Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2010-1699(GST)I

 

ENTRE :

9180-2801 QUÉBEC INC.,

appelante,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel fixé pour audition le 22 février 2011, à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

David Jondeau

Avocate de l’intimée :

Me Valérie Ouellet

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel de la cotisation établie par le ministre du Revenu du Québec pour l’Agence du revenu du Canada, en date du 31 août 2009 en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2009 pour un montant de 822,36 $ (incluant les intérêts) est rejeté et ladite cotisation est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2011.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 


 

 

 

Référence : 2011 CCI 129

Date : 20110228

Dossier : 2010-1699(GST)I

 

ENTRE :

 

9180-2801 QUÉBEC INC.,

appelante,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

[1]              L’appelante en appelle, par l’intermédiaire de son actionnaire majoritaire et président David Jondeau, d’une cotisation établie le 31 août 2009 par le ministre du Revenu du Québec (MRQ)  pour l’Agence du revenu du Canada, par laquelle on exige de l’appelante une taxe nette sur les produits et services (TPS) de 822,16 $ (incluant les intérêts) pour la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2009. Cette taxe nette correspond au montant de crédit de taxe sur les intrants (CTI) que le MRQ a refusé à l’appelante sur le prix d’achat au montant de 18 758,48 $ payé par cette dernière lors de l’acquisition le 19 février 2009 d’un véhicule automobile de marque Mazda de la même année.

 

[2]               L’intimée invoque le paragraphe 199(2) de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) pour refuser ces CTI. Je reproduis ci-après les paragraphes 199(2) et 199(3) de la LTA :


199.

[…]

(2) — Les règles suivantes s'appliquent à l'inscrit qui acquiert, importe ou transfère dans une province participante un bien meuble à utiliser comme immobilisation:

a) la taxe payable par lui relativement à l'acquisition, à l'importation ou au transfert du bien n'est incluse dans le calcul de son crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration que si le bien est acquis, importé ou transféré, selon le cas, en vue d'être utilisé principalement dans le cadre de ses activités commerciales;

b) pour l'application de la présente partie, il est réputé avoir acquis, importé ou transféré le bien pour l'utiliser exclusivement dans le cadre de ses activités commerciales s'il l'a acquis, importé ou transféré, selon le cas, pour l'utiliser principalement dans ce cadre.

(3) — Pour l'application de la présente partie, l'inscrit qui a acquis ou importé un bien meuble la dernière fois en vue de l'utiliser comme immobilisation mais non principalement dans le cadre de ses activités commerciales et qui commence, à un moment donné, à l'utiliser comme immobilisation principalement dans le cadre de ses activités commerciales est réputé, sauf s'il devient un inscrit à ce moment:

a) avoir reçu, au moment donné, une fourniture du bien par vente;

b) avoir payé, au moment donné et relativement à la fourniture, sauf s'il s'agit d'une fourniture exonérée, une taxe égale à la teneur en taxe du bien à ce moment.

 

[3]              L’intimée soutient que l’appelante n’a pas établi que le véhicule automobile a été acquis en vue d’être utilisé principalement dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[4]              Dans le cadre de la vérification, monsieur Jondeau a rempli un formulaire dans lequel il a indiqué qu’il utilisait le véhicule automobile de l’appelante dans une proportion de 60 % pour des fins d’affaires et de 40 % pour ses fins personnelles. Plus précisément, dans ce formulaire déposé sous la pièce I‑2, il indique une utilisation totale annuelle pour fins d’affaires de 8 000 à 9 000 km et de 6 000 km pour fins personnelles. Il calcule dans la distance parcourue pour fins d’affaires le kilométrage entre sa résidence personnelle, qui est le siège social de l’appelante, et le local loué pour l’entreprise (le bureau) ou le laboratoire de l’appelante qui se trouve à un autre endroit.

 

[5]              L’appelante exploite une entreprise de fabrication, d’exportation de produits naturels et de transformation d’herbes. Selon le formulaire produit (pièce I‑2), le vérificateur aurait conclu que la quasi-totalité du kilométrage indiqué pour fins d’affaires constituait des déplacements entre la résidence de monsieur Jondeau et son lieu de travail (voir paragraphe 6 k) de la Réponse à l’avis d’appel (Réponse)). Ces déplacements étant d’ordre personnel, le vérificateur a conclu que la majorité des déplacements de monsieur Jondeau avec le véhicule de l’appelante était d’ordre personnel (voir paragraphe 6 l) de la Réponse).

 

[6]              Lors de l’opposition, monsieur Gilles Gravel, agent d’opposition pour le MRQ, a examiné les registres mensuels de déplacements pour les mois de mars à décembre 2009. Il a expliqué en cour qu’il a reçu le dossier en opposition le 27 janvier 2010. Puisque le véhicule a été acquis le 19 février 2009, il a analysé la période d’utilisation du véhicule automobile du mois de mars 2009 (premier mois complet réel d’utilisation) jusqu’au mois de décembre 2009 (dernier mois d’utilisation dans l’année civile et aussi dernier mois complet d’utilisation avant le début de la révision sur opposition). Selon lui, cela constituait une période représentative de l’utilisation effectuée par monsieur Jondeau du véhicule automobile. Selon l’analyse des registres de déplacements fournis par monsieur Jondeau, il a calculé que le kilométrage personnel parcouru au cours de cette période, incluant les déplacements de la résidence au lieu de travail, totalisait 7 548 km et le kilométrage parcouru pour fins d’affaires totalisait 7 502 km, pour une distance totale de 15 050 km. Ceci donne un pourcentage de 50,15 % pour fins personnelles et de 49,85 % pour fins professionnelles. Dans le kilométrage alloué aux déplacements pour fins d’affaires, il a accepté tous les frais de déplacement à l’extérieur de la région pour les activités de formation et cours offerts par l’intermédiaire de la Fédération des médecines alternatives et l’École des médecines alternatives, et ce, malgré le fait qu’il n’ait pas eu en main toutes les pièces justificatives à l’appui de ces déplacements (voir Mémoire sur opposition, pièce I-1, onglet 1).

 

[7]              En cour, monsieur Gravel a expliqué qu’en janvier et février 2009, il n’y avait pratiquement aucun déplacement pour fins d’affaires (le véhicule n’ayant été acquis qu’à la mi-février 2009).

 

[8]              L’appelante ne conteste pas que les déplacements entre la résidence de monsieur Jondeau et le lieu de travail sont de nature personnelle. Ce qu’elle invoque, c’est que monsieur Gravel aurait dû analyser les déplacements sur une période d’une année complète, soit du mois de mars 2009 au mois de mars 2010, et non simplement sur une période de 10 mois. Monsieur Jondeau soutient qu’il y a eu une progression de l’utilisation du véhicule pour fins d’affaires et que si l’on tient compte de ses déplacements en janvier et février 2010, on arriverait, selon ses calculs, à une proportion de 54,08 % pour fins d’affaires et de 45,92 % pour l’utilisation personnelle. Il a déposé en preuve des documents démontrant qu’au cours du mois de janvier 2010, il a eu à se déplacer pour l’achat à Montréal d’une gamme de produits naturels (pièces A‑4, A‑5 et A‑6). Il a aussi déposé une invitation par l’École de formation M.K.O. pour que monsieur Jondeau donne des cours de formation à Québec, Saguenay et Trois-Rivières au cours des mois de janvier et février 2010, de même que la facturation par ce dernier à M.K.O. pour ces trois périodes de formation (pièces A‑7 et A‑8). L’appelante a également déposé des factures d’essence pour les mois de janvier et février 2010 (sans préciser toutefois à quels déplacements elles se rattachaient), et une facture pour des produits qu’il a dû aller récupérer à Québec même, en janvier 2010.

 

[9]              En résumé, l’appelante soutient que les mois d’été sont moins actifs pour fins d’affaires et qu’elle est pénalisée si l’on ne calcule pas le pourcentage d’utilisation du véhicule automobile sur une pleine période de 12 mois. De fait, selon son point de vue, les mois de janvier et de février 2010 ont été des mois actifs et si l’on en tient compte, on fait basculer le pourcentage représentant la portion affaires à plus de 50 %.

 

[10]         Bien que je comprenne le souci de l’appelante, je suis d’avis que le MRQ a fait une analyse suffisamment complète des déplacements de monsieur Jondeau pour conclure que dans les faits, il n’utilisait pas principalement le véhicule de l’appelante pour fins d’affaires. Les nouvelles données apportées en cour par monsieur Jondeau pourraient être analysées à nouveau dans le cadre d’une nouvelle réclamation par l’appelante pour établir si à compter du mois de janvier 2010, l’utilisation du véhicule automobile a changé au point que l’on puisse dire qu’elle est devenue principalement pour fins d’affaires. Ceci est possible par l’application du paragraphe 199(3) de la LTA.

 

[11]         Le fait que la période analysée ait été de 10 mois et non de 12 mois, tel que le préconise l’appelante, n’est pas un élément suffisant à mon avis pour réviser la décision du MRQ. Celui-ci a confirmé la cotisation en fonction des éléments en main au moment de l’opposition, et ceux-ci, même en acceptant des déplacements sans toutes les pièces justificatives, ne favorisaient pas l’appelante. Le test imposé par le paragraphe 199(2) de la LTA, en tant que tel, ne précise pas une période d’évaluation. Cette disposition législative exige que le véhicule ait été acquis en vue d’être utilisé principalement pour des fins commerciales. Il fallait donc que l’appelante démontre que telle était l’intention au moment de l’acquisition.

 

[12]         Dans l’affaire Coburn Realty Ltd. c. R., 2006 TCC 245, 2006 CarswellNat 1091, le juge en chef Bowman, tel qu’il était alors, s’exprimait ainsi à propos du paragraphe 199(2) de la LTA aux paragraphes 9 et suivants :

 

9     L'extrait du paragraphe 199(2) où il est indiqué « [...] en vue d'être utilisé principalement dans le cadre de ses activités commerciales » renferme des notions de but ou d'intention. La version anglaise de la disposition est compatible avec cette interprétation:

[...] for use primarily in commercial activities [...].

 

10     Les énoncés que fait le contribuable de ses buts et de ses intentions ne sont pas nécessairement et toujours le fondement le plus fiable sur lequel une question de ce genre peut être tranchée. L'utilisation réelle du bien constitue souvent la meilleure preuve du but de l'acquisition. Dans la décision 510628 Ontario Ltd. v. R., [2000] G.S.T.C. 58, 2000 G.T.C. 877 (T.C.C. [Informal Procedure]), il est indiqué ce qui suit:

 

[11] Il y a lieu de noter que l'expression « en vue d'être utilisé [...] » nécessite la détermination de l'objet de l'acquisition, non de l'utilisation réelle. Néanmoins, je crois qu'en pratique, si un bien est utilisé en fait principalement à des fins commerciales, il est raisonnable d'inférer qu'il a été acquis à ces fins.

 

11     Je me penche donc sur l'utilisation réelle du bateau. M. Coburn a témoigné que le bateau était utilisé pour recevoir des clients et récompenser ses vendeurs. Il a fait savoir que l'appelante cherchait à étendre ses activités à l'exploitation du marché immobilier de la région du chalet. J'accepte le fait qu'il voulait étendre les activités commerciales de l'appelante, mais je ne suis pas convaincu que le bateau était utilisé ou qu'il avait été acquis en vue d'être utilisé principalement dans le cadre des activités commerciales de l'appelante. Bien que j'estime que le bateau avait probablement été utilisé à des fins commerciales de temps à autre, les éléments de preuve relatifs à l'utilisation réelle du bateau n'appuient pas la conclusion selon laquelle il a été acquis en vue d'être utilisé principalement dans le cadre des activités commerciales de l'appelante.

 

12     En règle générale, il est considéré que le terme « principalement » équivaut à une proportion de plus de 50 %. Toutefois, le problème qui se pose est celui de savoir à quoi il faut appliquer le 51 %. Faut-il l'appliquer à la durée de l'utilisation du bateau, au nombre de sorties en bateau, à la distance parcourue, au nombre de passagers, à la durée du voyage, à la valeur des affaires conclues ou au nombre de visites de terrains qui pourraient être vendus? Tous ces facteurs peuvent être pertinents et ils permettent de constater qu'il est difficile d'appliquer un critère mécanique à la situation. Il s'agit, en fin de compte, d'une question de jugement et de bon sens.

 

[…]

 

17     Dans l'éventualité où l'utilisation du bateau à des fins commerciales accroît au point où il peut être affirmé que cette utilisation constitue l'utilisation principale du bateau, l'appelante pourra obtenir un certain allègement dans une année ultérieure en vertu du paragraphe 199(3) de la Loi. Ce n'était pas le cas en 2003. Il aurait fallu que la preuve soit plus convaincante et exhaustive que celle qui a été présentée.

 

[13]         Dans la présente instance, la preuve ne démontre pas que selon l’utilisation réelle du véhicule automobile, l’intention au départ était de l’utiliser principalement pour des fins commerciales. L’appelante ne m’a pas apporté non plus de preuve suffisante établissant qu’au moment de l’acquisition, le but premier de cet achat était tel. En fait, si l’on regarde attentivement l’utilisation du véhicule dans le mois suivant l’achat, celui-ci n’a été utilisé à toutes fins pratiques qu’à des fins personnelles. Par la suite, ce ne sont que dans les mois d’avril, mai et octobre 2009 que l’utilisation pour fins d’affaires a nettement dépassé l’utilisation personnelle. Dans tous les autres mois, à l’exception du mois de novembre où l’utilisation commerciale a légèrement dépassé l’usage personnel, ce dernier usage prédominait (voir le sommaire du registre des déplacements, pièce I‑1, onglet 6).

 

[14]         Je conclus donc que l’appelante ne m’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a acquis le véhicule automobile de marque Mazda de l’année 2009 en vue d’être utilisé principalement dans le cadre de ses activités commerciales pour avoir droit au crédit de taxe sur les intrants sur le prix d’acquisition de ce véhicule au cours de la période en litige, aux termes du paragraphe 199(2) de la LTA.

 

[15]         Pour ces raisons, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2011.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 129

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-1699(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              9180-2801 QUÉBEC INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 22 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 28 février 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

David Jondeau

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Valérie Ouellet

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.