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Dossier : 2010-848(EI)

ENTRE :

JACQUES BERNIER,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

Florence Productions Inc.,

intervenante.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Josée Mongeau, 2010-992(EI)

le 24 septembre 2010, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Louis Sirois

Avocate de l'intimé :

Me Anne-Marie Desgens

Représentant de l’intervenante :

Allan Joli-Coeur

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel de M. Bernier est accueilli et la décision du ministre est modifiée de la façon suivante : M. Jacques Bernier occupait un emploi assurable durant la période du 12 juillet 2008 au 16 août 2008.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2011.

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


 

 

 

Dossier : 2010-992(EI)

ENTRE :

JOSÉE MONGEAU,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Jacques Bernier, 2010-848(EI)

le 24 septembre 2010, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

 

Comparutions :

 

Avocate de l'appelant :

Me Louis Sirois

Avocate de l'intimé :

Me Anne-Marie Desgens

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel de Mme Mongeau est accueilli et la décision du ministre est modifiée de la façon suivante : Mme Josée Mongeau occupait un emploi assurable durant la période 27 juillet 2009 au 31 juillet 2009.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2011.

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 

 


 

 

 

Référence : 2011 CCI 99

Date : 20110217

Dossier : 2010-848(EI)

ENTRE :

JACQUES BERNIER,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

et

 

Florence Productions Inc.,

intervenante,

 

et

 

Dossier : 2010-992(EI)

 

JOSÉE MONGEAU,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

Intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Archambault

 

[1]             M. Jacques Bernier et Mme Josée Mongeau interjettent appel de décisions du ministre du Revenu national (ministre), qui a déterminé qu’ils n’exerçaient pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services (contrat de travail) auprès de leur payeur respectif. Relativement à M. Bernier, le payeur est Florence Productions Inc. (FPI) et la période en cause est celle du 12 juillet 2008 au 16 août 2008 (période pertinente Bernier). FPI a également produit un avis d’intervention. Quant à Mme Mongeau, le payeur dans son cas est Les Productions Kinesis inc. (PKI) et la période visée par la décision du ministre est celle du 27 juillet 2009 au 31 juillet 2009 (période pertinente Mongeau). PKI n’a produit aucun avis d’intervention et aucun représentant de cette société n’a témoigné à l’audience.

 

[2]              Les appels de M. Bernier et de Mme Mongeau ont été entendus sur preuve commune parce qu’il s’agit d’appels qui présentent des éléments factuels communs, notamment le fait que le contrat d’engagement de l’un et l’autre était régi par une « entente collective vidéo ». Cette entente est intervenue entre l’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) et l’Association des professionnel-les de la vidéo du Québec (APVQ), représentée par l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS). Elle stipule notamment des conditions minimales de travail. Les deux appelants sont des techniciens vidéo, plus précisément des assistants à la caméra qui travaillaient pour des maisons de production cinématographique ou de production d’émissions télévisuelles.

 

[3]              Les deux appelants contestent la décision du ministre et affirment avoir exercé un emploi aux termes d’un contrat de travail et avoir occupé un emploi assurable durant leur période pertinente.

 

[4]              Pour rendre sa décision à l’égard de M. Bernier, le ministre s’est appuyé sur les présomptions de fait suivantes énoncées au paragraphe 16 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

            16.      Pour rendre sa décision, le ministre a déterminé que l’appelant n’exerçait pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services, en s’appuyant sur les présomptions de faits suivantes :

 

a)                  le payeur a été constitué en société le 4 février 2008; (prend acte)

b)                  l’actionnaire majoritaire du payeur inc [sic] est Appartement 11 Productions Inc; (prend acte)

c)                  l’actionnaire majoritaire de Appartement 11 Productions Inc est Jonathan Finkelstein qui est également administrateur du payeur; (prend acte)

d)                  le payeur exploitait une entreprise dans le domaine de la production d’émissions de télévision; (admis)

e)                  pendant la période en litige, le payeur était le producteur d’une des créations de Jonathan Finkelstein dont Nathalie Mayotte était la directrice du projet et Lori Brau[n] la directrice de production; (admis)

f)                    l’appelant a été engagé pour remplacer Sébastien Cassou dont le statut de travail a été déterminé par l’ARC comme travailleur autonome sans que M. Cassou en appelle de cette décision; (ignoré)

g)                  l’appelant a été engagé avec les mêmes conditions de travail que celles de M. Cassou et pour une durée déterminée pour un projet de tournage d’émissions pour enfants pour la télévision dont 5 épisodes de la série ont été tournés au États-Unis, d’autres en Colombie Britannique et au Québec; (ignoré)

h)                  l’appelant a été engagé principalement à tire de directeur technique et aussi comme assistant cameraman; (nié)

i)                    cette dernière attribution de travail avait pour but de permettre à l’appelant de travailler des journées entières; (ignoré)

j)                    un contrat écrit liait les parties; (admis)

k)                  à titre de directeur technique, l’appelant devait, entre autre [sic], se rendre sur les lieux du tournage avant l’équipe pour faire le repérage des lieux et il avait à superviser d’autres travailleurs; (nié)

l)                    à titre d’assistant cameraman, l’appelant devait s’assurer que le matériel, caméras, radios à ondes courtes, soit disponible pour le personnel artistique sur les sites de tournage; (admis)

m)                l’appelant était sous la supervision de la directrice de production; (admis)

n)                  comme toutes les personnes impliquées dans le projet en incluant les directeurs, le payeur remettait journellement à l’appelant une cédule de travail qui indiquait les heures de pauses et surtout les différentes activités heure par heure afin de s’assurer que le travail soit fait dans l’ordre en respectant le synchronisme du tournage et l’échéancier; (admis)

o)                  l’appelant devait travailler en équipe afin que le projet soit mené à bien; (admis)

p)                  la rémunération de l’appelant a été déterminée par le payeur; (nié)

q)                  pour son travail de directeur technique (nié), la rémunération a été déterminée suite à une négociation entre les parties; (admis)

r)                   quant à la rémunération d’assistant caméraman, le payeur a respecté le taux établi par l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS); (admis)

s)                   Le travail d’assistant caméraman est syndiqué (admis), alors que le travail de directeur technique ne l’est pas; (nié)

t)                    bien que le payeur soit uniquement tenu de payer tous les bénéfices reliés à la rémunération du poste d’assistant caméraman, il a payé lesdits bénéficies [sic] sur l’entièreté de la rémunération versée à l’appelant. (nié)

                                                                            [Je souligne.]

 

[5]              Les faits tenus pour acquis par le ministre pour rendre sa décision dans le dossier de Mme Mongeau sont énoncés au paragraphe 15 de la Réponse à l’avis d’appel modifiée :

 

15.              Pour rendre sa décision, le ministre a déterminé que l’appelante n’exerçait pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services, en s’appuyant sur les faits présumés suivants :

 

a)                  Les Productions Kinesis inc a été constitué [sic] en société le 14 août 1997; (pas de preuve contraire)

b)                  les actionnaires à parts égales du payeur sont Stéphane Tanguay et Cédric Bourdeau; (pas de preuve contraire)

c)                  le payeur est une société de production cinématographique spécialisée dans le cinéma d’auteur à court et long métrage; (ignoré)

d)                  la place d’affaires du payeur est à Montréal; (ignoré, pas de preuve contraire)

e)                  le payeur a engagé l’appelante à titre d’assistante à la caméra; (admis)

f)                    un contrat écrit liait les parties; (admis)

g)                  le contrat a été signé le 27 juillet 2009; (ignoré)

h)                  par ce contrat, le payeur garantissait 5 jours de travail à l’appelante; (admis)

i)                    les fonctions de l’appelante étaient, entre autres, d’aider aux prises de vues (admis), d’estimer l’éclairage; (nié)

j)                    l’appelante était l’assistante de François Messier, caméraman principal, et suivant les directives de ce dernier; (admis)

k)                  l’appelante devait travailler en étroite collaboration avec l’équipe de production afin d’assurer la haute qualité du produit cinématographique tout en respectant l’échéancier établi par le payeur; (admis)

l)                    l’appelante devait se présenter sur le plateau de tournage aux heures fixées par le réalisateur ou producteur, généralement en fin de journée de travail pour le lendemain; (admis)

m)                l’appelante a travaillé à des heures variables pendant la période en litige; (admis)

n)                  l’appelante ne pouvait quitter le plateau de tournage que lorsque le producteur lui en donnait l’ordre; (admis)

o)                  l’appelante utilisait le matériel du payeur, sauf son clap de caméra; (admis)

p)                  l’appelante est membre de l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS); (admis)

q)                  l’appelante était rémunérée au taux horaire de 25.25 $ dont 50 % lui serait remis si la production était rentable tel que l’exige l’AQTIS; (admis)

r)                   des déductions à la source ont été faites par le payeur sur la rémunération de l’appelante, tel que spécifié au contrat et comme l’exige l’AQTIS, soit 7.5 % de sa rémunération à titre de contribution au REER collectif de l’AQTIS, au régime d’assurance collective de l’AQTIS ainsi que sa cotisation syndicale de 2.5 %; (admis)

s)                   l’appelante a déclaré sur sa déclaration d’impôt 2009 les revenus du payeur comme étant du revenu de travailleur indépendant et a réclamé des dépenses à l’encontre de ce revenu; (nié)

t)                    le payeur ne contrôlait pas la façon dont l’appelante exécutait ses fonctions; (nié)

u)                  l’appelante n’était pas intégré [sic] à l’entreprise du payeur; (nié)

v)                  les prestations de services de l’appelante ne se limitaient pas à ceux qu’elle offrait au payeur; (nié)

w)                la relation entre le [sic] l’appelante et le payeur ne présentait pas un degré de continuité, ni de loyauté. (nié)

                                                                                                [Je souligne.]

 

[6]              Pour décrire le rôle de l’AQTIS et certaines pratiques existant dans le milieu de la vidéo au Québec, les appelants ont fait témoigner M. Frédéric Lussier‑Cardinal, un conseiller en relations industrielles qui était au service de l’AQTIS depuis quelques mois. Ce dernier détient un diplôme en relations industrielles obtenu en 2010. Il est aussi membre de l’ordre professionnel des conseillers en relations industrielles du Québec.

 

[7]              M. Lussier-Cardinal a décrit l’AQTIS comme un regroupement de pigistes[1] agissant comme techniciens de l’image et du son. L’AQTIS vise à défendre l’intérêt de ses membres, notamment en négociant et en signant des conventions collectives. Elle réunit 126 catégories de professionnels ou techniciens et compte environ 3 000 membres en règle.

 

[8]              Selon M. Lussier-Cardinal, l’APftq regroupe de 150 à 170 maisons de production, dont notamment FPI et PKI.  Le régime juridique applicable à l’entente collective vidéo est décrit à l’article 1.01 de l’entente :

 

a)   La présente entente est conclue, en partie, selon la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma (L.R.Q. c. s-32.1) (ci-après « la Loi [2]»), à la suite de la reconnaissance accordée à l’APVQ par la Commission de la reconnaissance des associations d’artistes et des associations de producteurs (ci-après la « commission ») par sa décision du 12 juillet 1993 pour tous les postes reconnus comme ceux d’artistes le 12 juillet 1993, ou par de décisions subséquentes;

 

b)      En ce qui concerne les postes qui ne sont pas reconnus comme ceux d’artistes par la commission, la présente entente est conclue en vertu du Code civil du Québec.

                                                                                      [Je souligne.]

 

[9]              Plusieurs dispositions de l’entente collective vidéo décrivent le champ d’application de l’entente.  Les plus pertinents pour les fins du litige sont les articles 1.03 et 1.05 :

 

1.03          La présente entente vise et s’applique aux techniciens, incluant ceux qui offrent leurs services par l’intermédiaire d’une personne morale, que le producteur engage dans le cadre de la production d’œuvres audiovisuelles sur support magnétoscopique, vidéographique ou électronique dont le premier marché est la télédiffusion (en direct ou en différé) ou la projection en salle, pour les postes suivants :

 

a)      pour les œuvres dramatiques enregistrées à la manière d’un film, l’entente s’applique aux postes énumérés au tableau 1 de l’annexe D.

 

b)      pour les autres œuvres audiovisuelles, l’entente s’applique aux postes énumérés au tableau 2 de l’annexe D.

 

1.05     La présente entente ne s’applique pas aux employés permanents du producteur[3].

 

                                                                                      [Je souligne.]

 

[10]         Finalement, l’article 1.09 de cette entente décrit les buts poursuivis :

1.09          La présente entente collective a pour but de fixer les conditions minimales de travail pour des techniciens occupant l’un des postes auxquels elle s’applique, de favoriser de bonnes relations entre les parties et de mettre en place un mécanisme de règlement pour les griefs.

 

                                                                                      [Je souligne.]

 

[11]         Parmi les conditions minimales de travail, l’entente adopte une échelle salariale minimale, qui figure aux pages 81 à 83 de l’entente (pièce A-1). M. Lussier-Cardinal a aussi confirmé que l’AQTIS encourage ses membres à négocier une rémunération supérieure aux normes minimales prévues par l’entente collective.

 

[12]          L’entente collective prévoit la signature d’une entente individuelle écrite entre un producteur et un technicien. On trouve à l’annexe A de l’entente collective un formulaire de contrat d’engagement. Sur ce formulaire sont indiqués le poste, la rémunération ainsi que les conditions de travail. Le contrat d’engagement liant M. Bernier à FPI ainsi que celui liant Mme Mongeau à PKI correspondent à ce formulaire. Il est stipulé au contrat d’engagement individuel que les parties reconnaissent que l’entente collective est incorporée au contrat et en fait partie intégrante (voir pièces A-3 et A-6, ainsi que la pièce A-1 page 51). Ce contrat individuel est généralement signé par le directeur de la production et le technicien. Il prévoit notamment le taux horaire de rémunération, le nombre de jours garantis de travail ainsi que les dates d’exécution du travail. Dans ce contrat individuel, le technicien autorise le producteur à prélever sur chacune de ses paies une somme équivalant à un pourcentage spécifié de sa rémunération, incluant la paie de vacances, sa cotisation au REER collectif de l’APVQ, les primes du régime d’assurance collective de l’APVQ ainsi que sa cotisation syndicale.

 

[13]         Cette disposition du contrat individuel est conforme à l’article 14.09 de l’entente collective, qui stipule :

Le producteur s’engage à retenir toutes les déductions à la source sur la rémunération du technicien et à verser l’indemnité afférente au congé annuel conformément aux lois applicables. Cet article ne s’applique pas au technicien qui offre ses services par l’intermédiaire d’une personne morale.

 

                                                                                 [Je souligne.]

 

[14]         Parmi les lois applicables visées par cet article 14.09, M. Lussier-Cardinal a mentionné la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre, et LRQ. ch. D-8.3 (Loi sur les compétences)[4].

 

[15]         Il est intéressant de souligner l’article 1, qui décrit l’objet de la loi :

 

1.   La présente loi a pour objet d’améliorer la qualification et les compétences de la main-d’œuvre par l’investissement dans la formation, par l’action concertée des partenaires patronaux, syndicaux et communautaires et des milieux de l’enseignement, ainsi que par le développement des modes de formation et la reconnaissance des compétences des travailleurs en emploi. […]

 

                                                                                      [Je souligne.]

 

[16]         L’article 3 de la Loi sur les compétences vise les employeurs :

 

Tout employeur, dont la masse salariale à l’égard d’une année civile excède le montant fixé par règlement du gouvernement, est tenu de participer pour cette année au développement des compétences de la main-d’œuvre en consacrant à des dépenses de formation admissibles un montant représentant au moins 1% de sa masse salariale

 

                                                                                      [Je souligne.]

 

[17]         Il est prescrit par règlement que seulement les employeurs dont la masse salariale dépasse un million de dollars doivent contribuer. Sur les 150 ou 170 membres de l’APFTQ, il y a une cinquantaine de maisons de production que l’on considère comme des maisons majeures et, selon M. Lussier-Cardinal, la grande majorité de celle-ci contribue au financement du Regroupement pour la formation en audiovisuel du Québec (RFAVQ), qui a été reconnu en 2008 sous le régime de la Loi sur les compétences. Le président du RFAVQ est membre de l’AQTIS et le vice-président est membre de l’APFTQ.

 

[18]         Selon l’interprétation qu’adopte M. Lussier-Cardinal des contrats d’engagement individuels, ces contrats créent un lien d’emploi entre les techniciens et la maison de production. À l’appui de cette prétention, il a fait référence à l’annexe B de l’entente collective vidéo, où l’on trouve un formulaire de feuille de temps sur lequel sont présentées de façon détaillée plusieurs données qui permettent aux comptables de la maison de production de calculer et de verser la rémunération due au technicien. Notamment, on y indique l’heure du début du travail, l’heure des pauses-repas, le temps de transport, le type d’enregistrement et le total des heures travaillées et des heures garanties. On y inscrit également les 4 % pour les vacances, calculés par rapport au total de la rémunération. Par contre, je constate qu’on y trouve également le calcul de la TPS et de la TVQ, « si applicable » (voir p. 52 de l’entente collective vidéo).

 

[19]         Parmi les déductions qui ont été faites conformément aux lois applicables, M. Lussier-Cardinal a indiqué la contribution que les maisons de production doivent verser en vertu de la Loi sur les compétences.

 

[20]         Pour appuyer son affirmation que l’AQTIS considère les contrats d’engagement individuels comme des contrats de travail et non pas comme des contrats de service, il a signalé l’intervention de l’AQTIS dans la faillite de la production Loft Story IV, émission produite pour la saison 2008 de TQS. L’AQTIS a réussi à obtenir que 115 de ses membres (qui n’offraient pas leurs services par l’intermédiaire d’une personne morale) soient considérés, lors de la distribution des biens de la faillite, comme des créanciers privilégiés à titre de salariés, en vertu de l’alinéa 136 (1)(d) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3 (voir pièce A-2).

 

[21]         Lors de son contre-interrogatoire, M. Lussier-Cardinal a reconnu que les contrats d’engagement individuels ne stipulaient pas que la rémunération versée constituait un salaire ou que les techniciens étaient des salariés. En effet, le contrat d’engagement individuel ne précise pas la nature du contrat. On ne le qualifie que de « contrat d’engagement ».

 

[22]         L’entente collective[5] prévoit les modalités suivantes quant au remplacement des techniciens :

 

Remplacement

 

6.18     À moins d’indication contraire au contrat d’engagement, un technicien ne peut pas se faire remplacer par un autre technicien sans avoir préalablement obtenu l’autorisation écrite du producteur, laquelle ne peut être refusée sans motif raisonnable.

 

La demande de remplacement doit être formulée dans un délai minimal de sept (7) jours avant la journée de travail prévue.

 

Absence motivée

 

6.19     Le technicien peut s’absenter pour motifs sérieux, pendant la durée de son contrat. Le technicien doit avertir le producteur au moins vingt-quatre (24) heures à l’avance, sauf en raison de maladie ou de circonstances imprévisibles ou hors de don contrôle nécessitant une action immédiate, auquel cas le technicien doit aviser le producteur le plus tôt possible, à défaut de quoi les dispositions du paragraphe c) de l’article 6.17 s’appliquent.

 

                                                                                                            [Je souligne.]

 

Ÿ   M. Jacques Bernier

 

[23]         Tel qu’il a été mentionné précédemment, M. Bernier et Mme Mongeau ont signé chacun un contrat d’engagement individuel. Toutefois, aux fins de ces motifs, il est préférable de traiter séparément les faits se rapportant à chacun des dossiers. Le rapport sur un appel préparé par l’agente des appels expose les faits pertinents relatifs au dossier de M. Bernier (pièce A-4) :

 

Information obtained from the worker, Jacques Bernier:

 

1.                  The payer is the producer of a children’s television show called “In the Real World.” The program was later renamed “Real World.”

2.                  There were several persons in charge of the daily activities of the payer: Jonathan Finkelstein, the head producer, Allan Joli-Coeur, Nathalie Mayotte and Lori Braun.

3.                  The worker was hired to provide services as a technical director and assistant camera man.

4.                  It was the payer that had contacted the worker to offer him the position.  The worker’s name appears on a list of unionized employees.  These lists are used as [sic] by potential employers to recruit for certain positions.[6]

5.                  The worker has 30 years of experience in the film industry.

6.                  The worker was hired to replace Sébastien Cassou who took time off after the birth of his child. An insurability decision rendered for Sébastien Cassou found him to be an independent worker. Mr. Cassou did not appeal the decision.

7.                  The worker was hired under a written, formal AQTIS (Alliance québecoise [sic] des techinciens [sic] du [sic] l’image et du son) contract. The contract was signed in Montréal, Québec. The contract was presented to the worker by Lori Braun. She explained the terms and conditions to the worker. (TAB 1)

8.                  The worker was hired for a determined period of time. He was to provide services from July 12 to August 16, 2008 for approximately 12 working days.

9.                  The worker performed services for the payer on location, in Québec, British Columbia and in the USA.

10.              The working schedule was set by the payer. The worker received from the payer every morning an instruction sheet which outlined the daily working plan and schedule.

11.              The worker’s daily activities were supervised by the payer. Lori Braun, the director of production, was the worker’s immediate supervisor.

12.              The worker had to fill out time sheets on a weekly basis. These were handed in to Lori Braun. The payer kept track of the worker’s hours because he was remunerated for his overtime.

13.              The worker was remunerated every two weeks by a check made out to his name.

14.              As per contract, he was paid at the rate of 375 $ per day for a 12 hour workday. Any hours worked above that were paid at the overtime rate.

15.              The rate of remuneration used by [sic] determined by the artist’s union (AQTIS). The union sets the minimum daily rate. It is possible to negotiate a higher amount with the payer. The worker was receiving about 25$ more per day than the going union rate.

16.              As per contract and union regulations, the payer paid a portion of the union dues, medical insurance and the worker’s RRSP contributions.

17.              Initially, the worker did not receive any compensation for his vacations. However, following a decision by the Commission des norms [sic] de travail, the payer paid the worker his 4% vacation entitlement.

18.              As per contract, the payer paid all of the worker’s travelling expenses. He was remunerated at a special rate for his travelling days. In addition, the worker received a per diem from the payer when travelling.

19.              The payer supplied all of the tools and equipment required for the job.

20.              The only [sic] worker provided his own tool belt and small tools, such as a screw driver, etc…

21.              The worker raised the question of his status several times. He discussed the issue with Lori Braun. He remembers how surprised everyone was when there were no deductions made on the paychecks.

22.              Lori Braun had told the worker that his status could be modified to that of an employee if he accepted a 15% cut in salary. The worker needed the money and did not accept the cut.[7]

23.              On another occasion, in order to explain his status the worker was told by Ms. Mayotte who got the information from the payer’s lawyer, that contracts under 14 weeks were treated as independent contracts[8] those longer than 14 weeks were treated as salaried contracts.[9]

24.              The worker believes that he was an employee because he was always treated as such by other payers when providing the same service. He also feels that the fact that he signed a union contract, that the payer set his schedule, provided the tools for the jobs, supervised him and that he was remunerated as per union rules for overtime, medical insurance, union dues and RRSP contributions, made him an employee.

 

Information received from the payer’s representative, Alan [sic] Joli-Coeur:

 

25.              The payer’s representative confirmed much of the information provided by the payer. He clarified some of the facts:

26.              Jonathan Finkelstein is the sole shareholder of the payer. He is also the creator of the program. Nathalie Mayotte was the project producer and Lori Braun was the director of production.

27.              The worker was hired to provide services as an independent. It is the payer’s policy to always fully explain to all workers the type of contract they are signing and their status. Lori Braun met with the worker. She presented the contract to him and explained the status of independent. The payer has no doubt that the worker with his numerous years of experience in the industry understood his status and the contract that he was signing. 

28.              It is an accepted practice in the filming industry that those who are hired for “director” positions are hired as independents and those that are hired as executors, i.e. cameramen are hired as employees. In addition, participants in short filming projects use mostly independent workers; long television series usually hire employees. The worker was hired for a short television project.

29.              The worker was referred to the payer. He replaced Sébastien Cassou, who was initially hired for the project. The terms of hiring were the same for both individuals.

30.              The worker was hired to provide services primarily as a technical director and second as an assistant cameraman. The assistant cameraman position was used as a “filler” to allow the worker to do a full day’s work. The position of technical director is not a unionized position; whereas that of the assistant cameraman is. Had the worker been hired to work as an assistant cameraman only, he would have been considered an employee.[10]

31.              The payer gave the worker an active AQTIS contract to sign because it outlined all of the conditions set for the assistant cameraman position. The AQTIS does not have a contract for the technical director because it is not a unionized position.

32.              The fact that the worker signed a union contract should not be used as a determining factor to establish the worker’s status. The worker’s situation was particular in that he was hired to fill two positions. His primary duty was that of the technical director and his secondary duty was that of the assistant cameraman. Therefore, the fact that the primary position is that [sic] of an independent nature should be considered when determining status rather than the fact that a union contract was used.

33.              Everyone involved in the project, including all director [sic] and workers, received a daily “call sheet.” This is standard practice in the industry. The call sheet outlines the daily schedule, breaks and activities. This is done in order to ensure that the work is carried out in an orderly, synchronized and timely manner.

34.              The daily schedule was determined by the payer based on the required shooting time.

35.              The worker worked as part of a team. The work done by the worker was supervised by the producer. The worker as a technical director, in turn, supervised the work of other individuals.

36.              The worker’s remunerated [sic] was determined in the following manner: for his work as an assistant cameraman the rate set by the AQTIS was used and the rate of pay for his was [sic] as a technical director was negotiated. It was Nathalie Mayotte and Lori Braun that negotiated the pay of technical director with the worker.

37.              Although the payer was only required to pay all of the benefits as set by the AQTIS for the assistant cameraman portion of remuneration only, the payer paid the benefits on the entire amount paid to the worker.[11]

38.              The payer’s representative, who is the in-house legal advisor, never told anyone that a 14 week criterion was used to determine the status of contracts. He never heard of this.

39.              Although the payer’s representative is unaware as to whether the worker was made an offer to accept a 15% salary cut in order to become salaried, it is an offer that was made to someone in the past.

40.              The worker had contested his employment status with the Quebec Minister of Revenue. The decision was that the position held by the worker was that of an independent.[12]

41.              There exists a possibility of filing a grievance with the AQTIS regarding any irregularities. The worker who is well aware of this option did not choose to exercise it.[13]

42.              The payer agreed to pay the worker his 4% following the Commission des norms [sic] de travail decision because the amount was minimal and not worthwhile contesting. As well, the payer wanted closure and was looking to put the issue behind him.

43.              The reality that the film industry does not fall into the usual labour norms should be considered when determining the worker’s status. The fact that the worker held a position which consisted of two different job descriptions, the primary one being a non unionized position and the fact that the worker accepted independent status at the signature of the contract should be used as the determining factors in deciding the worker’s status. The payer does not feel that [it] is fair that the worker who benefited from a tax free full pay and enjoyed benefits paid on the full amount, even though he was entitled for only a portion of the remuneration, should now also be able to collect employment insurance premiums.

 

                                          [Je souligne et les caractères gras sont les miens.]

 

[24]         Durant son témoignage, M. Joli-Coeur a décrit les différentes étapes de la production de la série télévisuelle Real World. Il s’agissait d’une série de téléréalité de treize émissions d’une heure. Cette production a requis beaucoup d’équipement, dont notamment 18 caméras, et la présence de 60 personnes sur le plateau. Pour cette raison, on avait besoin de gérer l’équipement de façon efficace. C’est le motif pour lequel on a décidé d’engager un directeur technique pour une durée prévue de deux mois, de juin 2008 au 16 août 2008. Quand M. Cassou est parti, on l’a remplacé par M. Bernier. Le témoignage de M.  Joli-Coeur, de même que celui de M. Bernier, m’a convaincu que M. Bernier avait été engagé principalement à titre de directeur technique, et qu’il a agi également comme assistant à la caméra, au besoin.

 

[25]         Si on a combiné les rémunérations pour les deux fonctions et adopté les normes et les conditions de travail prévues à l’entente collective vidéo, c’était pour simplifier la tâche du comptable de la production, a dit M. Joli-Coeur. Il a expliqué qu’une rémunération plus élevée avait été payée à M. Bernier en raison de ses responsabilités de directeur technique.

 

[26]         Lors de son contre-interrogatoire par l’avocat de M. Bernier, M. Joli-Coeur a reconnu que, si un technicien ne faisait pas ce qu’il fallait, le producteur délégué se chargeait de le lui dire. Il a donc reconnu qu’un assistant à la caméra était subordonné au producteur. En ce qui a trait aux fonctions de directeur technique, M. Joli-Coeur a reconnu que les directives adressées à M. Bernier venaient de la productrice déléguée, Mme Mayotte.

 

[27]         M. Joli-Coeur a raconté que la période de préproduction s’était étendue de septembre 2007 à juin 2008, et la production, de juin à août 2008. La période de production est décrite comme la période de tournage. Il a défini la période de préproduction comme tout ce qui se passe avant le tournage, et celle de la postproduction comme tout ce qui se passe après le tournage. Durant la période de préproduction, on avait rédigé le synopsis et le scénario et déterminé les lieux de tournage.

 

[28]         Au cours de la première journée de tournage, il y avait 75 personnes sur le plateau. M. Joli-Coeur a reconnu que, si le travail n’était pas terminé à la fin des périodes établies par les « call sheets », il fallait verser une rémunération pour les heures supplémentaires et il en était de même si la prise des repas était retardée.

 

[29]         M. Joli-Coeur a raconté que FPI avait à son service quatre ou cinq personnes engagées à titre permanent. Pour la réalisation de productions cinématographiques ou télévisuelles, il fallait engager un réalisateur, des scénaristes et tous les techniciens nécessaires pour mener le projet à bien. Toutes ces personnes étaient considérées comme des pigistes.

 

[30]         Il a reconnu que certains techniciens étaient considérés comme des salariés s’ils en faisaient la demande et que le budget le permettait, sans pour autant qu’il y ait de changement dans les tâches que ces techniciens pouvaient exécuter.

 

[31]         Lors de son témoignage, M. Bernier a confirmé qu’il avait oeuvré dans le domaine des productions audiovisuelles pendant une trentaine d’années et que, de façon générale, les maisons de production retenaient à la source non seulement sa cotisation à son RÉER, mais aussi l’impôt dû aux autorités fiscales ainsi que les cotisations au Régime des rentes du Québec (RRQ) et les cotisations d’assurance‑emploi. Il a ajouté qu’il touchait régulièrement des prestations d’assurance-emploi dès qu’il y était admissible. Il a indiqué qu’il arrivait qu’il soit tenu de rembourser une partie de ces prestations lorsqu’il avait reçu une rémunération trop élevée. Par contre, il a reconnu qu’il n’y avait pas eu de retenue à la source à l’égard du RRQ, de l’assurance-emploi et de l’impôt dans le cas de son contrat avec FPI.

 

[32]         Durant la période de production, a indiqué M. Bernier, c’est le producteur qui décidait du « où », du « quand » et du « comment » du travail à faire. Notamment, l’horaire du tournage était décidé par le producteur ou le réalisateur sans que M. Bernier soit consulté. L’horaire prévoyait exactement la période d’exécution des travaux et les temps d’arrêt pour les repas. Par contre, il a reconnu que, comme technicien d’expérience, il savait comment faire son travail. Mais, ce n’était pas lui qui décidait de l’emplacement des caméras lors du tournage. selon lui, son patron était d’abord le producteur délégué, suivi du réalisateur et du régisseur. Lors de son témoignage, il a confirmé la description de ses tâches qu’il avait faite au paragraphe 3 de son avis d’appel, paragraphe dont l’intimé a admis l’exactitude :

 

3.   L’Appelant travaille à titre d’assistant à la caméra, notamment, dans le cadre de son travail, il effectue les tâches suivantes :

 

- Préparer les caméras.

- Installer ou changer les objectifs.

- Installer et changer au besoin le ruban vidéo.

- Changer les batteries au besoin.

- Identifier les rubans vidéo.

- Transporter l’équipement.

- Faire l’identification des prises avec les claquettes.

- Aider dans l’installation de caméras.

-.Aider à serrer l’équipement.

- Vérifier régulièrement le time-code.

- Être collé sur le plateau de tournage et aider les cadreurs[.]

- Conduire le camion d’équipement.

- Charger les batteries.

- Distribuer la dizaine de caméras aux assistants à la caméra et aux cadreurs.

- Faire du transfert de donner [sic] vidéo numérique aux disques durs.

- S’assurer que tout l’équipement fonctionne bien.

- Être le "gars dans le truck caméra".

- Prendre soin des walkies talkies.

- Arranger les problèmes techniques mineurs.

- S’assurer que toutes les caméras soient synchronisées.

- Quand le temps le permettait, aller sur le plateau de tournage et accomplir les tâches d’assistant à la caméra.

 

                                                                                                [Je souligne.]

 

[33]         M. Bernier a aussi indiqué qu’il avait exécuté entre vingt et trente contrats d’engagement au cours de l’année 2008, principalement à titre d’assistant à la caméra.

 

[34]         S’il y avait des retards dans la réalisation d’une production télévisuelle, les risques pesaient, selon M. Bernier, sur le producteur, notamment en ce qui a trait à la rémunération pour les heures supplémentaires qu’il fallait verser. Durant la période pertinente, M. Bernier n’a jamais été remplacé par quelqu’un d’autre.

 

[35]         Il a aussi confirmé qu’il avait négocié sa rémunération. On lui avait offert 350 $ pour 12 heures, alors qu’il avait demandé 375 $, ce qu’il a obtenu. Selon M. Bernier, sa sécurité financière dépend de sa réputation et de son droit d’obtenir des prestations d’assurance‑emploi.

 

Ÿ   Mme Josée Mongeau

 

[36]         Mme Mongeau est assistante à la caméra, davantage deuxième que première assistante. Elle est dans ce métier depuis une quinzaine d’années. En 2009, elle a exécuté entre quinze et vingt contrats, dont la durée pouvait aller d’une journée à trois mois. Selon elle, depuis quinze ans qu’elle exerce son métier, le contrat avec PKI est le premier en vertu duquel elle n’a pas été reconnue comme une salariée. De façon générale, elle reçoit un relevé d’emploi à la fin de ses contrats d’engagement établis selon le formulaire de l’AQTIS. Elle refuse d’ailleurs les contrats qu’elle décrit comme étant « par facture ». Ces contrats sont différents de ceux signés sur le formulaire de l’AQTIS.

 

[37]         On a produit le rapport sur un appel (pièce A‑7) qui expose les faits présentés lors de conversations qu’a eues l’agent des appels avec Mme Mongeau. Le rapport relate également les conversations avec un représentant de PKI, M. Bourdeau. Certains des faits sont bien exposés dans la Réponse à l’avis d’appel modifiée, dont j’ai reproduit une partie plus haut. Je n’ajouterai que certains extraits tirés du rapport qui m’apparaissent plus importants :

 

[...]

 

Conversation avec Josée Mongeau

 

(l’autre partie/la travailleuse)

 

[…]

 

15.       Tout le travail effectué par Josée Mongeau à titre d’assistante à la caméra était exécuté sur les différents plateaux sous la supervision et le contrôle du directeur photo, François Messier.

 

15.1     François Messier est le caméraman principal de la production vidéo et il s’occupe également de l’éclairage et de la photo en plus de donner ses directives à Josée Mongeau à titre d’assistante caméraman.

 

16.       Le travail de Josée Mongeau consistait à aider aux prises de vues, estimer l’éclairage, les angles[14], etc.

 

17.       À la question de savoir si son travail avait été supervisé ou contrôlé; elle m’a répond [sic] « Toutes mes directives provenaient du directeur photo. Je devais quitter le plateau seulement lorsqu’on en recevait l’ordre du producteur. Je devais me présenter aux endroits et aux heures qu’on me fixait. J’avais à compléter des feuilles de temps.

 

18.       Je me considérais une employée et non une sous-traitante. Je n’avais aucune dépense à engager. J’étais payée à l’heure ».

 

18.1.    J’ai demandé à Josée Mongeau de m’expliquer pourquoi déclare-t-elle ses revenus provenant de Les Productions Kinesis Inc comme du revenu d’entreprise et pourquoi déduit-elle des dépenses d’entreprise. Elle m’a répondu qu’elle n’avait pas le choix car Les Productions Kinesis Inc ne voulait pas lui donner de T4 et de Relevé d’emploi donc lors de la production de son rapport d’impôt, il lui restait qu’une façon de déclarer ses honoraires soit comme du revenu d’entreprise et ainsi réclamer ses dépenses de bureau à la maison (voir pièce 7 jointe au dossier)[15].

 

[…]

 

19.       Elle nous explique que le payeur a refusé d’émettre un RDE sous le prétexte que cela lui aurait coûté trop cher de retenir de l’AE à la source.

 

20.       À la question de savoir de quelle manière elle avait obtenu ce travail; elle m’a répond [sic] « C’est une connaissance qui m’a dit qu’ils avaient besoin d’une assistante. J’ai communiqué avec eux et ils m’ont fait signer un contrat » (Montréal, P.Q.).[16]

 

[...]

 

21.1     Les heures de travail sont décidées par le réalisateur/producteur et il les annonces [sic] généralement après la journée de travail pour le lendemain. L’horaire de travail peut aussi bien être en matinée qu’en soirée ou même de nuit dépendant des intentions de tournage du réalisateur.

 

22.       Le payeur considère Josée Mongeau comme une travailleuse autonome alors que celle‑ci se considère une employée.

 

22.1     Josée Mongeau me dit que si les travailleurs n’acceptent pas  les conditions d’emploi, ils n’auront pas le contrat et c’est pourquoi elle a accepté que son statut soit autonome même si elle était en désaccord.[17]

 

23.       Les deux parties ont reconnu l’existence d’un lien de subordination entre elles.

 

Conversation avec Cédric Bourdeau de Les Productions Kinesis Inc (l’appelante/le payeur)

 

24.       Cédric Bourdeau a corroboré en totalité les affirmations de Josée Mongeau à l’exception de l’intention initiale qui n’a jamais été qu’elle soit l’employée de l’entreprise mais plutôt travailleuse autonome/pigiste.

 

25.       Les déductions effectuées sur son talon de paie représentent les déductions obligatoires que le payeur doit faire à tous ceux qui sont membres du Syndicat « AQTIS », comme l’est Josée Mongeau (numéro de membre 20715). Le payeur doit prélever le coût du permis, la cotisation syndicale, les assurances-collectives et le REER collectif. Ces déductions ne signifient nullement que Josée Mongeau est une employée pour autant.

 

[...]

 

(VI) CONTRADICTIONS :

 

La seule contradiction entre les parties se situe au niveau de leur intention initiale malgré que Josée Mongeau fût parfaitement consciente de l’intention du payeur au moment de l’embauche de la considérer comme une travailleuse autonome/pigiste.

 

                         [Je souligne. Les caractères gras sont de l’agent des appels.]

 

[38]         Contrairement à ce qui s’est produit dans le dossier de M. Bernier, l’agent d’assurabilité avait déterminé que le travail de Mme Mongeau était assurable.

 

[39]         Lors de son témoignage, Mme Mongeau a apporté certaines précisions, notamment en ce qui concerne l’exécution de ses tâches. Elle a mentionné qu’elle recevait des directives quant à l’endroit où mettre les caméras et que c’était le réalisateur qui décidait de la scène à tourner et du degré de netteté de l’image.

 

[40]         Elle a confirmé la description de ses tâches, telle qu’elle apparaît au paragraphe 3 de son avis d’appel, paragraphe dont l’intimé admet les énoncés :

 

3. L’Appelante travaille à titre de 1ière assistante à la caméra, notamment, dans le cadre de son travail, elle effectue les tâches suivantes :

 

a)      montage de toutes les pièces de la caméra le matin.

b)      faire le point au moment du tournage pour avoir une image nette à moins d’avis contraire.

c)      entretenir le mieux possible l’équipement de tournage.

d)      assister le directeur photo pour son confort ergonomique en le soulageant de la caméra entre les prises si on tourne caméra épaule par exemple.

e)      assure la sécurité de la caméra lors des déplacements.

f)        range l’équipement caméra dans les caisses en fin de journée.

g)      recharger les batteries de la caméra.

 

 

[41]         Mme Mongeau considère que le travail de technicien n’en est pas un de création. Son travail consiste à répondre aux besoins du réalisateur. Selon elle, elle reçoit des directives au fur et à mesure que la production se réalise, car il y a beaucoup de modifications en cours de réalisation : « Ça change beaucoup d’idées ».

 

[42]         Elle a décrit les patrons sur le plateau comme étant tout d’abord le producteur, ensuite le réalisateur, et puis le régisseur. Quoique le réalisateur soit le chef d’orchestre relativement à la création, les décisions quant aux lieux de tournage sont souvent les décisions du producteur, et elle a expliqué qu’un réalisateur peut souvent se faire renvoyer avant la fin de la production d’un film.

 

[43]         Mme Mongeau a indiqué qu’elle avait déjà refusé des contrats parce qu’on ne voulait pas la traiter comme une salariée. Elle a aussi ajouté qu’elle pouvait être considérée comme une salariée même dans le cas d’un contrat pour lequel on n’avait pas utilisé le formulaire prévu à l’entente collective.

 

[44]         Elle a reconnu qu’elle fournissait certains petits outils, comme un tournevis, des ciseaux, un crayon et de la craie. Mme Mongeau s’est considérée comme intégrée à l’entreprise de PKI, quoiqu’elle ne soit pas reconnue comme une employée permanente de cette entreprise. Finalement, elle a indiqué qu’elle n’avait travaillé pour aucun autre producteur pendant la durée de son contrat avec PKI.

 

[45]         L’agent des appels a cité comme précédents les décisions 9041-6868 Québec Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CAF 334 (CanLII) (Tambeau) et Productions Petit Bonhomme Inc. c. Canada (M.R.N.), 2004 CAF 54, (2004), 323 N.R. 356, [2004] A.C.F. no 238 (QL). Quant à l’agente des appels dans le dossier de M. Bernier, elle n’a cité que l’affaire Tambeau.

 

Analyse

 

[46]         La question soulevée par ces appels n’est pas nouvelle. Il s’agit de déterminer si les deux appelants occupaient un emploi assurable aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). Les principes que doit appliquer la Cour pour régler cette question ont fait l’objet de nombreuses discussions dans la jurisprudence. On m’a remis lors des plaidoiries la décision que j’ai rendue dans l’affaire Beaucaire c. Canada, (M.N.R.) 2009 CCI 142, [2009] A.C.I. no 207, 2009 6 C.T.C. 2347 (angl.). Dans cette affaire, j’avais conclu que le travailleur était lié par un contrat de service et non par un contrat de travail. Par conséquent, il n’occupait pas un emploi assurable. Voici comment j’y avais décrit l’approche que doit adopter la Cour en semblable matière :

 

17        La question en litige est de savoir si monsieur Beaucaire occupait un emploi assurable aux fins de la Loi. La disposition pertinente est l’alinéa 5(1)a) de la Loi, qui édicte ce qui suit :

 

5(1)            Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

a)   l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

                                                                                                    [Je souligne.]

 

18        Cet article définit un emploi assurable comme comprenant l’emploi exercé en vertu d’un contrat de louage de services (ou, pour employer une expression plus moderne, un contrat de travail). Or, la Loi ne définit pas ce qui constitue un tel contrat. Voici ce que prévoit l’article 8.1 de la Loi d’interprétation relativement à une telle circonstance :

 

Propriété et droits civils

 

8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

[Je souligne.]

 

19        Les dispositions les plus pertinentes pour déterminer l’existence d’un contrat de travail au Québec et le distinguer du contrat de service sont les articles 2085, 2086, 2098 et 2099 du Code civil du Québec (Code civil ou C.c.Q.) :

 

Contrat de travail

 

2085 Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

 

2086 Le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée.

 

Contrat d'entreprise ou de service

 

2098 Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

 

2099 L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

 

[Je souligne.]

 

20        Lorsqu'on analyse ces dispositions du Code civil, il en ressort clairement qu'il y a trois conditions essentielles quant à l'existence d'un contrat de travail : i) une prestation de travail fournie par le salarié; ii) une rémunération pour ce travail payée par l'employeur; iii) un lien de subordination. Ce qui distingue nettement le contrat de travail du contrat de service, c'est l'existence du lien de subordination, c'est‑à‑dire le fait pour l'employeur d'avoir un pouvoir de direction ou de contrôle sur le travailleur.

 

21        Dans la doctrine, les auteurs se sont interrogés sur la notion de « pouvoir de direction ou de contrôle » et son revers, le « lien de subordination ». Voici ce qu'écrit Robert P. Gagnon :

 

c)  La subordination

 

90 — Facteur distinctif — L'élément de qualification du contrat de travail le plus significatif est celui de la subordination du salarié à la personne pour laquelle il travaille. C'est cet élément qui permet de distinguer le contrat de travail d'autres contrats à titre onéreux qui impliquent également une prestation de travail au bénéfice d'une autre personne, moyennant un prix, comme le contrat d'entreprise ou de service régi par les articles 2098 et suivants C.c.Q. Ainsi, alors que l'entrepreneur ou le prestataire de services conserve, selon l'article 2099 C.c.Q., « le libre choix des moyens d'exécution du contrat » et qu'il n'existe entre lui et son client « aucun lien de subordination quant à son exécution », il est caractéristique du contrat de travail, sous réserve de ses termes, que le salarié exécute personnellement le travail convenu sous la direction de l'employeur et dans le cadre établi par ce dernier.

 

[...]

 

92 — Notion — Historiquement, le droit civil a d'abord élaboré une notion de subordination juridique dite stricte ou classique qui a servi de critère d'application du principe de la responsabilité civile du commettant pour le dommage causé par son préposé dans l'exécution de ses fonctions (art. 1504 C.c.B.‑C.; art. 1463 C.c.Q.). Cette subordination juridique classique était caractérisée par le contrôle immédiat exercé par l'employeur sur l'exécution du travail de l'employé quant à sa nature et à ses modalités. Elle s'est progressivement assouplie pour donner naissance à la notion de subordination juridique au sens large. La diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail ont, en effet, rendu souvent irréaliste que l'employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l'exécution du travail. On en est ainsi venu à assimiler la subordination à la faculté, laissée à celui qu'on reconnaîtra alors comme l'employeur, de déterminer le travail à exécuter, d'encadrer cette exécution et de la contrôler. En renversant la perspective, le salarié sera celui qui accepte de s'intégrer dans le cadre de fonctionnement d'une entreprise pour la faire bénéficier de son travail. En pratique, on recherchera la présence d'un certain nombre d'indices d'encadrement, d'ailleurs susceptibles de varier selon les contextes : présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigence de rapports d'activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n'exclut pas une telle intégration à l'entreprise.

[Je souligne.]

 

22        Soulignons que ce qui est la marque d'un contrat de travail, ce n'est pas le fait que la direction ou le contrôle a été exercé effectivement par l'employeur  (la notion stricte ou classique), mais le fait qu'il avait le pouvoir de l'exercer (la notion élargie). Dans Gallant c. M.R.N., [1986] A.C.F. no 330 (QL), le juge Pratte de la Cour d'appel fédérale affirme :

 

[...] Ce qui est la marque du louage de services, ce n'est pas le contrôle que l'employeur exerce effectivement sur son employé, c'est plutôt le pouvoir que possède l'employeur de contrôler la façon dont l'employé exécute ses fonctions.

 

[...]

[Je souligne.]

 

23        Il faut également ajouter ces commentaires du ministre de la Justice du Québec au sujet de l’article 2085 C.c.Q., qui accompagnaient le projet du Code civil et que j’ai rapportés aux pages 2:26 et 2 :27 d’un article (mon article) que j’ai écrit et qui est intitulé « Contrat de travail : Pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s'applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer » :

 

L’article reprend la règle édictée à l’article 1665a) C.C.B.C. La définition contenue dans cet article nouveau permet de cerner avec plus de précision la différence entre le contrat de travail et le contrat d’entreprise ou de service. La ligne de démarcation parfois ténue entre ces contrats a suscité des difficultés tant en doctrine qu’en jurisprudence.

 

Cette définition indique le caractère essentiellement temporaire du contrat de travail, consacrant ainsi le premier alinéa de l’article 1667 C.C.B.‑C., et met en relief l’attribut principal du contrat de travail : le lien de préposition caractérisé par le pouvoir de contrôle, autre que le contrôle économique, de l’employeur sur le salarié, tant dans la fin recherchée que dans les moyens utilisés. Il importe peu que ce contrôle soit ou non effectivement exercé par son titulaire; il importe peu également que le travail soit matériel ou intellectuel.

[Je souligne.]

 

24        Au Québec, contrairement à la situation en common law, la question centrale est de savoir s'il existe un lien de subordination, à savoir un pouvoir de contrôle ou de direction. Un tribunal n'a pas d'autre choix que de conclure à l'existence ou à l'absence du lien de subordination pour pouvoir conclure qu'un contrat constitue un contrat de travail ou bien un contrat de service. C'est l’approche que le juge Létourneau de la Cour d'appel fédérale a adoptée dans l'affaire D & J Driveway, où il a conclu à l'absence d'un contrat de travail en se fondant sur les dispositions du Code civil et, en particulier, en constatant l'absence d'un lien de subordination, lequel il a décrit comme « la caractéristique essentielle du contrat de travail ».

 

25        À la décision D & J Driveway, j’ajouterai celle rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire 9041‑6868 Québec Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), [2005] A.C.F. no 1720 (QL), 2005 CAF 334 (Tambeau). Voici ce que le juge Décary écrit aux paragraphes 2 et 312 :

 

2    En ce qui a trait à la nature du contrat, le juge en est arrivé à la bonne solution, mais il y est parvenu, à mon humble avis, de la mauvaise manière. Nulle part, en effet, ne traite-t-il des dispositions du Code civil du Québec, se contentant, à la fin de son analyse de la preuve, de référer aux règles de common law énoncées dans les arrêts Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministère du Revenu national), [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.) et 671122 Ontario Ltd. Sagaz c. Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983. Cette méprise, je m'empresse de le souligner, n'est pas nouvelle et trouve son explication dans un flottement jurisprudentiel auquel le temps est venu de mettre un terme.

 

3    L'entrée en vigueur du Code civil du Québec en 1994, puis l'adoption par le Parlement du Canada de la Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil (c. 2001, ch. 4) et l'adjonction par cette Loi de l'article 8.1 à la Loi d'interprétation (L.R.C., ch. I‑21) ont redonné au droit civil du Québec, en matière fédérale, ses lettres de noblesse que les tribunaux avaient eu parfois tendance à ignorer. Il suffit, à cet égard, de consulter l'arrêt de cette Cour, dans St-Hilaire c. Canada, [2004] 4 C.F. 289 (C.A.F.) et l'article du juge Pierre Archambault, de la Cour canadienne de l'impôt, intitulé « Contrat de travail : pourquoi Wiebe Door Services Ltd ne s’applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer » et publié récemment dans le Deuxième recueil d'études en fiscalité (2005) de la collection L'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien, pour se convaincre que le concept de « contrat de louage de services », à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi, doit être analysé à la lumière du droit civil québécois lorsque le droit provincial applicable est celui du Québec.

 

[Je souligne.]

 

____________

12     Il faut mentionner que les juges Pelletier et Létourneau ont manifesté leur adhésion à cette décision du juge Décary. Par contre, dans une décision subséquente, Combined  Insurance Company of America c. M.N.R. et Mélanie Drapeau, 2007 CAF 60, écrite par le juge Nadon, à laquelle, d'ailleurs, les juges Pelletier et Létourneau ont souscrit, on se réfère à nouveau à la décision Wiebe Door. Toutefois, il n'est aucunement fait référence dans l'arrêt Combined Insurance à la décision Tambeau et il n'y est pas dit que l'interprétation adoptée par le juge Décary ne faisait plus loi au Québec. La demande d'autorisation d'en appeler de l’arrêt Combined Insurance à la Cour suprême du Canada a été rejetée le 25 octobre 2007. Le juge Létourneau a eu l'occasion de revenir sur cette question dans une récente décision, Grimard c. Sa Majesté la Reine, 2009 CAF 47. Au paragraphe 37, il écrit : « […] la notion de contrôle est, en vertu du droit civil québécois, plus qu'un simple critère comme en common law. Elle est une caractéristique essentielle du contrat de travail […] ». Il a cité alors à l'appui de ses dires la décision Tambeau.

 

26        Tel qu’il est mentionné ci-dessus, la ligne de démarcation entre un contrat de travail et un contrat de service peut être ténue. Il m’apparaît important, comme point de départ, de constater comment les parties ont elles-mêmes qualifié la nature de leurs rapports contractuels. [...]

 

[47]         En outre, comme l’avocat des appelants a cité à plusieurs reprises des extraits de mon article mentionné au paragraphe 3 de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Tambeau, je me permettrai d’en citer de larges extraits qui à mon avis, sont pertinents pour la recherche de la solution au problème soulevé par ces appels.

 

[48]         Au paragraphe 51 de ses motifs dans l’affaire Grimard c. Canada, 2009 CAF 47, [2009] 4 R.C.F. 592, le juge Létourneau écrit :

 

51     Une lecture des paragraphes 37 à 46 révèle que le juge a recherché et analysé des indices soit d'encadrement, soit de libre exécution du travail. Il est intéressant de voir, contrairement à ce que lui reproche l'appelant, qu'à ce titre le juge a examiné les critères de common law.

 

52     Ainsi, au paragraphe 39, le juge retient le fait que l'appelant se voyait fournir par la CLP « un bureau doté de tous les outils nécessaires pour exercer ses fonctions ». En d'autres termes, il s'est préoccupé de la propriété des outils de travail.

 

                                                                                                [Je souligne.]

 

[49]         Lorsque j’ai rédigé mes motifs dans l’affaire Grimard, j’ai volontairement omis d’examiner les critères de common law. La raison pour laquelle je ne l’ai pas fait est que j’appliquais l’approche suivie par la Cour suprême du Canada dans plusieurs décisions dans lesquelles on a jugé qu’il était inopportun de recourir aux précédents du droit commun anglais et qu’il fallait interpréter les dispositions du droit civil d’après ses propres règles. Voici comment je décris cette approche de la Cour suprême du Canada (et même de la Cour fédérale) au paragraphe 4 de mon article ainsi qu’aux paragraphes 57 et suivants :

[4]      Soutenant qu’il fallait s’en remettre strictement au droit commun du Québec pour établir cette distinction, nous écrivions, à la page 301 :

[...] Ceci constitue une autre raison pour accueillir favorablement la démarche du juge Brossard dans Dennis Sport Import. On devrait, comme il l’a souligné, « s’en remettre au droit commun du Québec ». D’ailleurs, cette approche qui respecterait l’intégrité du droit civil québécois est conforme à celle confirmée récemment par la Cour suprême du Canada dans Rubis c. Gray Rocks Inn Ltd. [[1982] 1 R.C.S. 452, à la page 469] dans lequel jugement le juge Beetz a rappelé les propos suivants du juge Mignault [dans Desrosiers c. Le Roi (1920), 60 R.C.S. 105, à la page 126] :

[...] il est temps de réagir contre l’habitude de recourir, dans les causes de la province de Québec, aux précédents du droit commun anglais, pour le motif que le code civil contiendrait une règle qui serait d’accord avec un principe du droit commun anglais … Le droit civil constitue un système complet par lui‑même et doit s’interpréter d’après ses propres règles.

[Je souligne.]

 

[…]

 

1.2.1. Des précédents civilistes pour interpréter les dispositions du Code civil

[57]    Tout d’abord, sur le plan des principes, il est inopportun d’appliquer des décisions de la common law pour interpréter le droit civil du Québec. En plus de l’opinion du juge Mignault citée par le juge Beetz dans l’affaire Gray Rocks Inn Ltd. et mentionnée dans l’introduction du présent article, il y a ces propos du juge Mignault dans l’arrêt Curley c. Latreille (pages 176‑177)59 :

On me permettra de faire encore une observation générale parce que plusieurs des honorables juges de la cour d’appel me paraissent avoir assimilé notre droit, quant à la responsabilité des maîtres et commettants, au droit anglais sous l’empire duquel on décide que le maître est responsable du fait dommageable accompli par son serviteur “in the course of his employment”, expression qui, dans leur opinion, rend la même idée que “dans l’exercice des fonctions auxquelles ces derniers sont employés” ou, pour citer encore la version anglaise de l’article 1054 CC. “in the performance of the work for which they are employed”. Et ayant constaté, à leur avis, une identité de signification, les savants magistrats ont cité quelques décisions anglaises, et notamment l’arrêt rendu par cette cour dans la cause de Halparin v. Bulling [(1914) 50 R.C.S. 471] qui venait de la province du Manitoba.

Il est quelquefois dangereux de sortir d’un système juridique pour chercher des précédents dans un autre système, pour le motif que les deux systèmes contiennent des règles semblables, sauf bien entendu le cas où un système emprunte à l’autre une règle qui lui était auparavant étrangère. Alors même que la règle est semblable dans les deux, il est possible qu’elle n’ait pas été entendue ou interprétée de la même manière dans chacun d’eux, et, comme l’interprétation juridique — je parle bien entendu de celle qui nous oblige — fait réellement partie de la loi qu’elle interprète, il peut très bien arriver que les deux règles, malgré une apparente similitude, ne soient pas du tout identiques.

Je ne fonderai donc pas les conclusions que je crois devoir adopter en cette cause sur aucun précédent tiré du droit anglais, pas même sur la cause de Halparin v. Bulling, mais je me baserai uniquement sur le texte de l’article 1054 C.C.

[Je souligne.]

 

____________

59     (1920), 60 R.C.S. 131. Dans cette affaire, il s’agissait de décider si un maître (employeur) était responsable du fait dommageable commis par son serviteur (employé) « dans l’exécution des fonctions auxquelles [ce dernier était] employé [...] », suivant l’art. 1054 C.c.B‑C (maintenant art. 1463 C.c.Q.).

 

 

[58]    Le juge Brodeur, quoique dissident, a adopté la même approche que celle du juge Mignault, s’exprimant dans les termes suivants à la page 173 :

[...] Les remarques que je viens de faire dans la présente cause et l’esprit de la loi dans les deux systèmes nous démontrent combien il est dangereux de sortir d’un système pour aller chercher dans un autre des précédents qui reposent parfois sur des principes assez faiblement reconnus et parfois opposés, malgré que le texte peut paraître à peu près identique.

Pour ma part, je préfère baser ma décision sur la décision de la Cour de Cassation, parce qu’elle a été rendue sous une loi que nos codificateurs déclarent eux-mêmes avoir adoptée.

[Je souligne.]

[…]

[60]    Le juge Mignault est revenu sur la question de l’utilisation de la jurisprudence de common law en droit civil dans une conférence présentée aux étudiants de l’Université McGill et publiée par l’Association du Barreau canadien60:

And as to precedents where you seek to establish a rule of law, do not go outside of decided cases or authorities of our own jurisprudential system. Cases from Quebec often come before the Supreme Court full of references taken from the common law. It is perhaps easier to find these references on account of the English and American encyclopedias of law which are in very common use in our province, and which are very convenient for handy reference. Remember however that the civil law is a distinct and entirely self sufficing system, that its legal literature is extremely rich and abundant, that monumental works of reference like Fuzier-Herman, the repertories of Dalloz and Sirey and the Pandectes Françaises are on the shelves of our libraries, and that, even where the common law and the civil law have a similar rule, as in many cases of mandate, suretyship and torts, to mention these only as typical of many others, it can only lead to confusion to go outside of our system to seek authorities in other systems of law where the rule in question may well be a deduction from another rule which does not exist in our code. I feel very strongly on this subject and I have lost no opportunity in my humble way since I have had the honour of a seat on the bench of our highest appellate court, to insist that each system of law be administered according to its own rules and in conformity with its own precedents.

[Je souligne.]

 

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60                « The Authority of Decided Cases » (1925), 3 Can. Bar R. 1, aux pp. 22 et 23. Un autre passage de cet article a été cité par le juge Beetz dans l’arrêt Banque Nationale du Canada (successeur de la Banque Canadienne Nationale) c. Soucisse, [1981] 2 R.C.S. 339, à la p. 361.

 

 

[61]    Finalement, il y a ces propos du juge Addy dans l’affaire Olympia and York, précitée (par. 16), à la page 702 :

[...] Chercher une solution au litige en l’espèce dans la jurisprudence de common law équivaut donc à entreprendre un voyage périlleux sur des chemins rocailleux et tortueux, pleins d’embûches, qui (avec de la chance) conduiraient à un cul‑de‑sac.

[Je souligne.]

 

[50]         J’ai été surpris de constater, à la lecture des motifs de la décision Grimard de la Cour d’appel fédérale, que le contribuable avait invoqué comme argument que le juge aurait dû « se récuser pour éviter d’être taxé de partialité en raison du fait qu’il s’était référé à son article ». Les propos du juge Mignault reproduit au paragraphe 60 de l’extrait cité plus haut tiré de mon article ont été tenus en avril 1921 et publiés dans le Canadian Bar Review de janvier 1925 alors qu’il était juge à la Cour suprême du Canada[18]. L’argument avancé était d’autant plus surprenant que M. Grimard était un médecin qui fournissait une prestation de travail comme assesseur auprès de la Commission des lésions professionnelles, un tribunal administratif du Québec. Le monde judiciaire lui était donc familier. Tout ce que j’ai écrit dans mon article, j’aurais pu l’écrire dans une décision. Cet article me donnait l’occasion de passer en revue de façon globale et détaillée l’ensemble de la question soulevée par l’application de l’article 5 de la Loi au Québec. En outre « [s]elon une longue et louable tradition, les magistrats participent à l’enseignement du droit, publient des ouvrages de droit, des articles dans les revues juridiques et prononcent des conférences ou discours sur le droit » (Je souligne.) écrit le très honorable Gérald Fauteux, ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada dans Le livre du magistrat (à la p. 20), un ouvrage parrainé par le Conseil canadien de la magistrature paru en 1980.

 

[51]         S’il fallait qu’un juge se récuse chaque fois qu’il adopte une interprétation juridique de dispositions législatives et énonce des principes jurisprudentiels, la Cour canadienne de l’impôt ne pourrait plus fonctionner. En effet, la Cour est souvent  saisie de centaines d’appels reliés au même type de problèmes. On n’a qu’à penser aux appels en matière de recherche et de développement et à ceux relatifs au stratagème consistant en la vente de reçus de dons de bienfaisance, qui a fait l’objet de beaucoup de débats devant cette Cour et plusieurs appels s’y rapportant ont été entendus par le même juge.

 

[52]         De plus, un juge doit toujours aborder les questions en litige avec ouverture d’esprit, sans parti pris, et même envisager la possibilité qu’il ait pu rendre une décision mal fondée en droit et en faits. Les juges sont souvent tributaires des faits et des arguments qui sont présentés devant eux. Un bel exemple se trouve dans la décision que j’ai rendue récemment dans l’affaire Bombardier, 2011 CCI 48, une affaire qui soulevait la question de la valeur, aux fins du calcul de l’impôt sur le capital des grandes sociétés, des avances sur contrats inscrites au bilan. Dans l’affaire Oerlikon Aérospatiale Inc. c. La Reine, 97 DTC 694, confirmée par la Cour d’appel fédérale, 1999 CarswellNat 534, 99 DTC 5318 (angl.), j’avais rejeté l’appel de la société Oerlikon en concluant que les avances faites sur des contrats constituaient des avances aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, y compris celles inscrites dans les notes complémentaires. Dans Bombardier, j’ai conclu, sur la foi d’une preuve d’expert différente de celle qui avait été présentées dans Oerlikon, que seules les avances figurant dans le corps du bilan constituaient des avances aux fins de l’impôt en question.

 

[53]         Après avoir expliqué aux paragraphes 75 et suivants de mon article pourquoi les règles de preuve en vigueur au Québec sont applicables dans les litiges où il s’agit d’appliquer l’article 5 de la Loi, j’ai énoncé aux paragraphes 82 et suivants les différents moyens de preuve, dont la preuve par présomption de fait, qui peuvent être utilisés pour établir qu’il existe un lien de subordination aux fins de la détermination de l’existence d’un contrat de travail. Seulement les notes infrapaginales les plus importantes sont reproduites:

 

2.1.2. Preuve par présomption de fait

[82]      L’article 2811 C.c.Q. édicte que la « preuve d’un acte juridique ou d’un fait peut être établie par écrit, par témoignage, par présomption, par aveu ou par la présentation d’un élément matériel ». Il n’est pas nécessaire d’étudier ici chacun de ces cinq moyens de preuve. Par contre, il conviendrait d’analyser la preuve par présomption de fait89, puisque cette méthode de preuve est d’une grande utilité pour établir l’existence d’un contrat de travail. Comme on le verra plus loin, la preuve du contrat lui‑même, de l’acte juridique, pourra être faite par preuve directe, à savoir par la production du document qui le constate, ou sinon, par la preuve testimoniale de ce que les parties ont convenu au moment de conclure leur entente. La preuve directe de la prestation de travail fournie par le salarié et du salaire versé par l’employeur pourra être faite de la même manière, c’est‑à‑dire par écrit ou par témoignage. Quant au lien de subordination, soit le revers du pouvoir de direction ou de contrôle, une preuve directe pourra être faite si ce pouvoir a été exercé ou s’il est stipulé au contrat. Dans les cas où il n’a été ni exercé ni stipulé, ou n’a été exercé que dans une faible mesure, on doit faire la preuve de l’existence de ce « pouvoir » de direction ou de contrôle, c’est‑à‑dire établir un fait non apparent ou inconnu, ce qui nécessite une preuve indirecte ou indiciaire. C’est ce que le Code civil appelle preuve par présomption de fait. La même approche pourrait d’ailleurs s’avérer nécessaire si les parties n’ont pas manifesté dans leur entente leur intention quant à la nature du contrat.

[83]      Paraphrasant le texte de l’art. 2846 C.c.Q., le professeur Ducharme90 décrit ce moyen de preuve comme « un processus intellectuel par lequel, de l’existence de faits connus, on induit l’existence d’un fait inconnu ». Voici d’ailleurs l’analyse qu’il fait dans son ouvrage91 :

 

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89             Les règles se trouvent aux art. 2846 à 2849 C.c.Q.

90             Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2001, à la p. 159.

91             Ibid., p. 182 et s.

 

Par. I — L’analyse de la présomption de fait

599.   Si nous décomposons le processus par lequel le juge passe de faits connus à un fait inconnu, on s’aperçoit que cette induction comprend trois étapes différentes. Premièrement, l’établissement des faits connus ou la recherche des indices; deuxièmement, l’intervention d’un principe qui sert de lien entre les faits connus et celui qu’on recherche; et enfin, le terme de l’induction qui est la certitude plus ou moins grande du fait induit. Nous allons analyser chacune de ces étapes brièvement.

A — La recherche des indices

600.   Tout fait ou acte, pourvu qu’il soit valablement établi devant le tribunal, peut servir d’indice. Aucune règle précise ne peut donc être formulée quant à la nature des faits susceptibles de servir de base à une induction, si ce n’est que les faits doivent être graves, précis et concordants comme l’affirment l’article 2849 C.c.Q. ainsi qu’une jurisprudence constante.

601.   Que faut-il entendre par cette expression? À notre avis, elle veut simplement dire que les faits connus doivent être tels qu’ils rendent au moins probable l’existence du fait qu’on veut en induire. Si les faits connus sont aussi compatibles avec l’existence que la non‑existence de ce fait, ils ne peuvent servir de fondement à une présomption et l’on dira alors qu’ils ne sont pas suffisamment graves, précis et concordants. Il faut bien remarquer qu’une simple probabilité est suffisante et qu’il n’est pas nécessaire que la présomption soit tellement forte qu’elle exclue toute autre possibilité. Nous étudierons plus loin le problème de la recevabilité des procédés de preuve pour prouver les indices.

B — L’intervention d’un principe

602.   Les indices en eux‑mêmes ne prouvent rien; leur valeur repose sur l’interprétation qu’on en donnera, et c’est au moyen d’un principe tiré de la science, de la psychologie, de la physiologie, etc., qu’on pourra les interpréter.

603.   Le principe de causalité joue un très grand rôle en ce qui concerne les présomptions. Suivant ce principe, on sait qu’il n’y a pas d’effet sans cause; en partant d’un effet, il est donc possible de remonter à la cause qui l’a produit. Ainsi, dans une affaire particulière, le tribunal a présumé que des moutons avaient été tués par des chiens errants, à partir de la nature des blessures qui leur avaient été infligées. Le principe de causalité permet dans d’autres cas de voir dans un certain fait la cause d’un autre événement, de désigner, par exemple, comme cause d’un incendie, les vapeurs de pesticide qui avaient été répandues dans un immeuble quelques heures auparavant.

[Je souligne.]

 

[84]      C’est donc par l’analyse et la pondération d’une série d’indices factuels qu’il sera possible de conclure à l’existence ou à l’absence de faits non apparents ou non manifestés, comme le pouvoir de direction ou de contrôle ou encore l’intention des parties quant à la nature du contrat.

 

[54]         Ici, les parties n’ont pas décrit clairement dans leur entente écrite la nature de cette entente. Ils ont simplement décrit l’entente comme étant un contrat d’engagement. Ils n’ont pas spécifié s’il s’agit d’un contrat de travail ou un contrat de service. Il n’est donc pas surprenant que la preuve soit contradictoire quant à la nature de leur relation contractuelle. Les deux appelants insistent pour dire qu’ils se sont toujours considérés comme des salariés quand ils signaient ce genre de contrat. Quant à M. Joli-Coeur, il affirme que la pratique de sa maison de production était de bien informer leurs techniciens s’ils étaient engagés comme des travailleurs autonomes.

 

[55]         On doit donc s’en remettre à l’analyse de leur conduite pour déterminer la véritable nature de leur relation contractuelle. De toute façon, même si cette nature était exprimée dans l’entente écrite, il faudrait quand même examiner leur conduite. Voici ce que j’ai écrit aux paragraphes 97 et suivants de mon article :

 

2.3. Preuve de l’exécution du contrat de travail

[97]    Même si les parties contractantes ont manifesté leur intention dans leur contrat écrit ou verbal ou qu’une telle intention peut être induite de leur comportement, cela ne signifie pas que les tribunaux vont nécessairement considérer ce fait comme décisif. Comme l’indique le juge Décary dans l’arrêt Wolf précité, il faut que le contrat soit exécuté conformément à cette intention. Ainsi, ce n’est pas parce que les parties ont appelé leur contrat un « contrat de service » et qu’elles ont stipulé que le travail sera exécuté par un « travailleur autonome » et qu’il n’existe pas de relation employeur‑employé, qu’il s’agit nécessairement d’un contrat de service. Le contrat pourrait correspondre à un contrat de travail. Tel que l’édicte l’article 1425 C.c.Q., on doit rechercher quelle est la véritable commune intention des parties et non pas s’arrêter au sens littéral des termes utilisés dans le contrat. Les tribunaux doivent également vérifier la conformité de la conduite des parties avec les prescriptions législatives relatives aux contrats. Voici ce qu’écrit Robert P. Gagnon108 :

91 — Appréciation factuelle — La subordination se vérifie dans les faits. À cet égard, la jurisprudence s’est toujours refusée à retenir la qualification donnée au contrat par les parties :

Dans le contrat, le distributeur reconnaît lui‑même qu’il agit à son compte à titre d’entrepreneur indépendant. Il n’y aura pas lieu de revenir sur ce point, puisque cela ne changerait rien à la réalité; d’ailleurs ce que l’on prétend être est souvent ce que l’on n’est pas.

[Je souligne.]

[98]    Dans l’affaire D & J Driveway, le juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale écrit109 :

2    Nous reconnaissons d’emblée que la stipulation des parties quant à la nature de leurs relations contractuelles n’est pas nécessairement déterminante et que la cour chargée d’examiner cette question peut en arriver à une détermination contraire sur la foi de la preuve qui lui est soumise : Dynamex Canada inc. c. Canada, (2003), 305 N.R. 295 (C.A.F.). Mais cette stipulation ou l’interrogatoire des parties sur la question peuvent s’avérer un instrument utile d’interprétation de la nature du contrat intervenu entre les participants.

[Je souligne.]

 

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108      Op. cit. (note 31), à la p. 66.

109      Précitée (note 4). Voir aussi les propos du juge Noël dans Wolf reproduits au par. 90 ci‑dessus. Voir également note 93.

 

 

[99]    Les juges peuvent donc requalifier le contrat pour que sa dénomination corresponde à la réalité. En France, la requalification du contrat résulte de l’application du principe de la réalité110. La Cour de cassation adopte une approche semblable à celle suivie au Canada111 :

Attendu que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs; [...]

 

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110      Verdier, Coeuret et Souriac, op. cit. (note 49), à la p. 315.

111      Cass. soc., 19 décembre 2000, Bull. civ. 2000.V.337, no 437 (locataire d’un taxi : salarié). Voir également Cass. soc., 23 avril 1997, Bull. civ. 1997.V.103, no 142 (pasteur des églises adventistes : renvoi à la Cour d’appel).

 

 

[100]  À mon avis, cette vérification de la conformité est nécessaire en matière d’interprétation de contrats de travail, puisqu’il peut y avoir intérêt à maquiller la nature véritable d’une relation contractuelle entre un payeur et un travailleur. L’expérience révèle en effet qu’il arrive que des employeurs, désirant diminuer leurs charges fiscales à l’égard de leurs salariés, décident de les traiter comme des travailleurs autonomes. Cette décision peut intervenir tant au début de la relation contractuelle que par la suite112. Pareillement, certains salariés pourraient avoir intérêt à maquiller leur contrat de travail en contrat de service parce que les circonstances sont telles qu’ils ne prévoient pas avoir besoin de prestations d’assurance‑emploi et qu’ils désirent éliminer leurs cotisations d’employé au régime d’assurance‑emploi, ou encore parce qu’ils veulent avoir plus de latitude pour déduire certaines dépenses aux fins du calcul de leur revenu en vertu de la Loi de l’impôt113.

[101]  Comme la LAE, de façon générale, n’autorise le versement de prestations d’assurance‑emploi qu’aux salariés qui perdent leur emploi114, la vigilance des tribunaux est requise pour démasquer les faux travailleurs autonomes. Les tribunaux doivent également s’assurer que la caisse de l’assurance‑emploi, d’où sont tirées ces prestations, reçoit les cotisations de tous ceux qui y sont tenus, y compris les faux autonomes et leurs employeurs.

 

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112      Pour une étude des problèmes suscités par ce phénomène, voir un document de discussion de la Commission du droit du Canada, Travailler, oui mais ... Le droit du travail à retravailler, décembre 2004, en ligne : Commission du droit du Canada, http://www.lcc.gc.ca/pdf/work_f.pdf.

113      Le paragraphe 8(2) de la Loi de l’impôt dispose qu’en dehors des déductions prévues par cette loi, aucune déduction ne peut être faite. Si un travailleur est autonome, il pourra généralement déduire toute dépense courante engagée en vue de tirer un revenu d’une entreprise.

114      Voir note 7.

 

 

[102]  La nécessité de prouver l’exécution du contrat existe non seulement dans les cas où les parties ont manifesté expressément ou implicitement leur intention d’adopter l’un ou l’autre du contrat de travail et du contrat de service, mais aussi dans tous les cas où la preuve de cette intention est insuffisante ou absente. Cette preuve de l’exécution du contrat porte sur les trois éléments constitutifs essentiels à l’existence du contrat de travail. Généralement, la preuve des deux premiers éléments (le travail et la rémunération) ne fera pas trop problème, puisqu’il s’agit de faits matériels relativement faciles à établir. Faire la preuve du lien de subordination juridique, à savoir le pouvoir de direction ou de contrôle qu’a exercé ou aurait pu exercer un employeur, constitue, par contre, une tâche très délicate. Elle sera d’autant plus délicate que l’employeur aura exercé peu ou point de direction ou de contrôle.

 

[56]         Voici la demarche que je décris aux paragraphes 103 et suivants de mon article pour déterminer la nature véritable d’une relation contractuelle entre un payeur et un travailleur, et en particulier pour déterminer l’existence d’un lien de subordination :

 

2.3.1.   Preuve directe du pouvoir de direction ou de contrôle

[103]  La meilleure preuve sera la preuve directe de faits établissant que le travail s’est réellement effectué sous la direction et le contrôle du payeur. Cette preuve pourra être faite par des documents ou témoignages révélant des directives précises données au travailleur non seulement sur le travail à accomplir (le « quoi »)115, mais aussi sur la manière de le faire (le « comment »)116, l’endroit où il doit être exécuté (le « où »), et le moment où il doit être effectué et dans quel délai (le « quand »). À ces faits, pourront s’ajouter ceux démontrant que le payeur a supervisé le travail117, notamment en exigeant que le travailleur rende des comptes régulièrement, en remplissant régulièrement des fiches d’évaluation du travail accompli par le travailleur, en rencontrant celui‑ci pour lui communiquer les résultats de l’évaluation et, peut‑être, en le sanctionnant118. Avec l’ensemble de tels éléments de preuve, il pourrait être relativement facile de conclure à l’existence d’un lien de subordination.

[104]  Comme exemple d’un travail où un travailleur reçoit en grand nombre des directives sur le « quoi », le « comment », le « où » et le « quand » et où l’exécution personnelle du travail (le « qui ») a son importance, on peut penser au cas des acteurs et comédiens engagés par une troupe de théâtre ou une maison de production cinématographique. De façon générale, leur travail est effectué sous la direction et le contrôle d’un réalisateur ou metteur en scène. Comme le contrat de travail peut être pour une durée déterminée et qu’il est « essentiellement temporaire », rien ne s’oppose à ce que l’emploi ne dure que quelques semaines119 (2086 C.c.Q.).

 

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115      Services Barbara‑Rourke Adaptation Réadaptation c. Québec (Sous‑ministre du Revenu), [2002] J.Q. no 470 (QL) (C.A. Qué.), par. 10, 44 à 48 (responsables de la prestation de services de famille d’accueil (dans une résidence d’un tiers) recrutées par un centre de réadaptation pour déficients intellectuels: salariés); Guérette c. Lapierre, [2003] J.Q. no 4952 (QL) (C.S. Qué.), par. 25 et 26 (travaux de construction de balcon au chalet du payeur par un ouvrier à la retraite : salarié).

116      À mon avis, quand un payeur impose à un travailleur les méthodes ou les moyens d’exécution d’un travail, il exerce une direction sur lui. La preuve que le payeur a agi de la sorte constitue une preuve directe de l’exercice du pouvoir de direction et non une simple preuve indiciaire. Il convient de noter, toutefois, que la ligne de démarcation entre une preuve directe et une preuve indirecte ou indiciaire peut être ténue. Dans la mesure où la preuve directe des faits n’est pas considérée comme suffisamment probante (notamment en raison du nombre limité des directives), ces faits pourraient être traités comme des indices à être considérés avec les autres indices décrits plus bas.

Pour des exemples jurisprudentiels de l’appréciation du pouvoir de contrôle exercé sur le « comment », voir : Sauvé, précité (note 4), par. 19 et 22; Les Entreprises Gérald Petit, précité (note 101), par. 21; Neblina Spa Enr., précité (note 95), par. 5, 14, 16; Services de santé Marleen Tassé, précité (note 31), par. 12, 16, 24, 25, 30, 50, 70 à 74; Québec (Commission des normes du travail) c. Desrochers, 2001 IIJCan 8641 (C.Q.), par. 23 à 26 (travail dans une cordonnerie : salariée); Dr Denis Paquette, précité (note 99), par. 6, 33 (nos 6 à 8), 36, 49 à 52.

117      Services Barbara‑Rourke, précité (note 115), par. 44; Les Entreprises Gérald Petit, précité (note 101), par. 10, 15 et 21; Importations Jacsim, précité (note 100), par. 22; Guérette, précité (note 115), par. 25; Services de santé Marleen Tassé inc., précité (note 31), par. 12, 20 à 22, 27 à 29, 73, 87; Seitz, précité (note 98), par. 15, 22, 25, 45, 62.

118      Immeubles Terrabelle, précité (note 31), pp. 1309 et 1310; Neblina Spa Enr., précité (note 95), par. 14; Ménard, précité (note 98), par. 8; Importations Jacsim, précité (note 100), par. 22; Services de santé Marleen Tassé inc., précité (note 31), par. 12, 27 à 29, 73 et 83; 9088‑8454 Québec, précité (note 96), par. 26; Dr Denis Paquette, précité (note 99), par. 33 (no 16); Ellefsen Lebel Inc. c. Bolduc, [1997] A.Q. no 505 (QL) (C.Q.), par. 19 (travail d’étude et d’analyse de marché et de sollicitation de clients pour une entreprise de « chasseurs de têtes » : salarié); Seitz, précité (note 98), par. 15, 22, 62; Québec (Commission des normes du travail) c. 9044‑6337 Québec inc. (f.a.s. Les Autos Fleurimont), [1999] J.Q. no 6008 (QL) (C.Q.), par. 18 (vendeur d’autos d’occasion rémunéré exclusivement par commission : prestataire); Beauport (Ville), précité (note 31), par. 48; IMS of Canada, précité (note 101), par. 9 et 11; Cass. soc., no 196, précité (note 106); Dupuis c. Pro Vie Assurances, [2004] J.Q. no 9123 (QL) (C.S. Qué.), par. 58 (vendeur de deux types d’assurance : prestataire).

119      Selon Pélissier, Supiot et Jeammaud, op. cit. (note 50), à la p. 197, par. 129, « la durée [peut être] prolongée ou fort brève ». (Voir les passages reproduits au par. 109 de cet article.) De plus, selon ces mêmes auteurs, le travail visé par le contrat de travail peut revêtir la forme artistique (p. 181, par. 120) et être accompli par un artiste (p. 183, par. 121b)) ou même par un réalisateur de film (p. 200, par. 132).

Le statut juridique d’employé ou de prestataire (de services) des acteurs et comédiens a fait l’objet d’une vive controverse au Canada et donné lieu à de nombreuses démarches auprès des autorités fiscales canadiennes. Voir le Bulletin d’interprétation IT‑525R et Canada Tax Service (Carswell), commentaire sur l’article 9, sous la rubrique « Artists and Writers ».

De plus, dans Productions Petit Bonhomme Inc. c. Canada (M.R.N.), 2004 CAF 54, (2004), 323 N.R. 356, [2004] A.C.F. no 238 (QL), la Cour d’appel fédérale a conclu que la Cour de l’impôt n’avait pas commis d’erreur manifeste en concluant que des techniciens oeuvrant dans le domaine de la production d’émissions de télévision au Québec étaient des travailleurs autonomes. Il faut toutefois mentionner que ce sont les principes des arrêts Wiebe Door et Sagaz qui ont été appliqués par le juge de la Cour de l’impôt dans cette affaire. On peut alors s’interroger si le résultat aurait été le même si ce juge avait appliqué comme seul critère celui du lien de subordination (direction ou contrôle), selon les dispositions l’approche du Code civil.[19]

 

 

[105]  Une autre preuve directe de l’exercice du pouvoir de direction d’un employeur pourrait être celle établissant que le payeur forme le travailleur, à moins que la formation ne porte que sur la connaissance des produits à vendre120. L’imposition de règles de conduite ou de comportement constitue aussi une preuve directe, sauf si les règles correspondent à des normes applicables peu importe le statut du travailleur, notamment des normes légales121.

 

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120      Sarrazin c. Canada (M.R.N.), [1997] A.C.I. no 320 (QL), par. 10 et 13 (attrapeurs de poulets dans les poulaillers des producteurs : prestataires); Services Barbara‑Rourke, précité (note 115), par. 44; Yunes c. Garland Canada Inc., [2004] J.Q. no 8434 (QL)(C.S. Qué.), par. 17 (démarcheur : prestataire); Services de santé Marleen Tassé, précité (note 31), par. 30, 74 et 87; Desrochers, précité (note 116), par. 24 à 26.

121      Charbonneau, précité (note 4), par. 7 et 11; Dr Denis Paquette, précité (note 99), par. 33 (no 8); Services de santé Marleen Tassé, précité (note 31), par. 16, 25, 63; Neblina Spa Enr., précité (note 95), par. 5, 14, 16; Ménard, précité (note 98), par. 8.

 

 

2.3.2.   Preuve indiciaire du pouvoir de direction ou de contrôle (indices de subordination)

[106]  Il faut rappeler que ce qui est la marque du contrat de travail, ce n’est pas le fait que la direction ou le contrôle a été exercé effectivement par l’employeur, mais le fait que l’employeur avait le pouvoir de les exercer. Dans des circonstances où l’employeur n’a pas exercé de façon régulière son pouvoir de direction ou de contrôle, il n’est pas aisé de faire la preuve de ce « pouvoir ». Ce n’est donc pas étonnant que, pour résoudre ce problème, les tribunaux de common law ont opté pour des critères autres que celui du contrôle. Par contre, au Québec, les tribunaux n’ont pas cette latitude. Ils doivent conclure à l’existence ou à l’absence du lien de subordination pour qualifier une entente soit de contrat de travail ou de contrat de service. Il faut donc avoir recours au moyen de la preuve par présomption de fait, soit celui de la preuve indirecte ou indiciaire.

[107]  Dans le choix et la pondération des indices, on doit avoir présentes à l’esprit les dispositions du Code civil elles‑mêmes qui distinguent le contrat de travail du contrat de service. La question qu’il faut se poser est la suivante : est‑ce qu’un fait indiciaire rend probable l’existence d’un pouvoir de direction ou de contrôle ou, au contraire, rend‑il probable l’autonomie du travailleur dans l’exécution du contrat? Ce qui suit ne constitue qu’une liste bien partielle d’indices, qui pourra être modifiée et complétée. L’utilité, la pertinence et la valeur probante (faits « graves, précis et concordants ») de ces indices et de ceux qu’on pourra y ajouter devront être appréciées selon les circonstances particulières de chaque cas.

[108]  Avant de proposer ou commenter des indices qui pourraient se révéler utiles, il convient de rappeler ceux décrits dans la doctrine, tout d’abord, ceux suggérés par Robert P. Gagnon, au paragraphe 92 de son ouvrage précité :

[...] En pratique, on recherchera la présence d’un certain nombre d’indices d’encadrement, d’ailleurs susceptibles de varier selon les contextes : présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigence de rapports d’activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n’exclut pas une telle intégration à l’entreprise. [Je souligne.]

[109]  En outre, il y a les indices décrits dans la doctrine française122 :

2. Les indices

Pour identifier les éléments dont la réunion conditionne la qualification, les juges recourent à des indices. Ces derniers sont tirés des stipulations du contrat, mais plus encore des « conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs », qui sont, au fond, des modalités adoptées ou acceptées pour l’exécution du contrat. Sont examinés le comportement des parties, les relations qu’elles peuvent entretenir, le lieu et le temps de l’activité, le fait que l’intéressé travaille seul ou avec le concours d’autrui, la propriété du matériel et des matières premières, et bien sûr l’existence ou l’absence de direction et de contrôle de la part du bénéficiaire de la prestation, comme l’existence et les modalités d’une rémunération. Il y a contrat de travail dès lors qu’un faisceau d’indices oriente vers cette qualification, sans que l’absence de tel d’entre eux suffise à la faire écarter. Les motifs de certains arrêts de la Cour de cassation illustrent très clairement cette méthode.

 

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122      Pélissier, Supiot et Jeammaud, op. cit. (note 50), aux pp. 193, 196 et s. (N.B. Les notes infrapaginales sont les miennes; celles des auteurs ont été omises.)

 

 

[...]

128 Le lieu de travail123 ◊ Le salarié effectue habituellement la prestation de travail chez l’employeur ou dans les locaux de son entreprise, au poste qui lui a été confié. L’impératif géographique constituera donc un indice de subordination.

 

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123      Pour des exemples de décisions de la Cour de cassation, voir : Cass. soc., 20 juin 1995, Bull. civ. 1995.I.186, no 268 (professeur faisant la mise à jour d’un ouvrage pour un éditeur : prestataire) et Cass. soc., no 196, précitée (note 106).

 

 

Ainsi a‑t‑il été jugé qu’étaient des salariés : l’agent qui reçoit la clientèle dans un bureau mis à sa disposition par l’employeur, le médecin d’entreprise tenu de se rendre dans ses locaux, la tenancière d’un kiosque installée dans un local à elle assigné par l’employeur, qui demeure maître de lui refuser l’accès et acquitte une redevance pour son usage, le professeur donnant des leçons au domicile de ses élèves ou dans un établissement d’enseignement, le métreur travaillant en partie dans les locaux de l’entreprise.

Lorsque l’activité du travailleur s’exerce par nature à l’extérieur, on retiendra comme indice de subordination le fait que le vendeur de journaux doit suivre l’itinéraire qui lui a été assigné, que le sportif professionnel doit déférer à la convocation au lieu de la compétition, que la démonstratrice plaçant des commandes d’articles ménagers ou de produits cosmétiques participe dans l’entreprise à des réunions organisées, des stages de formation et assure un service après vente.

En revanche, la qualité de salarié a été refusée au vendeur de journaux qui fixe librement son secteur d’activité, à un agent encaisseur travaillant dans ses propres locaux, ou encore à un professeur de droit n’ayant aucune obligation de présence dans l’entreprise d’édition pour laquelle il travaille.

La fixation du lieu de travail n’est évidemment pas à elle seule décisive. En raison de la nature de son activité, il peut arriver qu’un indépendant soit conduit à accomplir sa prestation dans l’entreprise de celui qui reste pour lui un client, tel l’expert‑comptable ou l’ingénieur conseil, ou dans le lieu où ce client organise sa manifestation, comme dans le cas de l’interprète de conférences.

Le développement du télétravail, la pratique des astreintes (obligation de rester chez soi à la disposition de l’employeur), celle du travail à la demande, affaiblissent la signification traditionnelle du lieu de travail.

129 L’horaire de travail124 ◊ La durée dans l’exécution de la prestation du travailleur est inhérente à ce contrat successif. Peu importe qu’elle soit déterminée ou non, prolongée ou fort brève, encore qu’une collaboration régulière et sur une assez longue période puisse constituer, en soi, un indice de subordination.

 

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124      Cass. soc., no 268, précité (note 123); Cass. soc. no 196, précité (note 106).

 

 

La subordination se marquera concrètement par l’obligation faite au travailleur de demeurer à la disposition de l’employeur conformément à l’horaire établi par ce dernier. Seront donc considérés comme des salariés : le vendeur de journaux tenu de commencer sa distribution aux abonnés à une heure imposée, le médecin assurant le service médical d’une entreprise et tenu par son contrat de s’y rendre à des heures déterminées, ainsi que l’enseignant soumis à des horaires. Lorsque la prestation n’est pas effectuée de façon continue suivant un horaire régulier, la subordination peut résulter de l’obligation de répondre à toute convocation du créancier de cette prestation.

En revanche, il a été jugé que n’étaient pas liés par un contrat de travail : le vendeur de journaux auquel aucun horaire n’est imposé, le porteur aux Halles travaillant aux heures qui lui conviennent, le « conseiller » faisant profiter l’entreprise de ses relations en les contactant, sans être tenu par un horaire.

Quand le travailleur est tenu de se rendre au lieu assigné, et suivant un horaire imposé, le juge admettra aisément qu’il y a « subordination juridique », donc contrat de travail. Cet acte de soumission est en lui‑même significatif, et cette localisation à heures fixes paraît constituer une condition de l’exercice effectif par l’employeur de son pouvoir de direction et de contrôle. Les tendances nouvelles en matière de durée du travail (horaires individualisés, travail à temps partiel et intermittent, variabilité de l’horaire au cours de l’année) ne semblent pas de nature à rendre ces indices moins significatifs.

130 La fourniture d’une prestation personnelle et exclusive ◊ Le contrat de travail oblige le salarié à fournir en personne une prestation de travail, sans pouvoir se substituer quiconque, et notamment un salarié qu’à son tour il embaucherait.

L’imposition, directe ou indirecte, d’une telle fourniture personnelle du travail oriente fortement vers la qualification de contrat de travail. Au contraire, n’est pas lié par un contrat de travail au bénéficiaire de son activité l’entrepreneur faisant appel à des ouvriers recrutés par lui, travaillant sous sa direction et sa responsabilité exclusive.

Le problème s’est notamment posé en matière de représentation commerciale, et le législateur l’a réglé pour certains en imposant expressément la qualification de contrat de travail. En revanche, la Cour de cassation a refusé la qualité de salarié de la firme à l’agent général ayant la direction de sous‑agents salariés, rémunérés par lui et travaillant pour son compte, et qui utilise donc le travail d’autrui à son profit personnel. Il en va de même pour le chirurgien libre de son activité, opérant dans une clinique avec des infirmières qu’il embauche, rémunère et dirige seul.

Par ailleurs, en renonçant pour un temps à la liberté de son travail, en acceptant de réserver son activité à un seul employeur, le salarié manifeste sa soumission à l’autorité patronale. Tel peut être le cas d’un expert‑comptable, d’un sportif professionnel s’engageant à ne pas courir ou ne pas jouer pour un autre groupe sportif ou un autre club. Faute de semblable engagement, se sont vu refuser la qualité de salarié le colporteur libre de vendre d’autres journaux ou l’organisatrice de stages de formation intervenant pour plusieurs organismes.

Si l’exclusivité fait habituellement présumer l’existence d’un lien de subordination, la proposition inverse n’est pas exacte : l’activité non exclusive, exercée au profit de plusieurs employeurs ou d’une clientèle, n’est pas nécessairement incompatible avec la qualité de salarié. Le cumul d’un contrat de travail avec une profession libérale indépendante est possible, de même bien entendu que l’exécution simultanée de plusieurs contrats de travail (à temps partiel, en principe, afin de respecter la réglementation de la durée du travail) avec des employeurs différents. La pluri‑activité, ou exercice simultané par une même personne de plusieurs activités professionnelles différentes, se répand. Elle ne doit pas évoquer quelque blâmable « cumul » et n’est qu’exceptionnellement interdite.

131 La fourniture du matériel, des matières premières, ou des produits ◊ L’employeur fournit normalement au salarié les outils et matériaux nécessaires à l’exécution de sa tâche. Par là s’affirme la dépendance du travailleur en économie capitaliste à l’égard d’un employeur détenteur des moyens de production.

Sur le plan de la subordination, l’autorité du bénéficiaire de la prestation s’estompe quand le matériel est la propriété du travailleur qui en dispose à son gré, car ce dernier cesse d’être un pur locateur de services. Ainsi des décisions ont‑elles refusé la qualité de salarié : à l’entrepreneur utilisant son outillage et sa bétonnière, à un entrepreneur de battage restant maître de la conduite de ses engins, au représentant propriétaire d’un entrepôt et d’un matériel de transport livrant à des détaillants les produits d’une société, à l’artisan faisant l’avance de diverses fournitures. Sont au contraire liés par contrat de travail la tenancière d’un kiosque vendant aux prix indiqués les marchandises fournies exclusivement par l’employeur et rapportant les invendus, ou les maçons auxquels le mortier est fourni. Une donnée du même ordre pèse, avec d’autres indices, en faveur de la qualité de salariés de médecins d’établissements privés de soins utilisant les installations de ceux‑ci.

Dans le cas de certains coursiers ou chauffeurs routiers propriétaires de leur véhicule, l’exclusion de la qualification de contrat de travail est a priori très probable. Mais les intéressés pourront parfois, en fonction de diverses conditions de l’exercice de leur activité, bénéficier des dispositions du code du travail par l’effet de l’article L. 781‑1 C. trav.

132 La direction et le contrôle du travail125Il s’agit là d’un facteur décisif. Les juges ont considérés [sic] comme salariés : l’ouvrier maçon travaillant « au noir » au profit d’un propriétaire qui lui donne des instructions; le plongeur sous‑marin prospectant des fonds marins moyennant une rémunération et adressant des comptes rendus, malgré la liberté inhérente à son éloignement et à la technicité de son travail; le directeur technique et commercial d’un domaine agricole, aux fonctions précisées, limitées et contrôlées; le responsable d’un service commercial recevant des consignes précises; la tenancière de kiosque recevant des instructions précises et impératives sur la vente des publications, à laquelle aucune initiative n’est laissée, et inspectée deux fois par jour; l’agent immobilier rendant compte de son activité, recevant des critiques et des instructions; le réalisateur d’un film engagé par le producteur, subordonné à ce dernier malgré une certaine liberté sur le plan artistique; le joueur de football respectant la discipline du club; l’expert‑comptable recevant des instructions et de véritables ordres par notes de service; le chauffeur routier « mis à son compte » par l’employeur dont il continue cependant de dépendre; le mandataire social d’une filiale que son contrat soumet aux ordres et directives de la société mère.

 

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125      Il faut rappeler qu’une définition du contrat de travail n’existe pas dans le Code civil français. Comme cela était le cas au Québec avant 1994, il n’y a en France que le contrat de louage d’ouvrage, qui comprend  le contrat de travail et le contrat de service. La distinction entre les deux a été décidée par la doctrine et la jurisprudence. Comme le législateur québécois a adopté comme critère pour déterminer l’existence du lien de subordination le pouvoir de direction ou de contrôle, la preuve de l’exercice de ce pouvoir constitue la preuve directe du lien de subordination. Il ne s’agirait pas, à proprement parler, comme cela est le cas en France, d’un simple indice du lien de subordination. Les juges français, contrairement aux juges canadiens siégeant au Québec, pourraient avoir la latitude nécessaire pour modifier la notion de lien de subordination.

 

 

L’analyse de la jurisprudence fait donc ressortir l’importance, parmi les divers indices de la subordination, de l’intégration de l’intéressé dans un service organisé, même si, effectivement, il ne s’agit plus que d’un indice et non d’une modalité possible et suffisante de subordination. Ainsi est un salarié le professeur d’enseignement privé, travaillant dans des locaux et suivant un horaire assigné, enseignant des matières suivant un programme déterminé, tenu d’observer les directives de l’établissement concernant notamment les bulletins de présence et les carnets de notes, peu important son irréductible autonomie intellectuelle. De même, un distributeur d’hebdomadaire publicitaire gratuit sera considéré comme salarié, notamment parce qu’il travaille pour le compte d’autrui dans le cadre d’un service organisé, et l’intégration du médecin dans le « cadre d’un service organisé » d’un hôpital ou clinique contribue à en faire un salarié. L’avocat, qui peut être salarié depuis la loi [du] 31 décembre 1990, a cette qualité dès lors qu’il n’exploite pas ou ne peut développer une clientèle personnelle.

Peu importe que le travailleur exerce son activité professionnelle à l’extérieur s’il s’intègre dans le cadre d’un service organisé dans l’entreprise, ou qu’il n’intervienne dans l’entreprise qu’à titre de vacataire en bénéficiant de la liberté inhérente à l’activité de chercheur.

Le point décisif apparaît être le contrôle de l’activité, se traduisant par exemple par l’obligation de rendre compte. Cette obligation constitue un indice particulièrement utile et significatif face aux formes modernes de management par « conventions d’objectifs », qui donnent aux travailleurs une large autonomie moyennant l’obligation de rendre compte de l’usage qu’ils en font, et qui, loin de faire disparaître la subordination, lui donnent un nouveau visage.

Au contraire, c’est parce qu’ils jouissent d’une entière liberté dans l’organisation de leur travail que ne se trouvent pas liés par un contrat de travail : l’artisan œuvrant sans contrôle sur le chantier; l’interprète de conférence en l’absence de subordination et de véritable intégration dans un service organisé; l’organisatrice de stages de formation se comportant comme un chef d’entreprise; le médecin d’une société de secours minière fixant librement ses horaires de consultations et de visites et organisant son travail à son gré; celui qui, quoique membre d’une association (SOS médecins), ne lui est pas subordonné, mais exerce à son profit propre. L’expert d’assurance expertisant les véhicules accidentés, le conseiller technique jouissant d’une totale liberté d’action, l’universitaire animant des séminaires qui n’a pas à rendre compte de ses activités et qui n’a pas bénéficié d’une manière quelconque des structures de la société, l’arbitre sportif, échappent également à toute subordination parce que leur travail n’est pas contrôlé. L’absence de réelle direction et de contrôle fait douter que les conventions entre les sociétés dites de « portage salarial » et les consultants qu’elles abritent et « gèrent » mais ne dirigent en rien, soient, malgré l’apparence créée, des contrats de travail. [...]

[Je souligne.]

 

Application aux faits des appels

 

[57]         Comme nous venons de le voir, la question de droit à trancher est claire. Pour déterminer si M. Bernier et Mme Mongeau occupaient un emploi assurable durant les périodes pertinentes, il s’agit d’établir s’ils ont fourni leurs services aux termes d’un contrat de louage de services (contrat de travail). Comme l’article 5 de la Loi ne définit pas ce que c’est qu’un tel contrat, il faut, selon les dispositions de l’article 8.1 de la Loi d’interprétation et du Code civil du Québec, déterminer s’il existait un lien de subordination entre eux et leur payeur respectif, ou si, au contraire, ils avaient le libre choix des moyens en effectuant leur prestation de services. Une fois que la bonne question à trancher a été précisée, il devient plus facile d’y répondre. Comme le contrat d’engagement ne détermine pas la nature du contrat et qu’il y a contradiction entre les témoignages des parties sur cette question, il faut s’en remettre à la conduite de celles-ci pour la résoudre.

 

[58]         La preuve, tant la directe que celle par présomption de fait, démontre clairement, à mon avis, qu’il existait entre les parties aux contrats en l’espèce un lien de subordination. Dans beaucoup des appels entendus par cette Cour, il y a souvent très peu de preuve directe. Ceux dont la cour se trouve saisie ici font exception, tout comme celui dans l’affaire Financière Banque Nationale Inc. c. Ministre du Revenu national et Carlo Massicolli, 2008 CCI 624.

 

[59]         Ici, il existe de nombreux éléments de preuve directe établissant que le travail a été fourni sous la direction ou le contrôle des employeurs. D'ailleurs, certains éléments de cette preuve ressortent des rapports sur un appel (rapports) préparés par les agents des appels qui ont rendu les décisions dans les deux dossiers. Les faits énoncés dans ces rapports correspondent en très grande partie à ceux qui ont été établis par la preuve présentée lors de l’audience.

 

[60]         Je m’explique mal comment les deux agents des appels ont pu conclure qu’il n’existait pas de contrat de travail dans ces deux cas. Le cas le plus flagrant est celui de Mme Mongeau. Dans son rapport relatant les explications fournies par Mme Mongeau, l’agent indique au paragraphe 23 : « Les deux parties ont reconnu l’existence d’un lien de subordination entre elles ». Cela est confirmé par le paragraphe 24, où l’agent indique que le représentant du payeur a corroboré en totalité les affirmations de Mme Mongeau, à l’exception de celle quant à l’intention initiale.

 

[61]         Parmi les faits tenus pour acquis par le ministre pour rendre sa décision, il est indiqué au paragraphe 15 j) de la réponse à l’avis d’appel modifiée dans le dossier de Mme Mongeau que celle-ci suivait les directives du caméraman principal, M. François Mercier. Au paragraphe k), il est dit qu’elle devait travailler en étroite collaboration avec l’équipe de production tout en respectant l’échéancier établi par le payeur. Selon le paragraphe l), Mme Mongeau devait se présenter sur le plateau aux heures fixées par le réalisateur ou le producteur. Au paragraphe n), on affirme que Mme Mongeau ne pouvait quitter le plateau de tournage que lorsque le producteur lui en donnait l’ordre.

 

[62]         Au paragraphe 15 de son rapport, l’agent écrit que Mme Mongeau a exécuté son travail « sous la supervision et le contrôle du directeur photo ». Au paragraphe 15.1, il réitère que le caméraman principal donnait des directives à Mme Mongeau. Au paragraphe 17, il est écrit : «À la question de savoir si son travail avait été supervisé ou contrôlé [,] elle m’a répond[u]  " Toutes mes directives provenaient du directeur photo. Je devais quitter le plateau seulement lorsqu’on en recevait l’ordre du producteur. Je devais me présenter aux endroits et aux heures qu’on me fixait. J’avais à compléter des feuilles de temps. " Au paragraphe 21.1, l’agent des appels indique ce qui suit : « les heures de travail sont décidées par le réalisateur producteur […] L’horaire du travail peut aussi bien être en matinée qu’en soirée ou même de nuit dépendant des intentions de tournage du réalisateur. »

 

[63]         Ayant obtenu confirmation des parties qu’il existait un lien de subordination entre Mme Mongeau et PKI, et ayant constaté que leurs affirmations à ce sujet étaient conformes aux faits relatifs à l’exécution du travail, l’agent des appels n’avait pas d’autre choix, à mon avis, que de conclure à l’existence d’un contrat de travail, donc à l’existence d’un emploi assurable. Toutefois, de façon stupéfiante, il écrit ce qui suit à la dernière page de son rapport pour justifier sa conclusion contraire :

 

Il s’agit ici davantage d’un travail d’équipe dont le but est la production cinématographique de haute qualité et dans un certain délai et où chacun des intervenants s’assure de faire son travail au bon moment sous le contrôle du producteur et sans nécessairement dire à chacun comment le faire.

 

Le tout se passe dans un climat de collaboration entre professionnels. La situation des travailleurs en l’espèce, s’apparente donc davantage à celle de travailleurs indépendants.

 

Pour tous ces motifs, il me serait difficile voire [sic] impossible de convaincre quelconque instance juridique que Josée Mongeau n’était pas travailleur autonome et qu’il n’existait pas de lien commercial entre les deux parties.

 

                                                                                                [Je souligne.]

 

[64]         Quant à l’agente dans le dossier Bernier, voici ce qu’elle écrit au paragraphe 10 de son rapport : « The worker received from the payer every morning an instruction sheet which outlined the daily working plan and schedule. » Au paragraphe 11 elle dit : « The worker’s daily activities were supervised by the payer. » Selon le paragraphe 12 du rapport : « The worker had to fill out time sheets on a weekly basis ». Au paragraphe 25, l’agente des appels écrit que le payeur a confirmé « much of the information » fournie par le représentant du payeur. Toujours selon le rapport, au paragraphe 35, le représentant du payeur a confirmé : « The work done by the worker was supervised by the producer. »

 

[65]         Il n’est pas dit noir sur blanc, comme dans le cas de Mme Mongeau, qu’il existait un lien de subordination entre M. Bernier et FPI, mais l’agente des appels aurait pu l’écrire. Après avoir énoncé les faits mentionnés ci-dessus, l’agente dans le dossier Bernier formule des conclusions aussi stupéfiantes que celle de l’agent dans le dossier Mongeau :

 

Relationship of subordination:

 

In this particular situation it is important to consider the uniqueness of the film industry when examining the relationship of subordination.

 

While it is true that the payer set the daily schedule, it is important to note that is a common practice on shooting locations. The worker did not perform his duties in isolation. He was part of a team. As such his activities had to be synchronized with the rest of the crew. As pointed out by the payer’s representative, the purpose of the “call sheet” was to ensure an orderly working day. I should not be looked at as a measure of control.

 

The nature of the work performed by the worker was such that he could not be unsupervised or undirected. All workers, regardless of their status, have to follow the lead and instructions of the producers and project directors. The final product represented a collaborative guided effort. It cannot be said that the worker could not contribute his expertise as a technical director who acted as an independent contractor just because he followed the lead of the producers and directors.

 

An analysis of the three essential elements: performance of work, remuneration and relationship of subordination, leads us to conclude that there did not exist between the parties a contract of service as defined by article 2085 of the Civil Code of Quebec. Therefore, we can conclude that for the period under review the worker was not employed in insurable employment pursuant to paragraph 5(1)(a) of the Employment Insurance Act.

 

[Je souligne.]

 

[66]         Devant de telles conclusions, aussi illogiques que stupéfiantes, c’est la maxime citée par mon ancien collègue, le juge Mogan, dans Sanford c. Canada, [2000] A.C.I. no 801 (QL), [2001] 1 C.T.C. 2273 (angl.), qui me vient à l’esprit:

 

17     Un vieux cliché me vient à l'esprit. En anglais, on dit que si une créature à deux pattes et avec des plumes se dandine comme un canard, cancane comme un canard et ressemble à un canard, ce doit être un canard.

 

                                                                            [Je souligne.]

 

[67]         Dans Dynamex Canada Corp. v. M.N.R., [2010] 3 C.T.C. 2233, au paragraphe 31, j’ai cité une décision de la Cour d’appel de la Californie, qui adopte la même maxime pour décrire la pensée de la cour de première instance relativement au travail des employés de FedEx. Je crois qu’elle s’applique fort bien en l’espèce également. Si un directeur technique et une assistante à la caméra fournissent leur prestation de services sous la direction ou le contrôle d’un payeur, et qu’il existe ainsi un lien de subordination entre eux et ce payeur, le contrat qui les lie doit être un contrat de travail selon l’article 2085 C.c.Q.

 

[68]         Selon le témoignage des deux appelants et de M. Joli-Coeur, les deux appelants étaient supervisés par leur payeur respectif, soit par le directeur de la production, le réalisateur ou le régisseur et, dans le cas de Mme Mongeau, son caméraman. Les deux appelants recevaient des directives sur la tâche qu’ils devaient accomplir (le « quoi »), sur l’endroit où ils devaient faire leur prestation (le « où ») et sur l’horaire auquel ils devaient se plier (le « quand »), tel qu’en fait foi les « call sheets » qui étaient distribuées chaque jour durant la période de production. Mme Mongeau a confirmé qu’elle n’avait pas le droit de quitter le plateau de tournage tant qu’elle n’en avait pas obtenu l’autorisation du réalisateur. Je suis persuadé qu’il en était de même pour M. Bernier, à tout le moins quand il agissait comme assistant à la caméra. Ni l’un ni l’autre appelant ne pouvait s’absenter sans motif sérieux et il fallait alors avertir le producteur. La période au cours de laquelle ils pouvaient prendre leur repas était décidée par leur réalisateur. Les deux appelants étaient soumis à un degré de contrôle que l’on ne trouve pas de façon générale dans bien d’autres champs d’activité. Pensons notamment aux professeurs à temps partiel ou agissant comme tuteurs qui, a-t-il été jugé dans NCJ Educational Services Limited c. Canada (M.R.N.), 2009 CAF 131 sont des salariés, ou au cas de M. Grimard (mentionné plus haut), médecin spécialiste dont la tâche consistait à agir comme assesseur auprès de la Commission des lésions professionnelles.

 

[69]         En plus de la preuve directe du droit de direction et de contrôle exercé par les deux payeurs en l’espèce, il y a la preuve par présomption de fait, à savoir la preuve indiciaire. Il y a notamment le fait que les travailleurs n’avaient pas le droit de se faire remplacer, à moins que ce soit avec l’autorisation du payeur. Il y a aussi les indices d’encadrement décrits par feu Robert P. Gagnon, à savoir la présence obligatoire à un lieu de travail, l’assignation régulière du travail, l’exigence de rapports d’activité. Le fait que la plupart des outils nécessaires à la production ont été fournis par les maisons de production favorise la thèse selon laquelle le payeur exerçait un droit de direction ou de contrôle sur les travailleurs. Le fait que ces derniers ont fourni de petits outils, notamment un tournevis, des ciseaux, une craie et un clap, ne constitue pas un bon indice qu’ils avaient le libre choix des moyens d’exécution du contrat. Le fait que les deux travailleurs devaient s’insérer dans une équipe pour la réalisation du travail constitue, selon moi, un excellent indice d’encadrement, qui élimine, ou du moins diminue considérablement, la possibilité que le directeur technique (M. Bernier) et l’assistante à la caméra (Mme Mongeau) ait eu le libre choix des moyens d’exécution. Au contraire, le fait pour le travailleur de s’insérer dans une équipe de tournage entraîne une subordination inhérente et dès lors démontre que le travailleur est tenu de fournir sa prestation sous la direction ou le contrôle du payeur.

 

[70]         Comme précédents, l’agent des appels dans le dossier Mongeau a mentionné les arrêts Tambeau et Productions Petit Bonhomme Inc. L’agente dans le dossier Bernier n’a cité que l’arrêt Tambeau. À mon avis, ces agents ont commis une erreur de droit dans l’application des règles pertinentes. Que le premier, alors qu’il a reconnu que ce qui est la marque d’un contrat de louage de services n’est pas le fait que le contrôle soit exercé effectivement, mais bien le fait que le payeur ait le pouvoir de l’exercer, affirme que les membres de l’équipe technique effectuaient leur travail sous le contrôle du producteur, sans nécessairement que ce dernier dise à chacun « comment » le faire, est tout à fait surprenant et vient appuyer ma conclusion. En effet, ce n’est pas parce que la preuve sur le « comment » est faible ou peu présente que cela signifie que le payeur n’avait pas le droit de donner des directives sur le « comment ». D’ailleurs, lorsqu’elle a été interrogée sur la question, Mme Mongeau a indiqué qu’elle recevait des directives sur « comment » disposer la caméra et que le réalisateur pouvait changer plusieurs fois d’idée. En outre, je n’ai aucun doute que, si le producteur avait vu Mme Mongeau transporter la caméra d’une façon dangereuse qui aurait pu l’endommager, il n’aurait pas hésité à lui dire comment la transporter. Cet appareil n’était pas fourni par Mme Mongeau.

 

[71]         Une explication possible de la conclusion de l’agent que la conduite de Mme Mongeau s’apparentait davantage à celle de travailleurs indépendants est qu’il s’est senti lié par la décision Productions Petit Bonhomme Inc. de la Cour d’appel fédérale. Or, tel qu’il est mentionné plus haut, cette décision a été rendue avant la décision Tambeau, dans laquelle le juge Décary, avec l’accord des juges Pelletier et Létourneau, a conclu à l’existence d’un flottement jurisprudentiel « auquel le temps est venu de mettre un terme » (paragraphe 2 de la décision). À mon avis, non seulement la preuve directe, mais également la preuve par présomption de fait (la preuve indiciaire), établit clairement qu’il existait un lien de subordination entre les appelants et leur payeur respectif.

 

[72]         Une autre explication possible de la décision des deux agents des appels est la controverse de vieille date qui existe au Canada quant au traitement des artistes, comédiens et techniciens dans le domaine de l’audiovisuel. On a d’ailleurs dû adopter des lois spéciales comme la LSP pour protéger ces personnes, auxquelles on refusait le statut de salarié. Cette même loi vise à accorder aux « artistes » aux sens de cette loi le droit de se regrouper aux sein d’une association semblable à un syndicat de façon à défendre et à promouvoir leurs intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels, notamment en négociant une entente collective (articles 24 et 27 LSP). Aux fins de l’application de la LSP, les articles 6 et 12 assimilent à un artiste les personnes qui s’obligent habituellement envers un ou plusieurs producteurs au moyen de contrats portant sur des prestations déterminées. Cette loi ne prévoit pas que les dispositions de droit commun du Code civil ne sont pas applicables à ces personnes. Tout comme les dispositions de la Loi sur les normes du travail, L-R.Q., ch. N-1.1, et celles du Code du travail, L-R.Q., ch. C-27, celles de la LSP ne sont pas pertinents pour l’application de l’article 5 de la Loi. Ces lois visent à accorder une plus grande protection aux travailleurs en leur permettant de bénéficier de normes plus généreuses de travail et de se regrouper pour mieux défendre leurs intérêts économiques. Elles ne visent pas à dépouiller les « artistes » de leur droit d’être considérés comme des « salariés » aux fins du Code civil et à les rendre inadmissibles aux prestations d’assurance-emploi qu’offre la Loi.

 

[73]         Même si cela n’a pas été évoqué dans les rapports pour justifier la conclusion des deux agents des appels, une autre hypothèse qui pourrait expliquer leur décision est que les appelants sont des techniciens en l’audiovisuel, dont les contrats de travail sont souvent de très courte durée. Mme Mongeau a indiqué que cela pouvait aller d’une journée à trois mois. Son contrat avec PKI n’a duré que cinq jours. Pourtant, lorsque l’on prend connaissance des dispositions pertinentes du Code civil, on constate à l’article 2086 qu’un contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée. Par conséquent, rien ne s’oppose à ce qu’un contrat exécuté par les appelants soit d’une courte durée. Comme on le reconnaît volontiers dans les ouvrages de doctrine : « la durée [d’un contrat de travail peut être] prolongée ou fort brève[20] ». De plus il n’existe dans le Code civil aucune règle précisant que, s’il est d’une durée inférieure à quatorze semaines ou à six jours, le contrat de travail devient un contrat de service.

 

[74]         J’aimerais quand même souligner que, si la preuve directe de l’existence d’un lien de subordination est déficiente, la durée d’un contrat pourra devenir un élément de preuve indiciaire. En effet, plus le contrat sera de longue durée, plus on peut croire qu’il s’agit d’un contrat de travail. Plus un contrat sera de courte durée, plus on pourra penser qu’il pourrait s’agir d’un contrat de service. En effet, une courte durée pourrait laisser penser que le travailleur n’est pas soumis à la direction ou au contrôle du payeur. Toutefois, cela ne constituerait que l’un des indices de l’existence ou de l’absence d’un lien de subordination. La présence d’un indice donné n’est pas déterminante comme preuve. Comme le dit le professeur Ducharme dans le passage cité plus haut : « Les indices en eux-mêmes ne prouvent rien ». Par exemple, si la présence d’un chauffeur de taxi était exigée pour transporter un des membres de l’équipe de production ou une vedette lors du tournage, une courte présence sur le plateau pourrait être un indice d’autonomie, alors qu’une présence continuelle lors du tournage sur le plateau pourrait être un indice de subordination.

 

[75]         En outre, les personnes exerçant les activités de technicien en audiovisuel, y compris celles d’un directeur technique, sont assujetties aux mêmes règles de droit commun que les autres travailleurs. Il n’y a rien dans le Code civil pour exclure du contrat de travail le travail fourni par des acteurs et des techniciens en audiovisuel. Il n’y a aucune distinction fondée sur la nature de la prestation à être fournie. Par conséquent, comme il a été vu dans la doctrine citée plus haut, un réalisateur de cinéma et un artiste peuvent être considérés comme des salariés, tout comme un sportif professionnel (comme un joueur de hockey ou de soccer). Il va de soi qu’un directeur technique engagé dans une production cinématographique peut, lui aussi, être considéré comme un salarié s’il existe un lien de subordination, et cela, même s’il ne peut faire partie d’aucun syndicat.

 

[76]         Alors, il faut se demander : pourquoi cette attitude qui fait que l’on veut traiter les personnes de l’industrie du cinéma, du théâtre ou de la danse comme des personnes différentes des travailleurs des autres secteurs d’activité économique? Pourquoi ne pas les traiter comme les autres travailleurs puisque le Code civil ne crée pas de distinction? Je crois que la réponse donnée il y a 81 ans, le 18 octobre 1929, par le Conseil privé dans la célèbre affaire Edwards v. A.G. for Canada, [1930] A.C. 124, à la page 138, est applicable ici. Dans cet arrêt, le Conseil privé, qui a décidé que les femmes étaient des « personnes » et pouvaient par conséquent être nommées sénatrices, a tenu les propos suivants : « The word « person » as above mentioned, may include members of both sexes, and to those who ask why the word should include females the obvious answer is why should it not? » (Je souligne.) Ici M. Bernier a témoigné que son travail était supervisé par la directrice de la production et qu’il pouvait recevoir ses directives soit de cette personne, soit du réalisateur ou du régisseur. Pourquoi un directeur technique ne pourrait-il pas être traité comme tout directeur d’un service d’une entreprise de fabrication et être considéré comme un salarié?

 

[77]         Si M. Bernier et Mme Mongeau avaient fourni exactement la même prestation de services — l’un comme directeur technique et l’autre comme assistante à la caméra — dans les mêmes circonstances, sauf à titre de salariés permanents d’une société d’État, comme la Société Radio-Canada, personne n’aurait cru que ces deux travailleurs étaient des travailleurs autonomes. Le fait qu’ils acceptent de travailler en vertu de contrats à durée déterminée, pour de brèves périodes, ferait en sorte qu’ils ne seraient plus considérés comme des salariés? Si un lien de subordination existe, comme cela est le cas ici, pourquoi ces deux personnes ne bénéficieraient-elles pas de la protection de la Loi compte tenu de la précarité de leur travail? S’il y a un type de contrat de travail qui mérite la protection de l’assurance-emploi, c’est bien celui de ces travailleurs qui oeuvrent dans un contexte régi par le modèle d’affaires adopté pour la production de séries télévisuelles ou pour des productions cinématographiques.

 

[78]         À la lumière du témoignage de M. Joli-Coeur, il est plutôt révélateur de constater que FPI était prête à considérer les assistants à la caméra comme des salariés dans la mesure où son budget le permettait. Or, la détermination de la nature d’un contrat ne dépend pas de l’existence d’un budget, mais de la réunion de conditions spécifiques dont, en l’occurrence, l’existence d’un lien de subordination. Dès que ce lien de subordination existe et que les deux autres conditions nécessaires à l’existence d’un contrat de travail sont réunies, il y a un tel contrat. Tel qu’il est énoncé à l’article 2099 du Code civil, l’existence d’un lien de subordination empêche l’existence d’un contrat d’entreprise ou de service. L’existence d’un contrat de travail, je le rappelle, n’a rien à voir avec la durée du travail ni avec la nature du travail fourni.

 

[79]         Pour tous ces motifs, les appels de M. Bernier et de Mme Mongeau sont accueillis et les décisions du ministre sont modifiées de la façon suivante : M. Jacques Bernier occupait un emploi assurable durant la période pertinente Bernier et Mme Mongeau occupait un emploi assurable durant la période pertinente Mongeau.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2011.

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 99

 

Nºs DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-848(EI) et 2010-992(EI)

 

INTITULÉS DES CAUSES :             Jacques Bernier c. M.R.N.et Florence Productions Inc. et Josée Mongeau c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 24 septembre 2010

 

MOTIFS DES JUGEMENTS PAR :   L'honorable juge Pierre Archambault

 

DATE DES JUGEMENTS :               Le 17 février 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Louis Sirois

Avocate de l'intimé :

Me Anne-Marie Desgens

Représentant de l’intervenante :

Allan Joli-Coeur

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants:

 

                     Nom :                            Me Louis Sirois

 

                 Cabinet :                           Sirois & Tremblay, Avocats, Québec

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           Le Petit Robert définit « pigiste » comme signifiant « compositeur, rédacteur, journaliste payé à la pige ». et « pige » signifie « mode de rémunération d'un journaliste, d'un rédacteur rétribué à la ligne, à l'article ». Cette acception est issue de l’argot de la typographie, dans lequel, toujours selon le Petit Robert, le terme a le sens de « quantité de travail qu'un typographe doit exécuter dans un temps donné, et qui sert de base à sa paye ».

[2]           Ci-après la LSP. Cette loi s’applique aux artistes et aux producteurs qui retiennent leurs services dans le domaine de la production artistique, dont le film. La Loi modifiant la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma et d’autres dispositions législatives (L. Q. 2009, ch.32, entrée en vigueur le 1er juillet 2009), est venue modifier la LSP par l’insertion des articles 1.1 et 1.2., qui édictent ce qui suit :

1.1.      Pour l'application de la présente loi, un artiste s'entend d'une personne physique qui pratique un art à son propre compte et qui offre ses services, moyennant rémunération, à titre de créateur ou d'interprète, dans un domaine visé à l'article 1.

1.2.      Dans le cadre d'une production audiovisuelle mentionnée à l'annexe I, est assimilée à un artiste, qu'elle puisse ou non être visée par l'article 1.1, la personne physique qui exerce à son propre compte l'une des fonctions suivantes ou une fonction jugée analogue par la Commission, et qui offre ses services moyennant rémunération :

1o les fonctions liées à la […] réalisation […] de prises de vues, de sons, d'effets visuels ou sonores […]

                                                                                    [Je souligne et caractères gras ajoutés.]

 

[3]           A contrario, elle pourrait ainsi s'appliquer aux employés temporaires.

[4]           Cette loi est communément appelée la loi du 1%. En plus d’extraits de la Loi sur les compétences, les appelants ont produit un « Bulletin d’information aux entreprises » publié par la Commission des partenaires du marché du travail, organisme du gouvernement québécois, et dans lequel on utilise l’appellation « loi sur les compétences » pour désigner cette loi.

[5]           Page 19 de la pièce A-1.

[6]               Lors de son témoignage, M. Bernier a indiqué qu’il avait passé une entrevue pour obtenir le poste, mais c’était un autre travailleur, Sébastien Cassou, qui l’avait obtenu. Finalement, il a eu le poste lorsque M. Cassou a décidé de prendre un congé tel qu’il est expliqué au paragraphe 6, reproduit ci‑après.

[7]               Lors de son témoignage, l’agente des appels a pu comparer cet énoncé avec l’énoncé apparaissant au paragraphe 39 du rapport sur un appel, reproduit ci-après. En plus de l’énoncé apparaissant au paragraphe 39, qui laisse entendre qu’il est possible que M. Bernier ait reçu l’offre qui y est mentionnée, il y a le fait que M. Joli-Coeur a indiqué, lors de son témoignage à l’audience, que sa maison de production pouvait considérer certains techniciens comme des salariés si la demande en était faite à la maison de production. De façon générale, M. Joli-Coeur a reconnu que cela ne lui pose pas de problème de considérer les techniciens comme des salariés s’il a le budget nécessaire pour les rémunérer.

 

[8]           Cet énoncé peut être comparé à une position contradictoire offerte par M. Bernier au paragraphe 21 du « rapport sur appel » énoncé plus haut.

 

[9]           Il faut comparer cet énoncé avec celui au paragraphe 38 selon lequel M. Allan Joli-Coeur a dit ne pas avoir entendu parler d’un tel critère. Toutefois, il faut noter que ce n’est pas M. Joli-Coeur qui aurait fait une affirmation à cet égard, mais Mme Mayotte.

[10]             Lors de son témoignage, M. Joli-Coeur a affirmé que tous les techniciens engagés pour le projet avaient été considérés comme des travailleurs autonomes, ce qui est en contradiction avec ce qu’il avait indiqué à l’agente des appels. En outre, il a indiqué qu’il était usuel que les techniciens soient traités comme des travailleurs autonomes, et il n’était pas d’accord avec M. Lussier-Cardinal, qui a témoigné que les pigistes membres de l’AQTIS sont toujours considérés comme des salariés.

[11]             Toutefois, comme on verra au paragraphe 42 du rapport sur un appel, FPI n’avait pas payé les 4 % au titre du congé annuel.

[12]          Cette question n’a pas été abordée lors de l’audience.

[13]          Je ne comprends pas la pertinence de ce fait. M. Bernier a choisi de porter plainte devant la Commission des normes du travail et il a eu gain de cause.

 

[14]          Mme Mongeau a indiqué que le travail relatif à l’éclairage se fait par le directeur photo et non par un assistant à la caméra.

[15]          Mme Mongeau a nié avoir déclaré ses revenus comme des revenus d’emploi au moment de l’entrevue, car elle n’avait pas encore produit sa déclaration de revenus. La conversation téléphonique avec Mme Mongeau a eu lieu le 26 février 2010 (voir pièce A‑7, page 2). Le rapport a été signé par l’agent des appels le 3 mars 2010. Le témoignage de Mme Mongeau est donc tout à fait plausible.

 

[16]          Mme Mongeau conteste cette version des faits. Lors de l’audience, elle a soutenu que ce sont les représentants de PKI qui l’avaient sollicitée.

[17]          Mme Mongeau ne semble pas accepter cet énoncé. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas été engagée comme pigiste, car elle aurait refusé. Selon elle, c’est la première fois qu’elle n’était pas reconnue comme une salariée en vertu d’un contrat d’engagement prévu à l’entente collective. Par contre, je constate qu’au contrat d’engagement AQTIS qu’elle a signé, il est écrit : « Le technicien ou la  technicienne pigiste soussigné(e) autorise […] le producteur à prélever  » les retenues à la source prévues à l’entente collective.

[18]          Selon Wikipedia, il l'a été du 25 octobre 1918 au 30 septembre 1929.

[19]          À ces commentaires que j’exposais dans mon article, j'ajouterais que la décision Productions Petit Bonhomme Inc. de la Cour d’appel fédérale avait été rendue le 4 février 2004, soit avant sa décision dans l'affaire Tambeau qui a été rendue le 17 octobre 2005. En outre, l'application de l'art. 8.1 de la Loi d'interprétation, entré en vigueur le 1er juin 2001, n'avait pas été évoquée dans Productions Petit Bonhomme Inc., que ce soit la décision de la Cour d’appel fédérale ou celle de cette Cour.

[20]          Voir par. 104, note 119, de mon article reproduit plus haut.

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