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Dossier : 2010-500(IT)I

ENTRE :

PIERRE HOBSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 29 octobre 2010 à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions : 

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Marc-André Rouet

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2007 est accueilli et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que le revenu d’entreprise non déclaré de l’appelant pour 2007 était d’au plus 2 574 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20jour de janvier 2011.

 

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de mars 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

 

Référence : 2011 CCI 29

Date : 20110120

Dossier : 2010-500(IT)I

ENTRE :

PIERRE HOBSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Sheridan

 

[1]              L’appelant, Pierre Hobson, interjette appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle le revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 2007 a été augmenté d’un revenu d’entreprise non déclaré de 6 554 $ tiré de son école de danse.

 

[2]              L’appelant s’est représenté lui‑même et a témoigné pour son propre compte. Le ministre a appelé à témoigner Siradiou Barry, le vérificateur responsable du dossier de l’appelant. Les deux témoins ont présenté une preuve crédible.

 

[3]              L’appelant a contesté le fait que le montant de 6 554 $, découvert au cours de l’analyse des dépôts effectuée par M. Barry, était un revenu d’entreprise. L’appelant a justifié le montant de la manière suivante : lui et sa petite amie d’alors, JM, avaient vécu ensemble à compter de 2003. Comme je l’expliquerai plus loin, JM était absente à l’audience du présent appel. L’appelant a déclaré qu’en 2007, il avait reçu de JM un montant total de 10 154 $ : 3 600 $ représentant la contribution de JM au loyer annuel de l’appartement, qui était de 7 200 $; 2 700 $ représentant la contribution de JM aux dépenses du ménage autres que le loyer et 3 800 $ reçus en divers versements pour financer certaines dépenses d’entreprise de l’appelant, c’est‑à‑dire des acomptes versés relativement à la location de salles de spectacles de danse, d’équipement d’éclairage, etc.

 

[4]              L’explication de l’appelant concernant la réception de 3 600 $ pour le loyer de l’appartement a été acceptée au stade de la vérification et il ne restait en cause que les montants de 2 700 $ et de 3 800 $. Toutefois, le montant de 3 600 $ accepté au stade de la vérification est pertinent aux fins de l’interprétation des mots « dépenses mensuelles » qui figurent dans une déclaration solennelle de JM sur laquelle l’appelant se fonde principalement pour justifier sa position. Ce document avait également été fourni à l’agent des appels au stade de la vérification. Voici le texte de la déclaration solennelle de JM :

 

          [traduction]

 

Je soussignée, [JM], résidant au 2638, Lionel-Groulx, app. 1, à Montréal (Québec), H3J 1J8, déclare par les présentes que :

 

a.       Je vivais avec M. Hobson à la même adresse à partir du mois de juin 2003.

b.      J’ai payé ma part des dépenses mensuelles à M. Hobson au moyen de versements en espèces de 400 $ à 500 $ faits selon les besoins.

c.       Le montant total de ma contribution versé à M. Hobson en 2007 était de 2 700 $.

d.      J’ai prêté de l’argent à M. Hobson pour ses dépenses d’entreprise quotidiennes, et ce prêt a été effectué en divers versements pour un montant total de 3 800 $ pendant l’année 2007.

 

Je fais cette déclaration la croyant consciencieusement vraie et sachant qu’elle a le même effet que si elle était faite sous serment en vertu de la Loi sur la preuve au Canada.

 

ET J’AI SIGNÉ à Verdun, au Québec, ce 21e jour de mai deux mille neuf.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[5]              Il a été aussi produit en preuve une liste[1] des dépenses faites par l’appelant en 2007 qui se rapportaient à l’appartement et qui excluaient le loyer, pour environ 5 400 $. Ce document a également été fourni à l’agent des appels.

 

[6]              Pour situer le contexte, il y a lieu de préciser que JM est bénévole auprès d’Oxfam Québec. À ce titre, ses frais de subsistance sont pris en charge, mais son travail n’est pas rémunéré. Selon l’appelant, JM menait un train de vie modeste et minimisait ses dépenses autant que possible. Du mois d’octobre 2008 au mois de mars 2009, JM était affectée au Nicaragua et travaillait à un projet de développement pour les jeunes. Au stade de l’opposition, JM travaillait au bureau de Montréal d’Oxfam Québec[2]. Du 25 octobre 2009 jusqu’au moment de la présente audience, et pendant l’audience, JM était en République démocratique du Congo, où elle était responsable d’un projet d’[traduction] « eau potable ».

 

[7]              Dans ces circonstances, j’accepte l’argument de l’appelant selon lequel il aurait été déraisonnable d’exiger que JM rentre d’Afrique où elle est bénévole pour venir témoigner dans le cadre d’un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle et portant sur la contestation d’une cotisation établie de 1 480,42 $[3]. De même, je ne trouve rien de contestable dans le choix de l’appelant de poursuivre son appel plutôt que d’accepter l’offre de l’intimée, qui consiste à demander à la Cour un ajournement de la cause jusqu’à ce que JM revienne au Canada. Si je comprends bien, cette offre a été faite pour la première fois à l’audience du présent appel. Il est présumé que la Cour aurait accordé un tel ajournement et il est fait abstraction des frais que la Cour et les parties ont déjà supportés pour être prêts à procéder à l’appel à la date fixée.

 

[8]              Ainsi, bien que je ne sois pas diposée à tirer une inférence négative du défaut de M. Hobson d’appeler JM à témoigner, ce défaut n’est pas sans conséquence. Selon l’appelant, les mots « dépenses mensuelles » contenus dans la déclaration solennelle de JM se rapportent à sa contribution aux dépenses du ménage en plus des 3 600 $ payés pour sa part du loyer de l’appartement. Cette situation peut s’expliquer si l’on considère que, lorsque la déclaration solennelle a été signée le 21 mai 2009, le ministre avait déjà accepté, dans la nouvelle cotisation établie le 23 avril 2009, que l’appelant avait reçu de JM 3 600 $ de loyer pour l’appartement. Il s’ensuivrait donc qu’il ne serait aucunement nécessaire de mentionner encore la réception d’un loyer dans la déclaration solennelle faite en vue du stade de l’opposition. Ainsi, on pourrait supposer que les mots « dépenses mensuelles » se rapportent aux dépenses autres que le loyer.

 

[9]              L’avocat de l’intimée a soutenu, toutefois, qu’il ressort clairement de la déclaration solennelle de JM que le montant total versé pour régler les dépenses de JM et de l’appelant en 2007 s’élevait à 2 700 $. Étant donné que le montant de 3 600 $ a été accepté par le vérificateur pour le loyer seulement, l’appelant avait déjà réalisé un gain fortuit de quelque 900 $. (Aucun rajustement ne peut être effectué à cet égard étant donné que la jurisprudence établit clairement que le ministre ne peut pas recourir à l’appel d’un contribuable pour apporter à la cotisation qu’il a établie des corrections qui entraîneraient une augmentation de l’impôt à payer.) Tout au moins, a soutenu l’avocat de l’intimée, la déclaration solennelle n’est pas suffisamment claire pour justifier une conclusion selon laquelle l’appelant avait reçu de JM un versement de 2 700 $ relativement aux dépenses du ménage, en plus des 3 600 $ de loyer que l’appelant affirme avoir reçus de JM.

 

[10]         Je suis d’accord avec l’avocat de l’intimée sur le fait que la déclaration solennelle est ambiguë et que seule JM pourrait fournir les explications nécessaires. Je souscris également à l’argument de l’avocat de l’intimée selon lequel, dans la liste des dépenses du ménage de 5 400 $ (il se fait que la moitié de cette somme est 2 700 $) figurant à la pièce R‑2, il n’est pas tenu compte du pourcentage de ces dépenses imputées au compte des dépenses d’entreprise au stade de la vérification.

 

[11]         Il me semble que, puisqu’il incombe à l’appelant de prouver que le montant de 2 700 $ ne constituait pas un revenu d’entreprise non déclaré, toute ambiguïté contenue dans la déclaration solennelle de JM doit être résolue en faveur de l’intimée. Dans les circonstances, la Cour ne dispose pas d’une preuve suffisante pour conclure que l’appelant a reçu 2 700 $ pour les dépenses du ménage en plus des 3 600 $ que le ministre a acceptés comme ayant été reçus de JM pour le loyer en 2007.

 

[12]         Il reste donc à examiner l’affirmation de l’appelant selon laquelle il a reçu de JM, et a déposé dans son compte, un montant d’environ 3 800 $ à titre de prêt qu’il devait utiliser dans ses activités commerciales. Au stade de l’opposition, l’agent des appels n’était pas convaincu : il n’existait aucun contrat de prêt écrit entre l’appelant et JM, l’appelant n’avait effectué aucun remboursement du prêt et il n’y avait aucune date d’échéance pour ce faire. L’agent des appels était aussi préoccupé par les déclarations contradictoires faites par l’appelant aux stades de la vérification et de l’opposition; l’appelant a d’abord déclaré que tous les montants avaient été déposés; lorsqu’il a été interrogé au sujet de la discordance entre la somme non étayée de 9 154 $ relevée par le vérificateur dans les comptes de l’appelant et la somme totale de 10 154 $ que JM aurait avancée à l’appelant, ce dernier a déclaré qu’il avait gardé une partie des montants reçus de JM au lieu de les déposer dans son compte. En se fondant sur ces faits, l’agent des appels a conclu que l’appelant n’avait pas démontré « hors de tout doute raisonnable »[4] qu’un tel prêt avait été consenti.

 

[13]         L’appelant a le fardeau de prouver, suivant la prépondérance des probabilités, que les nouvelles cotisations établies par le ministre étaient erronées. Sur ce point, je suis convaincue que l’appelant s’est acquitté du fardeau de la preuve en ce qui concerne le prêt de 3 800 $. La déclaration solennelle de JM est sans équivoque sur le fait qu’elle a versé ce montant à l’appelant à cette fin et rien ne me permet de croire que l’appelant n’a pas dit la vérité dans son témoignage.

 

[14]         Si l’appelant avait tenu des comptes distincts pour ses activités commerciales et s’il avait mieux tenu ses livres, il aurait fort bien pu éviter d’avoir à distinguer les contributions de JM de son revenu d’entreprise. La norme prévue par la loi est celle du caractère adéquat, et non de la perfection, mais le défaut de l’appelant de viser cette dernière a concouru, dans une large mesure, à ses problèmes. Par contre, il ressort des notes du vérificateur et du rapport sur l’opposition que l’appelant a été prompt à collaborer avec les représentants de l’ARC, qu’il a répondu à leurs demandes de renseignements complémentaires et qu’il s’est efforcé d’étayer le bien‑fondé de ses dires. À l’audience, il a reconnu que sa mémoire n’était pas infaillible : n’eût été sa mère qui lui avait rafraîchi la mémoire au sujet des contributions qu’elle avait faites aux finances de l’appelant en 2006 et en 2007 et qui avait fourni les copies des chèques tirés, ces montants auraient aussi été imputés au revenu d’entreprise non déclaré. De même, l’appelant avait également oublié qu’il avait reçu un produit de l’assurance de 638 $. Ce n’est qu’au stade de l’opposition qu’il s’est rappelé ce montant et qu’il a pu établir le bien‑fondé de ses dires par la présentation du chèque payé.

 

[15]         En pareilles circonstances, je suis moins préoccupée que l’agent des appels par les apparentes contradictions contenues dans les affirmations de l’appelant au sujet du montant exact des contributions de JM déposées dans les comptes de l’appelant. Compte tenu du fait que les contributions ont été faites en divers versements et de manière irrégulière, et de la situation financière précaire de l’appelant, il me paraît que la probabilité est forte qu’une partie de l’argent reçu de JM aurait été directement utilisé pour subvenir aux besoins immédiats de l’appelant au lieu d’être déposé dans le compte de l’appelant. L’appelant a omis de mentionner le prêt lors de la vérification, mais la nouvelle cotisation établie à son égard a sans doute éveillé son attention, l’incitant à examiner de plus près ses documents, dans l’état où ils étaient, et de fournir une justification plus détaillée de ses affaires au stade de l’opposition. Si l’on tient compte de la relation personnelle de l’appelant avec JM et de la façon dont l’appelant tenait ses documents, le fait que le couple n’ait pas consigné ses accords financiers par écrit ni établi un calendrier de remboursement strict n’est pas du tout étonnant. Ce fait n’est certainement pas suffisant en soi pour justifier la conclusion selon laquelle un tel prêt n’a pas été consenti. Je suis convaincue que le montant de 3 800 $ des 6 554 $ que le ministre a considérés comme étant un revenu d’entreprise non déclaré pour 2007 représente un prêt que JM a consenti à l’appelant.

 

[16]         Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’appel est accueilli et l’affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que le revenu d’entreprise non déclaré de l’appelant pour 2007 était d’au plus 2 754 $.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 20jour de janvier 2011.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de mars 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 29

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-500(IT)I

 

INTITULÉ :                                       PIERRE HOBSON

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 29 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 20 janvier 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Marc-André Rouet

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Pièce R‑2.

 

[2] Pièce A‑1.

[3] Pièce R-2, avis de nouvelle cotisation daté du 23 avril 2009.

[4] Pièce R-14, à la page 4.

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