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Dossier : 2009-1086(IT)G

ENTRE :

YEHOSHUA PERLMAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 octobre 2010 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Thang Trieu

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté des nouvelles déterminations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005 et 2006 relativement à la prestation fiscale canadienne pour enfants est accueilli avec dépens, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23jour de décembre 2010.

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de mars 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur.


 

 

 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 658

Date : 20101223

Dossier : 2009-1086(IT)G

ENTRE :

YEHOSHUA PERLMAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Boyle

 

I. Introduction

 

[1]              En l’espèce, la Cour est appelée à rechercher si l’appelant était résident du Canada aux fins des dispositions relatives à la prestation fiscale canadienne pour enfants ( la « PFCE ») contenues dans la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), pendant la période où l’appelant était à l’étranger pour poursuivre ses études postsecondaires à temps plein et sur une base continue.

 

[2]              La question de la résidence n’avait pas été soulevée lorsque l’appelant a fait l’objet, de la part de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») d’une nouvelle détermination par laquelle elle refusait à l’appelant le droit à la PFCE qu’il avait touchée en 2005 et en 2006. Il n’avait donc pas été tenu compte de cette question au stade de l’opposition et de la confirmation. La question de la résidence a été soulevée pour la première fois dans la présente procédure. Par conséquent, la réponse du ministre, comporte une hypothèse de fait selon laquelle M. Perlman était résident du Canada pendant toute la période pertinente. Il incombe donc au ministre de prouver à la Cour que, suivant la prépondérance des probabilités, M. Perlman n’était pas résident du Canada pendant la période pertinente.

 

[3]              L’ARC avait à l’origine effectué une nouvelle détermination selon laquelle M. Perlman n’avait pas droit à la PFCE, étant donné qu’il n’était pas la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin des enfants en raison de l’alinéa f) de la définition de l’expression « particulier admissible » à l’article 122.6 de la Loi, qui établit une présomption au regard des années en cause, présomption selon laquelle la mère est la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin de l’enfant. M. Perlman a affirmé que son épouse avait produit une déclaration écrite en application de l’article 6301 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement »), selon laquelle elle n’était pas la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin des enfants. Il ressort des éléments de preuve que des problèmes de santé temporaires avaient eu une incidence importante sur la capacité de la mère à être la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin des enfants pendant la période en cause.

 

[4]              L’ARC avait déclaré, par sa réponse, qu’étant donné que la mère n’était pas résidente du Canada, elle ne pouvait pas produire une déclaration valide au titre de l’article 6301 du Règlement. M. Perlman s’était marié avec une citoyenne américaine et résidente des États‑Unis à l’époque, à New York, juste avant d’entamer ses études à l’étranger. L’épouse de l’appelant n’avait jamais résidé au Canada. À l’audience, l’intimée a renoncé à invoquer cet argument et a convenu que, au moins pour les besoins de l’espèce, l’article 122.6 de la Loi et l’article 6301 du Règlement n’imposent pas à la mère une exigence de résidence pour que la déclaration soit valide. Cette conclusion semble découler clairement de la simple lecture de ces deux dispositions. Même si les non-résidents ne peuvent pas être des particuliers admissibles, il faut tenir compte des conjoints non résidents des particuliers admissibles dans la détermination de l’admissibilité à la PFCE.

 

[5]              L’argument suivant de l’ARC consistait dans le fait que, même si la mère n’était pas la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin des enfants selon la déclaration produite, cela ne signifiait pas que son époux, le père des enfants, était obligatoirement la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin des enfants, et l’appelant devait en produire la preuve. D’un point de vue technique, l’argument de l’ARC est correct compte tenu du libellé de la disposition qui établit la présomption, même si, pour réfuter la présomption, la mère doit déclarer que le père est la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin des enfants. En l’espèce, il suffit de noter qu’il n’y a pas de preuve de l’existence d’une troisième personne dans cette relation familiale. L’intimée a sagement pris la décision de renoncer à cet argument dès le début de l’audience.

 

[6]              Il s’ensuit qu’il faut seulement rechercher si M. Perlman résidait au Canada comme l’exige l’alinéa 122.6(1)c) de la définition de « particulier admissible ». Pour avoir droit à la PFCE relativement aux années 2005 et 2006, l’appelant doit avoir été résident du Canada pour les « années de base » 2003 et 2004. En outre, le fardeau de la preuve incombe à la Couronne en l’espèce.

 

 

II. Les preuves

 

[7]              M. Perlman a témoigné pour son propre compte. Il n’a appelé aucun autre témoin. La Couronne n’a pas appelé de témoins.

 

[8]              M. Perlman est né, a grandi et a étudié à Toronto. Il est constant qu’il a résidé au Canada et seulement au Canada jusqu’à 22 ans, âge auquel il a quitté le pays pour se marier et pour poursuivre ses études.

 

[9]              D’après son témoignage, l’appelant a toujours eu l’intention de retourner au Canada une fois ses études terminées. Son plan initial était de poursuivre ses études pendant au moins deux ans. À la fin des deux premières années, compte tenu de son intérêt, de ses aptitudes et de son succès, il avait décidé de poursuivre des études supérieures dans le même domaine à l’étranger. Durant son absence du Canada, il avait reçu une offre d’emploi pour un poste de professeur de faculté, offre qu’il avait reportée jusqu’à l’obtention du titre qu’il recherchait. Il devrait obtenir ce titre dans les prochains mois, et il a l’intention de rentrer au Canada et d’accepter l’offre du poste de professeur de faculté ou un poste semblable. Il ne ressort d’aucun élément de preuve que, depuis son départ du Canada, l’appelant a déjà eu une intention autre que celle de rentrer au Canada dès la fin de son apprentissage.

 

[10]         L’établissement d’enseignement fréquenté par M. Perlman pendant les années en cause est situé à Jérusalem, dans l’État d’Israël. M. Perlman poursuivait des études talmudiques et rabbiniques ainsi que des études de droit de la famille juif. Il ressort des éléments de preuve qu’il n’y a pas de programme d’études comparable au Canada ni ailleurs qu’en Israël. L’appelant a déclaré qu’ils étaient, lui et sa famille, « ultraorthodoxes ». Il compte devenir rabbin au cours des cinq prochains mois. M. Perlman a la chance d’être soutenu dans études par ses parents et ses beaux-parents.

 

[11]         Pendant tout le temps que M. Perlman est resté en Israël, ses parents ont gardé un grand appartement situé dans le sous-sol de leur grande maison familiale à Toronto, et cet appartement est indépendant, meublé et réservé à l’usage exclusif de M. Perlman, de son épouse et de ses enfants. C’est là que l’appelant et sa famille gardent leurs effets personnels et qu’ils séjournent lorsqu’ils sont à Toronto. Compte tenu des études poussées que poursuivait l’appelant, des problèmes de santé récents de son épouse et d’une jeune famille qui ne cessait de s’agrandir, les Perlman n’étaient retournés en famille à Toronto qu’une fois par année, bien que l’appelant soit revenu seul de temps en temps.

 

[12]         En Israël, les beaux‑parents de M. Perlman ont acheté un appartement pour l’appelant et sa famille. Au départ, il s’agissait d’un appartement loué, mais les beaux‑parents de l’appelant ont acheté l’appartement pour lui et sa famille, car ils considéraient qu’il était plus avantageux d’un point de vue économique d’acheter un appartement à Jérusalem, étant donné le prix élevé des loyers là-bas. M. Perlman n’a jamais envisagé de vivre dans cet appartement dont il est propriétaire ou dans un autre endroit en Israël une fois qu’il aurait terminé ses études. Il vit là avec son épouse et ses enfants. L’appartement de Jérusalem est meublé et arrangé comme une maison familiale ultraorthodoxe traditionnelle ou classique. Les enfants vont à l’école en Israël et les Perlman ont des médecins et des dentistes israéliens ainsi qu’une assurance maladie israélienne privée. M. Perlman fréquente une synagogue à Jérusalem.

 

[13]         M. Perlman détient des comptes bancaires au Canada, un compte REEE canadien pour ses enfants et un compte de placement important géré par une maison de courtage canadienne, et ce compte de placement lui rapporte des intérêts et d’autres revenus de placement. L’appelant détient aussi un compte bancaire en Israël pour les besoins de la vie quotidienne. M. Perlman ne possède pas de carte de crédit émises à l’étranger. Il reçoit une modeste allocation de son établissement d’enseignement, et son épouse a de temps en temps travaillé en Israël pendant les études de l’appelant.

 

[14]         M. Perlman est citoyen canadien et seulement citoyen canadien. Son seul passeport est un passeport canadien. Son statut en Israël est celui d’étudiant. Lorsqu’il a quitté le Canada, il ne semble pas que M. Perlman ait pris des mesures qui donneraient à penser qu’il avait l’intention de couper ses liens avec le Canada, et il n’a pas non plus laissé tomber ces liens pendant son absence. Il a gardé ses comptes bancaires, ses cartes de crédit, son coffre fort, ses relations, son assurance maladie provinciale, etc. Il a laissé dans sa maison de Toronto tous les biens qu’il avait accumulés, des biens comme peut en avoir une personne de 22 ans, sauf ses livres personnels de philosophie talmudique, biblique et juive ainsi que ses livres de droit judaique. M. Perlman a gardé des liens spirituels et religieux étroits avec sa synagogue de Toronto. Ses rabbins et mentors qui l’avaient encouragé à poursuivre ses études rabbiniques se trouvent à Toronto.

 

[15]         Depuis son départ du Canada, l’appelant a continué à voter aux élections canadiennes, il est devenu membre d’un parti politique canadien et a été désigné responsable adjoint par l’Ambassade du Canada en Israël. Il a continué à entretenir des relations avec sa communauté religieuse à Toronto et a obtenu une offre d’emploi pour un poste de professeur de faculté. Il n’a jamais voté en Israël et il sait qu’il n’a pas le droit de le faire.

 

[16]         L’appelant a toujours produit sa déclaration de revenus canadienne en tant que résident qui déclare son revenu mondial, y compris son revenu de placement canadien. L’ARC a établi une cotisation à l’égard de l’appelant en sa qualité de résident du Canada pour l’application de la partie I de la Loi, et aucune retenue d’impôt prévue par la partie XIII de la Loi n’a été effectuée relativement à son revenu de placement canadien. L’ARC n’a pas établi de nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour les années en cause ou pour toute autre année, dans laquelle elle aurait considéré l’appelant comme un non-résident du Canada à des fins fiscales. M. Perlman n’a jamais produit de déclaration de revenus israélienne et les autorités fiscales israéliennes ont confirmé ce renseignement par écrit à l’ARC. M. Perlman a reçu et présenté des lettres provenant du ministère de l’Intérieur de l’État d’Israël et confirmant que les enfants de l’appelant ne sont pas considérés comme des citoyens israéliens, même s’ils sont nés en Israël, parce que, selon ce que l’on m’a dit, leurs parents sont considérés comme des étrangers par Israël. Les enfants de l’appelant ont des certificats de naissance canadiens et sont tous les deux citoyens canadiens et citoyens américains.

 

 

III. Le droit

 

[17]         « Le critère juridique applicable en matière de résidence comporte un aspect factuel substantiel », comme l’observe la juge Sharlow dans l’arrêt La Reine c. Laurin, 2008 CAF 58, 2008 DTC 6175. [traduction] « Il a été souvent souligné que la décision quant au lieu ou aux lieux où réside l’intéressé dépend des faits particuliers de l’affaire »; telle est l’observation du juge Cartwright dans l’arrêt Beament c. Minister of National Revenue, [1952] 2 S.C.R. 486, 52 DTC 1183, laquelle est citée par le juge en chef Bowman dans la décison Laurin c. La Reine, 2006 CCI 634, 2007 DTC 236.

 

[18]         La notion de résidence n’est pas définie dans la Loi. Le paragraphe 250(3) de la Loi prévoit que la mention de la résidence au Canada d’une personne vise aussi la personne qui, au moment considéré, résidait habituellement au Canada. La notion de résidence habituelle n’est pas définie dans la Loi.

 

[19]         La jurisprudence a souvant dû se pencher sur le sens à attribuer aux termes « résident » et « résidence habituelle » par l’établissement de critères factuels à tenir en compte et par l’application de ces considérations d’ordre juridique aux faits relatifs aux contribuables concernés.

 

[20]         Les décisions souvent citées de la Cour suprême du Canada sont Thomson c. The Minister of National Revenue, [1946] S.C.R. 209, et Beament. L’ancien juge en chef de la Cour s’est penché sur ces notions dans l’affaire Laurin, et sa décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale. Dans la décision Laurin, le juge en chef Bowman a cité l’observation, souvent reprise, du juge Mahoney de la Cour fédérale relativement à la notion de résidence dans The Queen c. Reeder, 75 DTC 5160.

 

[21]         Dans la version de l’arrêt Thomson publiée dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada, il y a, comme il était alors de coutume, un résumé du droit applicable en matière de résidence, qui reprenait l’argumentation soutenue par l’avocat de l’intimé ayant eu gain de cause. À mon avis, il s’agit, en l’espèce, d’un bon résumé sur le sens à attribuer aux notions de résidence et de résidence habituelle que l’on peut dégager de l’arrêt Thomson, et il n’est pas démenti par l’abondante jurisprudence qui a suivi. En voici le texte:

 

 

          [traduction]

 

Conformément au critère consacré par la jurisprudence Thomson c. Ministre du Revenu national, la question de savoir si une personne réside ou réside habituellement en un lieu est une question de fait. Parmi les faits dont il faut tenir compte, il y a le statut initial et continu de la personne et son mode de vie général. La présence physique continue et ininterrompue n’est manifestement pas nécessaire et l’absence d’une personne pendant une grande partie d’une période d’imposition précise n’empêche pas celle‑ci d’être une résidente, encore moins d’être une résidente habituelle. Lorsque la personne est absente, la question de savoir si son absence constitue une interruption de sa résidence habituelle dépend de la nature et de l’objet de son absence — s’il s’agit d’un abandon de sa résidence ou s’il s’agit d’une absence dictée par une situation extraordinaire, exceptionnelle, temporaire ou s’accompagnant d’une notion de caractère provisoire et de retour. L’entreposage d’effets personnels, le fait de conserver les arrangements bancaires, la présence d’une demeure dans laquelle la personne est libre de retourner malgré l’absence d’intérêt propriétal et l’existence de liens familiaux sont tous des éléments importants qui indiquent un maintien de résidence. Enfin, le comportement de la personne dans son ensemble relativement à son absence, y compris son comportement à son retour, peut être pris en considération pour décider si l’absence de la personne a entraîné la perte de sa qualité de résidente.

 

[22]         On trouve un résumé des facteurs importants à prendre en considération et de leur pertinence dans la décision Reeder:

 

Quoique le défendeur en l’espèce fût totalement étranger à cette vie de riche désoeuvré, et à toute préméditation d’évasion fiscale, les éléments qui servaient dans ces arrêts à déterminer la question de fait de la résidence fiscale s’appliquent aussi en l’espèce. Ces éléments sont notamment :

 

a.       le genre de vie passé ou présent;

 

b.      la régularité et la durée des séjours dans le ressort de la juridiction de la résidence;

 

c.       les liens dans le ressort de cette juridiction;

 

d.      les liens en d’autres lieux;

 

e.       le caractère permanent ou autre des séjours à l’étranger.

 

[23]         Vu que les affaires portant sur la notion de résidence reposent en grande partie sur des faits, il semble presque toujours possible d’opérer une distinction entre les faits d’une affaire passée et ceux de l’espèce ou d’indiquer des faits qui semblent importants dans une affaire et qui le sont nettement moins dans une autre ou qui pourraient l’être en l’espèce.

 

[24]         Il convient de signaler que la Convention fiscale entre le Canada et l’État d’Israël, établie sur le Modèle OCDE de Convention fiscale, contient des règles décisives. La Convention entre le Canada et l’État d’Israël vise M. Perlman, parce que cette convention vise toute personne résidente de l’un ou l’autre État et il ressort clairement des éléments de preuve que M. Perlman est résident du Canada ou de l’État d’Israël. Le terme résident, tel qu’il est employé dans la Convention, n’est toutefois pas défini de la même façon que celui sur lequel la Cour doit se fonder pour déterminer le statut de résident de M. Perlman, étant donné qu’au sens de la Convention, « résident » désigne toute personne qui est de manière générale assujettie à l’impôt sur son revenu mondial en raison de son domicile, de sa résidence, de sa citoyenneté, de son siège de direction, du lieu de sa constitution ou de tout autre critère de nature analogue. Néanmoins, il convient de noter que, selon les règles décisives, si l’intéressé a un foyer d’habitation permanent dans les deux États et qu’il n’est pas possible sur la base des faits de déterminer le pays avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits, la résidence est établie en fonction de la nationalité.

 

[25]         L’ARC a publié le bulletin d’interprétation IT-221R3, Détermination du statut de résident d’un particulier, qui exprime l’interprétation générale de la loi de l’ARC. En voici des extraits :

 

Discussion et interprétation

 

Généralités

 

[...]

 

2. Le terme « résident » n’est pas défini dans la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi). Toutefois, les tribunaux ont maintenu que la question du « statut de résident » relevait du « degré auquel une personne s’installe mentalement et en fait à un endroit ou y maintient ou y centralise son mode de vie habituel, y compris les relations sociales, les intérêts et les commodités ». Dans la détermination du statut de résident d’un particulier pour les besoins de la Loi, il convient également de considérer le paragraphe 250(3), selon lequel toute référence dans cette Loi à une personne résidant au Canada vise aussi une personne qui « réside habituellement » au Canada. Les tribunaux ont jugé qu’un particulier « réside habituellement » au Canada aux fins de l’impôt si le Canada est l’endroit où, dans le cours ordinaire de sa vie quotidienne, il vit de façon régulière, normale ou habituelle. Aussi, afin de déterminer le statut de résidence, il faut dans chaque cas prendre en considération tous les faits pertinents, y compris les liens de résidence avec le Canada ainsi que la durée, le but et la régularité des séjours au Canada de même qu’à l’étranger.

 

[...]

 

Résidence de fait – Départ du Canada

 

Liens de résidence avec le Canada

 

4. Le facteur le plus important à considérer lorsqu’il s’agit de déterminer si un particulier quittant le Canada continue ou non d’en être résident aux fins de l’impôt est celui du maintien ou non de liens de résidence avec le Canada pendant qu’il est à l’étranger. Bien que l’on ne puisse déterminer le statut de résidence d’un particulier qu’au cas par cas et qu’après avoir pris en considération tous les facteurs pertinents, à moins qu’il n’ait, au moment de son départ, rompu tous les liens importants de résidence avec le Canada, ce particulier continue, en règle générale, d’être un résident de fait du Canada et sera donc assujetti à l’impôt canadien sur ses revenus de toutes provenances.

 

[...]

 

6. Lorsqu’un particulier quitte le Canada mais y conserve un logement (possédé ou loué) qui demeure disponible à être occupé par lui, ce logement sera considéré comme un lien important de résidence avec le Canada pendant la durée de son séjour à l’étranger. Toutefois, si le particulier loue à un tiers avec qui il n’a aucun lien de dépendance et à des conditions de pleine concurrence un logement situé au Canada, l’ADRC soupèsera tous les faits en cause (notamment la relation qui existe entre le particulier et le tiers, le marché immobilier au moment où le particulier quitte le Canada et le but du séjour à l’étranger) et elle pourrait alors considérer que le logement n’est pas un lien important de résidence avec le Canada, sauf lorsqu’on le prend en compte avec l’ensemble des autres liens de résidence (voir au numéro 17 un exemple d’une telle situation; voir également le numéro 9 qui traite de l’importance des liens secondaires de résidence).

 

[...]

 

8. De manière générale, on doit considérer dans leur ensemble les liens secondaires de résidence afin d’évaluer l’importance de chacun en soi. Par conséquent, il serait inhabituel qu’un seul lien secondaire de résidence avec le Canada soit considéré comme étant suffisamment important en soi pour conclure que le particulier est un résident de fait du Canada pendant son absence. Les liens secondaires de résidence qui peuvent être considérés pour déterminer le statut de résidence d’un particulier pendant son absence du Canada, sont les suivants :

 

a) les biens personnels au Canada (p. ex., meubles, vêtements, automobiles, véhicules récréatifs);

 

b) les liens sociaux avec le Canada (p. ex., affiliation à des associations récréatives, à des organismes religieux);

 

c) les liens économiques avec le Canada (p. ex., emploi avec un employeur canadien ou participation active dans une entreprise canadienne, et comptes bancaires canadiens, régimes d’épargne-retraite, cartes de crédit et comptes de dépôt de titres au Canada);

 

d) le statut de résident permanent ou un permis de travail approprié au Canada;

 

e) la protection de l’assurance-hospitalisation ou de l’assurance-maladie d’une province ou d’un territoire du Canada;

 

f) un permis de conduire d’une province ou d’un territoire du Canada;

 

g) un véhicule enregistré dans une province ou un territoire du Canada;

 

h) une résidence saisonnière au Canada ou un logement loué dont parle le numéro 6;

 

i) un passeport canadien;

 

j) l’affiliation à des syndicats ou à des associations professionnelles au Canada.

 

9. Parmi les autres liens de résidence que les tribunaux ont pris en compte dans la détermination du statut de résident d’un particulier pendant son absence du Canada et que l’ADRC pourrait, elle aussi, prendre en compte, mentionnons : une adresse postale, un casier postal ou encore un coffre bancaire au Canada, du papier à lettre avec en-tête (y compris les cartes d’affaires) portant une adresse, un numéro de téléphone au Canada ainsi qu’un abonnement à des revues et journaux locaux (canadiens). Ces liens de résidence ont habituellement une importance limitée sauf lorsqu’on les considère conjointement avec d’autres liens de résidence ou avec d’autres facteurs comme ceux qui sont mentionnés au numéro 10.

 

Application de l’expression « résident habituel »

 

10. Dans le cas d’un particulier qui n’a pas rompu tous ses liens de résidence avec le Canada mais qui en est physiquement absent pendant un laps de temps considérable (c’est-à-dire pendant une période de plusieurs mois ou de plusieurs années), les tribunaux ont porté, en règle générale, une attention particulière à l’expression « résident habituel » dans la détermination du statut de résident du particulier pendant son absence du pays. Dans les décisions rendues à cet égard par les tribunaux, la tendance manifeste est de considérer l’absence temporaire du Canada, même si elle est prolongée, comme insuffisante pour se soustraire au critère de résidence à des fins fiscales. Par conséquent, lorsqu’un particulier maintient des liens de résidence avec le Canada pendant son séjour à l’étranger, on évaluera l’importance de ces liens en fonction des facteurs suivants :

 

a) la preuve de l’intention de rompre définitivement les liens de résidence avec le Canada;

 

b) la régularité et la durée des visites au Canada;

 

c) les liens de résidence existant à l’extérieur du Canada.

 

Pour plus de certitude, l’ADRC n’estime pas que l’intention d’un retour au Canada soit, en soi et en l’absence de quelconques liens de résidence, un facteur dont la présence suffise à conclure que le particulier est un résident du Canada pendant qu’il séjourne à l’étranger.

 

Preuve de l’intention de rompre définitivement les liens de résidence

 

11. La question de savoir si un particulier avait l’intention de rompre définitivement ses liens de résidence avec le Canada au moment où il a quitté le Canada en est une de fait à déterminer en regard de toutes les circonstances de chaque cas. Bien que la durée du séjour à l’étranger soit un facteur à considérer dans la détermination du statut de résidence (c.-à-d. en tant qu’élément de preuve des intentions du particulier au moment de son départ du Canada), les tribunaux ont indiqué qu’il n’y a aucune durée particulière de séjour à l’étranger faisant nécessairement que le particulier devient un non-résident. En règle générale, lorsqu’il existe une preuve que le retour du particulier au Canada était prévu au moment de son départ, en déterminant si ce particulier continue d’être un résident de fait du Canada après son départ, l’ADRC accordera une plus grande importance aux liens de résidence qu’il a maintenus avec le Canada après ce départ (voir les numéros 5 à 9). Par exemple, lorsque, au moment où le particulier quitte le pays, il existe un contrat d’emploi au Canada advenant le cas et au moment où le particulier y revient, l’ADRC considérera ce fait comme une preuve que son retour au Canada avait été prévu au moment de son départ. Cependant, il faudra que l’ADRC examine au cas par cas la situation de chaque particulier afin d’établir si les autres liens de résidence que ce particulier continue de maintenir au Canada, y compris le contrat de travail, suffisent à conclure qu’il est toujours résident du Canada.

 

[...]

 

Les « règles décisives » prévues par les conventions fiscales

 

25. Un particulier qui est résident du Canada aux fins de la Loi l’est également aux fins du paragraphe 1 de l’article relatif à la résidence qu’on trouve dans la plupart des conventions fiscales que le Canada a conclues ces dernières années avec un autre pays et il peut aussi être résident de cet autre pays aux fins du même paragraphe de la même convention. Dans ce cas, l’article de la convention fiscale concernant la résidence contiendrait des « règles décisives » (dites tie breaker) qui permettront de déterminer de quel pays le particulier sera résident aux fins d’application des autres dispositions de la convention. Si à un moment donné ces règles s’appliquent et s’il est déterminé que le particulier est résident d’un autre pays aux fins de la convention fiscale conclue entre le Canada et ce pays, ce particulier serait alors réputé, selon le paragraphe 250(5), ne pas être résident du Canada aux fins de la Loi (voir le numéro 24).

 

Critères de « foyer d’habitation permanent » et de « centre des intérêts vitaux »

 

26. Les « règles décisives » sont énoncées au paragraphe 2 de l’article IV de la plupart des conventions fiscales des dernières années. Habituellement, ces règles se basent d’abord sur le critère de « foyer d’habitation permanent » pour résoudre la question de la résidence. En règle générale, en fonction de ce critère, le particulier est résident aux fins de la convention du pays où il dispose d’un foyer d’habitation permanent. Au sens donné à cette expression dans les conventions fiscales, un « foyer d’habitation permanent » s’entend d’un logement de tout genre dont le particulier dispose de façon continue (par opposition à occasionnelle), que ce logement soit possédé ou loué ou par ailleurs occupé en permanence. Par conséquent, un particulier peut avoir deux logements permanents même pendant qu’il vit à l’étranger (p. ex., un logement qu’il loue pendant son séjour à l’étranger ainsi qu’un autre qu’il possède au Canada et qui continue d’être à sa disposition, tel une résidence qui n’est pas louée à un tiers sans lien de dépendance, selon les conditions décrites au numéro 6) et le critère de « foyer d’habitation permanent » ne résultera pas en la détermination du statut de résident. Lorsque c’est le cas, les « règles décisives » de la plupart des conventions feront alors mention du critère de « centre des intérêts vitaux ».

 

Le critère de « centre des intérêts vitaux » exige qu’on examine attentivement les liens personnels et économiques que le particulier maintient avec chaque pays en question afin d’établir quel est celui avec lequel ces liens sont les plus étroits. Les liens personnels et économiques à considérer sont semblables à que ceux qui sont pris en compte dans la détermination du statut de résident de fait aux fins de l’impôt canadien (voir notamment les numéros 4 à 9). D’autres critères pourraient s’appliquer si celui du « centre des intérêts vitaux » n’est pas concluant.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

IV. Analyse

 

[26]         À première vue, l’affaire semble relativement simple. Un résident canadien quitte temporairement le Canada pour suivre une formation à temps plein, avec l’intention de retourner au Canada. On s’attendrait à ce que cette situation en soit une de résidence canadienne continue tout au long de la période où la personne est à l’étranger, à moins de l’existence d’une preuve de mesures prises pour entraîner la perte de la résidence canadienne ou la renonciation à celle‑ci pendant cette période et le rétablissement de ce statut par la suite.

 

[27]         Le seul problème qui se pose en l’espèce est que M. Perlman a quitté le Canada en 1994 pour poursuivre ses études. Il a toujours poursuivi ses études à temps plein, dans trois programmes différents, et ce, dès le début. Il compte devenir rabbin au début de l’année 2011, puis retourner au Canada pour enseigner. Donc, il ne s’agit pas d’une période de plusieurs années, mais d’une période de plus de 16 ans au total. Les années de base en cause sont 2003 et 2004, soit une décennie après le départ de M. Perlman du Canada pour poursuivre ses études. Pour de nombreux Canadiens, l’étude des choses de la vie éternelle et de la parole de Dieu révélée est une quête perpétuelle. En l’espèce, il est entendu qu’un tel enseignement rabbinique formel demande, avec raison, une très longue période de temps de l’ordre des 16 années que M. Perlman a consacrées à ses études. Quelle est l’importance ou la conséquence, s’il y en a une, qu’une période pendant laquelle une personne séjourne à l’étranger pour poursuivre ses études peut avoir sur le caractère continu du statut de résident canadien de la personne?

 

[28]         La Couronne n’a pas cité de décision dont l’issue dépend concrètement, même en partie, de la période de temps qu’une personne a passé à l’étranger, si cette personne est résidente canadienne à l’origine et qu’elle a toujours eu l’intention de retourner au Canada, laquelle intention est prouvée par l’existence d’une résidence à sa disposition au Canada et par la possibilité d’avoir un emploi qui l’attend au Canada; je n’en ai pas trouvé non plus.

 

[29]         Il est probable que l’ARC pouvait, aux termes de la Loi, établir une présomption au sujet de la durée des absences temporaires du Canada et de l’incidence de ces absences sur le statut de résident du Canada. En effet, telle a été la position de l’ARC pendant des années, et la présomption était établie dans le bulletin IT‑221, quoiqu’elle ait été supprimée lors de la révision de 2001. Le législateur a manifestement le pouvoir d’édicter une présomption ou d’établir un critère de démarcation nette en fonction de la période d’absence du résident. Il ne l’a pas fait. Ce résultat peut aussi être atteint au moyen d’une convention fiscale bilatérale. La Cour n’a pas le pouvoir d’établir une présomption ou un critère de démarcation nette en fonction de la période d’absence du Canada de l’intéressé. La période pendant laquelle l’intéressé habite à l’étranger ne demeure qu’un fait dont la Cour doit tenir compte, avec tous les autres faits, lorsqu’elle statue sur les questions formulées dans la jurisprudence. Aucune période, longue ou courte, ne pourra par elle‑même être décisive, et l’importance et le poids de ce facteur temps peut aussi changer d’une affaire à l’autre en fonction de l’ensemble des circonstances.

 

[30]         En l’espèce, l’avocat de l’intimée a cité la décision Nedelcu c. La Reine, 2008 CCI 417, 2008 DTC 4521, confirmée dans la décision dont la référence est 2010 DTC 5102 (CAF), et Smith c. La Reine, [2000] A.C.I. no 668 (QL), [2000] 4 C.T.C. 2631. Dans chacune de ces affaires relatives à la PFCE, il a été conclu que les contribuables n’étaient pas résidents du Canada. Toutefois, dans chaque affaire, le contribuable avait immigré au Canada, était devenu résident canadien et avait quitté le Canada sans faire preuve de son intention de retourner au Canada de façon permanente. Il semble que Mme Nedelcu ne soit jamais retournée au Canada et que M. Smith soit revenu au Canada plus de quatre ans plus tard. Dans l’une et l’autre affaire, la Cour n’a pu conclure que le contribuable s’était acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait, et qu’il avait établi de manière satisfaisante le caractère continu de son statut de résident canadien.

 

[31]         Une affaire ayant plus de ressemblance à celle de M. Perlman est l’affaire qui a donné lieu à la décision Collins c. La Reine, 2004 CCI 166, rendue par la Cour. Dans cette affaire, les contribuables, un couple marié, étaient tous les deux professeurs d’université canadiens qui avaient interjeté appel d’une décision rendue relativement à leur droit au crédit pour taxe sur les produits et services prévu par la Loi. Ils avaient déménagé aux États‑Unis pour travailler à contrat. Lorsqu’ils étaient partis, ils avaient conservé leur maison au Canada, qu’ils avaient donnée en location, et ils avaient laissé d’autres effets personnels au Canada. En partant, les contribuables n’avaient pas l’intention de quitter le Canada de manière définitive et ils avaient continué à chercher du travail au Canada. La Cour a conclu que les Collins avaient conservé leur statut de résident au Canada pendant leurs cinq premières années, mais qu’ils avaient cessé d’être résidents par la suite, compte tenu de leur propre thèse selon laquelle, cinq ans après leur départ, ils avaient envisagé de rompre leurs liens avec le Canada et avaient vendu la maison qu’ils y avaient laissée.

 

[32]         Les faits de l’espèce sont tout à fait uniques et soulèvent bien des difficultés. Je conclus que M. Perlman est demeuré résident canadien lorsqu’il a quitté le Canada en 1994 pour poursuivre temporairement ses études à l’étranger. Mon problème tient au fait que, si je décidais que M. Perlman a par la suite perdu sa résidence canadienne en 2003, je conclurais implicitement qu’à un moment donné après son départ du Canada, M. Perlman a perdu sa résidence canadienne et serait devenu sans doute résident israélien. La Couronne n’est pas en mesure de m’indiquer si, à moment donné ou au cours d’une année donnée depuis 1994, la situation de M. Perlman a complètement changé au point de constituer un changement de résidence. La Cour ne peut pas non plus indiquer un changement important des faits ayant eu lieu après le départ de M. Perlman du Canada en 1994. Selon la thèse de la Couronne, la Cour n’est tout simplement pas appelée à se prononcer, en l’espèce, sur le moment où M. Perlman a cessé d’être résident canadien; il lui suffit de décider qu’en 2003, M. Perlman n’était plus résident canadien. Le problème que pose ce raisonnement est qu’il ressort clairement de la Loi qu’un changement de résidence se produit à un moment donné au cours d’une année déterminée : voir par exemple l’article 128.1 de la Loi. L’acquisition du statut de résident canadien ou la perte de ce statut fait jouer une multitude de règles minutieuses. Ces règles donne lieu à des obligations de déclaration de revenus, l’application des dispositions présumées, la nécessité d’effectuer l’évaluation des biens, l’application de l’impôt de départ, la naissance ou l’extinction de l’obligation de payer les retenues d’impôt prévues par la partie XIII de la Loi pour les non résidents à l’égard du revenu de placement canadien, etc. Il ne serait pas approprié pour la Cour de rejeter l’appel de M. Perlman en se fondant sur le fait que l’appelant n’était plus citoyen canadien en 2003, sans être capable de déclarer, sinon d’expliquer, aussi bien pourquoi et quand M. Perlman a cessé d’être résident canadien.

 

[33]         D’autre part, tout aussi problématique est le fait qu’une période de neuf ans, dix ans ou seize ans est une très longue période pour un départ temporaire qui n’est pas interrompu ou qui ne touche pas le caractère continu de résidence de l’intéressé. Toutefois, le fait pour la Cour d’établir un délai qui suffirait à lui seul à faire perdre à un résident canadien qui se trouve à l’étranger uniquement pour poursuivre ses études à temps plein le statut de résident canadien ne conviendrait pas comme interprétation du terme résidence, ni comme application appropriée de la notion de résidence aux faits et aux circonstances particuliers de l’étudiant. Il en résulterait une application douteuse de la loi à l’égard des étudiants canadiens, si je devais en fin de compte décider qu’un diplôme d’un an, de trois ans ou de quatre ans convient tout à fait, qu’un diplôme de maîtrise en sus du premier diplôme pourrait convenir, mais qu’un ou deux doctorats en plus ne conviendraient peut être pas.

 

[34]         M. Perlman a produit en preuve une détermination de 2007 établie par le Bureau international des services fiscaux de l’ARC, qui confirme que l’ARC avait établi, compte tenu des renseignements qu’il avait fournis, qu’il continuait à être résident canadien pendant qu’il poursuivait ses études en Israël. M. Perlman avait accordé une grande importance à cette lettre de l’ARC.

 

[35]         Dans sa déclaration préliminaire, la Couronne voulait faire rejeter la détermination de l’ARC relativement à la résidence en la qualifiant de [traduction] « suppositions ». Une confirmation écrite provenant du groupe de l’ARC responsable de telles déterminations dans les circonstances, qui fait suite à une demande du contribuable ainsi qu’à la production d’un formulaire de l’ARC demandant des renseignements sur lesquels l’ARC se fonde pour effectuer la détermination, peut difficilement être qualifiée de simples suppositions. Bien que les déterminations de l’ARC ne puissent pas en général étre imposées à la Couronne et que le principe de la préclusion ne s’applique généralement pas à la Couronne relativement à la manière dont l’ARC interprète la loi, de telles déterminations ont quand même un certain poids et, lorsque l’ARC choisit de s’en écarter, appellent une explication plausible; ces déterminations ne peuvent pas être simplement rejetées sous prétexte qu’elles constituent des suppositions. Voir par exemple, les observations de l’ancien juge en chef Bowman dans la décision Alemu et al. c. The Queen, 99 DTC 714, au paragraphe 30 et la jurisprudence qui y est citée.

 

[36]         Dans sa demande de détermination du statut de résident adressée à l’ARC en février 2007, M. Perlman n’a pas du tout mentionné qu’il avait initialement quitté le Canada en 1994. Il est décevant d’apprendre que M. Perlman a plutôt déclaré dans cette demande qu’il était parti en avril 2005. Dans le questionnaire relatif à la validation et au contrôle des programmes de prestations que M. Perlman avait rempli et envoyé à l’ARC en novembre 2006, celui‑ci avait également indiqué que la date de départ du Canada était le 1er avril 2005. Dans la lettre du rabbin Schwartzman, doyen de l’établissement d’enseignement israélien fréquenté par l’appelant, envoyée avec le questionnaire, il était indiqué que M.Perlman était inscrit au programme d’études supérieures [traduction] « depuis avril 2005 ». Il se peut fort bien qu’il ne s’agissait que d’une seule lettre parmi bien d’autres que le rabbin devait signer à ce moment‑là et qu’il ne s’était pas rendu compte de la formulation utilisée ou de la date indiquée. Toutefois, M. Perlman devait savoir que la formulation n’était pas exacte. Lorsqu’il a été interrogé à ce sujet, que ce soit par l’avocat de l’intimée lors du contre‑interrogatoire ou par la Cour lors de son témoignage sous affirmation solennelle, M. Perlman n’a pas été en mesure de donner à la Cour une explication appropriée et raisonnable pourquoi il avait déclaré à l’ARC qu’il avait quitté le Canada en 2005. Il n’a pas non plus réussi à expliquer ce fait lors des débats. Il a plutôt souligné que ce n’était qu’au début du mois d’avril 2005 qu’il aurait pu avoir droit à la PFCE, et que c’était cette année qui était en cause et qui était par conséquent la seule période pertinente. Cet argument est compréhensible, mais il ne suffit pas pour expliquer pourquoi M. Perlman avait déclaré à deux reprises qu’il avait quitté le Canada en avril 2005. Il a également suggéré, même s’il ne pouvait pas s’en rappeler, que c’était peut être parce qu’au moment ou il avait rempli le formulaire en 2007, il avait choisi une date en 2005 lors d’un de ses séjours au Canada et il avait indiqué la date de son voyage de retour comme étant la date de son départ du Canada. Je conclus que les deux explications ne sont pas du tout raisonnables dans les circonstances. Je suis déconcerté par les conséquences résultant des profondes divergences entre la déclaration de M. Perlman faite à l’ARC dans sa demande et son questionnaire de nature administrative et les faits réels qui ressortent de son témoignage à l’audience.

 

[37]         M. Perlman avait également indiqué dans les formulaires qu’il comptait rentrer au Canada en 2007 et, compte tenu des preuves produites concernant la nature de ses études et des problèmes de santé de son épouse, je conclus qu’il était alors raisonnable d’indiquer que telle devait être la date de son retour au Canada.

 

[38]         Je n’accorde aucune pertinence à la lettre de 2005 que l’ARC avait adressée à M. Perlman, dans laquelle le statut de résident de l’appelant était déterminé en fonction des faits, parce que les éléments de preuve écrits de l’appelant étaient très tendancieux, ce qui avait porté l’ARC à raisonnablement supposer qu’elle examinait une période d’études de deux ans d’un résident canadien. Toutefois, ma conclusion portant que la crédibilité de M. Perlman relativement à son témoignage sous affirmation solennelle devant la Cour tient toujours. Il se peut fort bien qu’il s’agissait d’un événement isolé, mais il avait de l’importance. De plus, après avoir entendu le témoignage de M. Perlman et ses explications à propos des réponses qu’il avait données en 2007, je dois malheureusement conclure qu’il se peut que M. Perlman considère sa déclaration différemment, selon qu’il a affirmé solennellement ou non qu’elle était vraie. C’est après tout, l’objet des serments et des affirmations solennelles. Pour ce motif, je n’accorde pas de poids à la lettre de 2007 de l’ARC qui établissait le statut de résident, mais j’estime toujours crédible le témoignage de M. Perlman rendu à l’audience.

 

[39]         Bien qu’il s’agisse d’une affaire difficile, je me trouve dans l’obligation de conclure que, vu les éléments de preuve produits devant la Cour, éléments qui ont été entièrement produits directement ou indirectement par l’appelant, la Couronne n’a pu s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait et prouver à la Cour, suivant la prépondérance des probabilités, que M. Perlman n’était pas résident du Canada pendant la période pertinente. Par ce motif, l’appel est accueilli avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de décembre 2010.

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de mars 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur.

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 658

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-1086(IT)G

 

INTITULÉ :                                       YEHOSHUA PERLMAN

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 5 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 23 décembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Thang Trieu

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :                 

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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