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Dossier : 2009-3833(EI)

 

ENTRE :

 

JUDIS HOLDINGS LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 18 novembre 2010 à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Deryk W. Coward

 

Avocat de l’intimé :

Me Scott England

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la décision prise par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi selon laquelle M. Dion Hildebrandt exerçait un emploi assurable durant la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 est accueilli et la décision est annulée. Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour de janvier 2011.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mars 2011.

 

 

Nathalie Gadbois, LL. L., LL. B.


 

 

 

Référence : 2011 CCI 31

Date : 20110120

Dossier : 2009-3833(EI)

 

 

ENTRE :

 

JUDIS HOLDINGS LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]              La société Judis Holdings Ltd. interjette appel à l’encontre d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle M. Dion Hildebrandt (le « travailleur ») exerçait un emploi assurable suivant la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »). La période en litige va du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007.

 

[2]              Les actionnaires de la société appelante sont les parents du travailleur. Dans ces circonstances, l’emploi du travailleur est réputé ne pas être assurable, à moins que le ministre soit convaincu que les modalités d’emploi sont à peu près semblables à une entente conclue entre parties n’ayant pas de lien de dépendance. Les dispositions pertinentes de la Loi sont ainsi libellées :

 

5(2) N’est pas un emploi assurable :

        […]

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.


5(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

[…]

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[3]              En l’espèce, le ministre a déterminé que l’emploi du travailleur était assurable parce qu’il considérait que les modalités d’emploi étaient à peu près semblables à celles qu’il y aurait eu s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance. 

 

[4]              Le libellé de l’alinéa 5(3)b) a occasionné certaines difficultés d’interprétation. Dans Birkland c.  MRN, 2005 CCI 291, le juge Bowie a fait remarquer que la disposition est inhabituelle et qu’une certaine retenue s’impose à l’égard de la décision du ministre. Il décrit les principes qu’il faut appliquer de la manière suivante :

 

[4]        Il est suffisant, à cette étape‑ci, de décrire simplement ce qu’est, à mon avis, l’état actuel du droit. Je me fonde principalement à cet égard sur le paragraphe 4 de l’arrêt Légaré (reproduit ci‑dessus) et sur l’extrait suivant du jugement rendu par le juge en chef Richard, auquel ont souscrit les juges Létourneau et Noël, dans l’affaire Denis c. Canada.

 

5          Le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt dans un appel d’une détermination du ministre sur les dispositions d’exclusion contenues aux paragraphes 5(2) et (3) de la Loi est de s’enquérir de tous les faits auprès des parties et les témoins appelés pour la première fois à s’expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre paraît toujours raisonnable. Toutefois, le juge ne doit pas substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu’il n’y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus (voir Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2000 A.C.F. no 310, 10 mars 2000).

 

Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l’impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l’appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l’appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d’emploi prévalant dans l’industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l’appelant et l’employeur peuvent évidemment être produits également. À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l’opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, ne pas conclure que l’employeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. Si je comprends bien, c’est là le degré de retenue judiciaire accordé à l’avis du ministre du fait de l’emploi, par le législateur, de l’expression « […] si le ministre du Revenu national est convaincu […] » à l’alinéa 5(3)b).

 

[5]              En outre, j’ai, par le passé, exprimé des préoccupations à l’égard de l’application de l’alinéa 5(3)b) par le ministre, dans les situations où l’employeur et l’employé n’ont pas l’intention d’établir une relation selon laquelle l’emploi est assurable : C&B Woodcraft Ltd. c. MRN, 2004 CCI 477. Accorder au ministre un pouvoir discrétionnaire aussi large semble être une proposition pour les parties selon laquelle « pile tu perds, face tu perds ». J’ai de la difficulté à croire qu’il s’agissait là l’intention du Parlement. Les avocats n’ont pas soulevé cette question et, par conséquent, il n’est pas nécessaire que je l’examine compte tenu de la conclusion que j’ai tirée.

 

[6]              Revenons aux faits dont nous disposons. Le travailleur est un mécanicien de carrosseries d’automobiles autorisé a qui on a donné l’occasion d’acheter une entreprise existante. Ne disposant pas des fonds suffisants pour acheter l’entreprise, le travailleur a convaincu ses parents de se lancer en affaires avec lui. La société appelante a acheté l’entreprise, et les parents du travailleur, M. et Mme Hildebrandt, sont devenus les seuls actionnaires, puisque ce sont eux qui avaient fourni tout l’argent nécessaire pour acheter l’entreprise.  

 

[7]              Le travailleur était le seul membre de la famille possédant de l’expérience en réparation de carrosseries et il gérait l’« atelier » de la société à titre de superviseur. Son père s’occupait de la réception et sa mère faisait la tenue des comptes.    

 

[8]              Même si rien n’était coulé dans le béton, le travailleur et ses parents avaient convenu que, dans quelques années,  il achèterait la société de ses parents, lorsque ceux‑ci souhaiteraient prendre leur retraite.

 

[9]              D’après le ministre, cette relation constitue un lien d’emploi type, selon lequel le travailleur rendait compte aux actionnaires et était payé à l’heure et d’après lequel ce sont les actionnaires qui fixaient ses heures de travail.    

 

[10]         La preuve a révélé une entente complètement différente. Bien que le travailleur n’eût pas possédé d’actions, la société était davantage exploitée comme une société de personnes. Le travailleur avait beaucoup plus de liberté à l’égard de ses heures de travail que ne l’aurait eu un superviseur d’atelier sans lien de dépendance, il était payé pour les périodes pendant lesquelles il prenait congé et il fournissait une aide considérable quant aux questions liés à l’exploitation de la société.    

 

[11]         Compte tenu de la preuve, il était évident que la relation de travail était très différente de ce que le ministre avait supposé.

 

[12]         À mon avis, il ne serait pas raisonnable de conclure que les modalités d’emploi étaient à peu près semblables à celles qu’il y aurait eu s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance.   

 

[13]         L’avocat de l’intimée à exprimé une certaine frustration au cours des plaidoiries, disant que la preuve était différente de ce qu’avait compris le ministre au sujet des faits. Il s’agit d’un aspect malencontreux des appels entendus sous le régime de la procédure informelle, mais la procédure est  utile parce qu’elle permet de trancher les appels de façon efficiente et en temps opportun.

 

[14]         L’appel est accueilli et la décision selon laquelle M. Dion Hildebrandt exerçait un emploi assurable auprès de la société appelante durant la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 est annulée. Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour de janvier 2011.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mars 2011.

 

 

Nathalie Gadbois, LL. L., LL. B.


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 31

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-3833(EI)

 

INTITULÉ :                                       JUDIS HOLDINGS LTD. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 18 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 20 janvier 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Deryk W. Coward

 

Avocat de l’intimé :

Me Scott England

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                                Nom :                Deryk W. Coward

 

                            Cabinet :                D’Arcy & Deacon LLP

                                                          Winnipeg (Manitoba)

 

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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