Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2010-1689(CPP)

2010-1690(EI)

ENTRE :

 

JAMES BOOKER,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 17 décembre 2010 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocates de l’intimé :

Me Leslie M. Ross

Me Diana Aird

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre des évaluations établies en application de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada pour la période allant du 1er janvier 2008 au 31 août 2009 est accueilli, et les évaluations sont annulées. Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de janvier 2011.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de mars 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

Référence : 2011 CCI 44

Date : 20110126

Dossiers : 2010-1689(CPP)

2010-1690(EI)

 

ENTRE :

 

JAMES BOOKER,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Woods

 

[1]              L’appelant, James Booker, exploite une entreprise à Collingwood, en Ontario, spécialisée dans la conception et la construction de clôtures pour des clients commerciaux et résidentiels. Le nom commercial de l’entreprise est The Fence Factory.

 

[2]              Le présent appel porte sur des évaluations établies en application de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada concernant quatre travailleurs qui avaient été engagés pour construire des clôtures. Une évaluation a été établie à l’égard de l’appelant concernant des cotisations non versées, et les intérêts y afférents, pour la période allant du 1er janvier 2008 au 31 août 2009.

 

[3]              L’appelant soutient que les quatre travailleurs, Kevin King, James Attridge, Tyler Harvey et Tom Dobson, ont été engagés en tant qu’entrepreneurs indépendants, et que les évaluations devraient par conséquent être annulées.

 

[4]              Les principes applicables à une cause comme celle-ci sont bien connus. La caractéristique principale d’un entrepreneur indépendant est l’exploitation d’une entreprise pour son propre compte. L’intention des parties est très pertinente, mais elle n’est pas déterminante. Le critère applicable a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans Royal Winnipeg Ballet c. MRN, 2006 CAF 87, 2006 DTC 6323, en ces termes :

 

64     Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de l’arrêt Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l’ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s’ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C’est parce que le juge n’a pas adopté cette approche qu’il en est arrivé à une conclusion erronée.        

 

[5]              En gardant ces principes à l’esprit, je me pencherai d’abord sur l’intention des parties.

 

[6]              James Booker a témoigné pour son propre compte et Kevin King a témoigné pour le compte de l’intimé. Il ressort de leurs témoignages qu’il était clair que l’intention des parties était que les travailleurs travaillent pour leurs propres comptes. Pour M. Booker, l’absence des retenues à la source témoigne de cette intention et l’existence d’une telle intention a été reconnue par M. King lors du contre‑interrogatoire.

 

[7]              Dans la réponse de l’intimé, il a été soutenu que les travailleurs n’avaient pas l’intention d’être des entrepreneurs indépendants parce qu’aucun d’eux n’avait de nom commercial enregistré, de compte de TPS ou de compte bancaire.

 

[8]              Ces facteurs à eux seuls n’empêchent pas que les travailleurs avaient l’intention d’être des entrepreneurs indépendants. Je conclus que l’argument n’est pas convaincant.

 

[9]              Toutefois, l’intention n’est pas déterminante. Il faut examiner la question de savoir si la relation entre les parties était compatible avec cette intention. Je conclus qu’elle l’était.

 

[10]         Les critères exposés dans l’arrêt Wiebe Door sont les suivants : le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit et le risque de perte ainsi que l’intégration.

 

[11]         La relation entre l’appelant et les travailleurs était fondée sur des besoins très occasionnels. L’appelant n’avait pris aucun engagement envers les travailleurs concernant les heures de travail et il ne leur offrait du travail que lorsqu’il y en avait. Les travailleurs n’avaient pas l’obligation d’accepter le travail lorsqu’une offre leur était faite, et on s’attendait à ce que les travailleurs puissent avoir d’autres sources de revenus. M. King a déclaré qu’il avait d’autres contrats dans le domaine de la construction alors qu’il travaillait pour l’appelant.

 

[12]         Généralement, les travailleurs formaient une équipe de deux personnes. L’appelant informait les travailleurs des spécifications de la clôture qu’ils devaient construire et du délai dans lequel le travail devait être achevé. L’appelant livrait alors les matériaux au lieu de travail. Pour le reste, les travailleurs étaient peu supervisés et ils pouvaient choisir les heures de travail qu’ils voulaient pour accomplir leurs tâches. Ils étaient aussi libres d’amener des gens pour les aider et ils le faisaient occasionnellement. Même si une certaine surveillance était effectuée par l’appelant et que de la formation était donnée lorsque cela s’avérait nécessaire, le degré de contrôle exercé ne suffisait qu’à veiller à ce que les travaux de construction répondent aux attentes des clients de l’appelant.

 

[13]         La grande liberté dont bénéficiaient les travailleurs et l’absence de contrôle sont compatibles avec l’intention des travailleurs de travailler pour leur propre compte.

 

[14]         En ce qui concerne les instruments de travail, l’appelant fournissait la plupart des outils et les apportait au lieu de travail. Il était de la responsabilité des travailleurs de se rendre au lieu de travail par leurs propres moyens et les travailleurs apportaient souvent de petits outils qu’ils utilisaient pour d’autres contrats dans le domaine de la construction. Ce facteur penche légèrement en faveur d’une relation d’emploi, mais il ne s’agit pas d’un facteur important si l’on tient compte de l’absence de contrôle.

 

[15]         Les travailleurs étaient rémunérés à l’heure. Je conclus qu’il s’agit d’un critère neutre qui est compatible avec les deux types de relations.

 

[16]         L’ intégration quant à elle n’est pas un facteur important en l’espèce. Les travailleurs étaient engagés en fonction des besoins, et ils auraient sans doute pu être facilement remplacés.

 

[17]         Dans l’ensemble, la relation était compatible avec l’intention des parties selon laquelle les travailleurs avaient été engagés à titre d’entrepreneurs indépendants.

 

[18]         Finalement, je tiens à signaler qu’un autre travailleur engagé par l’appelant a interjeté appel devant la Cour en 2005. Dans cette affaire, le travailleur a eu gain de cause, car il a réussi à convaincre la Cour qu’il avait été engagé en tant qu’employé. C’est la décision Harris c. MRN, 2005 CCI 700.

 

[19]         J’ai minutieusement examiné les motifs rendus dans cette affaire par le juge suppléant MacLatchy, étant donné qu’il est important que la Cour fasse preuve de cohérence dans ses décisions.

 

[20]         Il existe des distinctions factuelles à faire dans cette affaire‑là. En particulier, l’appelant avait effectué des retenues à la source à l’égard de M. Harris, ce dernier occupait un poste supérieur en tant que gérant et il se présentait au travail chaque jour pendant la période d’exploitation saisonnière de l’entreprise. Le juge a également conclu que M. Booker considérait M. Harris comme un employé. La situation des travailleurs, en l’espèce, est suffisamment différente de celle décrite ci‑dessus pour justifier une décision différente.

 

[21]         Les appels sont accueillis et les évaluations sont annulées.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de janvier 2011.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de mars 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 44

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-1689(CPP)

                                                          2010-1690(EI)

 

INTITULÉ :                                       JAMES BOOKER

                                                          c.

                                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 17 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 26 janvier 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocates de l’intimé :

Me Leslie M. Ross

Me Diana Aird

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      s/o

 

                          Cabinet :                 

 

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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