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Dossier : 2010-1033(EI)

ENTRE :

STUART SMITH,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

COLDEN HOLDINGS LTÉE.,

Intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Stuart Smith 2010-1034(CPP), le 7 décembre 2010,

à Nanaimo (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Pour l’intimé :

Me Matthew Canzer

 

Représentant de l’intervenante :

M. Denis Collins

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

          Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 14e jour de janvier 2011.

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B., réviseure


 

 

Dossier : 2010-1034(CPP)

ENTRE :

STUART SMITH,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

COLDEN HOLDINGS LTÉE.,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Stuart Smith 2010-1033(EI), le 7 décembre 2010,

à Nanaimo (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Pour l’intimé :

Me Matthew Canzer

 

Représentant de l’intervenante :

M. Denis Collins

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

         

 

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 14e jour de janvier 2011.

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B., réviseure


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 20

Date : 20110114

Dossiers : 2010-1033(EI)

2010-1034(CPP)

ENTRE :

STUART SMITH,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

COLDEN HOLDINGS LTÉE.,

intervenante.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]              L’appelant – Stuart Smith (« M. Smith ») – a interjeté appel des deux décisions du 10 février 2010 par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a décidé que M. Smith n’exerçait pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services chez Colden Holdings Ltée (« Colden ») pendant la période allant du 1er octobre 2007 au 14 août 2009 et qu’il n’exerçait ni un emploi assurable, ni un emploi ouvrant droit à pension au sens des dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi (« LAE ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), respectivement.

 

[2]              Les parties ont accepté que les appels soient instruits ensemble.

 

[3]              Monsieur Smith a déclaré lors de son témoignage qu’il habitait à Campbell River en Colombie-Britannique et a entrepris en juin 2007, à la suite des discussions avec Denis Collins (M. Collins), président de Colden – , de conduire un camion pendant une demi-journée ou une journée complète, toutes les deux semaines. Il recevait un montant égal à 45 % des revenus provenant du transport de chargements dans un camion de cinq tonnes, de l’entrepôt vers différents emplacements, principalement occupés par des entreprises dans la région de Campbell River. Monsieur Smith a déclaré qu’il était payé une fois par mois et qu’il remplissait chaque soir les documents détaillant les livraisons qu’il avait effectuées pendant la journée. Colden calculait ensuite le montant auquel M. Smith avait droit, mais ce dernier avait estimé par lui-même avec précision combien il gagnait chaque jour. Colden avait conclu un contrat avec Comox Valley Freight (« Freight ») dans lequel elle s’était engagée à effectuer certaines livraisons demandées par Freight. Monsieur Smith a déclaré que M. Collins était d’accord pour qu’il travaille pour deux autres chauffeurs – une ou deux journées pour Sean et trois semaines pour Bob – en juillet ou en août 2007. Monsieur Smith effectuait les livraisons et recevait 45 % du revenu brut pour chacun de ces camions, mais Colden déduisait ensuite 45 $ de cette somme pour couvrir les frais mensuels d’utilisation du système téléphonique Mike installé dans la cabine. Monsieur Smith a ensuite déclaré que M. Collins lui avait mentionné qu’à partir de 2008, ce montant serait déduit de ses gains provenant du travail qu’il accomplissait avec le camion. Monsieur Smith s’y est opposé, puisqu’il possédait déjà un cellulaire qui lui permettait de communiquer et d’effectuer son travail convenablement. Il a ensuite ajouté que le camion appartenait à Colden et que cette dernière devait payer les coûts reliés au camion. À l’égard de son statut de fournisseur de services, M. Smith a déclaré qu’il avait exploité sa propre entreprise de messagerie pendant 6 ans et qu’il croyait qu’il ne pouvait faire des livraisons à titre de sous-traitant, s’il n’était pas également le propriétaire du véhicule. Il n’avait pas de permis d’exploitation d’un commerce et n’était pas un inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services (« TPS ») pendant la période pertinente. Monsieur Smith a dit qu’il avait informé M. Collins qu’il ne travaillerait pas comme sous-traitant. Ses chèques de paie étaient faits à son propre nom et déposés dans un compte de banque personnel. Il a déclaré qu’il pouvait refuser d’effectuer une livraison seulement s’il jugeait que le chargement présentait un danger. Lorsqu’il a eu besoin d’un chauffeur pour le remplacer, comme c’est arrivé à deux ou trois reprises, il en a informé M. Collins qui lui en a trouvé un. Monsieur Smith n’a jamais engagé d’assistant, mais il permettait qu’un homme – Al – embarque avec lui lorsqu’il faisait des livraisons à Gold River. Monsieur Smith n’offrait pas de salaire à Al, mais il lui payait des repas et lui prêtait de petites sommes d’argent – pas plus de 20 $ – à l’occasion. Toutefois, M. Collins a un jour vu M. Smith au volant du camion avec Al à bord du véhicule et l’a avisé qu’aucun autre passager ne devait se trouver à l’intérieur, conformément aux règles strictes de la politique d’assurance responsabilité de Colden. Monsieur Smith a affirmé qu’à partir du 15 juillet 2008, une entente entre Comox Valley Distributors – la successeure de Freight – et United Steelworkers Union Local 1-363 (« Syndicat ») est survenue et qu’il croyait que cette entente s’appliquait à lui et à d’autres chauffeurs, même s’il n’était pas membre du syndicat. Monsieur Smith a dit ensuite que Colden n’a fait aucun prélèvement sur sa paie pendant la période pertinente et ne lui a pas fourni de formulaire T4 pour les années d’imposition 2007 et 2008. Monsieur Smith a déclaré avoir eu [TRADUCTION] « quelques entretiens » avec M. Collins à propos de son statut d’emploi mais n’a pas été inscrit à la liste de paie de Colden. Il a dit qu’il continuait à travailler dans ces conditions parce qu’il avait besoin de cet emploi. À partir de janvier ou février 2008, Colden a commencé à déduire les frais mensuels rattachés au téléphone Mike et à la prime de la Workers’ Compensation Board (« WCB ») imputable à M. Smith et l’a remise en son nom. Tout au long de son emploi, le salaire de M. Smith n’était calculé qu’à partir de 45 % du revenu brut qu’il générait chaque jour dans le cadre de l’exécution de ses tâches avec le camion de Colden. (Un chèque dans la pièce R-2 indique 40 % sur la ligne réservée à une note, mais il s’agit probablement d’une erreur.) Monsieur Smith a lavé le camion à quelques reprises, payé les frais encourus de sa poche et n’a pas cherché à se faire rembourser. Il affirme qu’il attendait que son statut soit changé pour celui d’un employé, en raison de la convention collective qui, croyait-il, s’appliquait à lui de même qu’à d’autres chauffeurs suppléants. Toutefois, il ne s’est pas entretenu avec un représentant syndical pendant son emploi chez Colden qu’il a quitté le 14 août 2009. Monsieur Smith a dit aussi qu’il était en disponibilité de 7 h 30 jusqu’à 16 h 30 un samedi sur deux. En juillet 2009, il a travaillé 5 jours et demi à l’intérieur d’une semaine parce qu’un autre chauffeur s’était blessé. Au cours de la période pertinente, M. Smith gagnait en moyenne environ 3 000 $ par mois. Monsieur Smith a dit que [TRADUCTION] « M. Collins me demandait constamment une facture » et il se rappelait avoir signé un document pour se conformer à la demande.

 

[4]              Contre-interrogé par l’avocat de l’intimé, M. Smith a expliqué la méthode de calcul du revenu généré par le travail effectué avec le camion, qui prenait en compte des facteurs comme le poids, la distance et tout autre coût supplémentaire afférent au caractère résidentiel ou aux livraisons hors de l’itinéraire prévu. Le temps d’attente n’était pas rémunéré. Monsieur Smith savait qu’avant d’être acheté par Colden, le camion de 5 tonnes en question avait permis à son ancien propriétaire de toucher un revenu mensuel d’environ 12 000 $ et que Freight – ou la compagnie qui lui a succédé – avait accepté de payer à Colden au moins 5 000 $ par mois. L’avocat a montré à M. Smith la photocopie d’un document – la pièce R-1 – établi au nom de « Stu’s Contract Driving », où des montants – totalisant 18 387,59 $ – figurent pour chacun des mois de janvier à juin 2008, comme ayant été reçus de Colden. Monsieur Smith a reconnu une liasse de chèques photocopiés – la pièce R-2 – tirés du compte de Colden à la Banque Scotia de Campbell River. L’avocat a signalé que le mot [TRADUCTION] « contrat » était inscrit sur la ligne réservée à une note figurant dans le coin inférieur gauche d’une bonne douzaine de chèques. Monsieur Smith a reconnu la présence de ce mot et d’autres appellations sur les chèques qui lui ont été présentés, par exemple [TRADUCTION] « contrat de transport routier », « contrat de route », ou « salaire du contractuel » suivies par une note indiquant « 40 % » ou « 45 % ». Monsieur Smith a déclaré qu’en juillet 2008, il s’est rendu compte que le syndicat avait conclu une entente avec Colden et que M. Collins l’avait signée au nom de son entreprise. D’après ce que M. Smith a compris des modalités de cette entente, les chauffeurs suppléants ou à temps partiel devaient être payés à l’heure. Monsieur Smith a reconnu qu’avant d’avoir appris l’existence de l’entente en juillet 2008, il n’avait pas discuté avec M. Collins de son statut d’emploi ni de l’absence des retenues à la source pour l’assurance-emploi, (l’« AE ») ou pour le Régime de pensions du Canada (« RPC »). Monsieur Smith se souvenait d’avoir entendu M. Collins dire qu’il allait [TRADUCTION] « probablement devoir payer davantage » ses chauffeurs à temps partiel, dont lui-même, à cause de cette nouvelle convention collective. Toutefois, M. Collins n’a jamais donné son accord à ce que M. Smith devienne employé de Colden. Monsieur Smith a déclaré que la répartition était établie à 8 h et qu’un employé à l’entrepôt était affecté aux lots de chaque camion. Le conducteur de chariot élévateur à fourche était un employé de Freight et il utilisait cette machine afin de charger les matériaux et l’équipement devant être livrés. Lorsque sa livraison avait été effectuée, M. Smith retournait à l’entrepôt pour y prendre un autre chargement. Freight s’occupait de la répartition mais M. Smith pouvait choisir son itinéraire et prioriser certaines livraisons, à moins que le répartiteur n’ait déjà établi que l’une d’entre elles était urgente. Monsieur Smith a reconnu qu’un mois et plus pouvait séparer les moments où il avait un contact avec M. Collins. Il était d’accord pour dire qu’il n’y avait eu aucune discussion concernant la possibilité qu’il engage un assistant et qu’il comprenait qu’il ne pouvait engager un chauffeur suppléant. Monsieur Smith a déclaré que lorsqu’il conduisait un camion pour Sean ou pour Bob, ils le payaient directement, à raison de 45 % des revenus générés par le travail fait avec le camion. Monsieur Smith a déclaré qu’il inscrivait son revenu chaque mois sur un calendrier et que bien qu’il n’avait aucune entente avec M. Collins à propos de son statut d’emploi chez Colden, il se considérait comme un chauffeur/employé. Il ne se rappelait pas comment il faisait le compte rendu de ses heures travaillées auprès des deux autres camionneurs, Sean et Bob, puisqu’il n’avait conduit pour Sean qu’une seule journée.

 

[5]              Monsieur Collins, le représentant de l'intervenante, n'a pas contre-interrogé le témoin.

 

[6]              L’appelant a clos sa preuve.

 

[7]              Monsieur Collins a été appelé à témoigner par l'avocat de l’intimé. Il a témoigné être le président de Colden et en même temps camionneur. Monsieur Collins a affirmé avoir rencontré M. Smith – qui lui avait été recommandé par un ami mutuel – et lui avoir parlé de la possibilité de conduire un camion pour Colden à temps partiel et de toucher 45 % des revenus générés par le travail accompli avec le camion. Monsieur Collins a déclaré avoir informé M. Smith dès le début de leur relation de travail qu’il fallait soumettre une facture chaque mois chez Colden – pour la comptabilité et l’impôt – afin de rendre compte du montant versé pour ses services. À un moment donné, M. Smith a offert une déclaration écrite – la pièce R-1 – qu’il avait lui-même rédigée à la main, sur laquelle figurait le syntagme [TRADUCTION] « Services de conduite à contrat de Stu ». Monsieur Collins a déclaré que le nom d’entreprise utilisé ne lui importait pas, mais il a suggéré que le mot « contrat » ou une appellation descriptive similaire soit écrite sur chaque chèque de paie, afin de mettre en évidence la nature de leur relation de travail. Monsieur Collins a déclaré qu’il n’avait pas discuté avec M. Smith des retenues à la source pour l’AE, le RCP ou l’impôt sur le revenu. Les quelques fois où M. Smith n’était pas en mesure de conduire, M. Collins le faisait puisque Colden n’avait qu’un seul camion, lequel était contractuellement lié à Freight. Il a confirmé que M. Smith ne pouvait pas engager un chauffeur suppléant sans autorisation préalable et qu’il ne pouvait pas utiliser le camion de Colden pour effectuer des livraisons pour une entreprise autre que Freight. Monsieur Collins a déclaré qu’il avait acheté le camion grâce à Colden pour tenter de quitter l’industrie du couvre-plancher dans laquelle il avait passé la majorité de sa vie professionnelle. Toutefois, il est encore actif dans ce domaine. Monsieur Collins a déclaré qu’il avait parlé à M. Smith de la possibilité de lui louer le camion, mais ce projet ne s’est pas réalisé pour plusieurs raisons, notamment parce que l’avocat de l’entreprise lui avait conseillé de ne pas le faire étant donné que le processus serait trop compliqué. Messieurs Collins et Smith ont aussi discuté de la possibilité pour M. Smith d’acheter le camion pour 25 000 $, et de la possibilité de lui céder le contrat entre Colden et Freight. Avant sa discussion avec M. Smith, M. Collins avait obtenu la confirmation du directeur de Freight selon laquelle M. Smith pouvait fournir ses services à titre de propriétaire/exploitant. Monsieur Collins a déclaré que d’après ce qu’il avait compris de la convention collective entrée en vigueur en juillet 2008, elle ne s’appliquait qu’aux chauffeurs qui y étaient désignés en tant que [TRADUCTION] « chauffeurs suppléants » et que M. Smith fournissait ses services de chauffeur à temps plein, selon un horaire régulier. Monsieur Collins a dit qu’il avait parlé à un représentant syndical et avait alors appris que Colden pouvait faire appel à des chauffeurs non syndiqués et que l’arrangement selon lequel ils obtenaient 45 % des revenus générés par le travail fait avec le camion était acceptable. Lorsque M. Smith a quitté son emploi, M. Collins a pris sa place derrière le volant afin de remplir l’obligation de Colden envers Freight.

 

[8]              L’avocat de l’intimé a clos sa preuve.

 

[9]              L’agent de l’intervenante n’a présenté aucune preuve.

 

[10]         Selon l’avocat de l’intimé, malgré le désaccord de l’appelant et de M. Collins sur la question de l’intention lors de l’audience des présents appels, l’examen de la preuve étaye la conclusion voulant que les parties avaient dès le début, envisagé que M. Smith fournisse ses services à Colden, à titre d’entrepreneur indépendant pour conduire le camion. Il n’y a eu aucune retenue à la source lors des paiements des factures soumises par M. Smith, lesquelles étaient calculées à partir de 45 % du revenu brut du travail fait avec le camion qu’il conduisait. Monsieur Smith a préparé le relevé des fonds reçus de Colden – la pièce R-1 – en réponse aux demandes répétées de M. Collins, qui voulait l’obtenir à des fins de comptabilité générale. La répartition des camions était prise en charge par Freight, à titre de mandataire de Colden, conformément à l’entente qu’elles avaient conclue et – parfois M. Smith et M. Collins n’avaient aucun contrat jusqu’à un mois durant. Personne ne supervisait l’appelant pendant son travail et il pouvait choisir ses itinéraires de livraison ainsi que l’ordre des livraisons, sauf lorsqu’une livraison était désignée prioritaire. Monsieur Smith aurait pu conduire chez un compétiteur de Colden (il ne l’a pas fait), mais il n’aurait pu utiliser le camion de Colden. Monsieur Smith pouvait prendre congé, mais il ne pouvait engager d’assistants ou obtenir les services d’un chauffeur suppléant sans l’autorisation de M. Collins. L’avocat a reconnu que le camion constituait la principale pièce d’équipement de travail et que Colden devait acquitter tous les frais reliés à son utilisation. Concernant le risque de perte et la possibilité de profit, l’avocat a allégué qu’il n’y avait pas vraiment de risques de perte, mais qu’il n’y avait pas de garantie de revenus non plus et que M. Smith devait ainsi consacrer une partie de son temps à Colden sans savoir quel revenu il pouvait gagner puisque celui-ci était lié au revenu brut généré par le travail effectué avec le camion de Colden. En ce qui concerne les intentions des parties, l’avocat a affirmé qu’elles étaient claires non seulement au début, mais tout au long de la relation de travail. L’appelant n’a changé d’idée que lorsqu’il a décidé qu’en raison de la convention collective établie entre le syndicat et le successeur de Freight, il devait être payé à l’heure et – ainsi – devenir automatiquement un employé de Colden. L’avocat a affirmé que les décisions du Ministre étaient justes et qu’elles devaient être confirmées.

 

[11]         L’appelant a admis qu’il avait été satisfait du travail qui avait été convenu avec Colden depuis le 1er octobre 2007, mais qu’à une date quelconque en 2008, soit au moment où Colden a commencé à déduire des frais mensuels de sa paie pour l’utilisation du téléphone Mike, cet arrangement ne lui convenait plus. Par la suite, M. Smith a dit qu’il n’avait d’autre choix que de continuer à fournir ses services malgré cette situation parce qu’il ne pouvait se permettre de quitter son emploi. Selon lui, il aurait dû devenir employé chez Colden après l’entrée en vigueur de la convention collective en juillet 2008.

 

[12]         Monsieur Collins n’a présenté aucun argument au nom de Colden.

 

[13]         Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (« Sagaz »), la Cour suprême du Canada était saisie d’une affaire de responsabilité du fait d’autrui et, dans le cadre de son examen de diverses questions pertinentes, elle devait en outre se demander ce qu’est un entrepreneur indépendant. Le jugement de la Cour a été prononcé par M. le juge Major, qui s’est penché sur l’évolution de la jurisprudence quant à l’importance de la différence qui existe entre un employé et un entrepreneur indépendant au regard de la responsabilité du fait d’autrui. Après s'être reporté aux motifs énoncés par le juge MacGuigan dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1986] 2 C.T.C. 200, et à la mention qui y était faite du critère d'organisation énoncé par lord Denning – ainsi qu’à la synthèse que le juge Cooke avait faite dans l'arrêt Market Investigations Ltd. c. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 -, le juge Major a dit ce qui suit aux paragraphes 47 et 48 de ses motifs  :

47                Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48 Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[14]         J’examinerai les faits des présents appels à la lumière des critères énoncés par le juge Major dans l’arrêt Sagaz.

 

Degré de contrôle

 

[15]         L’appelant est un chauffeur d’expérience qui n’avait pas besoin de supervision. Le camion Colden était chargé et Freight était chargée de la répartition, conformément à son contrat avec Colden. Monsieur Smith exécutait ses fonctions la journée même afin de satisfaire aux exigences de livraison. Il devait rester en contact avec le répartiteur, mais il n’avait pas besoin de se rapporter à la centrale entre ses livraisons ou de rendre compte de ses heures de travail de quelque manière que ce soit. Monsieur Smith pouvait choisir les itinéraires les plus convenables et effectuer ses livraisons dans l’ordre le plus rentable. Le fait que M. Collins n’avait aucun contact avec M. Smith pendant de longues périodes de temps ne serait pas très important, si la preuve avait établi que le contrôle avait été cédé à Freight dans le cadre d’un contrat et que celle-ci avait obligé M. Smith à se plier à certaines exigences comme le port d’un uniforme, le fait de s’enregistrer à l’entrée et à la sortie de l’entrepôt, de donner les indications de son emplacement de façon régulière, d’enregistrer son départ à la fin de la journée, et ainsi de suite. Rien de tel n’a été établi dans les présents appels.

 

Fourniture de l’outillage et engagement d’assistant

 

[16]         L’appelant devait effectuer lui-même le travail et ne pouvait pas embaucher d’assistants ou se trouver lui-même un chauffeur suppléant. Monsieur Collins lui a dit de ne plus prendre de passagers avec lui lorsqu’il faisait des livraisons. Tout l’équipement de travail nécessaire pour effectuer les livraisons était fourni par Colden – entreprise propriétaire du camion – ou par Freight, qui s’occupait de l’entrepôt et fournissait le chariot élévateur à fourche, les palettes, et un employé qui chargeait les camions.

 

Étendue des risques financiers et responsabilité quant aux mises de fonds et à la gestion

 

[17]           L’appelant ne courait aucun risque financier, mais il n’avait aucune garantie de revenu non plus, quel que soit le temps qu’il investissait chez Colden : les revenus dépendaient des livraisons assignées au camion que conduisait le chauffeur de Colden.

 

Possibilité de tirer profit de l’exécution de ses tâches

 

[18]         Comme il en a été question plus tôt, le revenu de l’appelant était lié au revenu brut généré par le travail fait avec le camion qu’il conduisait. Comme il possédait de l’expérience dans le domaine de la messagerie et des livraisons, il savait – plus ou moins – combien il avait gagné à la fin de chaque journée grâce aux détails inscrits sur ses feuilles de route et sur les reçus de livraison. Le calcul se faisait selon le pourcentage approprié, 40 % – le taux inscrit sur l’un des chèques daté du 15/11/2007 de la pièce R-2 – ou 45 % par la suite. Il pouvait, dans une certaine mesure choisir ses itinéraires et rentabiliser ses livraisons en retournant à l’entrepôt chercher un autre chargement, avant qu’un autre camion et son chauffeur ne soient revenus. Toutefois, ce choix n’ayant aucune incidence pratique, il est peu probable qu’il ait grandement affecté son revenu. L’appelant savait qu’il ne serait rémunéré pour ses services que selon un pourcentage fixe du revenu généré par son travail avec l’unique camion de Colden, lequel servait à l’exécution du contrat conclu avec Freight. Monsieur Smith connaissait l’ancien propriétaire du camion et savait que le revenu qu’il avait généré l’année précédente était d’environ 12 000 $ par mois, alors qu’il servait également à l’exécution d’un contrat conclu avec Freight pour effectuer des livraisons dans la région de Campbell River.

 

La question de l’intention

 

[19]         Dans plusieurs affaires récentes dont Wolf c. Canada, 2002 DTC 6853 (C.A.F.); The Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Minister of National Revenue), 2006 DTC 6323 (C.A.F.), Vida Wellness Corp. (f.a.s. Vida Wellness Spa) c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.I. no 570 (« Vida Wellness »), et City Water International Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.F. no 1653, aucune question ne se posait à ce sujet parce que les parties avaient clairement convenu que la personne fournissant ses services le ferait à titre d'entrepreneur indépendant et non en tant qu'employé. Ce n’est pas le cas dans les présents appels, puisque l’appelant insiste pour dire que la convention collective commandait la modification de son statut d’emploi après le 18 juillet 2008 et qu’il n’était plus satisfait de l’arrangement qu’il avait avec Colden concernant son travail depuis que, dès les premiers mois de l’année 2008, Colden avait commencé à déduire des frais mensuels de son revenu pour le téléphone Mike. Cette situation, bien qu’agaçante pour M. Smith, ne l’a pas porté à prendre des mesures ou exprimer le fait qu’il n’était plus satisfait de l’arrangement qu’il avait avec Colden. Monsieur Smith avait exploité sa propre entreprise de messagerie pendant 6 ans et était donc en mesure d’estimer avec justesse les revenus que ce camion de 5 tonnes pouvait générer si son propriétaire le conduisait dans l’exécution d’un contrat conclu avec Freight. Il utilisait le nom d’entreprise « Stu’s Contract Driving » pour mettre en évidence ses compétences personnelles de chauffeur de camion et avait touché des revenus en conduisant pour Bob pendant 3 semaines et pour Sean pendant une ou deux journées – les deux hommes étant aussi des propriétaires/exploitants – de l’ordre de 45 % du revenu brut généré à l’aide de leur camion.

 

[20]         Les éléments de preuve présentés au sujet de la convention collective ne me permettent pas d’établir avec certitude qu’elle s’appliquait à la relation de travail liant l’appelant et Colden depuis juin 2007. L’appelant a dit dans son témoignage qu’il était couvert par la convention collective de 2008 et qu’il aurait dû être automatiquement reconnu en tant que syndiqué et que Colden devait donc lui rembourser les frais mensuels qu’elle avait déduits – comme il était à présent employé – de sa paie qui s’établissait à 19 $ l’heure conformément à la convention. Monsieur Collins a indiqué dans son témoignage qu’il n’était pas d’accord avec M. Smith pour dire que la partie de la convention collective concernant les chauffeurs suppléants s’appliquait à M. Smith compte tenu de ce qu’avait été leur relation de travail jusqu’à l’adoption de la convention et qu’il avait rencontré des représentants syndicaux afin d’expliquer le processus de partage des profits qui servait à rémunérer M. Smith. Suivant l’avortement des négociations en vue de louer ou vendre le camion à M. Smith afin qu’il continue à faire des livraisons pour Freight et suivant la décision de M. Smith de cesser d’offrir ses services de camionneur, M. Collins a pris la relève pour conduire le camion de Colden.

 

[21]         Le travail du juge de première instance est moins ardu lorsque les parties s’entendent pour qualifier leurs statuts. L’issue de l’affaire dépend alors de la réponse à la question de savoir si les faits entourant la relation de travail appuient ces statuts, puisque le droit établit clairement que les parties ne peuvent pas choisir leur statut simplement en le définissant. (Voir : Standing c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1992] A.C.F. n890).

 

[22]         Il existe d’autres affaires dans lesquelles la question de l’intention ne s’est pas posée pendant la relation de travail et elle doit s’apprécier en fonction de l’examen des circonstances. En l’espèce, les parties ne s’entendaient pas relativement à une partie – ultérieure au 18 juillet 2008 – de la période pertinente. Je suis convaincu au vu de la preuve que MM. Smith et Collins – au nom de Colden – avaient l’intention, tout au long de la période pertinente de considérer M. Smith comme un entrepreneur indépendant offrant ses services de chauffeur et ayant droit à un pourcentage fixe des revenus générés par les livraisons par camion, pour Freight. Comme j’ai tiré cette conclusion, chaque décision pertinente permet de dire que les parties, avaient clairement exprimé leur intention commune – par écrit ou autrement – de sorte que ce point en litige est éliminé du procès.

 

[23]         Dans Ballet, précité, la question à l’examen était celle de savoir si les danseurs étaient des employés ou des entrepreneurs indépendants. La Canadian Actors' Equity Association (la « CAEA »), en sa qualité d'agent négociateur des danseurs, appuyait la position prise par le Royal Winnipeg Ballet (le « RWB »). En arrivant à la conclusion que les danseurs n’étaient pas des employés du RWB, la juge Sharlow (J.C.A.) a déclaré ce qui suit aux paragraphes 60 à 64, en renvoyant à l’arrêt Wolf, précité :

 

[60] Le juge Décary n’affirmait pas que la nature juridique d’une relation donnée est toujours celle que lui prêtent les parties. Il faisait référence en particulier aux articles 1425 et 1426 du Code civil du Québec, qui énoncent des principes du droit des contrats que l’on retrouve également en common law. Un de ces principes veut que, lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat, il faut rechercher l’intention commune des parties plutôt que de s’en remettre uniquement au sens littéral des mots utilisés. Un autre principe est que, pour interpréter un contrat, il convient de tenir compte des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que lui ont déjà donnée les parties ou d’autres personnes, ainsi que de l’usage. La conclusion inévitable est qu’il faut toujours examiner les éléments de preuve qui reflètent la façon dont les parties ont compris leur contrat et leur accorder une force probante appropriée.

 

[61] Je souligne, une fois de plus, que cela ne veut pas dire que les affirmations que font les parties quant à la nature juridique de leur contrat sont concluantes. Cela ne veut pas dire non plus que les déclarations que font les parties quant à leurs intentions doivent nécessairement amener le tribunal à conclure que leurs intentions ont été concrétisées. Pour paraphraser la juge Desjardins (au paragraphe 71 des motifs principaux de l’arrêt Wolf), lorsqu’il est prouvé que les termes du contrat, examinés dans le contexte factuel approprié, ne reflètent pas la relation juridique que les parties affirment avoir souhaité établir, alors il ne faut pas tenir compte de leur intention déclarée.

 

[62]      La question de savoir si l'intention contractuelle qu'une des parties déclare avoir eue coïncide avec celle de l'autre partie donne fréquemment lieu à des différends.  En particulier, dans les appels intentés aux termes du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l'assurance-emploi, il arrive que les parties présentent des preuves contradictoires au sujet de la nature de la relation juridique qu'elles souhaitaient créer. Ce genre de différend prend habituellement naissance dans le cas où une personne est embauchée pour fournir des services et signe un formulaire de contrat présenté par l'employeur dans lequel la personne en question est qualifiée d'entrepreneur indépendant. L'employeur insère parfois une telle clause dans le contrat dans le but d'éviter de créer une relation employeur-employé. Il arrive que la personne en question affirme par la suite qu'elle était une employée. Elle pourrait déclarer qu'elle s'est sentie obligée d'indiquer son consentement sur le formulaire de contrat pour des raisons financières ou autres. Elle pourrait également déclarer qu'elle pensait, malgré le fait qu'elle a signé un contrat contenant ces termes, qu'elle serait traitée comme les autres travailleurs qui étaient manifestement des employés. Dans ce genre d'affaire, le tribunal pourrait fort bien conclure, en se fondant sur les facteurs exposés dans l'arrêt Wiebe Door, que la personne en question est une employée, mais cela ne veut pas dire que l'intention des parties n'est pas pertinente. En fait, les parties sont généralement d'accord sur le sens à donner à la plupart des modalités énoncées dans leur contrat. Cela veut simplement dire qu'une stipulation du contrat portant sur la nature juridique de la relation créée par celui-ci n'est pas déterminante.

 

[63] Ce qui est inhabituel en l’espèce, c’est qu’il n’y a pas d’accord écrit qui vise à qualifier la relation juridique existant entre les danseurs et le RWB, et que, parallèlement, les parties s’entendent sur ce qu’elles croient être la nature de leur relation. La preuve relève que le RWB, la CAEA et les danseurs pensaient tous que les danseurs étaient des travailleurs indépendants et que toutes ces parties ont agi en conséquence. Le litige portant sur la nature de la relation juridique existant entre les danseurs et le RWB vient du fait qu’un tiers (le ministre), qui a un intérêt légitime à ce que la relation juridique soit correctement qualifiée, souhaite faire écarter le témoignage des parties au sujet de leur intention commune parce que ce témoignage n’est pas compatible avec les faits objectifs.

 

[64] Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de l’arrêt Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l’ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s’ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C’est parce que le juge n’a pas adopté cette approche qu’il en est arrivé à une conclusion erronée.

 

 

[24]         Dans des motifs concourants, la juge Desjardins a dit ce qui suit au paragraphe 71  :

 

[71] La question de savoir si les parties ont conclu un contrat de travail aux fins de l’AE ou du RPC a soulevé de nombreuses difficultés au cours des ans, comme en témoigne la jurisprudence émanant de la Cour. Je ne pense pas qu’il convienne de priver le juge de common law de la possibilité de tenir compte de l’intention des parties, et ce, afin qu’il puisse confronter cette intention aux facteurs objectifs et aux circonstances factuelles de l’affaire lorsqu’il rend sa décision définitive.

 

 

 

 

[25]         Au paragraphe 80, la juge Desjardins a fait les commentaires suivants :

 

[80] Compte tenu de la jurisprudence mentionnée ci-dessus, je ne vois aucune raison convaincante qui empêcherait le juge de common law, amené à trancher la difficile question de savoir s’il s’agit d’un contrat d’entreprise ou d’un contrat de louage de services, de recourir à tous les critères et indices possibles dans le but de déterminer la véritable nature de la relation unissant les parties.

 

 

[26]         Vu ma conclusion selon laquelle les parties avaient mutuellement convenu dès le départ que M. Smith fournirait ses services à titre d’entrepreneur indépendant, l’examen du comportement subséquent des parties révèle qu’il était fidèle à l’intention de départ. À une autre époque, il était courant que le chauffeur soit muni de son propre camion – en plus de sa remorque, lorsque nécessaire – et d’autres pièces d’équipement. Toutefois, le coût grandissant pour l’achat d’un camion convenable et pour ce genre d’entreprise dans le contexte d’une vive concurrence à l’échelle nationale et internationale et d’une réglementation gouvernementale complexe, a considérablement changé la profession. De nos jours, la fourniture de services de camionnage constitue une entreprise viable qu’exploitent des individus travaillant à leur propre compte, et qui est comparable à toute autre entreprise où la fourniture de compétences ou de services constitue le fondement de l’entreprise ou à tout le moins son activité principale.

 

[27]         J’étais juge de l’affaire A.L.D. Enterprises Inc. c. Canada (Ministre du revenu national – M.R.N.), [2007] A.C.I. no 36 dans laquelle le payeur avait conclu un contrat écrit avec deux chauffeurs qui utilisaient ses grands routiers. Il défrayait tous les coûts d’exploitation des camions et les travailleurs étaient payés selon les factures présentées relatant le travail effectué. Les conducteurs n’étaient pas remboursés pour les repas et autres dépenses engagées, n’avaient droit à aucun avantage et aucune retenue à la source n’était faite sur leur paie. Ils devaient respecter des délais étant donné qu’ils transportaient des denrées périssables, mais ils pouvaient choisir leur propre horaire, itinéraire, heures de repas et périodes de repos. Ils n’étaient pas surveillés lorsqu’ils conduisaient et n’avaient pas la possibilité de réaliser des profits, sauf en faisant davantage de voyages. Au paragraphe 47 des motifs de cette décision, j'ai fait les remarques suivantes :

 

 

Dans les présents appels, je tiens à réitérer que les parties étaient indubitablement de bonne foi. Les chauffeurs, MM. Parks et Bellemare, voulaient fournir leurs services dans le contexte de l’exploitation de leur propre entreprise. M. Parks n’avait jamais fourni ses services à ALD dans quelque autre contexte, et ce, que ce soit en conduisant des camions ou en exécutant des travaux de construction ou de rénovation pour ALD ou pour d’autres clients. M. Bellemare avait conduit un camion pour une autre entreprise à titre d’entrepreneur indépendant et il voulait à tout prix conserver ce statut en conduisant pour ALD. Il estimait, ainsi que M. Parks, que le statut d’entrepreneur indépendant leur accordait une certaine liberté, peut-être bien conformément à l’impression d’être les chevaliers de la route, qu’avaient autrefois les conducteurs de grands chauffeurs.

 

[28]         Dans Dewdney Transport Group Ltd. c. M.R.N., 2009 CCI 569, le payeur a interjeté appel de la décision au motif qu’un chauffeur qui effectue des livraisons en vertu d’un contrat conclu avec Postes Canada est un entrepreneur indépendant, comme l’indiquait clairement leur entente écrite. Le travailleur a soutenu cet argument. J’ai instruit cette affaire et j’ai tenu aux paragraphes 29 et 30 les propos suivants :

 

[29]      Quant aux faits de la présente affaire, il est certain que les intéressés voulaient que M. Grewal fournisse ses services à titre d'entrepreneur indépendant et que le contrat actuel maintienne ce statut, qui avait été mentionné en toutes lettres dans une entente antérieure. L'absence de contrôle était semblable à l'absence de contrôle dans l'affaire A.L.D. et la possibilité pour M. Grewal de faire un profit l'obligeait à livrer un plus grand nombre de colis. M. Grewal n'était pas exposé à des risques de perte et la seule fonction de gestion qu'il exerçait consistait à prendre des dispositions pour se faire remplacer par un chauffeur provenant du bassin des entrepreneurs de Transport. Il y a un point important  : Transport gagnait son revenu en livrant des articles pour Postes Canada conformément à son contrat et elle était rémunérée à la pièce. Les chauffeurs gagnaient 70 p. 100 des frais bruts perçus par Transport, à condition que la livraison soit effectuée à l'aide d'une fourgonnette appartenant à Transport. Par conséquent, la possibilité pour M. Grewal et pour Transport de générer un revenu supplémentaire dépendait d'un nombre accru d'articles à livrer entre le centre de Maple Ridge et diverses destinations. La relation entre M. Grewal et Transport étaient quelque peu inhabituelle étant donné qu'ils pouvaient fonctionner « sur pilote automatique » sans supervision ou même sans communication régulières. Les intéressés agissaient selon l'intention exprimée dans le contrat écrit, même si certaines conditions qui y étaient stipulées n'avaient rien à voir avec le rendement de M. Grewal puisque ses services étaient uniquement fournis à Postes Canada et non à d'autres clients de Transport.

 

[30] La jurisprudence établit clairement qu'il ne faut pas trancher ces affaires compte tenu du fait qu'une majorité des facteurs habituels militent en faveur d'un statut particulier. Il faut veiller à ne pas se fonder strictement sur une conclusion d'existence d'un statut privilégié dans chaque analyse de ces facteurs puisque pareil compartimentage, s'il n'est pas tenu compte de la substance de la preuve dans son ensemble, peut produire un résultat erroné. L'absence de contrôle dans la présente affaire est une force importante qui étaye le point de vue selon lequel M. Grewal était un entrepreneur indépendant. D'autre part, M. Grewal n'était exposé à aucun risque financier. Il avait un rôle du fait qu'il gérait la partie importante des activités de livraison du centre dont il s'occupait en veillant à ce que ses chargements de courrier soient livrés en temps opportun même s'il devait prendre des dispositions pour se faire remplacer. M. Grewal n'avait pas engagé de fonds dans Transport et sa capacité de gagner plus d'argent était liée au nombre d'articles qui étaient livrés. Compte tenu des limites particulières de l'activité exercée par M. Grewal, il n'est pas difficile de reconnaître que celui-ci fournissait ses services à Transport à son compte. Il n'était pas nécessaire pour M. Grewal d'avoir acquis les caractéristiques habituelles de la commercialité afin de générer un revenu. M. Grewal était satisfait de conclure un contrat écrit qui – selon la clause 8.1 – permettait à l'une ou l'autre partie de résilier l'entente – sans avoir à donner de motifs – en donnant un préavis de 30 jours de son intention. Malgré cette clause offrant une échappatoire, la relation de travail des intéressés durait depuis plusieurs années.

 

[29]    Dans les deux affaires précitées, il n’y avait pas de mésentente à propos de l’intention des parties, ce qui m’a déchargé d’en faire l’évaluation. Toutefois, une fois cette question réglée dans les présents appels, plus rien ne les distingue de ces affaires et l’intention des parties reprend sa place dans l’analyse de la preuve que commande la jurisprudence pertinente.

 

[30]    Compte tenu des faits dans les présents appels et de la jurisprudence pertinente, je conclus que l’appelant n’a pas démontré que les décisions du Ministre sont erronées et en conséquence, je confirme les deux décisions. Les deux appels sont rejetés.

           

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 14e jour de janvier 2011.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de février 2011

Laurent Brisebois

Linda Brisebois, LL.B., réviseure

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 20

 

Nos DES DOSSIERS

DE LA COUR :                                  2010-1033(EI); 2010-1034(CPP)

 

INTITULÉ :                                       STUART SMITH ET M.R.N. ET COLDEN HOLDINGS LTÉE.

 

LIEU DE L’AUDIENCE  :                  Nanaimo (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE  :                 Le 7 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT  :                  Le 14 janvier 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant

L’appelant lui-même

Pour l’intimé

Me Matthew Canzer

Représentant de l’intervenante

M. Denis M. Collins

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

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