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Dossier : 2008‑3799(IT)APP

 

 

ENTRE :

 

ROMAN MINIOTAS S/N ROMEO’S PLUMBING & HEATING,

demandeur,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Demande entendue le 30 novembre 2010 à Winnipeg (Manitoba)

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Nalini Persaud

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

Vu la demande visant à obtenir une ordonnance prorogeant le délai imparti pour interjeter appel à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001 et 2002, la Cour ordonne que :

 

  1. Le délai dans lequel l’appel peut être interjeté soit prolongé jusqu’à la date de la présente ordonnance, et que

 

  1. L’avis d’appel accompagnant la demande soit considéré comme un avis d’appel valide ayant été déposé à la date de la présente ordonnance.


 

 

  Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de janvier 2011.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods


 

 

Référence : 2011 CCI 43

Date : 20110126

Dossier : 2008‑3799(IT)APP

 

ENTRE :

 

ROMAN MINIOTAS S/N ROMEO’S PLUMBING & HEATING,

demandeur,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

La juge Woods

 

  • [1] Dans la présente demande, Roman Miniotas demande une prorogation du délai pour interjeter appel devant la Cour. La demande concerne les cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001 et 2002.

 

  • [2] Lorsque cette demande a été initialement déposée, le demandeur était représenté par son comptable, M. David Fox. Cependant, M. Fox est tombé malade et est décédé avant que la demande ait été entendue.

 

  • [3] Le demandeur a informé la Cour qu’il avait des difficultés pour trouver un nouveau représentant et plusieurs ajournements ont été demandés. La deuxième fois que j’ai été saisie de l’affaire, j’ai rejeté l’ajournement et la demande a été entendue avec le demandeur se représentant lui-même.

 

  • [4] Le paragraphe 167(5) de la Loi établit plusieurs exigences qui doivent être respectées avant d’accueillir une demande de cette nature. Ce paragraphe se lit comme suit :

 

167(5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti en vertu de l’article 169 pour interjeter appel;

 

b) le contribuable démontre ce qui suit :

 

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel en vertu de l’article 169,

 

(A) il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom;

 

(B) ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel

 

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

 

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

 

(iv) l’appel est raisonnablement fondé.

 

  • [5] L’intimée soutient qu’un certain nombre de ces exigences n’ont pas été respectées.

 

Événements pertinents 

 

  • [6] Un résumé des événements pertinents est indiqué ci-dessous.

 

  • [7] Le 25 juillet 2005, le ministre a établi de nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2001 et 2002 du demandeur.

 

  • [8] Le 24 octobre 2005, le demandeur a déposé un avis d’opposition aux nouvelles cotisations.

 

  • [9] Le 25 octobre 2006, le ministre a établi de nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2001 et 2002.

 

  • [10] Le 22 janvier 2007, le demandeur a déposé un avis d’opposition aux nouvelles cotisations.

 

  • [11] Le 19 avril 2007, le ministre a confirmé les nouvelles cotisations.

 

  • [12] Le 3 octobre 2007, le demandeur a envoyé une lettre qui semble être une autre opposition. La lettre n’est adressée à personne en particulier, mais elle a été reçue par l’Agence du revenu du Canada (ARC).

 

  • [13] Le 24 octobre 2007, le demandeur a envoyé une autre lettre qui n’était adressée à personne. Elle a été également reçue par l’ARC.Voici le contenu de la lettre :

 

[traduction]

 

Nous avons envoyé notre appel le 3 octobre 2007 là où nous croyions qu’était la section correcte. Nous avons d’ailleurs été informés qu’il faut envoyer l’appel à cette section et nous voudrions que les frais soient annulés pour des raisons pécuniaires. Nous incluons les oppositions à présenter devant la cour d’appel que nous avons envoyées de bonne foi et dans le délai.

 

Nous choisissons la procédure informelle pour notre appel.

 

  • [14] Le 27 mai 2008, le demandeur a envoyé une lettre adressée à la Cour à son établissement à Winnipeg situé au 363, Broadway.Il semble que le demandeur s’est trompé dans la livraison de la lettre parce qu’elle a été reçue par l’ARC qui l’a envoyée à la Cour.Il convient de mentionner que les bureaux de l’ARC sont situés aussi sur Broadway à Winnipeg.

 

  • [15] Dans cette lettre, le demandeur soutient que la lettre antérieure du 24 octobre 2007 a été adressée correctement et il déclare que l’enveloppe de la lettre antérieure est incluse comme élément de soutien. Le demandeur suppose que la lettre avait été simplement livrée à l’adresse erronée.

 

  • [16] Le 24 octobre 2008, la Cour a envoyé une lettre au demandeur pour lui demander plus de renseignements pour traiter l’appel.

 

  • [17] Le 9 novembre 2008, le demandeur a répondu à cette lettre et a indiqué qu’il allait envoyer de nouveau tous les documents à la Cour.

 

  • [18] Le 24 novembre 2008, le demandeur a envoyé une lettre à la Cour qui prévoit : [traduction] « Conformément à vos instructions, nous demandons une prorogation du délai pour interjeter appel. »

 

Analyse

 

  • [19] À titre d’information, je peux seulement supposer que toute cette situation a été frustrante pour les deux parties.

 

  • [20] À l’exception de la dernière lettre du 24 novembre 2008, il apparaît que toutes les lettres du demandeur ont été préparées par son comptable, M. Fox. Malheureusement, nous n’avons pas réussi à connaître l’explication du comptable au sujet des événements.

 

  • [21] Une chose est assez évidente au vu des lettres. Le comptable croyait que l’ARC et la Cour canadienne de l’impôt étaient des sections du même ministère.Il semble que cela a d’ailleurs fait croire au comptable que le fait que l’avis d’appel n’avait pas été livré n’avait pas d’importance.Malheureusement, c’est une opinion courante erronée parmi les personnes désirant interjeter appel devant la Cour en vertu de la procédure informelle.

 

  • [22] Dans sa réponse, l’intimée soulève quatre motifs d’opposition concernant la demande. Chacun de ces motifs sera examiné ci-dessous.

 

Le délai prévu dans la Loi 

 

  • [23] L’intimée soutient que la demande de prolongation de délai a été faite le 24 novembre 2008, qui dépasse le délai de 15 mois imparti par l’alinéa 167(5)a) de la Loi.

 

  • [24] Cette observation est bien fondée si la demande de prolongation de délai avait été faite le 24 novembre 2008. La Cour n’a pas le pouvoir de proroger le délai prévu par la Loi.

 

  • [25] Cependant, cela ne règle pas définitivement l’affaire. La question demeure si une des lettres antérieures pouvait être adéquatement considérée comme une demande de prorogation de délai qui était déposée devant la Cour dans le délai de 15 mois.

 

  • [26] Il est approprié, à mon avis, que la Cour voie les demandes de prorogation de délai avec compassion. Il est souhaitable que les contribuables aient leurs appels jugés sur le fond dans la mesure du possible et selon les exigences législatives en vertu au paragraphe 167(5).Malheureusement, beaucoup de contribuables, et même leurs conseillers, ont de la difficulté à suivre les procédures appropriées pour interjeter appel, même lorsque ces procédures sont communiquées au contribuable comme elles l’ont été dans la présente affaire.

 

  • [27] En abordant les faits de l’espèce, il apparaît que le comptable a envoyé deux lettres adressées à la Cour dans le délai de 15 mois pour faire une demande de prorogation de délai. Ces lettres étaient datées du 24 octobre 2007 et du 27 mai 2008. Pour des raisons qui ne sont pas claires, ces deux lettres sont arrivées à l’ARC.Malheureusement, il est maintenant trop tard pour connaître les faits, puisque la personne responsable est décédée.

 

  • [28] Dans toutes les circonstances de la présente affaire, il serait inapproprié d’accorder le bénéfice du doute au demandeur et d’estimer que la lettre datée du 24 octobre 2007 est une demande de prorogation du délai d’appel déposée de façon valide.

 

  • [29] En concluant ainsi, je reconnais que la lettre ne demande pas particulièrement une prorogation du délai. Cependant, cela n’est pas nécessairement fatal.La lettre, qui a été reproduite ci-dessous, mentionne des oppositions antérieures devant la cour d’appel qui ont été envoyées dans le délai.Une interprétation plausible de cette déclaration est que le comptable était conscient que la date limite était dépassée et qu’il demandait que l’appel soit interjeté de toute façon.Si cette interprétation est correcte, donc, la lettre pourrait être considérée comme une demande de prorogation de délai pour interjeter appel.

 

  • [30] Une autre difficulté est que la lettre n’a jamais été reçue par la Cour jusqu’à l’expiration du délai de 15 mois. En vertu du paragraphe 18.15(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, un acte introductif d’instance doit être déposé à la date à laquelle il est parvenu au greffe.

 

  • [31] Je soulignerais que les documents présentés devant moi indiquent fortement que l’enveloppe qui contenait la lettre du 24 octobre 2007 a été adressée à l’adresse appropriée de la Cour. Pour des raisons inexpliquées, la lettre est arrivée au bureau de l’ARC à une distance de quelques coins de rue.Il apparaît que l’ARC a retourné la lettre au demandeur (et non au comptable) et que le demandeur ne s’est pas rendu compte qu’elle n’avait pas été acceptée.

 

  • [32] On ne peut pas reprocher à l’ARC l’aide qu’elle a fournie dans la présente affaire. Cependant, si l’ARC avait envoyé la lettre à la Cour le 24 octobre 2007 (tel qu’adressé sur l’enveloppe) plutôt que la retourner au demandeur, il est très probable que cette affaire n’aurait pas perdu le fil de son objectif.Le greffe de la Cour a établi des procédures pour fournir de l’aide aux contribuables dans des situations similaires.J’aimerais également faire remarquer qu’il n’y a aucun préjudice pour l’intimée, puisque l’ARC avait connaissance du fait que le demandeur souhaitait interjeter appel.

 

  • [33] Dans des circonstances inusitées en l’espèce, à mon avis, il est raisonnable de considérer que la lettre du 24 octobre 2007 a été reçue par la Cour peu après qu’elle avait été reçue par l’ARC.

 

La prolongation du délai est-elle juste et équitable? 

 

  • [34] L’intimée soutient qu’il ne serait pas juste et équitable d’accueillir la demande et, par conséquent, la demande devrait être rejetée en vertu du sous-alinéa 167(5)b)(ii).

 

  • [35] La loi exige que le demandeur démontre qu’il est juste et équitable d’accueillir la demande. Cette exigence a été respectée à mon avis.Le demandeur a confié cette affaire à son comptable et le comptable a tenté à maintes reprises, bien que maladroitement, d’interjeter appel de façon valide.Le montant en cause est très élevé pour le demandeur, 30 000 $ plus les pénalités et intérêts, et cela milite en faveur d’accueillir la demande.

 

La demande a-t-elle été faite dès que les circonstances le permettaient? 

 

  • [36] L’intimée soutient que la condition énoncée dans le sous-alinéa 167(5)b)(iii) n’est pas respectée, parce que le demandeur n’a pas démontré que la demande a été faite dès que les circonstances le permettaient.

 

  • [37] La demande a été envoyée le 24 octobre 2007, qui était environ six mois après la confirmation et trois semaines après que le demandeur a tenté de déposer un autre avis d’opposition. Nous ne savons pas pourquoi le comptable a attendu si longtemps.Je suis disposée à accorder le bénéfice du doute au demandeur concernant cette question, puisque la personne chargée de cette affaire ne peut pas raconter sa version de l’histoire.

 

L’appel est-il raisonnablement fondé? 

 

  • [38] L’intimée soutient que le demandeur n’a pas démontré que l’appel est raisonnablement fondé.

 

  • [39] Je ne suis pas d’accord avec cette prétention. Il apparaît que les cotisations ont fait un certain nombre de rajustements au revenu et aux dépenses concernant le commerce de plomberie et de chauffage du demandeur.Dans les documents joints déposés par le demandeur, il y avait des explications détaillées au sujet de l’appel, qui avaient été préparées par le comptable.Ces explications auraient pu être plus clairement établies, mais elles sont suffisantes pour me convaincre que le demandeur peut avoir une plainte légitime contre les cotisations.Je conclus que l’appel est raisonnablement fondé.

 

Conclusion 

 

  • [40] La demande est accueillie et une ordonnance sera alors rendue pour proroger le délai afin d’interjeter appel à la date de l’ordonnance, ordonnance selon laquelle la lettre datée du 24 octobre 2007 est réputée être un avis d’appel validement déposé.

 

  • [41] Finalement, j’aimerais faire remarquer que cette conclusion a été difficile et qu’on a accordé tout le bénéfice du doute au demandeur afin de lui accorder le droit de voir son appel entendu sur le fond.

 

  • [42] En lui donnant cette possibilité, je m’attends à que M. Miniotas soit adéquatement préparé pour l’audience de l’appel lorsque la date sera prévue. L’intimée a un intérêt légitime à voir le présent appel tranché le plus tôt possible.

 

 

  Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de janvier 2011.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 


RÉFÉRENCE :  2011 CCI 43

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :  2008-3799(IT)APP

 

INTITULÉ :  ROMAN MINIOTAS S/N ROMEO’S PLUMBING & HEATING et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 30 novembre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :    L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DE l’ORDONNANCE :   Le 26 janvier 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour le demandeur :

Le demandeur lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Nalini Persaud

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

  Pour le demandeur :

 

  Nom :  S/O

 

  Cabinet :

 

 

  Pour l’intimée :  Myles J. Kirvan

  Sous‑procureur général du Canada

  Ottawa, Canada

 

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