 

[31]         À l’audience, l’intimée a sagement renoncé aux positions des agents de vérification et des agents des appels de l’ARC ainsi qu’à celle de l’agent de l’ARC qui avait rédigé la réponse. L’avocate de l’intimée a plutôt mis l’accent sur la question de savoir si Mme Génier avait agi de manière raisonnable dans sa façon d’essayer de vendre la propriété et de réduire ses pertes constantes après la cessation des activités ordinaires. Toutefois, en l’espèce, rien ne donne à penser qu’il y a eu une utilisation de la propriété à des fins personnelles ou qu’il y a eu une autre raison évidente pour continuer à détenir cette dernière. De plus, il n’y a aucune preuve permettant d’inférer que Mme Génier conservait la propriété pour pouvoir continuer à réaliser des plus‑values en capital. Dans une telle situation, l’ARC n’a pas à mettre en doute les décisions que prennent les Canadiens en matière d’affaires et d’investissements commerciaux. Comme je l’ai écrit dans la décision Central Springs Limited v. The Queen, 2010 TCC 543 :

 

[traduction]

 

34        À plusieurs reprises, les tribunaux ont rappelé à l’ARC qu’elle n’est pas habilitée à trouver à redire aux décisions commerciales qui sont mises en œuvre légalement. Voir, par exemple, Gabco Ltd. v. M.N.R., 68 DTC 5210 (C. de l’É.) et Jolly Farmer Products Inc. c. La Reine, 2008 CCI 409, 2008 DTC 4396 (CCI).

 

[32]         Mme Génier a peut‑être bien commis quelques erreurs sur le plan commercial, mais c’était son droit. Nombreuses sont les entreprises canadiennes qui ont fait preuve de ce que d’autres, considérant la chose après coup, appellent un mauvais jugement sur le plan commercial et qui ont perdu d’importantes sommes d’argent, et cela inclut des banques et d’autres institutions financières, des entreprises d’exploitation de ressources naturelles et des sociétés de promotion immobilière. Certains, se nommant Eaton, Campeau et Massey, ont perdu leur entreprise à cause de cela. Leurs pertes fiscales n’ont pas été refusées parce qu’ils avaient pris des décisions d’affaires que l’on pourrait prétendre mauvaises. Il ne saurait en être autrement pour les Génier du Canada. Il n’est pas loisible aux fonctionnaires de l’ARC de substituer, après le fait, leur idée de ce qui constitue des décisions raisonnables et valables en matière commerciale ou en matière d’investissements économiques au jugement de ceux qui subissent des pertes. Les hommes et les femmes d’affaires du Canada, qui qu’ils soient, ont le droit de s’en remettre à leur propre jugement et de prendre leurs propres décisions, après mûre réflexion. Certains peuvent être prudents et portés à éviter les risques, d’autres plus audacieux et disposés à prendre des risques. Une fois que l’on a établi que leur activité commerciale ou leur activité d’investissement est une source de revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien, il n’est généralement pas loisible à l’ARC de mettre en doute leur analyse des risques et des avantages, leur tolérance au risque, leur jugement et leurs décisions, et les juges ne devraient pas examiner ces choses. Il ne s’agit pas là du rôle que doit jouer l’ARC ou la Cour, dans des cas où tout se déroule manifestement dans le contexte d’une entreprise et où ne se présente aucun élément d’usage personnel ou d’avantage personnel. Et cela est d’autant plus le cas lorsque l’intimée ne présente aucune preuve à l’appui de son opinion selon laquelle des gens d’affaires véritables, raisonnables et sensés n’agiraient pas de la sorte.

 

[33]         Dans l’arrêt Brian J. Stewart c. La Reine, 2002 CSC 46, 2002 DTC 6969, la Cour suprême du Canada écrit ceci :

 

50        Il est manifeste que, pour que l’art. 9 s’applique, le contribuable doit d’abord déterminer s’il a une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien. Comme nous l’avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d’un bien. De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d’un bien, mais sont uniquement des activités personnelles. On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l’existence d’une source :

 

(i)         L’activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s’agit-il d’une démarche personnelle?

 

(ii)        S’il ne s’agit pas d’une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

 

Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s’il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d’entreprise ou de bien.

 

[34]         La première étape dans l’analyse à entreprendre d’après l’arrêt Stewart consiste à établir une distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles mais, selon la Cour suprême du Canada, cette analyse ne s’impose que dans les cas où l’activité en question comporte un aspect personnel ou qu’elle a le caractère d’un passe‑temps : voir les paragraphes 52 et 53 des motifs de la Cour.

 

[35]         Dans la décision Langille c. La Reine, 2009 CCI 398, 2009 DTC 1262, j’ai écrit ce qui suit au sujet de la déductibilité continue des dépenses liées à une entreprise une fois que les activités ordinaires de cette dernière avaient pris fin et pendant qu’elle était en période de liquidation et qu’elle poursuivait la liquidation d’une manière raisonnable sur le plan commercial et d’une manière logique et ordonnée :

 

9          Je conclus que les pertes commerciales nettes déclarées par M. Langille en 1999, 2000 et 2001 étaient légitimement déductibles. Il ressort des éléments de preuve, qu’une démarche logique, raisonnable et tout à fait solide sur le plan commercial a été suivie en vue de la liquidation des actifs de la ferme laitière à la suite de la cessation des activités commerciales. Il n’est pas déraisonnable de penser que la disposition d’environ 3 000 acres de terres agricoles dans la vallée de l’Annapolis, après que l’on eut conclu qu’une entreprise commerciale agricole n’était plus viable, ne se ferait pas du jour au lendemain. Le contribuable a pris des décisions commerciales sur la façon de liquider et de maximiser son produit, minimisant ainsi les dépenses entraînées par la fermeture, et ce, conformément aux conseils qu’il avait reçus. Il a constamment cherché à commercialiser et à vendre les terres qu’il lui restait et il ne s’est pas servi de celles-ci à ses fins personnelles. Vu les circonstances, on ne saurait revenir sur cette conclusion : il était raisonnablement possible de procéder avec succès à la liquidation de l’entreprise d’une façon commerciale pendant la période allant de 1988 ou 1989 à 2001.

 

10        Le juge C. Miller a retenu cette méthode en ce qui concerne les dépenses engagées au cours de la période de liquidation d’une entreprise qui a cessé ses activités dans l’affaire Heard c. Canada, [2001] 4 C.T.C. 2426 (voir particulièrement le paragraphe 15). Cette jurisprudence a été suivie par le juge Hershfield dans la décision Mikhail c. Canada, [2002] 2 C.T.C. 2612 (au paragraphe 34). Ces deux jurisprudences gardent toute leur pertinence même si elles sont antérieures à l’arrêt Stewart, dans lequel la question du critère de l’« expectative raisonnable de profit » a été examinée (Brian J. Stewart c. La Reine, [2002] 2 R.C.S. 645, 2002 CSC 46, 2002 DTC 6969).

 

11        Ainsi que je l’ai observé dans la décision Caballero c. La Reine, 2009 CCI 390, au paragraphe 6 :

 

Aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), il est possible de commencer à exploiter une entreprise avant le début de ses activités. On peut s’attendre à ce qu’au cours de son existence, une entreprise ait différents types et niveaux d’activités. Les activités menées par une entreprise pendant les phases de démarrage et de fermeture peuvent être très différentes de ses activités pendant la phase d’exploitation. Il se peut même qu’une entreprise soit relativement inactive si ses activités normales sont interrompues.

 

En l’espèce, je conclus que l’entreprise en cause a continué à être exploitée au cours de l’année en question dans le cadre de la liquidation des activités agricoles qu’elle a cessé d’exercer.

 

12        Ainsi que l’enseigne l’arrêt South Behar Railway Company Limited c. I.R.C., [1925] A.C. 476, à la page 488 : [TRADUCTION] « Exploiter une entreprise ne consiste pas seulement à se livrer à des activités; dans bon nombre d’entreprises, on observe de longues périodes d’inactivité ». Dans cette affaire, la Chambre des lords a décidé que l’entreprise en question continuait d’être en exploitation même si ses activités avaient grandement diminué.

 

13        La thèse de l’intimée est qu’au cours des années 1999, 2000 et 2001, le contribuable n’exploitait tout simplement pas une entreprise agricole. Son activité au cours des années en question ne démontre pas qu’il exploitait véritablement une telle entreprise. L’intimée n’a pas accordé d’importance aux importantes activités qui avaient été exercées dans le passé dans le cadre de la ferme commerciale. L’ARC n’a tenu compte que de ce qui s’est passé entre 1999 et 2001 ou a estimé que les activités exercées au cours de ces années reflétaient le passé agricole de M. Langille. Pour reprendre les termes employés par le témoin de l’ARC, ce passé agricole était tellement éloigné qu’on n’en a tout simplement pas tenu compte. Le témoin de l’ARC ignorait par ailleurs que des terres étaient régulièrement vendues depuis 1988. En conséquence, aux yeux de l’intimée, ces pertes ne résultaient pas des dépenses engagées pour la fermeture de l’entreprise.

 

14        En principe, il n’y a aucune raison pour que les dépenses engagées à l’occasion de la fermeture d’une entreprise après la cessation des activités de cette dernière cessent d’être des dépenses d’entreprise déductibles dans des circonstances commerciales habituelles. S’il en était autrement, les entreprises canadiennes, qu’il s’agisse par exemple de fabricants, d’usines ou de mines, se verraient refuser une partie probablement importante des dépenses afférentes à leurs revenus imposables. Une telle situation serait injuste et on ne trouve d’ailleurs dans la Loi de l’impôt sur le revenu aucune disposition qui poserait cette règle en principe général. Bien qu’aucun élément de preuve n’ait été produit à ce sujet, je doute fort qu’une telle idée soit conforme aux principes commerciaux habituels ou aux principes comptables généralement reconnus au Canada.

 

15        Sa Majesté soutient qu’après la cessation des activités de production laitière ou du moins au cours des années en question, l’appelant a détenu les terrains pour son usage personnel ou comme placement. Il n’y a aucun élément de preuve qui donne à penser que les terrains qui étaient encore inscrits en vente servaient à des fins personnelles ou servaient à l’usage personnel de leur propriétaire. Pour que je puisse conclure que les terres n’étaient plus liées à la fermeture de l’entreprise laitière et qu’on en avait modifié l’usage pour en faire un actif immobilisé, il faudrait à tout le moins qu’on me démontre que le contribuable n’était pas en train de mener à terme de manière raisonnable la disposition des actifs agricoles. Les éléments de preuve produits ne vont pas en ce sens et, lorsqu’une entreprise ne comporte pas un élément personnel ou ne peut être qualifiée de simple passe‑temps, il n’appartient pas à l’ARC de critiquer après coup ou de faire abstraction des décisions d’affaires prises par des propriétaires d’entreprise au sujet de leur entreprise si ces décisions ne sont pas déraisonnables.

 

16        Suivant la thèse de l’intimée, l’article 45 aurait joué à un moment donné au cours du changement d’orientation donné par M. Langille, qui avait délaissé une utilisation générant des revenus pour une utilisation ne produisant pas de revenus ou une utilisation commerciale générant des revenus pour une utilisation produisant des revenus de biens. Aucun élément de preuve ne donne à penser que la propriété a cessé d’être détenue ou utilisée en vue de produire ou de tirer un revenu d’entreprise. Sa Majesté n’a pas plaidé l’article 45.

 

[36]         Cela concorde tout à fait avec les décisions que la Cour a rendues antérieurement dans les affaires suivantes : Mikhail c. Canada, [2002] A.C.I. nº 145 (QL), [2002] 2 C.T.C. 2612, Raegele c. Canada, [2002] A.C.I. nº159 (QL), [2002] 2 C.T.C. 2955, Baird c. La Reine, 2010 CCI 316, MacIntyre c. La Reine, 2010 CCI 277, Heard c. Canada, [2001] A.C.I. nº554 (QL), [2001] 4 C.T.C. 2426 et Nadoryk c. La Reine, 2001‑1521(IT)I, 2001‑1522(IT)I, 5 septembre 2002, 2002 DTC 2044.

 

[37]         L’argument principal de l’intimée est que le prix exorbitant de 450 000 $ que demandait Mme Génier au départ et l’absence d’une entente d’inscription conclue avec une agence immobilière pendant la majeure partie de la période en question montrent qu’elle ne prenait pas des mesures raisonnables en vue de la vente du Foyer Oasis, de sorte que ni le fait que l’appelante continuait d’être propriétaire du bien ni ses efforts pour le vendre n’étaient plus liés à l’entreprise de résidence pour personnes âgées qu’avait été le Foyer Oasis. Il a été soutenu qu’elle cherchait plutôt la réalisation future d’un gain en capital. Il m’est impossible d’arriver à la même conclusion. Avec du recul, on voit que Mme Génier a peut‑être été aussi malavisée en fixant son prix de vente initial qu’elle a pu l’avoir été tout simplement en ouvrant son entreprise, mais elle a sans hésiter baissé le prix tous les six mois environ et, au début d’octobre 2002, le prix annoncé était de 295 000 $.

 

[38]         Le prix demandé n’était rien de plus que cela – le prix qu’elle demandait; il est évident que ce prix a toujours été négociable. En fait, elle a rapidement commencé à baisser le prix sur la recommandation de ses agents et, à la fin de 2002, le prix qu’elle demandait se comparait avantageusement à celui demandé pour l’ancien couvent, qui avait été 269 000 $ avant les grands travaux de rénovation et d’amélioration qu’a fait faire Mme Génier. De plus, à la fin de l’année 2005, elle avait réduit son prix à moins de 250 000 $.

 

[39]         Durant les périodes où la propriété n’a pas été inscrite auprès d’un agent, Mme Génier a continué de l’annoncer un peu partout, et dans toute la région de Cochrane on savait toujours qu’elle était encore à vendre. C’est au cours de cette période que l’Association pour l’intégration communautaire s’est montrée intéressée par la propriété. Le fait que, quand l’Association n’a pas pu acheter la propriété et envisageait de la louer, Mme Génier lui a offert une entente de bail avec option d’achat confirme que celle‑ci continuait de vouloir vendre la propriété au complet aussi vite qu’elle pouvait raisonnablement le faire.

 

[40]         La propriété était un complexe résidentiel institutionnel à usage particulier situé dans une ville du nord de l’Ontario. On ne pouvait pas s’attendre à ce qu’elle se vende très rapidement. Il lui fallait un acheteur particulier, comme l’Association pour l’intégration communautaire, ou une personne intéressée à exploiter un petit hôtel, un gîte touristique, une maison de chambres, un foyer pour personnes ayant des besoins particuliers ou un foyer de groupe, ou un organisme quelconque s’intéressant au logement communautaire. Il était possible de transformer la propriété en bureaux professionnels ou en centre de traitement résidentiel, ou elle pouvait être transformée en vue d’une utilisation religieuse, en raison de sa chapelle et de ses petites chambres qui pouvaient convenir à des bureaux et à des salles de classe.

 

[41]         Nous n’avons pas affaire en l’espèce à une contribuable qui conserve un bien dont la valeur a diminué, dans l’espoir de réaliser ultérieurement un gain en capital et ainsi récupérer son investissement.

 

[42]         Il n’y a aucune notion du caractère raisonnable qui donnerait à penser que, dans ces circonstances, le recours aux services d’un agent immobilier était nécessaire. Il semble illogique qu’il existe une présomption ou un principe général qui exigerait que des contribuables engagent des frais additionnels. La question du caractère raisonnable des efforts de liquidation doit être tranchée en fonction de circonstances et de faits particuliers. En l’espèce je suis convaincu que, pendant toute la période de 2003 à 2005, Mme Génier a continué de chercher à vendre la propriété, et ce, d’une manière ordonnée, logique, raisonnable et sensée sur le plan commercial.

 

[43]         Je conclus qu’au cours de la période allant de 2003 à 2005, les frais de possession que continuait d’avoir Mme Génier relativement à la propriété ont continué d’être déductibles à titre de dépense associée à l’exploitation de l’entreprise Foyer Oasis.

 

[44]         Dans son contre‑interrogatoire et sa plaidoirie, l’intimée a mis en doute que les marges de crédit de Mme Génier, qui étaient liées au Foyer Oasis, aient été utilisées uniquement aux fins de l’entreprise. L’intimée mettait en doute le montant des intérêts déduits à l’égard de ces marges de crédit.

 

[45]         Après avoir entendu la preuve, et en particulier les réponses que Mme Génier a données en contre‑interrogatoire, dans lesquelles elle a pu rendre compte, de mémoire, d’environ 90 % du montant en question en mentionnant des rénovations précises et leur coût approximatif, je suis persuadé que les montants tirés sur les marges de crédit ont été, comme l’a dit Mme Génier durant l’interrogatoire principal, entièrement utilisés pour payer les rénovations et frais de possession liés à l’entreprise Foyer Oasis et qu’ils n’ont jamais été utilisés à des fins personnelles. La seule preuve d’un chevauchement quelconque du financement de son entreprise et de ses finances personnelles est le fait qu’elle a hypothéqué sa propre maison pour garantir les marges de crédit obtenues pour Foyer Oasis.

 

[46]         Les comptables de la contribuable ont néanmoins contribué aux doutes de l’intimée en déclarant les intérêts non pas comme une dépense d’entreprise dans la déclaration initiale de la contribuable mais comme des intérêts payés sur de l’argent emprunté pour faire des investissements. La preuve me convainc qu’il s’agissait là, dès le départ, d’une qualification inexacte.

 

[47]         Pour ces motifs, l’appel est accueilli avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de décembre 2010.

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 641

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-2475(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              HUGUETTE GÉNIER c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEUX DE L’AUDIENCE :                Kapuskasing (Ontario)

                                                          Ottawa, Canada (conférence téléphonique)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Le 30 juin 2010

                                                          Le 29 juillet 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 décembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Paul Mongenais

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Mélanie Sauriol

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Paul Mongenais

 

                          Cabinet :                  Perras Mongenais

                                                          Kapuskasing (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] J’ajoute en passant que ces rumeurs ne cadrent pas avec la situation des salons funéraires des petites villes de l’Amérique du Nord, souvent associés au fournisseur de meubles local qui fabrique les cercueils, et qui étaient souvent associés aussi aux services d’ambulance locaux avant que l’État assume la responsabilité des services ambulanciers. Pour un exemple ontarien dans une affaire dont la présente Cour a été saisie, voir Gilpin Furniture and Funeral Service Limited c. M.R.N., 2009 CCI 192.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.